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5. Du PPMAD au PMAD 1 Introduction

5.3 PPMAD: Production et mise en débat

Les procédures de production et de mise en débat du PPMAD ont pris racine dans une concertation préalable significative. D’abord, dès que le gouvernement du Québec a exigé qu’elle adopte un PMAD avant le 31 décembre 2011, la CMM a publié en juin 2010 un guide à l’attention des MRC et des agglomérations afin de leur donner les grandes lignes des propositions qu’elles devaient lui soumettre à l’égard de l’établissement des seuils minimaux de densité ainsi que des limites du périmètre d’urbanisation. Elle a par la suite signé des conventions avec les couronnes nord et sud, avec la Ville de Laval ainsi qu’avec les agglomérations de Longueuil et de Montréal, au cours du mois de novembre 2010, dans chacune desquelles les deux parties se sont engagées à se concerter dans la définition de ces seuils et limites. Les propositions de ces cinq composantes de la CMM lui ont donc été acheminées en mars 2011. Elle en a tenu compte dans la production de son PPMAD, que le conseil de la CMM a adopté le 28 avril. Toutefois, pour protester contre le refus de la CMM de leur accorder plus de temps avant d’adopter son PPMAD afin qu’ils puissent en influencer davantage le contenu, les élus de la couronne nord et de Laval se sont retirés du conseil au moment du vote.

La CMM a reçu, de juin à août, un avis sur le PPMAD de la part de chacune des quatorze autorités régionales de son territoire (les onze MRC des couronnes, les agglomérations de Longueuil et de Montréal et la Ville de Laval) puis, jusqu’à la fin septembre, 344 mémoires soumis par une grande

variété de citoyens, de municipalités, d’institutions publiques et d’organisations de la société civile, qu’elle a synthétisés à l’attention des huit membres de sa commission de l’aménagement d’alors: 1. la conseillère municipale et membre du comité exécutif de Montréal Helen Fotopulos (présidente); 2. la mairesse de Repentigny et préfète de la MRC de L’Assomption Chantal Deschamps (vice-

présidente);

3. la mairesse de Sainte-Julie et préfète de la MRC de Marguerite-D’Youville Suzanne Roy (vice- présidente);

4. le conseiller municipal et vice-président du comité exécutif de Laval Basile Angelopoulos (membre);

5. le conseiller municipal de Montréal Christian G. Dubois (membre); 6. la conseillère municipale de Longueuil Lorraine Guay-Boivin (membre); 7. le maire de Dollard-des-Ormeaux Edward Janiszewski (membre); et 8. le conseiller municipal de Montréal Robert L. Zambito (membre).

À l’origine, une séance d’audiences de consultation publique était prévue dans chaque composante de la CMM: une à Montréal, une à Laval, une à Longueuil, une dans la couronne nord et une dans la couronne sud. En fin de compte, toutefois, pour permettre la présentation des 225 mémoires dont les auteurs ont souhaité s’adresser directement à la commission de l’aménagement, ce sont 17 séances qui ont été tenues, totalisant 57 heures, selon la répartition et le calendrier suivants:

• une dans l’ouest de Montréal (à Dollard-des-Ormeaux, le 28 septembre);

• six au centre-ville de Montréal (dans les bureaux de la CMM: deux le 29 septembre, deux le 30 septembre et deux le 11 octobre);

• une dans l’est de Montréal (dans l’arrondissement Mercier—Hochelaga-Maisonneuve, le 5 octobre); • trois dans la couronne nord (à Boisbriand: une le 13 octobre et deux le 14 octobre);

• une à Laval (dans le secteur Pont-Viau—Laval-des-Rapides—Renaud, le 18 octobre); • deux dans la couronne sud (à Saint-Constant, le 19 octobre); et

• trois à Longueuil (une dans l’arrondissement Vieux-Longueuil, le 20 octobre, et deux dans l’arrondissement Saint-Hubert, le 21 octobre).

J’ai classifié les auteurs de ces 344 mémoires à l’aide de la typologie suivante, élaborée dans le cadre des travaux de recherche de Gariépy, Gauthier, Paulhiac-Scherrer et Scherrer auxquels j’ai participé:

citoyens non affiliés ; groupes communautaires ; groupes de la société civile ; groupes militants 20 21 22 locaux ; associations de résidents ; acteurs du milieu des affaires ; élus et partis politiques ; et 23 24 25 26 institutions publiques . J’ai également réparti ces 344 mémoires en fonction du lieu où ils ont été 27 présentés, le cas échéant. Le nombre de mémoires soumis à la CMM par chaque catégorie d’auteurs et à chaque lieu de présentation est détaillé dans le tableau 5.1. Il en ressort notamment que près du tiers des mémoires a été soumis par des citoyens non affiliés, que près du tiers a été présenté à Montréal et que près du tiers n’a pas été présenté dans le cadre des audiences.

Tableau 5.1: Catégorie d’auteurs et lieu de présentation des mémoires soumis en réaction au PPMAD Montréal Longueuil Laval Boisbriand Saint-

Constant Pas présenté TOTAL

citoyens non affiliés 42 4 2 2 3 47 100

groupes communautaires 5 5 1 0 1 13 25

groupes société civile 21 10 5 7 3 8 54

groupes militants locaux 10 3 5 3 3 9 33

associations de résidents 9 0 1 0 1 4 15

acteurs milieu affaires 10 2 3 12 4 18 49

élus et partis politiques 3 2 2 2 1 4 14

institutions publiques 11 6 1 12 8 16 54

TOTAL 112 31 20 24 38 119 344

Participants à la consultation publique qui s’expriment à titre personnel. Cette catégorie comprend les

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professionnels qui s’expriment en leur nom plutôt qu’en tant que représentants de leur employeur.

Organisations du secteur associatif fournissant des services aux citoyens, groupes ou entreprises (centres de

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gestion des déplacements, groupes agissant sur le logement, l’emploi et l’immigration, groupes de concertation qui offrent leurs services de coordination pour améliorer l’intervention sur un territoire, etc.).

Groupes composés de membres qui œuvrent sur le territoire de la ville de Montréal, de la métropole ou de la

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province (associations, coalitions, syndicats de professionnels, fédérations ou regroupements régionaux) et qui font figure de groupe de pression sur les enjeux sur lesquels ils ont développé une expertise.

Groupes de citoyens riverains définissant leur mission autour d’un enjeu de lutte précis.

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Groupes de citoyens définissant leur mission autour d’un territoire donné, soit un quartier ou une rue.

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Entreprises privées et associations dédiées au développement économique à diverses échelles.

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Partis politiques municipaux, élus de la Ville de Montréal ou d’un de ses arrondissements. Cette catégorie

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comprend par extension un arrondissement quand il signe une intervention.

Entité publique en relation avec un ministère, une municipalité ou un établissement d’enseignement et de

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Parallèlement à ces audiences, structurées par un dispositif de consultation publique correspondant aux exigences minimales de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (LAU) en la matière (encadré 5.7), la CMM a également déployé une stratégie de communication de grande envergure axée sur son site internet (qui a reçu 22 000 visites entre l’adoption du PPMAD le 28 avril et la fin des audiences, le 21 octobre) ainsi que sur les médias sociaux, entretenant hors des canaux traditionnels une mobilisation autour de la planification et de l’aménagement visant l’émergence d’une pensée métropolitaine.

Encadré 5.7: La Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (LAU) et la mise en débat du PPMAD

Tel que Gariépy et Roy-Baillargeon ([à paraître]) le soulignent, la LAU constitue un hybride, produit d’une hésitation entre le modèle européen, étatique, et le modèle nord-américain, essentiellement local et prenant appui sur le zonage (Trépanier 2004). Elle est ainsi le fruit d’un «mélange subtil de tradition et d’innovation» et s’inscrit par conséquent en droite ligne dans un mouvement de réforme qualifié de «modernisation conservatrice» (Trépanier 1982: 34). À l’origine, le Secrétariat à l’aménagement et à la décentralisation (1979) a défini ses quatre fondements, qui guident encore et toujours son application: 1. l’aménagement et l’urbanisme constituent des responsabilités d’abord politiques;

2. les pouvoirs sont partagés dans le respect des domaines d’intervention de chaque palier; 3. les choix et actions des trois paliers de gouvernement s’effectuent de façon concertée; et 4. le public participe activement à la prise de décision et à la gestion de l’aménagement.

En vertu de la LAU, la CMM est tenue d’adopter et de maintenir en vigueur un énoncé de vision stratégique quant au développement culturel, économique, environnemental et social de son territoire (art. 2.3). Il s’agit du document «Vision 2025» susmentionné. Son conseil doit adopter un projet d’énoncé qui doit être transmis à tous ses partenaires — les onze MRC comprises en tout ou en partie sur son territoire, les deux agglomérations et la Ville de Laval — (art. 2.6) et soumis au moins une assemblée de consultation publique (art. 2.8) dans chacun de ses cinq territoires (art. 2.14), présidée par une commission constituée de ses membres (art. 2.9) qui doit expliquer le projet et entendre les personnes et organismes désirant s’exprimer (art. 2.12). À la suite de ces audiences, le conseil doit adopter l’énoncé, avec ou sans changement (art. 2.20), à la majorité des deux tiers des voix exprimées (art. 2.22). Son entrée en vigueur est immédiate (art. 2.21).

La CMM est également tenue d’adopter et de maintenir en vigueur un PMAD (art. 2.23) délimitant son périmètre métropolitain et définissant des orientations, des objectifs et des critères visant à assurer la compétitivité et l’attractivité de son territoire portant sur les huit objets suivants (art. 2.24):

1. la planification du transport terrestre;

3. l’identification de toute partie de son territoire devant faire l’objet d’une planification intégrée de l’aménagement et du transport;

4. la définition de seuils minimaux de densité selon les caractéristiques du milieu; 5. la mise en valeur des activités agricoles;

6. la définition des territoires voués à l’urbanisation optimale de l’espace;

7. l’identification de toute partie de son territoire chevauchant le territoire de plusieurs MRC soumise à des contraintes majeures pour des raisons de sécurité publique, de santé publique ou de bien-être général; et

8. l’identification de toute installation présentant un intérêt métropolitain et la détermination, pour toute nouvelle telle installation, du lieu de son implantation, de sa vocation et de sa capacité. Elle est tenue de se doter d’outils visant à assurer le suivi et la mise en œuvre de son PMAD et à évaluer les progrès réalisés vers l’atteinte de ses objectifs et la réalisation des actions qui y sont proposées. Son conseil doit adopter un rapport biennal sur ces sujets (art. 2.26). La CMM devra amorcer la révision de son PMAD au plus tard à la date du cinquième anniversaire de son entrée en vigueur (art. 55), soit le 12 mars 2017. Au plus tard deux ans après le début de ce processus, son conseil devra adopter un premier PPMAD révisé (art. 56.3). Dans les 180 jours suivant l’adoption de ce projet, le ministre devra indiquer à la CMM les orientations gouvernementales qui toucheront son territoire (art. 56.4). Après avoir reçu l’avis de ses partenaires sur ce premier projet (art. 56.5), elle devra adopter, avec ou sans changement, un PPMAD révisé (art. 56.6) qu’elle devra à nouveau soumettre à au moins une assemblée de consultation publique (art. 56.8) dans chacun de ses cinq territoires (art. 56.12.6), présidée par une commission constituée de ses membres (art. 56.9) qui doit expliquer le projet et entendre les personnes et organismes désirant s’exprimer (art. 56.12). À la suite de ces audiences, le conseil doit adopter l’énoncé, avec ou sans changement (art. 56.13). Dans les 180 jours suivant l’adoption du PMAD révisé, le ministre devra donner à la CMM son avis sur sa conformité aux orientations gouvernementales (art. 56.14).

La règle de conformité a été introduite par la LAU afin d’assurer la concordance des objectifs et des projets des divers paliers dans les outils d’aménagement et d’urbanisme (MAMROT 2012). Or son application est lourde et complexe (MAMR 2007), car elle «n’a pas toujours été facile à comprendre et à traduire dans les faits» et elle «est carrément ignorée ou évacuée dans bien des cas, notamment par le gouvernement» (Trépanier 2004: 63). La loi ne définit d’ailleurs pas le terme (MAMROT 2012). Prenant appui sur certaines indications tirées de la LAU et de décisions de la Commission municipale, le ministère déduit que «conformité» est synonyme de «correspondance» ou d’«harmonie» plutôt que d’«identité» ou de «similarité». Il s’agit ainsi du lien logique devant être établi entre un document de

planification et les outils de sa mise en œuvre. Ainsi, conclut-il, les seuls éléments pouvant être déclarés non conformes sont ceux reconnus «nettement incompatibles» avec les objectifs poursuivis ou «contradictoires» par rapport à ces objectifs, voire compromettants pour leur mise en œuvre (ibid.).