• Aucun résultat trouvé

Le développement de l'insomnie et des troubles anxieux : étude qualitative

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Le développement de l'insomnie et des troubles anxieux : étude qualitative"

Copied!
121
0
0

Texte intégral

(1)

Le développement de l'insomnie et des troubles anxieux

: étude qualitative

Mémoire doctoral

Sara-Ève Nadeau

Doctorat en psychologie

Docteure en psychologie (D. Psy.)

(2)

Le développement de l’insomnie et des troubles anxieux :

étude qualitative

Mémoire

Sara-Eve Nadeau

Sous la direction de :

Annie Vallières, directrice de recherche

(3)

RÉSUMÉ

Les personnes souffrant d’insomnie présentent une comorbidité élevée avec les troubles anxieux (19,3 %). Les recherches sur le sujet indiquent que ces troubles ont une influence réciproque, mais les modèles étiologiques de l’insomnie et de l’anxiété ne nous informent pas des processus par lesquels ils se développent conjointement. La présente étude est de nature qualitative et s’intéresse à la perception qu’ont les individus du développement et du maintien de l’anxiété et de l’insomnie comorbides, dans le but d’enrichir les modèles étiologiques existants. Treize participants (7 hommes, 6 femmes ; moyenne d’âge de 45 ans) ont pris part à une entrevue individuelle après une évaluation psychologique en clinique du sommeil. Les participants avaient un diagnostic d’insomnie et de l’anxiété comorbides qui provoquaient de la détresse et des difficultés dans le fonctionnement. L’approche qualitative, le cadre théorique de Kleinman et le paradigme constructiviste ont orienté la collecte de données et l’analyse de celles-ci. Les entrevues qualitatives ont été enregistrées. Par la suite, l’analyse thématique a été effectuée. Quatre variables psychologiques influençant l’étiologie de l’insomnie et de l’anxiété comorbides ont été mises en évidence : l’attachement, l’image de soi, les mécanismes de surcompensation et la gestion des émotions. Deuxièmement, les participants disent observer une relation complexe entre l’anxiété et l’insomnie qu’ils décrivent comme un cercle vicieux. Cette étude permet également de constater la variabilité intra-individuelle dans la relation entre l’insomnie et l’anxiété. Finalement, l’intégration de ces résultats dans des recherches subséquentes peut permettre d’enrichir les modèles étiologiques de l’anxiété et de l’insomnie et être favorable à une approche transdiagnostique pour le traitement de ces troubles.

(4)

ABSTRACT

Insomnia has a high rate of comorbidity with anxiety disorders (19.3%). Most of the research and etiologic models address these disorders independently and do not discuss the developmental process of the comorbidity. To improve the existing etiologic models, this qualitative study explores patients’ perception of the development and the course of these comorbid disorders. Thirteen individual interviews were conducted with patients (6 women, 7 men; mean age 45 years old) after their psychological assessment in a sleep clinic. The participants were diagnosed with the insomnia disorder and with anxiety, which caused significant clinical distress or functional impairment. Kleinman’s explanatory models perspective and constructivist paradigm guides the collect and analysis of data. Qualitative data were digitally recorded and transcribed verbatim. Subsequently, interviews were analyzed using the thematic analysis. First, four salient variables about etiology emerged from this analysis: attachment, self-image, overcompensation mechanisms, and coping strategies. Secondly, the results highlighted the complexity of the relationship between insomnia and anxiety disorders, which participants describe as a vicious circle. Thirdly, the results showed that the influence these comorbid disorders have on each other varies among the same participant. Finally, integrating these results in further research could improve clinical etiology models and favor a transdiagnostic approach to treat insomnia and anxiety disorders.

(5)

TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ ... iii

ABSTRACT ... iv

TABLE DES MATIÈRES ... v

LISTE DES FIGURES ... ix

REMERCIEMENTS ... x

INTRODUCTION ... 1

Problématique d’insomnie ... 1

Problématiques d’anxiété ... 2

Modèles étiologiques de Uhde et Cortese (2008) ... 5

Premier modèle — Anxiété et insomnie comme un seul trouble (Uhde et Cortese, 2008) ... 6

Deuxième modèle — Anxiété et insomnie comme troubles différents avec des complications secondaires (Uhde et Cortese, 2008)... 8

Troisième modèle — Présence de facteurs « distincts » de l’insomnie et de l’anxiété et « communs » à eux (Uhde et Cortese, 2008) ... 10

Les limites des modèles de Uhde et Cortes (2008) ... 11

Avenues futures pour la compréhension de la comorbidité insomnie et anxiété ... 14

Objectifs et question de recherche ... 14

Cadre théorique et démarche ... 15

Modèles explicatifs de la maladie (MEM) (Kleinman, 1980) ... 15

Approche constructiviste ... 18

Approche qualitative ... 20

1. MÉTHODE ... 22

1.1 Matériel... 22

1.1.1 Entrevues diagnostiques semis-structurées... 22

1.1.2 Questionnaires ... 22

(6)

1.2 Procédure ... 24

1.3 Validité de l’étude qualitative ... 28

1.3.1 Critères ... 28

1.3.2 Caractéristiques de la chercheuse ... 29

1.4 Analyse des données... 31

2. RÉSULTATS ... 34

2.1 Participants ... 34

2.2 Étiologie des difficultés d’anxiété et d’insomnie ... 34

2.2.1 Relations avec les parents ... 35

2.2.2 Relations avec les autres ... 37

2.2.3 Traits de personnalité ... 39

2.2.4 Physiologie ... 40

2.2.5 Événements de vie ... 41

2.3 Interrelation entre insomnie et anxiété ... 41

2.3.1 Influence perçue de l’anxiété sur l’insomnie ... 42

2.3.2 Influence de l’insomnie sur l’anxiété ... 43

2.3.3 Interinfluence entre insomnie et anxiété ... 45

2.4 Conséquences communes ... 45

2.5 Solutions pour diminuer l’insomnie et l’anxiété ... 46

2.5.1 Solutions pour diminuer l’insomnie ... 46

2.5.2 Solutions pour diminuer l’anxiété ... 48

2.5.3 Solutions générales pour l’anxiété comme l’insomnie ... 49

3. DISCUSSION ... 51

3.1 Étiologie perçue des difficultés ... 51

3.1.1 Attachement ... 51

3.1.2 Caractéristiques personnelles ... 52

3.1.3 Pathophysiologie ... 54

3.2 Perception des effets négatifs des difficultés ... 54

3.3 Préférences des participants pour le traitement ... 55

(7)

3.3.2 Traitement de l’anxiété ... 56

3.3.3 Solutions communes ... 58

3.4 Moment et processus perçus du début des difficultés ... 59

3.4.1 Relations interpersonnelles ... 59

3.5 Évolution naturelle perçue des difficultés ... 59

3.5.1 Anxiété amène insomnie ... 59

3.5.2 Insomnie amène anxiété ... 60

3.5.3 Deux différents troubles ayant des facteurs communs ... 60

3.5.4 Un seul trouble... 61

3.5.5 Cercle vicieux ... 62

3.6 Modèle ... 63

3.6.1 Présentation des sections du modèle... 63

3.6.2 Modèle complet ... 65

3.7 Enrichissement du modèle de Udhe et Cortes (2008) ... 66

3.8 Influence de la chercheuse... 68

3.9 Limites ... 69

3.10 Forces ... 70

3.11 Avenues de recherche futures ... 71

3.12 Implications pour la clinique ... 71

RÉFÉRENCES ... 74

ANNEXE A Entretien semi-structuré sur la comorbidité insomnie et anxiété ... 84

ANNEXE B Entrevue de la ligne du temps ... 87

ANNEXE C Formulaire de consentement ... 88

ANNEXE D Formulaire de recrutement ... 94

ANNEXE E Grille d’admissibilité... 96

ANNEXE F Sous-questions de recherche pour vérifier l’association entre les codes .. 98

ANNEXE G Diagnostics des participants ... 100

ANNEXE H Scores d’anxiété et d’insomnie ... 101

ANNEXE I Résumé des schémas de Young ... 102

(8)

ANNEXE K Section 2 modèle... 106

ANNEXE L Section 3 modèle ... 107

ANNEXE M Section 4 modèle ... 108

ANNEXE N Section 5 modèle ... 109

ANNEXE O Section 6 modèle... 110

ANNEXE P Interrelation entre l’anxiété et l’insomnie selon le discours des participant ... 111

(9)

LISTE DES FIGURES

Figure 1. Insomnie et anxiété comme un seul trouble (Uhde & Cortese, 2008) ... 6 Figure 2. Insomnie et anxiété comme troubles différents avec des complications

secondaires (Uhde & Cortese, 2008) ... 9 Figure 3. Présence de facteurs distincts et communs à l’insomnie et l’anxiété (Uhde & Cortese, 2008) ... 11

(10)

REMERCIEMENTS

Mes remerciements sont adressés à mes superviseurs, mes collègues de recherche, mes amies et mon équipe de bénévoles.

Cette recherche n’aurait pas été possible sans la supervision de Docteure Vallières et de Docteur Leanza qui ont manifestés un grand enthousiasme pour mes idées et m’ont permis de faire un projet de recherche relevant de mes champs d’intérêt. Ils ont rendu mon parcours motivant et empreint de sens en permettant à mon travail d’avoir les retombées scientifiques qui me tenaient à cœur. De plus, j’ai eu la chance de grandir auprès de ces personnes sensibles, humaines, professionnelles et accessibles. Ce travail a grandement bénéficié de leurs précieux commentaires, de leurs corrections, de leurs idées et de leur enthousiasme.

Il n’aurait pas été possible de réaliser cette recherche sans la coopération de l’équipe du laboratoire Psycho Socio Culturel du Sommeil. Me sentir entourée et estimée a été le moteur de mon travail. Je souhaite remercier plus particulièrement ma collègue et amie Taís Castelo Branco Crisostomo de Araujo (Ph.D.), qui a su me donner de précieux conseils et me soutenir dans toutes mes décisions durant l’entière durée de mon Doctorat. Sans elle, je n’aurais pas eu tant de plaisir et de succès tout au long de mon parcours doctoral. Je remercie également ma collègue et amie Séverine de Billy Garnier (Ph.D.) qui s’est toujours montrée disponible et m’a permis de constater et de mobiliser mes ressources dans les moments plus difficiles de la rédaction.

Finalement, je souhaite remercier tous les bénévoles du baccalauréat en psychologie d’avoir mis leur précieux temps, leur minutie et leur persévérance au service de mon projet pour m’aider à transcrire et coder les entrevues. Je souhaite faire une mention spéciale à Delphine Gagnon et Fidelia Longchamps, qui ont su surmonter des défis de taille dans cette étape de leur formation en recherche. Elles ont fait le tout avec entrain et en démontrant une grande fiabilité, motivation et ouverture. Sans toute cette équipe de bénévolat, ce projet de recherche ambitieux n’aurait pas été réalisable dans le temps alloué pour un mémoire doctoral et d’aussi grande qualité.

(11)

INTRODUCTION Problématique d’insomnie

L’insomnie est une problématique fréquente qui a des conséquences négatives et diversifiées sur la qualité de vie d’un individu (Morin & Jarrin, 2013). Dans la population générale, environ de 6 à 10 % des adultes satisfont les critères diagnostiques de l’insomnie alors qu’approximativement le tiers rapporte un ou plusieurs symptômes de ce trouble (American Psychiatric Association [APA], 2013; Morgan, 2012; Morin & Jarrin, 2013). Selon le DSM-5, l’insomnie chronique se caractérise par des difficultés à s’endormir, des éveils fréquents durant la nuit ou des éveils trop tôt le matin (APA, 2013). Ces symptômes subjectifs doivent être présents au moins trois nuits par semaine pendant une période minimale de trois mois. Ils doivent être accompagnés d’une détresse importante dans le fonctionnement au quotidien (p. ex. : fatigue, manque de concentration et déprime) (APA, 2013). De plus, l’insomnie se manifeste fréquemment en comorbidité avec d’autres troubles de santé mentale, tels que l’anxiété (19,3 %) (Taylor, Lichstein, Durrence, Reidel, & Bush, 2005).

Plusieurs recherches qualitatives ont été faites concernant l’insomnie. Une revue de littérature des études qualitatives effectuée par Araújo, Jarrin, Leanza, Vallières et Morin (2016) s’y intéresse. Premièrement, l’insomnie peut être vécue de manière différente d’un participant à l’autre. Ce résultat renforce l’idée que plusieurs modèles étiologiques peuvent exister pour expliquer la présence et le maintien de l’insomnie. Deuxièmement, l’insomnie affecte non seulement le sommeil des participants, mais aussi leur vie diurne. Les participants atteints d’insomnie ont rapporté avoir l’impression d’être incompris par leurs proches, d’être différents des autres et de ne pas pouvoir s’accomplir personnellement et professionnellement. Troisièmement, les participants de ces études qualitatives expriment qu’ils jugent important que le thérapeute s’intéresse aux causes multiples de l’insomnie (p. ex. : physiques, psychosociales), à leurs habitudes de sommeil et à leurs perceptions subjectives de leurs difficultés. Finalement, ces études illustrent que l’insomnie est un problème multidimensionnel et qu’il est nécessaire de s’intéresser à ses différentes facettes (p. ex. : sociales, quotidiennes et subjectives) pour mieux aider les gens qui en souffrent.

(12)

Problématiques d’anxiété

L’anxiété est un symptôme commun dans les différents troubles psychologiques et les troubles anxieux sont très répandus (Barlow & Durand, 2007). Au Canada, environ 12 % de la population a un diagnostic de trouble anxieux (Agence de la santé publique du Canada [ASPC], 2002). Si on les regroupe par ordre décroissant de fréquence, ces personnes présentent un diagnostic de phobie spécifique (6,2 à 8,0 %), de phobie sociale (6,7 %), d’anxiété généralisée (1,1 %) et de trouble panique (0,7 %) (ASPC, 2002). Une étude épidémiologique récente estime que la prévalence sur 1 an du trouble d’anxiété généralisé au Canada est de 2,6 % (Watterson, Williams et al., 2017).

Les symptômes communs entre les différents troubles anxieux sont la peur excessive, des comportements d’évitement et des cognitions erronées (APA, 2013). Ces cognitions amènent les personnes vivant avec un trouble anxieux à être très attentives aux dangers dans leur environnement, à interpréter les situations plus négativement et à exagérer l’effet d’événements négatifs (Beck, Emery, & Greenberg, 2005). Ces personnes vivent une souffrance importante et des effets négatifs dans leur fonctionnement (p. ex. : perturbation de leur fonctionnement cognitif, social et au travail) (Beck et al., 2005).

La principale distinction entre les différents troubles anxieux est que les symptômes d’anxiété sont provoqués par des peurs et des préoccupations sur des thèmes différents. Pour ce qui est de l’anxiété sociale, la situation anxiogène est le jugement d’autrui (p. ex. : ce que vont penser des inconnus lors d’une rencontre, manger devant les autres). Chez les personnes atteintes du trouble panique, il s’agit plutôt d’être préoccupée par le fait de vivre à nouveau une attaque de panique (montée soudaine de peur et d’inconforts). Quant aux personnes atteintes d’agoraphobie, elles vivent des symptômes anxieux par rapport aux situations où il leur est difficile de s’échapper ou de recevoir de l’aide (p. ex. : dans une foule, dans l’autobus). Les personnes qui souffrent d’une phobie spécifique ont une peur marquée d’une situation ou d’un objet (p. ex. : l’avion, se faire vacciner). Enfin, les personnes souffrant d’anxiété généralisée vivent plutôt des préoccupations excessives à propos des différentes sphères de la vie quotidienne (ex. : travail, famille) (APA, 2013).

(13)

Des études qualitatives réalisées auprès de participants souffrant d’anxiété ou du trouble obsessionnel-compulsif décrivent leurs perceptions de l’origine et du maintien de leurs difficultés. Les études sur le trouble obsessionnel-compulsif sont considérées pour pallier la rareté des études qualitatives sur les troubles anxieux et leur relation étroite avec les troubles d’anxiété (APA, 2013). Dans un premier temps, les participants disent vivre de l’anxiété associée à leur relation avec les autres. Certains expriment qu’elle est occasionnée par le fait de vouloir « paraître parfaits » aux yeux des autres (Khattra et al., 2017). D’abord, des participants ayant participé à une psychothérapie pour de l’anxiété généralisée disent avoir réalisé que se critiquer et chercher à répondre à des standards élevés les amenaient à vivre de l’anxiété (Khattra et al., 2017). Ensuite, ils mentionnent avoir la crainte de paraître faibles aux yeux des autres s’ils demandent directement d’être rassurés (Kobori et al., 2012). De fait, les participants mentionnent que se sentir « trop dépendants » des autres provoque de l’anxiété (Khattra et al., 2017; Kobori, Salkovskis, Read, Lounes, & Wong, 2012; van Schalkwyk et al., 2016). De plus, ils rapportent vivre de la détresse puisqu’ils se sentent différents et à l’écart des gens qui ne souffrent pas du trouble obsessionnel-compulsif (Murphy & Perera‐Delcourt, 2014). Finalement, les participants souffrant du trouble obsessionnel-compulsif identifient des sources de stress dans les relations interpersonnelles qui ne sont pas reliées à leurs obsessions et qui accentuent leurs compulsions (p. ex. : conflits au travail, maladie d’un proche) (Kadam, Croft, McLeod, & Hutchinson, 2001). Dans un second temps, plusieurs personnes souffrant de ce trouble font état d’expériences difficiles à l’enfance ou à l’adolescence telles que l’intimidation (Keyes, Nolte, & Williams, 2017; Murphy & Perera‐Delcourt, 2014), l’hostilité dans la famille, la maladie et la mort de proches (Keyes et al., 2017). À la suite d’événements stressants, les participants décrivent qu’ils ont développé un grand sentiment de responsabilité et que les obsessions et compulsions permettent de l’apaiser (Keyes et al., 2017). Dans un troisième temps, en raison de leurs symptômes, nombre de participants souffrant d’un trouble obsessionnel-compulsif croient ne pas s’être accomplis en retardant les « étapes normales du développement ». Ils nomment qu’en raison des conséquences de leur trouble, leur implication dans leurs relations interpersonnelles, leur éducation et leur carrière ont été retardées (Murphy & Perera‐ Delcourt, 2014).

(14)

Toujours au sein d’études qualitatives sur l’anxiété ou le trouble obsessionnel-compulsif, des participants s’expriment sur des solutions. D’une part, ils mentionnent avoir une opinion partagée sur les comportements de réassurance. Même s’ils évaluent que ces comportements sont dérangeants socialement, nuisibles pour autrui et efficaces seulement à court terme, ils sont parfois perçus comme un moyen efficace pour oublier leurs préoccupations (Kobori et al., 2012). Les participants rapportent être à la recherche d’une personne de confiance, comme un expert, pour s’assurer que rien de négatif ne va arriver ou pour partager la responsabilité des événements négatifs avec autrui (Kobori et al., 2012). Les participants se disent donc hésitants à abandonner ces comportements (Murphy & Perera‐Delcourt, 2014; Keyes et al., 2017). D’autre part, des participants ayant pris part à un traitement cognitif et comportemental de l’anxiété généralisée disent apprécier l’apprentissage fait de la gestion saine de leurs inquiétudes (Khattra et al., 2017). Ils rapportent qu’ils se sentent plus calmes, appréhendent mieux leurs inquiétudes, et ainsi dorment mieux et se sentent reposés le matin (Khattra et al., 2017).

Une autre solution nommée par les participants est de s’impliquer dans une relation thérapeutique. D’abord, les participants disent qu’il a été bénéfique de consulter un expert dans le domaine de l’anxiété et d’être guidés (Khattra et al., 2017). Ils soulignent qu’il est bénéfique de se confier à propos de leurs symptômes à une personne qui n’en vit pas les conséquences au quotidien (Kadam et al., 2001). Les participants affirment que lorsque leur thérapeute s’intéresse aux facteurs psychosociaux et à leur histoire de vie (p. ex : les expériences à l’enfance à l’origine du trouble, leurs objectifs de vie), ils se sentent plus motivés à prendre part au traitement, développent une meilleure estime et acceptation de soi et sentent une meilleure alliance avec leur thérapeute (Murphy & Perera‐Delcourt, 2014). Ensuite, les participants mentionnent l’effet bénéfique de l’alliance thérapeutique sur la diminution de leurs symptômes d’anxiété en les aidant à être en relation de manière plus saine, comme en ne tentant plus de paraître parfaits, en devenant plus autonomes et en apprenant à prendre en compte leurs besoins plutôt que de se centrer sur ceux des autres (Khattra et al., 2017). Il semble que ces solutions soulignent l’importance des relations interpersonnelles dans le traitement des troubles anxieux, bien qu’elles ne soient pas incluses de manière détaillée dans les modèles explicatifs de l’anxiété. Il serait pertinent de s’y

(15)

intéresser davantage, notamment en explorant et en tenant en compte le point de vue subjectif des individus à l’aide d’études qualitatives sur l’anxiété. Également, comme les troubles anxieux et l’insomnie amènent tous deux des conséquences négatives importantes sur le bien-être de ceux qui en souffrent, alors leur perception des causes, des solutions et des conséquences mérite une attention particulière. Il est possible que l’expérience des gens vivant avec la comorbidité insomnie et anxiété soit différente de celle des gens atteints d’insomnie ou d’anxiété seulement. De surcroît, les études qualitatives permettent de constater que l’expérience de l’insomnie comme de l’anxiété diffère d’une personne à l’autre. Explorer plus en détail les contextes de vie passés et présents de ceux qui en souffrent pourrait expliquer ces variabilités.

Modèles étiologiques de Uhde et Cortese (2008)

Dans leurs modèles étiologiques, Uhde et Cortese (2008) proposent trois explications sous forme de modèles de la comorbidité entre l’anxiété et l’insomnie. Ces modèles s’inscrivent dans une démarche de documentation plus large des auteurs à propos de l’anxiété en comorbidité avec divers problèmes médicaux. Ils ont observé une prévalence importante de ce phénomène et critiquent qu’il soit peu étudié dans le domaine médical. Ils suggèrent que dans le cas d’une comorbidité avec de l’anxiété, les interventions médicales traditionnelles pourraient être moins efficaces en raison de la complexité de l’interaction mal comprise entre les troubles. Ils ont proposé des modèles sur la comorbidité de l’anxiété avec l’insomnie qui sont innovateurs, puisqu’ils sont les premiers dans les écrits scientifiques à inclure formellement les deux troubles. Leurs modèles sont inspirés d’un travail de réflexion hautement spéculatif à partir de données sur la prévalence de la comorbidité et d’exemples tirés de conditions médicales. Ces modèles simples et hypothétiques ont pour objectif de stimuler la réflexion et la créativité tant des cliniciens que des chercheurs. Leurs idées gagneront à être vérifiées, détaillées et complexifiées en y incluant des données de recherches qui s’intéressent particulièrement à la dynamique entre les troubles. Il est pertinent de les présenter et de vérifier plus en détail les données existantes qui appuient l’un ou l’autre des modèles. Cependant, il est difficile de classer les données des écrits scientifiques exclusivement dans un des trois modèles, car leur rôle dans la comorbidité dépend de

(16)

l’interprétation des différents auteurs. Le premier modèle est l’anxiété et l’insomnie comme un seul trouble, le second est l’anxiété et l’insomnie comme troubles différents avec des complications secondaires, et le dernier est la présence de facteurs « distinctifs » de l’insomnie et de l’anxiété et de facteurs « communs » à eux.

Premier modèle — Anxiété et insomnie comme un seul trouble (Uhde et Cortese, 2008)

Dans ce modèle (Figure 1), Uhde et Cortese (2008) proposent que l’insomnie et l’anxiété (ou les troubles anxieux) soient des symptômes issus d’un même trouble. Ce trouble peut se manifester par des symptômes d’insomnie ou d’anxiété. Selon ce modèle étiologique, l’insomnie et l’anxiété seraient causées par des facteurs communs dans la vie d’un individu. Ces troubles se développeraient selon les mêmes processus et circonstances.

Premièrement, l’anxiété et l’insomnie pourraient former un seul trouble puisque leurs symptômes sont généralement vécus conjointement par les individus. Quelques articles empiriques soutiennent cette hypothèse. D’abord, une étude épidémiologique sur l’anxiété et l’insomnie a été réalisée auprès d’un échantillon représentatif de la population européenne

Anxiété ou insomnie Insomnie ou anxiété Diathèses communes inconnues Ligne du temps Années Naissance

Figure 1. Insomnie et anxiété comme un seul trouble (Uhde & Cortese, 2008)

(17)

de 15 ans et plus comprenant 14 915 participants (Ohayon & Roth, 2003). Les participants ont pris part à un sondage téléphonique validé sur les symptômes d’insomnie, sur les diagnostics du DSM-5 et de l’ICD-10 et sur leur historique psychiatrique. Cette étude révèle que l’anxiété et l’insomnie des individus n’ayant pas d’antécédents de trouble anxieux surviennent au même moment dans environ 40 % des cas. Ensuite, qu’ils soient en milieu hospitalier ou non, les individus souffrant d’insomnie vivent plus d’anxiété au quotidien que les bons dormeurs (Morin, Rodrigue, & Ivers, 2003; Tramonti et al., 2016). Pour continuer, les symptômes d’insomnie se retrouvent inclus parmi les critères diagnostiques des troubles anxieux et vice-versa (American Psychiatric Association, 2013). D’une part, un critère diagnostique de l’anxiété généralisée est de vivre une perturbation du sommeil comme des difficultés d’endormissement, un sommeil interrompu ou un sommeil agité et non satisfaisant (APA, 2013). D’autre part, un critère de l’insomnie est une altération du fonctionnement caractérisée par une diminution de la capacité cognitive comme l’attention, la concentration et la mémoire et parfois des effets sur l’humeur qui prennent la forme d’anxiété (APA, 2013). De plus, un critère de l’anxiété généralisée concerne également les capacités cognitives en lien avec des difficultés de concentration et des trous de mémoire (APA, 2013). Enfin, une méta-analyse et une recension systématique des écrits scientifiques démontrent qu’intervenir sur l’anxiété ou l’insomnie apporte une amélioration modérée de l’autre condition (Belleville, Cousineau, Levrier, & St-Pierre-Delorme, 2011; Cox & Olatunji, 2016).

Deuxièmement, l’anxiété et l’insomnie pourraient bien former un seul trouble puisqu’elles partagent des mécanismes communs qui sont la gestion inefficace des émotions, les préoccupations excessives et une attention accrue des sensations intérieures. En premier lieu, la gestion inefficace du stress chez les gens souffrant d’insomnie comme d’anxiété appuie l’idée que l’anxiété et l’insomnie sont la manifestation d’un seul trouble (Harvey, 2002; Lightfoot, Seay Jr, & Goddard, 2010; Spielman, Caruso, & Glovinsky, 1987; Wolfe, 2005; Zuckerman, 1999). Dans les deux troubles, les individus utilisent plus des mécanismes de gestion des émotions orientés vers l’émotion tels que l’évitement ou les comportements de réassurance (Harvey, 2002; Lazarus, 1998; Lightfoot et al., 2010; Morin et al., 2003). En second lieu, la peur ou la préoccupation excessive sont au cœur de l’anxiété et de l’insomnie (APA, 2013; Harvey, 2002). Les modèles cognitifs et de l’activation accrue de l’insomnie

(18)

[traduction libre] indiquent que ce trouble est en grande partie maintenu par des inquiétudes concernant les conséquences de l’insomnie sur la santé et les activités diurnes (Harvey, 2002). Ces préoccupations, développées par apprentissage, seraient associées à de l’activation physiologique et cognitive au moment de dormir qui pourrait occasionner de l’insomnie (Harvey, 2002). Selon des auteurs de perspectives neurobiologique et comportementale, l’insomnie se développerait en raison d’événements stressants et de mécanismes de gestion du stress inefficaces. Par la suite, elle serait maintenue par une activation de l’activité cérébrale conditionnée par les stimuli normalement associés au sommeil (p. ex. : le lit) (Perlis, 1997). Selon d’autres auteurs de ces approches, l’activation accrue chez l’insomnie pourrait être associée à une activation neuro-immunologique, une altération neurologique et neurophysiologique du cerveau chez l’individu selon des prédispositions génétiques (Riemann et al., 2015; Riemann et al., 2010). Cette activation est également présente chez les gens souffrant d’anxiété et prend la forme de préoccupations, de cognitions erronées ou de peurs (APA, 2013). Cet état d’activation se développe également chez les gens souffrant d’anxiété par apprentissage (Shin & Liberzon, 2010). Les régions limbiques impliquées dans la peur échoueraient à faire l’extinction de la réponse de stress (Shin & Liberzon, 2010).

Finalement, un mécanisme commun à l’anxiété et à l’insomnie est l’attention accrue portée aux sensations intérieures (Harvey, 2002; Wolfe, 2005). De fait, les personnes anxieuses ont tendance à surestimer le danger perçu (Wolfe, 2005) alors que les personnes souffrant d’insomnie tendent à surestimer leurs difficultés de sommeil (Harvey, 2002).

Deuxième modèle — Anxiété et insomnie comme troubles différents avec des complications secondaires (Uhde et Cortese, 2008)

Ce modèle (Figure 2) propose que les troubles comorbides apparaissent chez un individu selon des facteurs, des circonstances et des processus différents. La distinction entre ces troubles est plus apparente au début, alors qu’après un certain temps les troubles provoquent des complications secondaires qui génèrent des symptômes d’anxiété ou d’insomnie. Ce phénomène favorise un chevauchement entre les troubles. Ainsi, la présence initiale d’un trouble anxieux pourrait provoquer le développement de l’insomnie alors que la présence initiale d’insomnie pourrait provoquer de l’anxiété. Cependant, il n’est pas précisé,

(19)

dans ce modèle comment les troubles s’aggravent et par quels processus un trouble en amène un autre.

La recherche soutien la section a) de la Figure 2 puisque, selon les études épidémiologiques et une métanalyse, les individus souffrant d’insomnie sont davantage prédisposés à développer des troubles anxieux (Breslau, Roth, Rosenthal, et Andreski, 1996; Ohayon & Roth, 2003; Hertenstein 2019). Dans un premier temps, chez 20 % des personnes atteintes de la comorbidité, c’est l’insomnie qui survient en premier (Ohayon & Roth, 2003). De plus, des écrits scientifiques décrivent que les gens ayant un diagnostic d’insomnie sont 9 fois plus à risque de développer de l’anxiété (Chen et al., 2017). Dans un second temps, des auteurs proposent que ce soit des cognitions erronées et des difficultés de gestion des émotions chez les gens souffrant d’insomnie qui les prédisposent à développer de l’anxiété (Belleville et al., 2011; Harvey, 2002; Pace-Schott et al., 2017). Ces facteurs prédisposants sont l’évitement, la catastrophisation et une moins bonne régulation émotionnelle (Belleville et al., 2011; Harvey, 2002; Pace-Schott et al., 2017). Une étude appuie cette idée en décrivant que les gens souffrant d’insomnie ont des connexions plus limitées dans le circuit de gestion des émotions (Pace-Schott et al., 2017). Cependant, les écrits scientifiques ne permettent pas

Stade précoce Stade avancé Complications secondaires Insomnie Anxiété Anxiété Insomnie Insomnie Anxiété Anxiété Insomnie

Figure 2. Insomnie et anxiété comme troubles différents avec des complications secondaires

(Uhde & Cortese, 2008)

a)

(20)

de déterminer si les difficultés de cognition et la gestion des émotions sont la cause ou la conséquence de l’insomnie.

Plusieurs écrits scientifiques soutiennent également la section b) de la Figure 2, puisqu’ils décrivent que les gens souffrant d’anxiété sont plus à risque de souffrir d’insomnie (Cox & Olatunji, 2016b; Marcks, Weisberg, Edelen, & Keller, 2010; Ramsawh, Stein, Belik, Jacobi, & Sareen, 2009; van de Laar, Pevernagie, van Mierlo, & Overeem, 2015). Dans un premier temps, selon le modèle cognitif de l’insomnie, les personnes qui ont tendance à s’inquiéter et à ruminer sont prédisposées à développer de l’insomnie lors d’un événement stressant (Harvey, 2002). Dans un second temps, en provenance des écrits scientifiques sur l’anxiété, les gens souffrant d’anxiété généralisée ou d’un trouble panique développent davantage d’insomnie que les gens atteints d’autres troubles anxieux (Hoge et al., 2011; Navarrete, Pérez Páramo, Fermin Ordoño, & López Gómez, 2017). Cette relation est appuyée par une étude épidémiologique qui décrit que parmi l’ensemble des personnes vivant avec la comorbidité d’anxiété et d’insomnie, c’est l’anxiété qui survient en premier pour 38 % d’entre elles (Ohayon & Roth, 2003). Cette association est plus forte avec l’augmentation de la sévérité du trouble anxieux (Navarrete et al., 2017). Cependant, comme il s’agit principalement d’études transversales, la direction de l’association entre l’anxiété et l’insomnie n’est pas connue.

Troisième modèle — Présence de facteurs « distincts » de l’insomnie et de l’anxiété et « communs » à eux (Uhde et Cortese, 2008)

En premier lieu, selon ce modèle (Figure 3), les facteurs « communs » à ces deux troubles n’entraînent pas, à eux seuls, l’apparition de l’anxiété ou de l’insomnie. Ils le font lorsqu’ils sont en interaction avec des facteurs « distinctifs ». Ces facteurs peuvent être d’origines variées (p. ex. : génétiques, environnementaux ou psychosociaux). Par exemple, des facteurs communs peuvent être d’avoir fait l’expérience d’événements de vie difficiles durant l’enfance (Chapman et al., 2011; Koskenvuo, Hublin, Partinen, Paunio, & Koskenvuo, 2010; Moreno-Peral et al., 2014), d’avoir une activation psychologique et physiologique importante en raison d’événements stressants (p. ex. : la mort d’un proche) ou de vivre avec une propension à avoir des idées négatives (Harvey, 2002; Spielman et al., 1987; Wolfe, 2005). De plus, une étude génétique effectuée auprès du registre de jumeaux de l’État de

(21)

Virginie aux États-Unis indique que l’insomnie et l’anxiété partagent des facteurs environnementaux communs (Lind et al., 2017).

En second lieu, des facteurs « distinctifs » de l’anxiété et de l’insomnie sont aussi rapportés dans la recherche. Concernant l’insomnie, il peut s’agir d’un temps excessif passé au lit et d’une augmentation de la consommation de caféine (Spielman et al., 1987). Des facteurs « distinctifs » pour les troubles anxieux peuvent être d’avoir une forte tendance à anticiper les dangers futurs ou une perception de soi comme inefficace (Lightfoot et al., 2010; Wolfe, 2005).

Les limites des modèles de Uhde et Cortes (2008)

De manière générale, dans les différents modèles étiologiques de l’anxiété et de l’insomnie, les facteurs psychosociaux, développementaux et l’interinfluence entre l’anxiété et l’insomnie auraient avantage à être plus détaillés. Il serait pertinent d’ajouter aux modèles existants l’importance et l’influence de chaque type de facteurs psychosociaux nommés par les participants et, le cas échéant, la perception des participants d’une interaction entre ces facteurs. Les facteurs psychosociaux, dans cette étude, sont définis comme la culture, les normes sociales, le statut social, les institutions, les relations interpersonnelles, les milieux de vie, les valeurs, les attitudes, les croyances, les perceptions, les événements de vie, la santé psychologique et l’expérience individuelle des symptômes. Ces ajouts permettraient de

Insomnie Anxiété Autres

facteurs

Figure 3. Présence de facteurs distincts et communs à l’insomnie et l’anxiété

(22)

vérifier si la relation entre l’insomnie et l’anxiété change selon le contexte de vie de l’individu ou entre les individus et de considérer ce phénomène afin d’orienter la psychothérapie. Il est même possible que plusieurs modèles étiologiques différents expliquent la comorbidité selon les périodes de vie d’un même individu. De ce fait, des recherches ont ciblé qu’un manque de soutien social (Tavernier & Willoughby, 2015) ou des liens d’amitié néfastes (Kent, Uchino, Cribbet, Bowen, & Smith, 2015) sont associés au développement de difficultés de sommeil.

Pour commencer, les modèles de Uhde et Cortese (2008) présentés ci-haut devraient être testés et enrichis puisqu’ils offrent un cadre théorique intéressant pour étudier l’interaction complexe entre l’anxiété et l’insomnie. Dans les modèles étiologiques de l’insomnie et de l’anxiété (p. ex. : les modèles cognitifs et comportementaux), les facteurs psychosociaux sont généralement inclus comme facteurs prédisposants (Harvey, 2002 ; Wolfe, 2005). À la différence de ces modèles, ceux de Uhde et Cortes (2008) proposent une séquence étiologique du développement de l’anxiété et de l’insomnie plus complète incluant tant des facteurs psychosociaux non identifiés que l’influence entre les deux troubles. Cependant, tout comme les précédents modèles, ils sont eux aussi limités par une approche davantage biomédicale qui les limite dans l’inclusion de l’interaction complexe des facteurs psychosociaux avec le développement et le maintien de l’insomnie et de l’anxiété comorbide. L’approche biomédicale a comme principale limite de ne pas prendre en compte le vécu subjectif des individus par rapport à la maladie (Kleinman, 1981; Masse, 1995). En effet, la personne malade n’est pas considérée dans sa globalité, puisque l’approche occulte ses croyances, sa culture, les normes qu’elle a intégrées de la société, son histoire de vie, sa perception de sa maladie et de son traitement et l’influence de la perception de ses proches (Kleinman, 1981). La maladie est donc réduite à une relation de cause à effet du point de vue biologique. Il n’est alors pas possible de s’intéresser aux différences individuelles et culturelles dans le vécu de la maladie et de les expliquer (Masse, 1995 ; Landrine et Klonoff, 1992). De plus, l’approche biomédicale positionne le professionnel de la santé dans la fonction d’expert et la personne malade comme devant se conformer à l’explication de la maladie et aux traitements qui lui sont suggérés (Masse, 1995; Landrine et Klonoff, 1992). De la sorte, cette approche, lorsqu’utilisée seule, ne permet pas d’aider l’individu à faire des

(23)

choix pour sa santé qui prennent en compte leur effet sur sa réalité (Kleinman, 1981; Masse, 1995; Landrine et Klonoff, 1992). Notamment, la psychothérapie nécessite un échange intersubjectif entre le thérapeute et son client qui favorise l’alliance et aide ceux-ci à créer du sens avec ce qui est souffrant (Beck, 2011; Gabbard, 2010; Murphy et Perera, 2014; Neimeyer, 1997). Les modèles de Udhe et Cortes (2008) auraient avantage à être enrichis à l’aide du point de vue du client pour y inclure leur réalité et favoriser leur implication dans un traitement (Masse, 1995; Kleinman, 1981). Il est donc possible que l’application des modèles de Uhde et Cortese (2008) en clinique ne corresponde pas à la complexité de la consultation en psychothérapie.

Pour poursuivre, les facteurs développementaux renvoient aux expériences à l’enfance et à l’adolescence qui influencent les caractéristiques psychologiques des individus. La plupart des modèles étiologiques de l’anxiété font écho à l’idée que des événements comme des expériences douloureuses ou traumatiques à l’enfance contribuent au développement de l’anxiété (Wolfe, 2005). Un ajout important aux modèles étiologiques consisterait à élaborer une compréhension des aspects développementaux en aidant les participants à identifier les événements marquants de leur vie et à déterminer s’ils ont eu une influence sur leurs difficultés actuelles. Cet aspect est déjà généralement reconnu dans l’explication du développement des psychopathologies (APA, 2013; Barlow & Durand, 2007; Fonagy, Gergely, & Target, 2007).

Finalement, le modèle de Udhe et Cortes (2008) est basé sur des recherches transversales plutôt que longitudinales. D’abord, l’aspect dynamique de la trajectoire de la maladie et de la relation entre l’anxiété et l’insomnie n’est pas pris en compte (Kleinman, 1980 ; Landrine et Klonoff, 1992; Masse, 1995). Ainsi, bien que les écrits scientifiques nous informent de la prévalence importante de la comorbidité et du fait qu’un trouble en précède un autre, les processus qui expliquent cette relation demeurent inconnus. Les prendre en considération permettrait de mieux comprendre comment l’anxiété et l’insomnie se présentent, évoluent simultanément et s’interinfluencent. Ceci permettrait également de voir si l’anxiété et l’insomnie se maintiennent mutuellement et, si c’est le cas, de quelle manière. L’insomnie et l’anxiété semblent effectivement avoir une interinfluence que la recherche appuie. De fait, la présence d’un trouble anxieux augmente la sévérité, la chronicité ainsi que

(24)

l’intensité des conséquences négatives de l’insomnie sur le bienêtre des individus (Ohayon & Roth, 2003; Perozzo, 2016; van de Laar et al., 2015). Lorsqu’une personne a des antécédents de troubles psychologiques comme un trouble anxieux ou de l’humeur, les symptômes d’insomnie ont tendance à davantage devenir chroniques et à être plus sévères (Ohayon & Roth, 2003). De plus, la comorbidité entre l’insomnie et l’anxiété entraîne des éveils nocturnes deux à trois fois plus fréquents (van de Laar et al., 2015). Il serait important d’étudier comment les deux troubles se développent et se maintiennent ensemble.

En somme, les modèles de Udhe et Cortes (2008), pourraient être plus complet en y incluant plus en détails les facteurs psychosociaux et développementaux selon une perspective moins biomédicale. Pour ce faire, le point de vue subjectif des individus va permettre de mieux détailler leur rôle sur le développement et le maintien de la comorbidité tout en prenant en compte l’interaction entre l’anxiété et l’insomnie proposée par ces modèles.

Avenues futures pour la compréhension de la comorbidité insomnie et anxiété

Les modèles étiologiques de l’anxiété et de l’insomnie n’ont pas été développés en prenant en compte les troubles mentaux comorbides. Chaque modèle a été développé indépendamment l’un de l’autre alors que les écrits scientifiques soulignent clairement la prévalence importante de la comorbidité entre les deux troubles (Taylor et al., 2005). Les écrits scientifiques démontrent aussi la préséance de l’un sur l’autre ou le chevauchement des deux troubles (Cox & Olatunji, 2016a; van de Laar et al., 2015). Seul le modèle explicatif de l’insomnie de Harvey (2002) comprend quelques éléments de symptômes anxieux. Pour leur part, les modèles étiologiques de l’anxiété n’incluent pas le rôle des difficultés de sommeil dans le développement et le maintien de l’anxiété. Pour ces raisons, recueillir le point de vue des individus souffrant d’anxiété et d’insomnie permettrait d’enrichir les modèles afin qu’ils soient plus inclusifs. Ils auraient ainsi une meilleure validité écologique.

Objectifs et question de recherche

L’objectif principal de ce mémoire est de répondre à la question suivante : quel sens les individus donnent-ils au développement de l’anxiété et de l’insomnie comorbides en lien

(25)

avec leur vécu ? Pour ce faire, l’étude comporte deux sous-objectifs. Le premier est d’examiner la perception qu’ont les individus de l’influence de leur contexte de vie, de leurs cognitions, de leurs émotions et de leurs comportements sur le développement et le maintien de l’anxiété et de l’insomnie comorbides. Comme cette étude est davantage axée sur les facteurs psychosociaux et développementaux, l’accent n’est pas mis sur les justifications biologiques que donnent les participants pour expliquer leurs difficultés. Le second sous-objectif est d’enrichir les modèles étiologiques du développement de l’anxiété et de l’insomnie. Afin d’atteindre ces objectifs, l’étude s’intéresse à l’expérience subjective des individus atteints de ces comorbidités. Également, elle met dans l’analyse l’accent sur les facteurs psychosociaux et développementaux. De plus, les thèmes suggérés par les modèles explicatifs de la maladie (MEM) seront abordés avec les participants.

Cadre théorique et démarche

Modèles explicatifs de la maladie (MEM) (Kleinman, 1980)

Le cadre théorique de Kleinman (1980) et son concept des MEM guideront la collecte des données de la présente étude. Ils permettent de s’intéresser au sens que l’individu donne à l’expérience de sa maladie selon son système de croyances, son attitude et ses valeurs. D’abord, il sera question de l’origine du cadre théorique de Kleinman (1980), ensuite de ses principes théoriques, et pour finir de la définition et de l’application du MEM.

Premièrement, le cadre théorique de Kleinman (1980) permet de s’intéresser plus largement à la maladie en mettant l’accent sur ses facteurs psychosociaux. Ainsi, la collecte des données orientée par ce cadre théorique permettra d’enrichir les modèles étiologiques de l’anxiété et de l’insomnie. Kleinman (1980), qui a une approche à la fois médicale et anthropologique, a développé sa vision de la maladie dans un contexte interculturel. Son travail l’a exposé aux limites des connaissances biomédicales. En omettant le contexte socioculturel, il n’était pas en mesure de comprendre et d’aider ses patients d’une autre culture. Ainsi, en occident, la maladie et les sciences sociales sont souvent étudiées de manière indépendante selon une approche biomédicale. Uhde et Cortes (2008) reproduisent ces limites dans leurs modèles puisque ceux-ci sont fondés sur des recherches en médecine.

(26)

Ils omettent ainsi la subjectivité des gens souffrant d’insomnie et d’anxiété et la variabilité individuelle dans l’expérience de cette comorbidité. Afin de répondre à la question de recherche, la présente étude souhaite s’intéresser plus largement à l’anxiété et l’insomnie comorbides que l’approche biomédicale en questionnant le vécu des gens qui en souffrent. Kleinman (1980) oriente son interprétation de la maladie selon des principes théoriques qui peuvent pallier les lacunes identifiées.

Deuxièmement, pour inclure les sciences sociales dans la compréhension de la maladie, Kleinman (1980) propose de considérer la maladie dans un système social, le « système de santé ». Il est constitué des croyances à propos des causes de la maladie, des normes pour son évaluation, du traitement, du statut social et du rôle de l’individu ainsi que de son thérapeute (Kleinman, 1980). Le système social influence le thérapeute et le client dans leur vision de la maladie. La maladie est donc indissociable du contexte de vie de l’individu et de son réseau d’association. Kleinman (1980) fait donc la distinction entre « la maladie » et « être malade ». Selon lui, ces deux concepts s’influencent réciproquement. Il associe « la maladie » aux effets physiologiques de la maladie sur la personne (p. ex. : cœur qui bat vite chez une personne anxieuse). Il associe « être malade » à l’interprétation subjective que la personne fait de sa maladie selon son contexte de vie actuel et passé. Connaître ces interprétations subjectives des gens souffrant de la comorbidité insomnie et anxiété, comme visé par le premier sous-objectif, permettrait d’enrichir les modèles étiologiques pour qu’ils soient plus représentatifs du vécu de ces gens. Ces connaissances permettraient de prendre en compte les facteurs psychosociaux associés à la comorbidité, ce que ne ferait pas l’approche biomédicale. Le cadre théorique de Kleinman (1980) a été également enrichi des réflexions d’autres penseurs (Leventhal, Zimmerman, & Gutmann, 1984 ; Massé, 1995 ; Young, 1982).

L’interprétation subjective de la maladie par les individus a des origines psychosociales multiples dans leur vécu. Kleinman (1980) considère que les croyances de l’individu envers sa maladie et son traitement sont influencées par le « système de santé », les institutions sociales, son rôle social, l’endroit où il interagit avec autrui (p. ex. : maison et bureau du médecin) et des contraintes politiques et économiques (Kleinman, 1980 ; Leventhal et al., 1984 ; Massé, 1995). L’individu va donc internaliser certaines normes

(27)

sociales qui vont ensuite moduler son comportement et ses perceptions face à la maladie, comme la recherche d’aide auprès d’un psychologue. Également, l’individu associe de manière symbolique à sa maladie certaines de ses expériences de vie marquantes (p. ex. : traumatismes personnels, antécédents de maladies, expériences thérapeutiques, réactions et pressions de l’entourage, émotions) (Kleinman, 1980 ; Massé, 1995). Ses croyances sont aussi influencées par d’autres facteurs comme le type de problème de santé et la disponibilité des traitements (Kleinman, 1980). Ce cadre théorique met en évidence que la comorbidité anxiété et insomnie, comme toutes maladies, s’insère dans un contexte personnel et social plus large que la présence ou l’absence de symptômes.

La création de sens par l’individu par rapport à sa maladie est un processus que Leventhal et al. (1984) divisent en deux niveaux. D’abord, ils croient que l’individu fait des associations conscientes avec ses souvenirs en lien avec la maladie, comme le fait d’avoir vu un parent réagir lorsqu’il était malade (Leventhal et al., 1984). Ensuite, la création de sens se fait de manière affective et intuitive, en reliant leurs symptômes et leurs émotions à la maladie (p. ex. : les difficultés d’endormissement, la déprime en lien avec l’insomnie) (Leventhal et al., 1984). Comme la question de recherche le suggère, il est essentiel de s’intéresser à la création de sens des individus qui souffrent d’anxiété et d’insomnie puisqu’elle va influencer le type d’aide recherché (Kleinman, 1981 ; Leventhal et al., 1984). Elle va aussi interagir avec la compréhension qu’a le thérapeute des difficultés de l’individu (Kleinman, 1981 ; Leventhal et al., 1984). Ces données peuvent aider le thérapeute à s’intéresser davantage à la création de sens du client, ce qui favorise l’engagement du client dans son traitement (Leventhal et al., 1984). L’échange avec les participants guidé par le concept des MEM permet des aider à élaborer et clarifier leurs points de vue subjectif.

Troisièmement, les MEM se définissent comme les différentes interprétations d’un épisode de maladie et de son traitement qui sont partagées à la fois par la personne malade et les autres personnes impliquées (p. ex. : psychologue). Kleinman (1981) suggère des questions d’entrevue afin d’accéder aux MEM des personnes malades selon les cinq thèmes suivants : (1) l’étiologie de la maladie (2) le moment et le processus par lequel la maladie a commencé et ses impacts négatifs (symptômes), (3) sa pathophysiologie (origine et fonctionnement biologique), (4) son évolution naturelle et (5) la préférence de l’individu pour

(28)

son traitement. Ainsi, l’approfondissement de la création de sens à propos du vécu de l’anxiété et de l’insomnie est favorisé chez les participants au cours de l’entretien afin de répondre à la question de recherche. Les questions d’entrevue proposées par Kleinman (1980) sont donc intégrées au guide d’entretien semi-structuré conçu pour cette étude. Elles permettront de recueillir, de manière structurée, des informations à propos de l’apparition et de l’évolution de l’anxiété et de l’insomnie afin de compléter les modèles existants. Le paradigme constructiviste, qui guidera la collecte et l’analyse des données, permettra aussi d’approfondir les MEM des participants et de comprendre le sens qu’ils donnent au vécu de l’anxiété et de l’insomnie comorbides. Selon ce paradigme, ils sont les experts de leurs difficultés.

Un exemple de recherche basée sur le modèle de Kleinman qui s’intéresse aux MEM est celle de Henry, Rosenthal, Dedrick et Taylor (2013) auprès de 24 personnes souffrant d’insomnie. Les résultats de cette recherche ont permis de décrire la perception des participants quant aux solutions à leurs difficultés de sommeil. Leurs réponses ont démontré l’importance des aspects interpersonnels dans le traitement de l’insomnie. D’abord, les participants ont rapporté se sentir stigmatisés par leur entourage (p. ex. : l’insomnie est perçue par leurs proches comme un trait de caractère). En raison de cette stigmatisation, les participants favorisaient un autotraitement de leurs difficultés grâce à leurs expériences personnelles et aux informations dans les médias. Ils souhaitaient ainsi regagner une impression de contrôle sur leur corps. Ensuite, les participants expriment être allés chercher une aide psychologique au moment où leurs difficultés de sommeil ont eu un effet négatif sur leurs relations avec leurs proches (Henry et al., 2013).

Approche constructiviste

L’approche constructiviste permet d’accéder au sens que les participants donnent à l’anxiété et l’insomnie comorbides et d’ainsi répondre à la question de recherche. Elle permet d’approfondir avec eux leur point de vue, ce qui complète l’entretien des MEM. Il est possible de définir les approches de recherche selon quatre concepts soit l’ontologie, l’épistémologie, l’axiologie et la méthodologie.

(29)

D’abord, l’ontologie est la vision de la nature de l’humain et de celui-ci en relation avec son environnement (Denzin & Lincoln, 2008). Selon l’ontologie de l’approche constructiviste qui est relativiste, il existe plusieurs réalités qui sont construites par les individus selon le contexte dans lequel ils se trouvent (p. ex. : politique, environnemental, social et relié au genre) (Denzin & Lincoln, 2008; Ponterotto, 2005). Les résultats de recherche permettent d’explorer, de comprendre et de reconstruire le vécu subjectif des participants (selon l’importance qu’ils y accordent) et leurs valeurs (Denzin et Lincoln, 2005). Ainsi, l’approche constructiviste permet d’avoir accès au vécu de l’individu en lien avec l’insomnie et l’anxiété. L’information recueillie est particulière au contexte de sa cueillette, comme l’interaction avec le chercheur et le moment de la rencontre (Denzin et Lincoln, 2005). Contrairement à l’approche post-positiviste, qui est généralement utilisée en psychologie, le constructivisme ne vise pas à fournir des explications de cause à effet des phénomènes afin d’être en mesure de les prédire et de les contrôler (Ponterotto, 2005). Selon l’approche constructiviste, la réalité est changeante dans le temps et selon le contexte, et il est impossible de la saisir complètement (Jackson, 2015). À l’aide des échanges avec chaque participant le chercheur développe une construction du savoir tant individuelle que collective faite de plusieurs points de vue (Denzin et Lincoln, 2005).

L’épistémologie est la manière d’appréhender les connaissances et le rôle du chercheur dans l’acquisition du savoir (Denzin & Lincoln, 2008). D’abord, l’épistémologie de l’approche constructiviste suggère que l’interaction entre le chercheur et le participant n’est pas une source de biais (Jackson, 2015). Ainsi, la connaissance est conjointement créée entre l’expérimentateur et le participant qui construisent une compréhension commune de la réalité par le biais de leurs interactions (Denzin et Lincoln, 2005; Jackson, 2015). L’orientation des discussions lors de l’entretien est donc partagée entre le chercheur et le participant (Denzin et Lincoln, 2005). Chacun, à travers un apprentissage vicariant, intègre des aspects du vécu et la vision de l’autre dans la construction qu’il se fait d’un même phénomène (Denzin et Lincoln, 2005). Ceci permet d’explorer les différentes significations des phénomènes sociaux, d’encourager ce qui se transmet dans le non-dit et de construire une compréhension nouvelle de la situation (Jackson, 2015). De plus, cette construction partagée de la réalité permettra de compléter les modèles théoriques existants de l’insomnie et de

(30)

l’anxiété comorbides issus de connaissances d’approche biomédicale plutôt que du vécu subjectif des individus.

Ensuite, l’axiologie permet de déterminer le rôle des valeurs du chercheur dans la procédure de recherche (Denzin & Lincoln, 2008). Selon celle du paradigme constructiviste, les valeurs et les expériences du chercheur font entièrement partie du processus de recherche (Ponterotto, 2005). Cette recherche requiert donc son implication personnelle selon son vécu en lien avec l’anxiété, l’insomnie et les troubles psychologiques. Finalement, la méthodologie englobe les techniques diversifiées et propres à chacun des paradigmes pour recueillir et analyser les données (Jackson, 2015). Celle privilégiée dans la recherche qualitative constructiviste consiste à recueillir les données auprès de l’individu dans son milieu de vie, à l’aide d’entrevues ou d’observation (Denzin et Lincoln, 2005; Ponterotto, 2005).

Le paradigme de recherche constructiviste permet d’avoir des résultats de recherche qui sont près des réalités des psychothérapeutes, ce qui peut les outiller dans leur travail avec les personnes souffrant d’insomnie et d’anxiété. En premier lieu, l’approche constructiviste et le psychothérapeute ont pour mandat de prendre en compte la réalité de l’individu. Pour y arriver, ils doivent approfondir le contexte de vie de l’individu avec ce dernier et développer un rapport de confiance par un intérêt envers la personne (Beck, 2011). Les données issues de la recherche constructiviste vont donc permettre au psychothérapeute d’adapter le traitement selon les besoins de son client (Beck, 2011; Gabbard, 2010). En second lieu, le psychothérapeute, tout comme le chercheur constructiviste, doit être en mesure de construire avec l’individu une compréhension partagée de ses difficultés (Beck, 2011). Les données issues de la recherche constructiviste de cette étude peuvent ainsi aider le psychothérapeute à mieux collaborer avec le client concernant la prise de décision en lien avec la psychothérapie (Beck, 2011).

Approche qualitative

L’approche qualitative permet d’appliquer l’approche constructiviste dans laquelle s’inscrivent les modèles explicatifs de la maladie. Premièrement, l’entrevue qualitative permet un dialogue avec le participant, ce qui facilite l’accès du chercheur à la réalité des

(31)

participants et aux conceptions qu’ils se font de leurs difficultés (Poisson, 1983). L’approche qualitative constructiviste considère le participant comme l’expert de ses difficultés (Kazdin, 2003). Son discours guide la cueillette des données pour ouvrir à de nouvelles perspectives (Kazdin, 2003). Cette entrevue permet de sortir du cadre des questionnaires quantitatifs prédéfinis qui se limitent davantage à la construction de la réalité de leurs auteurs. Deuxièmement, elle encourage les participants à réfléchir et à créer un sens pour mieux comprendre le lien entre leurs expériences de vie et le fait de souffrir de la comorbidité anxiété et insomnie. Finalement, l’approche qualitative permet de prendre en considération les difficultés des individus en lien avec leur contexte de vie (Denzin & Lincoln, 1994). Ceci peut permettre de compléter les modèles étiologiques existants afin qu’ils soient multidimensionnels et qu’ils reflètent mieux la complexité de la réalité des individus et du travail du thérapeute.

Les apports propres à la recherche qualitative constructiviste orientée par les Modèles explicatifs de la maladie répondront à la question de recherche. Cette recherche permettra de donner la voix aux individus tout en leur permettant d’élaborer davantage leur compréhension de leurs difficultés. Également, cette recherche permettra d’améliorer le travail des cliniciens auprès des personnes affectées par ces troubles. À l’aide de modèles étiologiques plus représentatifs de la complexité et de la multiplicité de la réalité, le clinicien sera mieux outillé pour offrir une évaluation plus complète des difficultés de ses clients, et par conséquent un traitement plus personnalisé. Ceci pourrait aussi avoir pour effet d’améliorer l’alliance thérapeutique et l’expérience des individus qui peuvent avoir l’impression d’être davantage compris. Ainsi, le clinicien peut mieux reconnaître l’importance des différentes sphères de leur vie et de l’interprétation qu’ils en font en lien avec leurs difficultés d’anxiété ou d’insomnie. Un exemple de ceci pourrait être, pour le clinicien, de considérer l’effet des facteurs psychosociaux comme le support social ou le fait d’avoir vécu des expériences d’abus à l’enfance. Il est également possible que des cibles et des objectifs de traitement plus aidants soient déterminés avec la personne puisque ses symptômes sont considérés dans un contexte de vie plus large, autant actuel que passé.

(32)

1. MÉTHODE

1.1 Matériel

Les entrevues utilisées permettent d’effectuer les diagnostics afin de s’assurer des critères d’inclusion. Les questionnaires quant-à-eux permettent d’évaluer le sommeil, le niveau d’anxiété, et la perception subjective des difficultés. Ils sont toutes validées pour une population francophone en clinique ou en recherche. Enfin, les grilles d’entretien semi-structuré permettent d’accompagner les participants dans l’élaboration de sens et le partage de leur vécu subjectif concernant l’anxiété et l’insomnie comorbides.

1.1.1 Entrevues diagnostiques semis-structurées

Entrevue diagnostique de l’insomnie (EDI) (Morin, 1993). Cette entrevue est

composée de 9 questions principales qui comprennent des sous-questions. Elle documente les critères diagnostiques de l’insomnie, sa sévérité, son développement et ses conséquences dans la vie d’un individu. Elle permet aussi de vérifier les critères principaux d’autres troubles de sommeil et l’environnement de sommeil.

Mini-International Neuropsychiatric Interview (MINI) (Sheehan et al., 1998). Il

s’agit d’une entrevue semi-structurée qui permet de soutenir les psychologues dans le diagnostic des troubles de santé mentale selon les critères du DSM-IV et du ICD-10. L’entrevue a un haut niveau de sensibilité. Elle est formée de questions lues par le clinicien auxquels les participants doivent répondre par oui ou non. Les psychologues se référaient également au DSM-5 afin de compléter leur évaluation (APA, 2013).

1.1.2 Questionnaires

Index de sévérité de l’insomnie (ISI) (Morin, 1993). Il s’agit d’un questionnaire

comprenant 7 items qui évalue la sévérité de l’insomnie et de ses conséquences sur le bien-être de l’individu. Chaque question se répond sur une échelle de Likert de « 0 » à « 4 », et concerne les difficultés d’endormissement, du maintien du sommeil, des éveils précoces, les conséquences diurnes de l’insomnie et la satisfaction concernant le sommeil. Les qualités

(33)

psychométriques de la version francophone du questionnaire ont été validées (Bastien, Vallières, & Morin, 2001).

Inventaire d’anxiété trait forme-y (Stai-Y) (Spielberger, 1983). Une version canadienne-française a été validée par Gauthier et Bouchard (1993). Il s’agit d’un questionnaire qui comprend 20 items permettant de mesurer la réponse habituelle d’anxiété de l’individu dans sa vie quotidienne. Chaque question se répond sur une échelle de Likert de « 0 » à « 4 » et porte sur l’anxiété qui peut se manifester de différentes manières (p. ex. : inquiétudes, tension).

1.1.3 Entretiens pour l’expérimentation

Grille d’entretien semi-structuré sur la comorbidité insomnie et anxiété (Annexe A). Cette grille a été développée par l’auteure. Elle est inspirée du « questionnaire explicatif

de la maladie de Kleinman » (1980) et de « l’entretien de la formulation culturelle » (APA, 2013). Elle questionne également le point de vue des participants sur les modèles de Uhde et Cortes (2008). Cette grille d’entretien comporte 18 questions ouvertes accompagnées de sous-questions permettant d’explorer la perception des participants de leurs difficultés.

L’entretien porte sur 7 thèmes afin d’aider le participant à créer un sens concernant son expérience de la comorbidité : (1) le thème de la définition des problèmes est abordé. Il permettra aux participants d’identifier leurs difficultés et le nom qu’ils leur donnent ; (2) le thème de l’origine des difficultés est abordé. Les participants sont invités à s’exprimer sur les causes de leurs difficultés qu’eux et leur entourage perçoivent (p. ex. : événements de vie, maladie physique) ; (3) le thème de l’évolution des difficultés est exploré. Les participants sont invités à s’exprimer sur comment ils croient que leurs difficultés évolueraient sans aide, les raisons de leur maintien et les événements et circonstances qui les soulagent ou les aggravent ; (4) le thème des conséquences de leurs difficultés fait l’objet d’un questionnement. Celui-ci va permettre de connaître les conséquences sur les différentes sphères de leur vie (tâches quotidiennes, relations familiales, travail, loisir, finances, vie sociale et communautaire). Les participants sont également questionnés sur la perception qu’ont leurs proches de ces conséquences ; (5) le thème des solutions est abordé avec eux. Il est discuté des solutions entreprises, envisagées et des attentes envers la psychothérapie ; (6)

(34)

le thème de la relation entre les difficultés est exploré. Les participants sont questionnés sur la présence d’interactions entre leurs difficultés. Le cas échéant, ils sont invités à détailler les influences perçues ; (7) le dernier thème porte sur l’opinion des participants sur la recherche. Il leur est demandé de s’exprimer sur les modèles de Udhe et Cortes (2008) qui seront vulgarisés pour eux. Pour chacune des difficultés nommées par le participant, les questions des thèmes 1 à 5 sont posées à nouveau.

Entretien de la ligne du temps (Martin, 1997) (Annexe B). Cet outil est utilisé en art

thérapie et vise à permettre l’exploration et l’intégration des émotions et perceptions des clients en lien avec leurs événements de vie passés, les étapes importantes de leur vie et les relations vécues avec des personnes importantes. Le participant est invité à dessiner une ligne du temps de sa naissance jusqu’à aujourd’hui, à illustrer les moments marquants de sa vie et à identifier le début de son insomnie et anxiété. Cette entrevue pourra aider les participants à définir leurs modèles explicatifs de l’anxiété et de l’insomnie selon une perspective développementale en facilitant la réflexion sur ces difficultés en lien avec leur histoire de vie à l’enfance, à l’adolescence et à l’âge adulte. Dans une première étude pilote sur la validité de l’outil avec des clients en psychiatrie, l’auteure constate que le graphique est un média accessible qui facilite l’expression des émotions chez les clients en psychiatrie (Martin, 1997). Dans une seconde étude auprès de la même clientèle, elle confirme que les caractéristiques de la ligne du temps représentent fidèlement les émotions vécues par les participants (Martin, 2003). Il y est constaté que la ligne du temps a facilité l’atteinte des objectifs des clients, qui étaient de retrouver un fonctionnement qui leur convient auprès de leur famille et des engagements personnels. Combinée à de la thérapie de groupe à court et long terme, l’utilisation de la ligne du temps a favorisé l’expression des émotions, le développement de mécanismes de gestion du stress plus sains, la socialisation et l’adoption de comportements plus adaptés (Martin, 2003).

1.2 Procédure

Des critères d’inclusion et d’exclusion ont orienté le recrutement des participants. Les trois critères d’inclusion sont les suivants : (1) être âgé de 18 ans et plus; (2) avoir un diagnostic d’insomnie selon les critères du DSM-5 (APA, 2013); et (3) avoir au moins un

Figure

Figure 1. Insomnie et anxiété comme un seul trouble (Uhde & Cortese, 2008)
Figure 2. Insomnie et anxiété comme troubles différents avec des complications secondaires  (Uhde & Cortese, 2008)
Figure 3. Présence de facteurs distincts et communs à l’insomnie et l’anxiété  (Uhde & Cortese, 2008)

Références

Documents relatifs

[r]

En tout état de cause, il est fréquemment rapporté par les chercheurs, une augmentation du risque de déclaration d’un trouble anxieux, qui serait plus élevé, chez les personnes

Je devais prendre des anxiolytiques pour pouvoir suivre mes cours, ou quand j’allais au cinéma, j’avais tellement peur d’avoir envie de vomir pendant le film que je

Le trouble anxieux dû à une affection médicale générale est caractérisé par des symptômes anxieux au premier plan qui sont considérés comme la conséquence physiologique directe

 Peur marquée et persistante (excessive ou irraisonnée) d’une situation ou d’un objet spécifique.  Exemples de phobies spécifiques communes

Le SSRI citalopram et l’antidépresseur sérotoninergique et nora- drénergique spécifique (NaSSA) mirtazapine peuvent être considérés comme médicaments de second choix; leur

Ces  différentes  utilisations  de  l’hypnothérapie  peuvent  être  exclusives  ou   complémentaires.. autonome  dans  sa  pratique.. la

¾ ¾ ATCD fréquents de troubles anxieux, ATCD fréquents de troubles anxieux, anxiété de séparation chez les parents.. anxiété de séparation chez