• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE III : LA DIVERSITÉ LINGUISTIQUE EN ALGÉRIE ET AU

III. Le français au Liban

III.3. Typologie (s) de la francophonie libanaise

III.3.2. Discours sur les langues

Après avoir présenté le positionnement des spécialistes, linguistes, historiens, anthropologues, etc., sur la question du multilinguisme au Liban. Nous allons essayer dans ce qui va suivre, de nous intéresser aux propos des autorités Libanaises et comment les langues en présence sont représentées dans leurs discours officiels, notamment le français. M. Antoine Jemha (Ambassadeur du Liban à l’Unesco) trouve que le peuple libanais est depuis toujours connu pour son ouverture sur l’extérieur et que le tissu sociolinguistique libanais est particulier à travers son bilinguisme.

« Personne ne peut nier que le Liban est un pays arabe, ayant l’arabe pour langue officielle, mais, depuis des siècles, les libanais sont ouverts sur l’extérieur. Ils apprennent des langues étrangères, notamment le français […] Nous utilisons le bilinguisme dans nos rapports quotidiens, nous mélangeons parfois dans une même phrase l'arabe et le français, qui plus est nous avons introduit dans la langue française nos propres idiomes, et ceci sans remettre en question notre propre identité. » (El Tibi, 2001 : 87-88)

Quant à M. Michel Eddé (Ministre de la culture et de l’enseignement supérieur libanais) dans une allocution de clôture au colloque de Beyrouth, 1993, reprise dans L’année francophone

internationale (1995 : 224), il trouve que la francophonie libanaise est un choix de la société

libanaise basé sur les idéaux de la liberté, selon lui,

« Si les Libanais, musulmans et chrétiens, ont pu être facilement imprégnés par l’esprit de la francophonie et des idéaux et des principes véhiculés par la langue française, c’est parce qu’ils avaient adhéré, tout au long de leur histoire, à un type de société basé sur ces mêmes idéaux et principes. Et si les Libanais restent attachés à la francophonie et maintiennent en conséquence le français comme langue seconde, alors que l’anglais est la langue économique mondiale et qu’elle est devenue la langue quasi universelle, c’est parce qu’aux yeux de la plupart des Libanais, musulmans et chrétiens, la francophonie est en fait un choix de société : c’est le choix d’une société libre, juste, fraternelle et démocratique »

141

Le Premier Ministre Libanais Rafic Hariri au sommet francophone de Hanoi, en 1997, nous offre une vision du Liban comme étant un pays multiple dans ses influences et où la francophonie est un mode de vie, car

« L’attachement du Liban à la communauté francophone tourne autour de trois pôles : la solidarité, le respect de la diversité des cultures et l’usage de la langue française. […] En ce qui concerne le Liban, sa vocation francophone s’est affirmée bien avant que ne s’organisent les instances de la Francophonie. Le Liban, aux portes de l’Asie et de l’Europe, a joué un rôle phare dans le rayonnement du français. Fier de sa culture arabe et de son héritage méditerranéen, il considère la Francophonie comme un mode de vie et de pensée. »

Le Président Charles Hélou, qui fut après sa présidence de l’Etat Libanais, président de l'Association internationale des parlementaires de langues française (aujourd'hui Assemblée parlementaire de la Francophonie). Cette grande figure de l’histoire libanaise place le Liban en tant que véritable promoteur de la francophonie et élément unificateur entre la culture arabe et française. « Le Liban a été en quelque sorte l'un des promoteurs de la Francophonie

en faisant cohabiter et fraterniser la culture arabe et la culture française, en enrichissant l'une par l'autre et en affirmant sa propre vocation comme terre de rencontre » (Cité par El

Tibi, 2001 : 16). M. Ghassan Salamé (Ministre de la culture du Liban) estime que la langue française fait partie intégrante de la culture libanaise, et que « l'identité arabe de ce pays […]

est assez large pour accueillir en son sein des apports, comme celui de la langue et de la culture françaises. » (El Tibi, 2001 : 146)

Conclusion

Dans ce chapitre nous avons tenté d’analyser les relations qui naissent des contacts de langues et des différents cas de figures qui en découlent, notre intérêt s’est porté sur l’aspect conflictuel qui représente au mieux la situation algérienne, qui est la scène, comme nous l’avons présenté de différentes représentations antagonistes portant sur les langues et leurs locuteurs. Nous rejoignons ici, la vision apportée par Taleb Ibrahimi qui traite de la situation algérienne en tant qu’idéologie diglossique où différentes élites, représentantes d’une langue et d’une idéologie, présentent des discours plus ou moins agressifs sur la langue des autres. Le locuteur algérien se retrouvera dans une forme d’ambivalence culturelle fruit des diverses représentations quelques fois antagonistes, et ce qui peut expliquer la relation des Algériens avec la langue française qui peut être désirée ou repoussée selon l’idéologie dominante chez

142

les individus. Ainsi, les francisants verront d’un bon œil cette langue en tant que celle de l’ouverture, de la technologie et de la modernité, tandis que les arabisants y verront la langue de l’ancien colonisateur voire celle de l’ennemi qu’il faut combattre, vision présente dans certains discours extrémistes algériens. En tant que système symbolique, le statut de la langue reste confiné et associé à la dimension idéologico-identitaire.

La situation libanaise semble différente de l’algérienne, car ayant déjà vécu la confrontation linguistique (arabe-français) dans les années soixante, soixante-dix, et où il était question d’arabisation. La politique étatique libanaise, de non intervention, basée sur la liberté d’enseignement a favorisé une approche plus stratégique et plus commode vis-à-vis de ce pays multiculturel. Les discours, sur les langues, de nos jours, ont tendance à présenter le plurilinguisme libanais en tant que richesse qui s’ajoute à la base originelle arabe de ce peuple. La présentation de la revue Annales de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, de l’Université de Balamand, N°7, 1998, 9-10, nous offre un résumé assez succinct de la position libanaise face à la langue française, où en premier lieu les auteurs revendiquent leurs Libanité, puis leurs Arabités et enfin de compte leurs francophonies, nous pourrons y lire :

« La Francophonie n'est pas, pour nous, une composante fondamentale et essentielle de notre personnalité nationale et encore moins culturelle. Notre profil identitaire ne perdrait pas grand chose si la Francophonie venait un jour, pour une raison quelconque, à s'éclipser de notre univers vital. […] A base d'une Libanité ouverte et libérale qui puise sa raison d'être - pour éviter de dire son identité - dans un fonds d'Arabité culturelle dynamique et riche, nous traitons, à l'instar de tous ces peuples qui ont occupé ce rivage oriental de la Méditerranée, avec le monde entier, qu'il soit situé outre-mer ou outre atlantique, avec beaucoup de tolérance et sans complexes. Cependant, nous sommes francophones et heureux de l'être. Car, l'ingratitude n'étant pas notre fort, nous sommes loin de méconnaître à la Francophonie son apport dans la formation de notre personnalité et la place qu'elle occupe dans notre univers culturel et imaginaire moderne. Il n'est plus permis de tenir avec la Francophonie des comptes d'apothicaire. […] Le français n'est pas chez nous une masse bavarde et verbeuse, mais une intelligence productrice de formes de pensées culturelles. A la différence des autres langues pratiquées par les libanais, le français a pu s'introduire dans les fines nervures de notre personnalité tant affective qu'intellectuelle. Il a inspiré des poètes, des romanciers, des philosophes, des historiens, des dramaturges, des artistes... mais aussi des économistes, des hommes de science, des médecins, etc. »

143

Ainsi, selon les prises de positions de spécialistes linguistes, anthropologues, historiens, universitaires et politiciens, il convient de dire que le Liban a su procéder à une distanciation avec le fait historique (mandat français) et profite des avantages que peuvent apporter le bilinguisme, cette ouverture sur l’autre à favoriser même une forme de trilinguisme qui n’amoindri en aucune manière le sentiment d’appartenance nationale, et ce qui se traduit par l’importance accordée à l’enseignement des langues étrangères présent dans toutes les couches sociales et toutes les confessions.

Face à des climats sociolinguistiques distincts, il serait intéressant de connaitre les répercussions que peuvent avoir ce genre de représentations et images sur les opinions et expériences des jeunes gens, notamment ceux qui se spécialisent en français et qui vont être associés, qu’ils le veulent ou non, à la langue française, c’est ce que nous allons présenter dans les chapitres suivants qui porteront sur la présentation et l’analyse des résultats de notre recherche.

144

CHAPITRE IV : PROBLÉMATIQUE