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6. PMAD et gouvernance: Le Grand Montréal 1 Introduction

6.2 Participation publique et aménagement régional

Il est probablement encore trop tôt pour en conclure qu’il s’est agi d’un exercice inédit et qu’il en résultera des transformations radicales de la planification et de la gouvernance du Grand Montréal, mais le débat public sur le PPMAD tenu à l’automne 2011 a sans contredit constitué un exercice déterminant pour la région. De manière générale, il a été le théâtre d’un revirement de situation qui devrait, s’il a des échos forts et pérennes dans les villes et MRC ainsi que dans les bureaux des ministères québécois, offrir aux décideurs, aux professionnels de l’aménagement et à la société civile un contexte d’action publique territoriale différent de celui dans lequel ils ont évolué et interagi depuis la création de la CMM, en 2001. Le grand exercice de participation publique organisé par la CMM,

Les notions de légitimation réciproque, de territorialisation idiosyncrasique et de «métropolitanisation» des

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questions locales ont émergé d’échanges avec le professeur Franck Scherrer dans la foulée des travaux du projet de recherche Effets du débat public et apprentissages dans l’urbanisme montréalais: La cohérence à l’épreuve de

la différenciation des politiques urbaines qui ont mené à des présentations dans le cadre des Entretiens Jacques-

salué par la société civile de la région, le ministre Lessard (2012) et l’Ordre des urbanistes du Québec, qui a remis son Prix Jean-Paul L’Allier 2012 aux élus du Grand Montréal, a donc ouvert la porte à l’instauration d’une nouvelle dynamique de planification et de gouvernance à l’échelle métropolitaine et, ce faisant, constitué un catalyseur des effets de la démarche requise par la LAU.

Tous n’encensent toutefois pas le processus par lequel le PPMAD a été soumis au débat public, car selon un ex-employé de la CMM (CMM5 2014-08-07), l’exercice a fonctionné en ne prenant appui que sur une consultation classique, soit sans concertation véritable. Un planificateur de la STM (STM1 2014-10-29) va même plus loin dans sa critique à cet égard: «La CMM nous a demandé de valider le contenu du PMAD. Pour moi, ça, ce n’est pas de la consultation. C’est: ‘J’arrive avec mon projet; dites-moi si c’est bon’». De même, une employée du CIT Laurentides (CITL1 2014-10-23) est déçue de ne pas avoir été consultée par la CMM pour définir l’approche TOD et de n’avoir depuis jamais été invitée à prendre part aux nombreuses réunions du comité des partenaires pour la planification du projet-pilote d’aire TOD de Deux-Montagnes, bien que son CIT desserve cette gare et ses alentours en autobus . Malgré cela, et sa relative surprise à cet effet, cet ex-employé de la CMM avance que les 33 villes et MRC du Grand Montréal sont plus susceptibles de donner suite au PMAD en concrétisant ses orientations sur leur territoire dès lors qu’elles en ont en quelque sorte été les parties prenantes et qu’elles s’y retrouvent par conséquent.

L’ambition de la CMM à l’égard des audiences sur le PPMAD était de renforcer le soutien populaire à sa planification en développant l’information quant à l’évolution du processus et en tentant d’interagir avec les citoyens et groupes d’intérêt participant au débat public. Les propos d’une employée de la CMM associée de près à l’épisode (CMM1 2014-07-24) mettent en lumière ce souhait de l’institution de miser sur le caractère rassembleur de son exercice et ses motivations tacites à cet égard:

On informait les gens, on alimentait les médias; on voulait faire du bruit. On voulait que les gens soient parties prenantes et saisissent le dossier pour le défendre dans la région. L’important n’était pas nécessairement de défendre le plan mais la planification métropolitaine.

Cette distinction n’est pas anodine. Pour défendre le plan, il aurait fallu que la population mobilisée y voie un contenu substantiel auquel elle souscrit et, réciproquement, que d’autres acteurs s’opposent à ce contenu, afin que les participants au débat public aient à en faire la promotion et à argumenter afin de tenter d’y rallier les opposants. Pour défendre la planification métropolitaine, en et pour elle-même, en revanche, il fallait que la CMM fasse preuve de la pertinence de planifier le territoire à cette échelle en montrant entre autres que la population était préoccupée par les enjeux associés à ce processus et qu’elle souhaitait qu’une intervention de la part des élus et des planificateurs du Grand Montréal y

Même quand une visite d’observation du quartier TOD de Sainte-Thérèse a été organisée pour des urbanistes

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d’un peu partout dans la région, le CITL, dont les bureaux sont situés tout près de la gare et dont les autobus desservent le territoire, n’en a pas été informé. Il n’avait d’ailleurs pas vraiment été associé au développement de cette aire TOD, malgré son rôle crucial de desserte du secteur.

offre une réponse claire. L’accent de la stratégie de communication publique de la CMM et du débat public sur le PPMAD pouvait dès lors passer de la substance concrète du document (ses orientations, ses objectifs et ses critères) à l’importance fondamentale de le produire et de l’adopter. Cette défense de la planification métropolitaine a d’ailleurs été couronnée de succès, car les acteurs politiques de la région ne s’y opposent plus. Voilà une autre des raisons majeures pour lesquelles il est possible d’affirmer que l’épisode du PMAD a servi davantage à rallier les acteurs de tous les horizons autour d’un exercice et d’une vision de planification consensuels qu’à produire un document encadrant l’aménagement de la région et balisant strictement sa mise en œuvre par les paliers régional et local à l’horizon 2031. En contrepartie, ce phénomène a aidé à dénouer une importante impasse dans la planification du Grand Montréal des dernières décennies. En effet, toujours selon cette même employée de la CMM, la mobilisation sans précédent autour du PPMAD a secoué le monde de l’aménagement régional:

Le contexte entourant le PMAD a créé une effervescence pour la planification métropolitaine et a même relancé la planification régionale, mine de rien, parce que ça a obligé les MRC à travailler dans ce sens-là et à revoir des schémas que des élus n’avaient peut-être pas intérêt à revoir parce que certains datent d’il y a un bon moment.

Québec avait en effet déjà formulé plusieurs années plus tôt que le rythme de révision des SAD des MRC était beaucoup plus lent que ce qui était initialement escompté, déplorant du même souffle que certains schémas remontent aux années 1990 voire 1980 (MAMR 2007). En ce sens, la pression faite par Québec sur les acteurs politiques et techniques du Grand Montréal afin que la CMM adopte un PMAD avant le 31 décembre 2011 aurait servi de proxy pour renvoyer les autorités régionales à leurs devoirs. Il ne faut toutefois pas exagérer cet effet du PMAD sur la planification régionale, car des quatorze MRC et agglomérations partiellement ou totalement incluses sur le territoire de la CMM, seulement deux ont révisé leur SAD ou adopté un règlement de concordance au cours des deux années dont elles disposaient pour ce faire . L’exigence de la LAU (encadré 5.6) était qu’en mars 2014, tous 34 les SAD soient en concordance avec le PMAD et que six mois plus tard, les plans et règlements d’urbanisme des 82 municipalités soient mis en concordance avec le SAD de leur MRC.

On peut aussi douter que l’adoption du PMAD aurait eu un effet de relance sur la planification régionale si elle s’était effectuée sans que les médias et la population s’y intéressent vraiment, sans que les consultations publiques n’entraînent un vaste mouvement au sein de la société civile organisée, voire sans qu’une opposition franche ne se manifeste entre les visées des acteurs urbains et suburbains. Ce dernier phénomène a en effet été sinon l’instigateur, à tout le moins un catalyseur des deux

L’Assomption (19 décembre 2012) et Beauharnois-Salaberry (31 janvier 2014) ont respecté le délai prévu.

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Marguerite-D’Youville (7 juillet 2014), Roussillon (17 novembre 2014) et La Vallée-du-Richelieu (20 novembre 2014) ont depuis respecté cette obligation. Aucune information n’est disponible dans le site de la CMM quant à l’état d’avancement des démarches des six autres MRC, des agglomérations et de la Ville de Laval à cet égard.

premiers: la presse régionale a servi de véhicule d’expression du mécontentement des élus de la couronne nord quant au PMAD, les médias nationaux ont couvert leurs coups d’éclat et un grand nombre de groupes d’intérêt, principalement du domaine de la protection de l’environnement, ont vu là une preuve additionnelle de la nécessité de soumettre à la CMM un mémoire dans lequel ils insistaient sur l’importance de ne pas sacrifier l’ambition de la planification métropolitaine en faveur du développement durable sur l’autel du compromis avec les acteurs suburbains partisans du laisser-faire. L’idée que les sorties des élus de la couronne nord contre les dispositions du PMAD à leur égard aient en fait facilité son adoption est certes des plus contre-intuitives. Il est néanmoins possible, pour ces raisons, de tisser un hypothétique lien de causalité entre l’ampleur d’une mobilisation autour d’un document de planification, son potentiel de conviction des parties prenantes auxquelles il s’appliquera et les probabilités qu’elles procèdent en bout de ligne à son adoption, et ce, malgré qu’il comporte d’importantes lacunes à leurs yeux. Par exemple, les trois séances de consultation sur le PPMAD tenues à Boisbriand les 13 et 14 octobre 2011 n’ont pas été particulièrement harmonieuses, mais cela n’a pas pour autant empêché les acteurs qui y ont adopté le ton le plus acrimonieux de voter en faveur de l’adoption du PMAD final le 8 décembre suivant, contrairement au dénouement de l’épisode du PSMAD, six ans plus tôt. Une part de cette agitation relève toutefois probablement du caractère intrinsèquement théâtral de ce type d’exercice, pour les acteurs politiques, face aux médias.