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CHAPITRE IV : PROBLÉMATIQUE ET CADRE MÉTHODOLOGIQUE

III. Enquête et méthodologie

III.2. La pré-enquête

Afin de dégager les représentations et images liées à la langue française, nous avons opté pour une étude exploratoire, sous forme d’un questionnaire composé de trois questions ouvertes, administré à un échantillon d’étudiants composé de 126 sujets, dont 96 étudiantes (soit 76,2%) et 30 étudiants (soit 23,8%), la pré-enquête s’est effectuée seulement au niveau de l’université de Batna, car il nous a été impossible, pour des raisons sécuritaires, de nous rendre au Liban pour effectuer cette étape. Notre but, dans cette phase, était d’explorer les positions des enquêtés concernant la langue française, sans pour autant que les questions n’évoquent cela directement. Nous avons, à travers une analyse de contenu et une analyse thématique effectuées par le biais du logiciel le Sphinx Edition Lexica Version 5, dégagé les représentations et images que se font les étudiants de la langue française.

Nous avons opté pour une analyse de contenu, en nous intéressant plus particulièrement à une analyse thématique catégorielle qui aura pour but de comptabiliser les fréquences d'apparition de caractéristiques relevées auprès d'une population. Ces caractéristiques relevées à partir des réponses des étudiants, sous formes d'adjectifs, de substantifs et de noms utilisés par le sujet qui ont été regroupées en catégories en fonction des similitudes sémantiques. Ces catégories, ou classes, sont construites à partir de thèmes appelés aussi "unités d'analyse". Après la comptabilisation des segments les plus répétés, nous avons tenté de dégager les associations de mots propres à la langue française. Les questions posées tournaient autour de trois axes, le premier concerne la situation de la langue française au sein de la société algérienne, le deuxième vise à connaitre les sentiments que portent les étudiants vis-à-vis du français et le troisième traite des pratiques langagières.

III.2.1. Statut de la langue

Nous avons principalement procédé par induction, après lecture de toutes les réponses concernant la situation de la langue française au sein de la société algérienne, nous avons essayé de dégager les références et segments répétés. Une première analyse visait le classement des segments les plus répétés.

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Le plus souvent, les étudiants optent pour la désignation du français comme étant langue seconde, par rapport à celle de langue étrangère, sachant que les étudiants, de par leur spécialisation, sont conscients de la différence, qui est d’ordre sociolinguistique, existant entre ces deux appellations, à cela s’ajoute, le fait qu’ils connaissent le « statut officiel » de la langue française en Algérie, qui est considérée comme langue étrangère sans plus.

Après l’analyse thématique des réponses des sujets, selon les étudiants, le français est, principalement, une langue scientifique utilisée dans les administrations (34,1%), c’est un moyen d’enrichissement culturel et véhicule une certaine idée de prestige (32,5%). Sur ce plan aussi, l’appellation langue seconde (24,6%) l’emporte sur celle de langue étrangère (15,9%). Les étudiants, trouvent que les Algériens parlent plus français dans les grandes villes, tel que la capitale et les villes côtières ainsi qu’en Kabylie (20,6%) et ce en comparaison à la ville de Batna.

III.2.2. Images de la langue française

La deuxième partie de la pré-enquête était centrée sur ce que représente la langue française pour les étudiants. La langue française est favorablement perçue, elle est considérée comme étant : un moyen de savoir et de communication avec autrui, une langue de culture, de littérature et de prestige et enfin une langue résultante de la colonisation française de l’Algérie. Selon les réponses des sujets, la langue de Molière est : belle et artistique (33,3%), scientifique (23,8%), internationale (23,8%), riche (15,1%), universelle (14,3%), seconde (6,3%), étrangère (6,3%), difficile (5,6%) et facile (4,8%).

III.2.3. Les pratiques langagières

Dans cette troisième partie, centrée sur les pratiques langagières en dehors de l’université. Les étudiants estiment qu’ils ont recours à la langue française : lorsqu’ils parlent avec des étrangers (30,2%), dans leur vie quotidienne (19%), pour le chat sur internet (13,5%), en discutant avec des membres de la famille ne parlant pas arabe (11,9%), avec les amis (11,9%), en famille (9,5%), sur le lieu de travail (9,5%), pour effectuer des recherches (7,9%), pour faciliter les déplacements surtout dans les pays francophones (6,3%), dans les autres villes algériennes, notamment dans les grandes villes (6,3%) et pour les visites médicales (4%).

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III.2.4. Différentes opinions d’étudiants

Dans cette dernière partie, nous nous contenterons de présenter certaines citations tirées des réponses des étudiants, elles résumeront à elles seules, les sentiments qu’éprouvent ces enquêtés vis-à-vis de la langue française et ce en fonction de la perception qu’ils se font de l’opinion de leur entourage.

Le regard désapprobateur de l’Autre, lors de l’utilisation de cette langue est le plus présent, par exemple une étudiante trouve que les autres observent bizarrement une personne parlant français : « Si on rencontre quelqu'un qui parle français en dehors de l'université, on va

l'observer bizarrement. » Le recours à la langue arabe imposé par les autres, en justifiant une

légitimité historique ou religieuse est parmi les arguments présents dans les réponses des enquêtés, un étudiant estime que « le français cède sa place à la langue arabe.

Personnellement, à chaque fois si je suis dans la rue je fais tout pour me faire comprendre en utilisant d'autres moyens, parce qu'on me dit : si tu es musulman, vaut mieux parler arabe. »

L’appréciation des autres et la place privilégiée qu’occupe le français est l’argument principal véhiculé dans les réponses, une étudiante dit qu’ « en ayant recours à la langue française, j'ai

constaté que les gens me voyait. » L’enrichissement personnel et culturel que le français

apporte à ses locuteurs est présent dans les opinions des étudiants, un étudiant pense que le français est « une langue magnifique, celle de la diplomatie, elle est romantique et

extrêmement intéressante. Pour moi, c'est la meilleure langue que j'ai connue, je ne peux expliquer le plaisir que j'ai quand je parle en français. Les francophones et ceux qui veulent apprendre le français jouissent d’une grande chance.»

III.2.5. Synthèse

Face à un milieu social, qui véhicule une certaine forme de « lutte » entre deux groupes idéologiquement opposés qui sont, chacun, porte-parole d’une langue donnée, les étudiants qui baignent dans un bilinguisme plutôt conflictuel, font le choix de donner de la langue française une vision assez positive, pour eux c’est plus une langue seconde qu’étrangère, un moyen de communication et de savoir, une langue riche, belle et artistique. A travers l’analyse de leurs productions écrites, nous pourrons ainsi avancer, que ces jeunes qui se spécialisent en lettres françaises, éprouvent un sentiment favorable vis-à-vis de la langue française, qui pourrait aboutir à la naissance d’un sentiment d’appartenance envers ce groupe linguistique particulier, cependant la portée historique reste présente dans les esprits des enquêtés.

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La pré-enquête nous a permis de mieux cerner les grandes lignes de notre recherche, et fut un appui pour la construction des différents items constituant les parties du questionnaire de l’enquête proprement dite, elle nous a offert aussi les mots inducteurs proposés aux sujets pour l’application du modèle des SCB.

III.3. L’enquête

III.3.1. Passation de l’enquête

La passation de l’enquête s’est effectuée, en deux phases, la première, relative à l’Algérie, s’est déroulée à l’université de Batna durant le mois de novembre 2007, il s’agissait de l’administration du questionnaire aux étudiants de toutes les années et ensuite avec un nombre plus réduit de sujets volontaires, nous avons procédé à l’administration du questionnaire relatif aux SCB. La seconde, qui s’est déroulée au Liban au mois de janvier 2008, au niveau de l’Université Libanaise et l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, un certain nombre de questionnaire a été administré directement aux étudiants, et pour les autres nous avons eu recours à l’envoi par internet des enquêtes par le biais de Sphinx online. Dans ce qui va suivre, nous allons présenter le détail des différentes parties de notre enquête.

Notre partie pratique consistait en une étude qui portait sur des groupes d’étudiants des trois universités. Le choix des étudiants s’est fait selon plusieurs critères : le sexe, l’année d’étude, la scolarité des parents, l’Arabophonie – Berbérophonie – Francophonie des parents, l’appartenance citadine/rurale, le secteur public/privé (pour le Liban) et la confession (pour le Liban). Un questionnaire destiné aux étudiants avec des échelles d’attitudes a été administré aux sujets, dont les objectifs étaient de :

 Dégager les représentations des langues : française et arabe littéraire

 Déterminer le positionnement des étudiants par rapport aux différentes représentations présentes dans les discours portant sur les langues en présence.

 Analyser les attitudes (xénophobie, xénophilie) par rapport à l’Autre (Français notamment)

 Rechercher l’existence de conflit éventuel.

La deuxième partie de notre recherche consistait dans la distribution de fiche de renseignement sur l’ensemble des étudiants, et ce afin de déterminer le choix des sujets volontaires selon des critères déterminés, la dite fiche comportait des :

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 Informations personnelles : nom et prénom, âge, lieu d’habitation (code postal) et éventuellement la profession, actuellement, exercée par l’étudiant.

 Informations sur le milieu familial : Niveau d’études du père et de la mère, leurs professions et les langues parlées à la maison (surtout le français)

 Informations sur la spécialisation : si le choix était voulu par l’étudiant ou c’est le résultat de l’orientation après le bac. Ainsi que le métier à exercer après la spécialisation.

 L’étudiant et la France : si l’étudiant a de la famille en France, s’il a lui-même vécu en France ou s’il a déjà visité ce pays. Ses choix musicaux et littéraires, et s’il regarde les chaines satellitaires françaises.

Après analyse des fiches, nous avons dégagé des profils selon une catégorisation bien définie, et nous avons demandé aux étudiants qui correspondaient, le plus aux profils, d’être volontaires pour la suite de l’enquête qui consiste essentiellement en l’administration du questionnaire des Schèmes Cognitifs de Base SCB, afin d’identifier le noyau central et les éléments périphériques de la représentation sociale de la langue française, selon le modèle des Schèmes Cognitifs de Base. Nous avons présenté, aux sujets, une phrase introductive avec un terme inducteur, et en leur demandant dans une première phase de donner les trois mots ou expressions qui leur viennent à l’esprit. Dans une seconde phase, les sujets ont justifié leurs choix, et dans une troisième étape, ils ont analysé leurs réponses selon une grille qui comportent 28 éléments.

III.3.2. Difficultés de terrain

L’enquête algérienne s’est déroulée dans de bonnes conditions car nous avions l’aide des enseignants sur place qui ont bien voulu nous donner un peu de leur temps et faciliter l’administration du questionnaire. Par contre, l’enquête au Liban a été un peu plus difficile, lors de notre présence au Liban durant janvier 2008, la situation sécuritaire et climatique (différents attentats et une forte vague de froid avec coupure des routes) a fait en sorte qu’une grande partie des étudiants était absents lors de notre passage aux deux universités libanaises. C’est avec l’aide d’enseignants qui ont bien voulu faire passer le questionnaire et l’obtention des adresses électroniques des étudiants que nous avons pu, tant bien que mal, effectuer l’enquête au niveau du Liban.

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III.3.3. Modèle d’analyse

Le dépouillement et l’analyse des résultats ont été faits à travers le logiciel Sphinx Plus2

Edition Lexica, V.5, ce qui nous a permis de réaliser des analyses de tableaux simples et croisés ainsi que des représentations graphiques. Pour l’échantillon Algérien, nous avons introduit les réponses des sujets interrogées une à une, pour les sujets libanais, nous avons pu effectuer, une partie, de notre enquête par le biais d’internet, les réponses de l’autre partie ont été effectuées par la saisie des réponses des enquêtés. Le logiciel Sphinx assure une facilité des lectures et analyses des données ainsi que l’application des tests, notamment le Chi2, et l’interprétation des échelles d’attitudes.

III.3.4. Les variables étudiées

Les variables choisies expliquent l’influence qu’elles peuvent avoir sur la conception des représentations culturelles, elles favorisent une meilleure approche de la polarisation, fluctuation et variation des représentations. Il a été question d’étudier la relation qui existe entre le sujet en tant qu’ensemble de représentations, de jugements, d’attitudes, etc., et son expérience en tant qu’être sexué, appartenant à une confession, à une communauté linguistique, possédant une situation socioculturelle particulière, un lieu de résidence et un type d’éducation et de formation.

La variable du sexe, peut être déterminante car différentes études sociolinguistiques ont montré que la relation des hommes et des femmes vis-à-vis des langues diffèrent. Sur le plan de la formation, les années d’étude en tant que contact permanent avec la langue, et le secteur d’étude privé ou public peuvent jouer un rôle dans la conception et l’évolution des représentations, sur le plan socioculturel, nous avons opté pour la variable confessionnelle, notamment pour le Liban, pays multiconfessionnel, pour l’Algérie, c’est une approche plus ethnique qui sera prise en considération, vu que la ville de Batna, est une capitale berbère. Les variables : niveau d’études des parents et leurs langues peuvent avoir un rôle, que ce soit un foyer uniquement arabophone, berbérophone, francophone ou anglophone, cela peut influencer, positivement ou négativement, les opinions des sujets interrogés, à cela s’ajoute le lieu de résidence, car la vision des citadins pourrait être différente de celle que les ruraux se font de la langue.

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