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Enfin, en ce qui concerne la suspension automatique de la signature du contrat,

PREMIERE PARTIE

72. Enfin, en ce qui concerne la suspension automatique de la signature du contrat,

celle-ci trouve les limites de son efficacité dans le respect des conditions d'introduction d'une requête en référé précontractuel.

La suspension automatique de la signature du contrat n'est plus subordonnée à une ordonnance du juge des référés précontractuels enjoignant au pouvoir adjudicateur de différer la signature du contrat, mais est fonction de la seule et unique introduction du référé

202Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives n° 89/665/CEE et n° 92/13/CEE du Conseil en ce qui concerne l'amélioration de l'efficacité des procédures de recours en matière de passation des marchés publics, Com(2006) 195 final.

203Directive n° 2007/66/CE, préc., point 18.

204VINCENT-LEGOUX Marie-Caroline, « La signature des marchés : précipitation et référé précontractuel », note sous Conseil d'État, 7 mars 2005, Société Grandjouan-Saco », in RFDA, 2005, p. 1994 et s., spéc. p. 1996. V. également : CE, 15 février 2013, Société Novergie, préc.

précontractuel auprès du tribunal administratif, laquelle est soumise au respect d'une notification simultanée au pouvoir adjudicateur ou à l'entité adjudicatrice du dépôt de la requête. La jurisprudence a estimé, à ce propos, que le défaut de notification du recours au pouvoir adjudicateur ne constitue pas une fin de non-recevoir à l'introduction d'un référé précontractuel206. L'institution d'une telle notification est uniquement motivée par le souci de

prévenir le pouvoir adjudicateur de l'introduction d'un référé précontractuel et de l'interdire à signer le contrat. Cet état du droit invite donc à penser que la notification de l'introduction de la requête par le requérant à l'administration constitue une formalité qu'il n'est pas indispensable de respecter, sauf à vouloir bénéficier – au demeurant légitimement - de ladite suspension.

Si la méconnaissance de cette formalité n'a aucune répercussion directe sur la recevabilité de l'action contentieuse en référé précontractuel, il n'en demeure pas moins que celle-ci sera indirectement sanctionnée par la fermeture du référé contractuel même lorsque le contrat aura été signé en violation de la suspension automatique de la signature dès l'introduction du recours. L'exception au principe du non-cumul des référés précontractuel et contractuel tirée de la méconnaissance de la suspension automatique de signature207 ne jouera

plus lorsque le requérant n'aura pas satisfait à la notification de sa requête au pouvoir adjudicateur au titre des articles R. 551 et R. 551-2 du Code de justice administrative. C'est en ce sens que la haute juridiction administrative s'est prononcée dans un arrêt du 30 septembre 2011, au terme duquel il a été considéré « qu'en vertu de l'article L. 551-14 du

Code de justice administrative, le recours contractuel demeure ouvert au demandeur ayant fait usage du référé précontractuel dès lors que le pouvoir adjudicateur n'a pas respecté la suspension prévue à l'article L. 551-4 ou ne s'est pas conformé à la décision juridictionnelle rendue sur ce recours ; qu'il en va toutefois différemment lorsque le recours contractuel, présenté par un demandeur qui avait antérieurement présenté un recours précontractuel, est dirigé contre un marché signé durant la suspension prévue à l'article L. 551-4 alors que le pouvoir adjudicateur était dans l'ignorance du référé précontractuel en raison de la méconnaissance, par le demandeur, de ses obligations de notification prévues à l'article R. 551-1 »208.

206CE, 10 novembre 2010, Ministre de la défense, préc. 207Code de justice administrative, article L. 551-14.

208CE, 30 septembre 2011, Commune de Maizières-les-Metz, req. n° 350148, Rec. p. 450. V. DACOSTA Bertrand, conclusions sur CE, 30 septembre 2011, Commune de Maizières-les-Metz, in BJCP, novembre- décembre 2011, p. 465 et s., spéc. p. 468 : « la collectivité ne peut être regardée comme ayant méconnu la

suspension prévue à l'article L. 551-4 ou à l'article L. 551-9 qu'à partir du moment où elle a été informée de la saisine du juge du référé précontractuel. [...] Dans cette optique, la collectivité qui signe le contrat sans avoir été avisée de la saisine du juge du référé précontractuel respecte la suspension de l'article L. 551-14,

Par l'absence de sanction directe sur la recevabilité du référé précontractuel, la jurisprudence déroge au caractère impératif des dispositions des articles R. 551-1 et R. 551-2 du Code de justice administrative en transformant l'obligation de notification en formalité non substantielle. Mais cette dispense de notification de la requête par les requérants au pouvoir adjudicateur est en réalité illusoire car, d'un autre côté, ceux-ci sont incités à considérer que cette notification constitue une véritable obligation qu'il est nécessaire, dans leur intérêt, de respecter. Le juge a choisi de faire porter la sanction de la méconnaissance de cette formalité en aval par la fermeture du référé contractuel, lorsqu'un référé précontractuel aura été introduit, bien qu'entre temps le contrat eût été signé, plutôt qu'en amont par la sanction de la fin de non recevoir du référé précontractuel. Là où le juge minore l'astreinte de l'obligation de notification de la requête au pouvoir adjudicateur ou à l'entité adjudicatrice dans les mêmes formes et délais, il en restreint tout autant la souplesse en fermant la voie du référé contractuel par application de l'adage nemo auditur propriam

turpitudinem allegans.

In fine, la solution retenue par la jurisprudence administrative aboutit à piéger le

requérant, - obligé en fait, si ce n'est en droit - à procéder à cette notification de la requête pour prétendre à bénéficier d'une mise en œuvre effective du référé contractuel en cas d'échec d'un référé précontractuel préalablement introduit. S'il est certain que l'administration aura connaissance de l'introduction d'un référé précontractuel par le greffe du tribunal administratif saisi, cette notification est tout de même potentiellement nuisible au requérant, en ce qu'elle permettrait de redonner vie à cette volonté de « course à la signature » de l'administration consciente, d'une part, des conséquences contentieuses d'une signature anticipée du contrat sur la procédure de référé précontractuel pour laquelle le juge régulièrement saisi n'a pas les moyens de sanctionner et, d'autre part, d'un office du juge des référés contractuels restreint209.

qui ne s'impose à elle qu'à compter du moment où elle est informée. Cette approche peut sembler d'autant plus justifiée que, comme on l'a vu, les articles R. 551-1 et R. 551-2 prévoient que l'auteur du recours doit notifier celui-ci à la collectivité 'en vue d'éviter que le marché contesté ne soit prématurément signé', pour reprendre votre décision Ministre de la défense. Il appartient donc à l'auteur du recours de procéder aux diligences requises, et de subir les conséquences de son éventuelle inertie. Sinon, on ne voit pas très bien quelles conséquences peut avoir la méconnaissance de l'obligation de notification ».

209Sur le fondement de l'article L. 551-18 du Code de justice administrative, le juge des référés contractuels peut prononcer la nullité du contrat lorsque celui-ci aura été signé pendant la la suspension prévue à l'article L. 551-4 ou à l'article L. 551-9, si et seulement si, il aura été démontré que la méconnaissance de ces obligations a privé le demandeur de son droit d'exercer le recours prévu par les articles L. 551-1 et L. 551-5 que les obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sa passation est soumise ont été méconnues d'une manière affectant les chances de l'auteur du recours d'obtenir le contrat. Dans l'hypothèse où les deux conditions permettant le constat de la nullité ne sont pas remplies, le juge des référés contractuels peut mettre en œuvre ses autres pouvoirs : résiliation du contrat, réduction de sa durée, pénalité financière, sous réserve de la prise en compte d'une raison impérieuse d'intérêt général.

§ 2 : Du changement de paradigme né de la jurisprudence « Smirgeomes » à la raréfaction de la sanction des manquements au droit de la commande publique