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CHAPITRE III : LA DIVERSITÉ LINGUISTIQUE EN ALGÉRIE ET AU

III. Le français au Liban

III.1. Le contexte historique

Abou (1962) nous offre une étude riche portant sur le bilinguisme arabe-français au Liban, où ce pays est présenté comme la scène d’une histoire spécifique arabo-occidentale, et plus particulièrement arabo-française. L’auteur renvoie le sentiment national arabe à l’influence de Renaissance intellectuelle inspirée de la culture occidentale, présent chez les Chrétiens et les Musulmans, et qui est le moteur de la résistance face à la domination turque ottomane. L’auteur associe l’histoire de ce mouvement de libération avec l’essor du journalisme et des « sociétés littéraires » clandestines, ce qui affectera l’économie généralement de la littérature libanaise des deux langues. Il suffit, selon l’auteur de « constater la contemporanéité de ces

deux faits : un renouveau intellectuel d'une part, une prise de conscience nationale de l'autre, également nés au Liban sous l'effet de la «puissante culture française », secondée par d'autres influences occidentales » (Abou, 1962 :191). Dans ce qui va suivre, nous allons

présenter brièvement les relations : historiques, politiques, diplomatiques et culturelles qui se sont liées entre la France et le Liban.

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Historiquement, les Capitulations signées, en 1535, par François 1er avec le Sultan ottoman Süleymân (Soliman le Magnifique) sont les prolégomènes de l'action française au Liban. Au XVIIème siècle la France favorise le développement des écoles du Liban. En 1748, le collège d'Antoura adopte l'enseignement du français, avec 4000 élèves. En 1875, Les pères Jésuites parviennent, avec le transfert du séminaire oriental de Ghazir (fondé en 1846), à acquérir le droit de donner des cours pour les grades académiques de licence et de doctorat en philosophie et en théologie, en créant ainsi l'Université Saint-Joseph. 1883 connue la création de la première école de médecine, qui devint faculté après cinq années, suivi du département juridique peu de temps après, l'Université Saint-Joseph, possédait plusieurs branches dans diverses régions libanaises (Zahlé, Tripoli et Saïda) et qui restent ouvertes à toutes les personnes, quelles que soient leurs religions et origines. (El Tibi, 2001)

A partir du XVIème siècle, la France s’est érigée en tant que protectrice des Chrétiens, avec l’accord de l’Empire Ottoman, ce qui a permis à la France de jouir d’un pouvoir spirituel et moral. L’influence française a été bénéfique principalement à la communauté Maronite, mais cela n’a pas empêché, le fait que les autres confessions ont su tirer profit de ce protectorat français.

L’influence française a pris de l’ampleur, sous le règne des Chéhab, qui ont continué l’œuvre de leur prédécesseur le Prince Fakherddine II de la famille des Maan, notamment pour l’ouverture sur l’Occident et l’instauration de la base d’une identité libanaise autonome. Mais les relations avec l’Occident étaient centrées principalement avec la France. Les Emirs s’assuraient de l’exécution du protectorat français sur les Chrétiens et faciliter l’œuvre éducatrice des missionnaires.

Le but principal des Emirs du Liban était de favoriser l’unité nationale et son renforcement grâce aux bénéfices qui peuvent découler des relations privilégiées avec l’Occident et sa culture et que les Chrétiens du Liban entretenaient avec les grandes puissances de l’époque notamment la France. A partir de 1860, une conscience nationale moderne, basée sur l’autonomie et la spécificité, commence à voir le jour au Liban. (Abou, 1962)

« Les Libanais de toute confession et de tout rite, qui ont toujours tenu à présenter leurs libertés, leurs traditions, leur culture et leur identité, ont peu à peu découvert et continuent de constater jusqu’à ce jour, que les idéaux de liberté, de justice et de fraternité véhiculés par la langue française, sont conformes à leurs convictions profondes, à leur patrimoine culturel et idéologique et à leurs aspirations. » (Eddé, In El Tibi, 2001 : 557-560)

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Après la Première Guerre mondiale, la France et le Royaume-Uni succédèrent à l'Empire ottoman, les armées anglaises et françaises entrent au Liban et en Syrie en 1918, les découpages territoriaux ont été effectués dans la région, en faveur de l’une et de l’autre grande force de l’époque, à travers le système de « mandat » la Société des Nations octroyait aux deux puissances les territoires suivants : l'Irak, la Palestine, la Transjordanie à la Grande-Bretagne ; la Syrie et le Liban à la France. Cette dernière a proclamé, en 1920, l'État du «Grand-Liban » (Corm, 2003).

Le mandat français (1920-1943) a œuvré pour le rééquilibrage des rapports de force entre les différentes communautés, en propageant l’enseignement public dans les régions périphériques peuplées de Chiites, majoritairement analphabètes (Azar, 1999). Durant le mandat, les politiciens Libanais, secondés par les représentants Français, voulaient consolider l’idée d'une société multiconfessionnelle, possédant une histoire commune avec une véritable conscience nationale (Abou, 1962). Sur un plan linguistique les Libanais avaient été déjà instruits en langue française depuis des siècles, notamment pour la communauté Chrétienne et les riches musulmans, et qu’ils étaient déjà, pour certains d’entre eux, influencés par la culture française.

A l’aube de l’indépendance libanaise, l’influence de la culture française persistait dans les fondements mêmes de l’identité nationale, axée sur la diversité et la coexistence, les principes de bilinguisme et de biculturalisme demeurèrent dans l'esprit national. Ces principes furent le plus réclamés par les Chrétiens, en accentuant l’universalité et l’humanisme véhiculés par la culture française, d’un côté, et l’enrichissement qu’a apporté le mouvement francophone de Nahda, à la littérature et culture arabe en tant qu’ouverture, d’un autre côté, ils ont voulu perdurer le système bilingue officiel présent durant le mandat. Le Liban est désormais considéré comme un lieu de rencontre culturelle, où deux langues porteuses de culture se côtoient. (Abou, 1962). Les musulmans de leur côté n’étaient pas opposés à l’enseignement et pratique des langues occidentales, mais ils voulaient que leur pays soit pareil aux pays arabes, n’ayant que l’arabe comme langue officielle.

« La différence entre les deux groupes de communautés était en fait une différence d'attitude linguistique. Chez les chrétiens, le français était vécu et senti comme une langue de formation et de culture, pour les musulmans il demeurait une langue étrangère, même lorsque, sortant des mêmes collèges que leurs compatriotes chrétiens, ils avaient une maîtrise égale de la langue. » (Abou, 1994 : 416)

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Ainsi, l’arabe est instauré seule langue officielle au Liban, cependant la langue française a gardé un statut privilégié, surtout sur le plan de l’enseignement où une grande liberté est accordée dans l'enseignement et la promotion de la connaissance et l'usage de la deuxième langue, en l'occurrence le français ou l'anglais était encouragée. (Abou, 1994)