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Ainsi qu'il a pu être précédemment observé, l'information des candidats ou

PREMIERE PARTIE

70. Ainsi qu'il a pu être précédemment observé, l'information des candidats ou

soumissionnaires évincés des motifs de rejet de leur candidature ou de leur offre est un élément déterminant dans la décision de ces requérants potentiels à saisir le juge des référés précontractuels de la légalité de la procédure de passation mise en œuvre. Le juge reconnaît, certes, que sa méconnaissance constitue un manquement aux règles du droit de la commande publique, mais aussi fondamentale que soit cette information, elle ne fait pour autant l'objet d'aucune protection juridictionnelle accrue. L'insuffisante attention accordée à ce premier mécanisme peut conduire à diminuer considérablement l'effectivité du référé précontractuel.

Il ressort de la jurisprudence administrative que la méconnaissance de l'obligation d'information sur demande des candidats ou soumissionnaires évincés des motifs de rejet de leur candidature ou de leur offre178 constitue de la part du pouvoir adjudicateur un

manquement à ses obligations de publicité et de mise en concurrence dont il appartient au juge administratif, saisi en application de l'article L. 551-1 du Code de justice administrative, de tirer les conséquences179. Le principe ainsi dégagé à propos de la méconnaissance de

l'obligation d'information sur demande est aisément transposable à la méconnaissance de

177CE, sect., 3 octobre 2008, Smirgeomes, préc. V. en contentieux des contrats privés de la commande publique : Cass. Com., 23 octobre 2012, pourvoi n° 11-23.521. V. antérieurement : Cass. Com., 8 décembre 2009, pourvoi n° 08-21.714.

178Code des marchés publics, article 83.

179CE, 21 janvier 2004, Société Aquitaine Démolition, préc. En cas de manquement, il est enjoint à l'administration de communiquer les motifs de rejet de la candidature ou de l'offre au requérant. Afin de donner plein effet à cette injonction, la procédure de passation du contrat est également suspendue.

l'obligation d'information immédiate, dans la mesure où chacune de ces communications participe au même objectif d'informer les candidats et soumissionnaires évincés du résultat de l'adjudication et présente des informations identiques180. La méconnaissance de l'obligation

d'information immédiate au titre de l'article de 80 du Code des marchés publics constitue donc, à l'instar de la méconnaissance de l'obligation d'information au titre de l'article 83 du même Code, un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence susceptible de relever de l'office du juge des référés précontractuels181.

Cependant, la méconnaissance de cette obligation d'information spontanée ne sera pas automatiquement sanctionnée par le juge des référés précontractuels, dès lors que celle-ci n'aura pas lésé ou n'aura pas été susceptible de léser le requérant qui aura tout de même pu introduire son recours. Le moyen selon lequel le défaut d'information spontanée aurait privé le requérant de la possibilité de saisir le juge des référés précontractuels ne saurait être opérant à partir du moment où celui-ci a été en mesure de présenter une demande recevable devant ce juge et a eu communication des motifs de rejet de sa candidature avant que ce dernier ne statue182. Le juge est même allé jusqu'à admettre que le manquement tiré du non-respect des

dispositions de l'article 80 du Code des marchés publics n'était plus constitué « si l'ensemble

des informations mentionnées aux articles 80 et 83 a été communiqué au candidat évincé à la date à laquelle le juge des référés statue sur le fondement de l'article L. 551-1 du Code de justice administrative, et si le délai qui s'est écoulé entre cette communication et la date à laquelle le juge des référés statue a été suffisant pour permettre à ce candidat de contester utilement son éviction »183.

180La communication sur demande au sens dudit article 83 est destinée aux candidats n'ayant pas bénéficié d'une information spontanée au sens de l'article 80 du même Code. Le contenu des informations immédiate et spontanée tendent nécessairement à s'aligner.

181La qualification de ce moyen en manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence n'est pourtant pas évidente dans la mesure où l'obligation d'information ne porte pas, à proprement parler, sur la période pendant laquelle les offres concurrentes se disputent sur le marché, mais est consécutive à la décision d'adjudication. En d'autres termes, « elle ne touche pas, matériellement et temporellement, la phase

proprement dite de la passation du marché ». Pour autant, il ne saurait en aller autrement : c'est sur cette

information que le requérant est à même de s'appuyer pour introduire une requête en référé précontractuel. V. en ce sens, PIVETEAU Denis, conclusions sur CE, 21 janvier 2004, Société Aquitaine de démolition, in CJEG, mars 2004, p. 134 et s, spéc. p. 136.

182V. par ex. : CE, 20 mai 2009, Commune de Fort-de-France, req. n° 311379. En sens contraire, v. : TA Bastia, 7 janvier 2009, Société SAS TSA Sisyphe, req. n° 08-01310, espèce dans laquelle il a été jugé que l'insuffisance de motivation a pu léser les intérêts du requérant, dès lors qu'il a été privé de ce fait d'arguments dont il aurait pu se prévaloir dans son recours.

183CE, 6 mars 2009, Syndicat mixte de la région d'Auray Belz Quiberon, req. n° 321217, T., p. 840. Il incombera inéluctablement au juge de procéder à un contrôle de proportionnalité entre l'importance des informations transmises et l'exigence temporelle. Lorsque les informations demandées au titre de l'article 83 du Code des marchés publics viendront compléter l'insuffisance de l'information à laquelle il a été préalablement procédé sur le fondement de l'article 80 du même Code - ce qui est le cas en l'espèce -, nous sommes tentés de penser que plus les nouvelles informations transmises seront de faible portée ou d'importance, moins le caractère tardif de cette communication sera sanctionné par le juge, dès lors qu'en tout état de cause, le requérant aura pu contester utilement son éviction. A l'inverse, plus cette communication sera

Cet état de la jurisprudence invite à penser que l'obligation d'information spontanée de l'article 80 du Code des marchés publics se transforme progressivement en une obligation chimérique dont la méconnaissance ne sera plus avérée - ni donc sanctionnée - dès lors qu'il aura été satisfait à l'obligation d'information sur demande au titre de l'article 83 du même Code184. La solution de l'arrêt « Syndicat mixte de la région d'Auray Belz Quiberon »

contribuerait, en quelque sorte, à nier tout effet impératif des dispositions de l'article 80 du Code des marchés publics. En conséquence, rien n'empêche de supposer que l'administration serait tentée d'attendre que le candidat ou le soumissionnaire évincé se manifeste pour connaître les motifs de rejet de sa candidature ou de son offre plutôt que de satisfaire spontanément à l'obligation d'information de l'article 80 du Code des marchés publics. L'information sur demande - dont la satisfaction n'est aucunement subordonnée à l'absence de signature du contrat - pourrait intervenir postérieurement à la conclusion de celui-ci, laquelle entraînera inéluctablement la forclusion de l'action contentieuse.

Si l'obligation d'information spontanée contribue, en théorie, aux côtés de la clause de gel et de la suspension automatique de signature dès l'introduction du recours, à asseoir l'effectivité du référé précontractuel, l'absence de réelle sanction de la méconnaissance des prescriptions de l'article 80 du Code des marchés publics ainsi que l'étrangeté des modalités de sa réalisation185 conduit à s'interroger sur les réalités de l'introduction d'une action

matériellement importante, plus la variable temporelle devra être longue, à défaut de laquelle le requérant ne pourrait être considéré comme ayant pu contester utilement son éviction. V. également, en droit de l'Union européenne : CJCE, 15 octobre 1987, Heylens e.a, aff. 222/86, Rec. p. 4097 ; CJCE, 30 avril 2009, Mellor, aff. C-75/08, Rec. p. I-3799 ; CJUE, 17 mars 2011, Peñarroja, aff. C-372/09 et C-373/09, Rec. p. I-01785. 184VINCENT-LEGOUX Marie-Caroline, « Portée des obligations de transparence portant sur le pouvoir

adjudicateur à l'égard du candidat évincé », note sous CE, 6 mars 2009, Syndicat mixte de la région d'Auray Belz Quiberon, in ADJA, 2009, p. 1554 et s., spéc. p. 1557 : « Dès lors que les articles 80 et 83 sont fondés

sur ‘le droit à un recours utile', leur méconnaissance ne sera reconnue et sanctionnée que si elle prive de ce droit le candidat évincé. Le Conseil d'État fait ainsi prévaloir l'esprit de ces textes et ‘subjectivise' l'appréciation du manquement : c'est la possibilité pour le candidat écarté de contester utilement le rejet de son offre qui conditionne la validité de la procédure de passation dans le cas où les articles 80 et 83 du Code n'ont pas été rigoureusement respectés ».

185V. d'une part : CE, 24 juin 2011, Commune de Rouen, req. n° 347840 : le Conseil d'État a, en effet, jugé que

« [les dispositions de l'article 80 du Code des marchés publics] n'interdisent pas au pouvoir adjudicateur, après avoir communiqué les motifs justifiant le rejet d'une candidature ou d'une offre, de procéder ultérieurement à une nouvelle communication pour compléter ou préciser ces motifs, voire pour procéder à une substitution de motifs ». V. d'autre part : CE, 18 décembre 2012, Métropole Nice Côte d'Azur,

req. n° 363342 : le Conseil d'État admet libéralement que la seule indication du classement et des notes obtenues constitue une motivation suffisante au regard des exigences de l'article 80. Le Professeur Florian LINDITCH ne manquait pas de remarquer que « cette solution libérale ne va pas sans susciter quelques

inquiétudes au regard des exigences du juge communautaire, et plus largement du droit au recours effectif régulièrement rappelé par le juge européen ». V. en ce sens : LINDITCH Florian, « Lettre de motivation de

rejet de l'article 80 : les indications du classement du candidat et des notes attribuées suffisent », note sous CE, 18 décembre 2012, Métropole Nice Côte d'Azur, in JCP Administrations et collectivités territoriales, p. 24 et s., spéc. p. 24 et v. précédemment § 38. V. postérieurement : CE, 15 février 2013, Société SFR, req. n° 363854, arrêt qui constate la suffisance des informations fournies au titre de l'article 80 du Code des marchés publics.

contentieuse utile par un requérant en proie à une indétermination à exercer un recours lorsqu'il n'en est pas privé.