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Toute définition de l'intérêt à agir aussi spécifique soit-il selon les

PREMIERE PARTIE

Chapitre 2 : Le référé précontractuel et le référé contractuel, deux voies de droit au

81. Toute définition de l'intérêt à agir aussi spécifique soit-il selon les

caractéristiques propres à chaque recours contentieux - peut sembler superfétatoire, à partir du moment où il est un principe général du contentieux administratif selon lequel cet intérêt s'apprécie non pas au regard des moyens invoqués, mais des conclusions dont le juge est saisi223. Les pouvoirs publics ont toutefois pris le soin de définir l'intérêt à agir en référé

précontractuel et en référé contractuel.

La définition de l'intérêt à agir en référé précontractuel apparaît dès la transposition des directives « Recours » dans leur version originale et est désormais codifiée à l'article L. 551-10 du Code de justice administrative dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 7 mai 2009. Celui-ci dispose que « les personnes habilitées à engager les recours prévus aux

articles L. 551-1 et L. 551-5 sont celles qui ont intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par le manquement invoqué ». A l'instar du référé précontractuel,

les textes organisant le régime juridique du référé contractuel font semblablement état du même principe. Aux termes de l'article L. 551-14 du même Code, « les personnes habilitées à

agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sont soumis ces contrats ».

Il ressort ainsi de ces dispositions que la définition de l'intérêt à agir en référé précontractuel et en référé contractuel est théoriquement établie selon une double acception fondée, d'une part, sur la prise en considération d'un intérêt à conclure le contrat et, d'autre part, sur la potentielle lésion des intérêts du requérant constituée par des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence invoqués224.

222L'étude portera uniquement sur le préfet qui pourra aussi bien agir en référé précontractuel qu'en référé contractuel. Il convient de relever que la saisine du juge des référés précontractuels par l'État agissant comme mandataire de la Commission européenne, garante de la légalité communautaire, n'a pas d'équivalent en référé contractuel. V. à cet effet, Directive n° 2007/66/CE, préc., article 1er, 3) ; Code de justice administrative, article L. 551-10.

223V. par ex. : CE, 15 mars 1957, Isräel, req. n° 31113, Rec. p. 174 ; CE, sect., 13 décembre 1974, Ministre de l'aménagement du territoire, de l'équipement, du logement et du tourisme contre Demoiselle Gratet du Bouchage, req. n° 91496, Rec. p. 629.

224V. Directive n° 89/665/CEE, article 1er, 3° ; Directive n° 92/13/CEE, article 1er, 3° ; CJCE, 19 juin 2003, Werner Hackermüller, aff. C-249/01, Rec. p. I-06319, pt. 17-19 : « [...] il suffit de rappeler que, en vertu de

l'article 1er, paragraphe 3, de la directive 89/665, les États membres sont tenus d'assurer que les procédures de recours prévues par ladite directive sont accessibles 'au moins' à toute personne ayant ou ayant eu intérêt à obtenir un marché public déterminé et ayant été ou risquant d'être lésée par une violation alléguée du droit communautaire en matière de marchés publics ou des règles nationales transposant ce droit. Il en découle que cette disposition n'oblige pas les États membres à rendre lesdites procédures de recours accessibles à

In abstracto, les catégories de requérants recevables à agir en référés précontractuel et

contractuel sont de deux types : les concurrents évincés225 et les candidats potentiels.

Par concurrents évincés, il faut entendre toutes les personnes qui ont été candidates à l'attribution du contrat et dont la candidature ou l'offre n'a pas été retenue. Cette qualité pour agir résulte de la seule démarche d'avoir participé à une procédure de consultation. Sous la dénomination « candidats potentiels », il s'agit d'entendre l'ensemble des candidats qui n'ont pas participé à la procédure mais qui auraient pu le faire, faute pour l'administration d'avoir respecté les formalités de publicité adéquates ou de les avoir dissuadés de soumissionner en raison de la violation des obligations de mise en concurrence. Dans l'hypothèse où une entreprise aurait été vraisemblablement empêchée de participer à une consultation, c'est au juge qu'il revient la charge de vérifier qu'elle aurait été théoriquement à même de fournir la prestation faisant l'objet du contrat à conclure pour lui reconnaître la qualité de candidat potentiel226. A l'inverse, une entreprise qui ne s'est pas portée candidate

alors qu'elle aurait pu le faire ne sera pas recevable à agir227.

Quant aux concurrents pressentis, si le juge administratif avait pu laisser entendre que celui-ci aurait intérêt à agir parce qu'ayant un intérêt à conclure le contrat en toute conformité avec les obligations de publicité et de mise en concurrence228, cette catégorie de requérants

ayant un intérêt à obtenir un « brevet de légalité » de la procédure de passation n'existe dorénavant plus229.

Certains requérants sont, en tout état de cause, irrecevables à saisir le juge des référés précontractuel et contractuel, parce qu'ils ne peuvent participer à une procédure de passation d'un contrat relevant de la commande publique. Ainsi, en est-il des élus locaux, à l'exemple d'un conseiller municipal230 ; des représentants des intérêts professionnels, tel l'ordre des

toute personne souhaitant obtenir l'adjudication d'un marché public, mais qu'elle leur permet d'exiger, en plus, que la personne concernée ait été lésée ou risque d'être lésée par la violation qu'elle allègue. Il convient dès lors de répondre à la première question que l'article 1er, paragraphe 3, de la directive 89/665 ne s'oppose pas à ce que les procédures de recours prévues par ladite directive ne soient accessibles aux personnes qui souhaitent obtenir l'adjudication d'un marché public déterminé que si celles-ci ont été ou risquent d'être lésées par la violation qu'elles allèguent ».

225Les concurrents évincés se divisent en deux catégories : les candidats évincés et les soumissionnaires évincés. L'utilisation de l'une ou l'autre dénomination dépend de la temporalité de l'éviction selon l'analyse de l'offre au fond.

226V. par ex. : TA Grenoble, 10 avril 2006, Société Antennes Plus, req. n° 0601247.

227V. pour le cas particulier de dépôt d'une offre au-delà du délai imparti : TA Lyon, 3 octobre 2007, Société Eurovia Drôme Ardèche Loire Auvergne, req. n° 0706075 ; TA Lyon, 19 octobre 2007, Société Sepur, req. n° 0706952. V. également : CE, 23 juillet 2012, Commune de Villefranche-sur-Mer, req. n° 358779. 228V. par ex. : CE, 19 septembre 2007, Communauté d'agglomération de Saint-Étienne Métropole,

req. n° 296192, T., p. 1007.

229V. par ex. : CE, 23 décembre 2011, Département de la Guadeloupe, req. n° 350231. A rapprocher de : CE, sect., 3 octobre 2008, Smirgeomes, préc.

architectes231 ; des associations locales232, pour lesquels le contentieux de l'acte détachable du

contrat leur est ouvert sous réserve de la démonstration d'un intérêt à agir233.