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Interrelation entre insomnie et anxiété

2. RÉSULTATS

2.3 Interrelation entre insomnie et anxiété

Les participants se sont positionnés sur la relation qu’ils perçoivent entre l’insomnie et l’anxiété. Ils ont abordé l’influence qu’ils perçoivent de l’anxiété sur l’insomnie, de l’insomnie sur l’anxiété et de l’interrelation entre l’anxiété et l’insomnie sous forme de cercle vicieux. Malgré l’organisation de cette section, tous les participants ont mentionné avoir

parfois l’impression que c’est l’insomnie qui exacerbe l’anxiété, et d’autres fois que c’est l’anxiété qui amène des difficultés de sommeil. Leurs perceptions varient selon la question d’entrevue et le moment de leur vie qu’ils décrivent.

2.3.1 Influence perçue de l’anxiété sur l’insomnie

Les participants mentionnent qu’ils croient que l’anxiété leur cause de l’insomnie. En premier lieu, ils identifient avoir développé des problèmes de sommeil alors qu’ils vivaient des périodes plus stressantes (p. ex. : aider un proche en difficulté). En second lieu, ils précisent que leurs difficultés de sommeil sont associées à des symptômes d’anxiété la nuit. Ils ajoutent avoir des préoccupations sur les sujets diurnes et se remettre en question.

Parce que si, par exemple, dans ma journée il y a quelque chose que je n’ai pas fait comme j’aurais aimé qu’il soit fait, bien là je vais me coucher puis je vais me questionner : pourquoi je n’ai pas fait ça comme ça ? Pourquoi ? J’aurais dû faire ça comme ça. C’est dur de m’en défaire. (Françoise, 35-50 ans)

Cette croyance que l’anxiété provoque l’insomnie est renforcée par l’observation suivante : lorsqu’ils se couchent plus calmes, ils ont de meilleures nuits de sommeil. En troisième lieu, certains disent qu’étant très occupés toute la journée, le sommeil est leur seul temps libre pour réfléchir à leurs préoccupations. Ils affirment qu’alors leurs pensées tournent dans leur tête comme un « hamster [dans sa roue] ». En quatrième lieu, plusieurs mentionnent qu’ils identifient l’insomnie comme un symptôme d’anxiété.

Bien, non ce n’était pas seulement le sommeil, parce que je me… C’est rendu que je me connais assez. Parce que oui j’avais des problèmes de sommeil, mais là, je ne dormais plus normalement. Je savais qu’il y avait une cause aux problèmes de sommeil. Finalement, le problème de sommeil, je le voyais vraiment comme un symptôme d’autre chose, d’une anxiété quelconque. (Jean, 35-50 ans)

Finalement, en raison de l’influence perçue que l’anxiété amène l’insomnie, les participants mentionnent avoir l’impression que s’ils réussissaient à mieux gérer leur anxiété, cela leur permettrait de régler leurs symptômes d’insomnie. Par exemple, en se couchant plus calme.

Mais, c’est sûr que s’il y a quelque chose qui m’a tracassée dans la journée, je me couche le soir avec ça en tête. Je considère que je ne gère pas bien cette anxiété-là. Parce que je me couche avec ça, je peux me réveiller la nuit en essayant quand même encore de résoudre un problème, que ce soit un problème lié au travail ou un problème familial-là. […] C’est aussi la gestion de l’anxiété là, c’est sûr. Être capable de gérer efficacement des problèmes qui surgissent dans la journée et ne pas me coucher avec tout ce bagage-là le soir. (Christine, 50 ans et plus)

Une fois l’anxiété soignée, les participants ont l’impression qu’il leur serait plus facile de régler leur insomnie puisqu’ils auraient « seulement un problème à régler ».

2.3.2 Influence de l’insomnie sur l’anxiété

Tous les participants comprennent également que l’insomnie a une influence sur l’anxiété. D’abord, ils expriment qu’elle les rend plus fragiles émotionnellement, ensuite qu’elle diminue leurs capacités cognitives, et finalement, qu’ils appréhendent de vivre d’autres mauvaises nuits de sommeil.

Un premier aspect est que les participants décrivent vivre une fatigue constante en raison de l’insomnie. Ils constatent que cette fatigue les rend plus fragiles émotionnellement. Ils disent alors mal contrôler leurs préoccupations.

C’est que je suis fatiguée, donc je suis plus fragile à contrôler ces idées-là, comment les prendre aussi. Quand on est fatigué, on prend moins bien les choses. Oui, oui. Si j’étais en pleine forme, pis que j’étais capable de plus affronter [les difficultés], j’aurais peut-être un down sur le moment, mais ça durerait peut-être moins longtemps. Mais là, tu sais, ça dure trop longtemps. Là, c’est parce que ça ne fait pas longtemps que j’ai eu une mauvaise nouvelle, je n’allais pas bien non plus, il n’y avait pas d’amélioration. C’est sûr que ça a paru sur mon sommeil, mais s’il m’arrive avec une bonne nouvelle, ça va remonter. (Claire, 50 ans et plus)

Les participants expriment qu’en raison de la fatigue ils ont développé des symptômes associés à la dépression comme la perte d’intérêt, de plaisir, de motivation au quotidien, et les symptômes de l’irritabilité, de l’impatience et de l’épuisement. Ils expriment que ces symptômes de dépression les amènent à vivre du stress, puisqu’ils ressentent un sentiment d’être différents et inadéquats et qu’ils ne répondent plus à leurs exigences élevées.

Ouin, bien tu sais, quand tu n’as pas d’énergie pour rentrer dans une conversation. Tu sais, ce n’est pas agréable, je n’aime pas ça quand j’ai des invités qui sont comme ça. Fait que tu sais, je ne veux pas l’être chez les autres. (Jacques, 50 ans et plus)

Un deuxième aspect prégnant est que les participants affirment que la fatigue a diminué leurs capacités cognitives. Ils décrivent se sentir insécures puisqu’ils se perçoivent comme moins performants au travail et « moches ». En raison de cette baisse de capacité cognitive, les participants décrivent que toutes les sphères de leur vie deviennent plus préoccupantes et qu’il est difficile de répondre à leurs exigences élevées. Pour compenser cette diminution de capacité, ils mentionnent devoir être plus alertes durant la journée et s’activer davantage dans leurs tâches quotidiennes.

Mentalement, c’est plus exigeant, parce que je suis moins vite. Je me sens moins rapide. Je vais allonger les heures de travail pour être sûre si je suis un peu moins rapide dans les tâches. […] De toute façon, avec cette solution, je sortais du travail plus fatiguée. Être plus fatiguée, d’une façon, entraîne plus d’anxiété. (Christine, 50 ans et plus)

Les participants ajoutent que le stress provoqué par le fait de ne pas réussir à répondre à leurs exigences et de devoir fournir des efforts additionnels pour compenser la diminution de leur rendement les rend nerveux et les empêche de bien dormir. Ils décrivent qu’ils sentent ainsi que leur qualité de vie a diminué.

Un dernier aspect concerne une anxiété associée au fait de vivre de mauvaises nuits de sommeil. Les participants expliquent ressentir une urgence de dormir parce qu’ils anticipent de ne « pas pouvoir dormir » avant l’heure du réveil. Ils disent aussi être préoccupés durant le jour par des tentatives de comprendre pourquoi ils ne dorment pas bien. Pour plusieurs, soigner leur insomnie est la solution à leurs problèmes d’anxiété. Ils dévoilent avoir la croyance qu’ils seront en mesure de mieux gérer leurs émotions durant la journée.

Ça me ferait du bien tu sais, c’est vraiment ça, d’avoir l’énergie pour affronter ma journée. Comme hier, je ne l’avais pas. J’avais une grosse journée, mais je n’avais pas l’énergie pour l’affronter, fait que ça m’a stressée. (Jeanne, 20- 35 ans)

C’est sûr que j’aimerais ça régler l’insomnie. Je me dis : régler l’insomnie, j’aurais plus d’énergie. Peut-être que je serais plus capable de suivre des cours de yoga ou de méditation. Je me disais [j’aurais plus d’énergie] pour aller me chercher quelque chose pour me traiter quand je suis plus anxieuse. Me donner d’autres trucs là, sans que ce soit médicamenté. (Nicole, 50 ans et plus) 2.3.3 Interinfluence entre insomnie et anxiété

Les participants mentionnent que l’insomnie et l’anxiété s’entretiennent dans une relation de « cercle vicieux » (Jeanne, 20-35 ans). L’anxiété et l’insomnie sont vues parfois comme un seul trouble et d’autres fois comme deux troubles distincts. D’abord, pour expliquer le cercle vicieux, un participant mentionne :

C’est la fameuse roue qui tourne : « Si tu ne dors pas, tu viens anxieux, si tu es anxieux, c’est parce que tu ne dors pas », bon, et cetera …  (Yvan, 50 ans et plus)

Cette perception amène les participants à vouloir solutionner leurs difficultés en brisant le cercle vicieux. Ils croient pouvoir l’arrêter en réglant d’abord l’insomnie ou l’anxiété.

Ensuite, l’insomnie et l’anxiété peuvent être perçues par les participants comme un seul problème. Ils observent que leurs symptômes d’anxiété et d’insomnie sont associés de près dans le temps. De ce fait, ils voient chacun des troubles comme étant le symptôme de l’autre trouble.

On dirait que, pour moi, c’est comme s’il n’y avait pas tant de distinctions entre l’anxiété et l’insomnie. Parce que, comme j’ai dit, j’avais impression que ça faisait un cercle vicieux, que mon anxiété me causait de l’insomnie qui augmentait mon anxiété finalement. (Jean, 35-50 ans)

Finalement, l’insomnie et l’anxiété sont aussi perçues comme deux problèmes distincts. Une participante mentionne mal dormir même les journées où elle n’a pas de tracas. Les participants peuvent aussi observer des gens autour d’eux qui vivent seulement les symptômes d’un des deux troubles.