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Si toutes les cités ont pu être amenées à demander aux autorités romaines des exemptions relatives à leurs exigences, il reste que seules les cités libres pouvaient obtenir des récompenses, voire des privilèges. Ces avantages renvoient donc à des décisions souveraines qui s’expliquent par la volonté des Romains de s’assurer de la loyauté de leurs alliés, mais également de propager l’idée que l’amitié avec Rome était source de bienfaits. C’est en tout cas la leçon que les Romains avaient tirée des événements de Grèce après la victoire contre Philippe471. Ce lien entre la loyauté envers les Romains et les avantages qui en découlent est mis en avant dès avant la paix d’Apamée472, mais c’est à partir de 188 av. J.-C. qu’il se déploie véritablement en Asie. D’après Polybe, de nombreuses cités sont récompensées par le Sénat lors du vote du sénatus-consulte relatif au règlement d’Asie473.

468

I. Sardis VII, 1, 27, l. 1-14.

469 Ibid., l. 2-6 : Iollas reçoit en effet des χρυσοῖς στεφάνοις ἀριστήοις δυσὶν καὶ ἰκόνι χρυσῇ καὶ ἄλλῃ χρυσῇ

κολοσσικῇ καὶ ἄλλῃ χρυσῇ ἐφίππῳ καὶ ἄλλαις χαλκαῖς δʹ καὶ ἀγάλµασιν µαρµαρίνοις τρισὶν καὶ ἄλλαις γραπταῖς δʹ. Sur ce point, voir la comparaison avec BAKER P. & THERIAULT G., REG 118 (2005), p. 334, l. 1-3 :

Λυκίων τὸ κοινὸν ἐτίµησεν τὸν δῆµον τῶν Ξανθίων χρυσῷ στεφάνῳ καὶ εἰκόνι χαλχῇ κολοσσικῇ.

470 Voir HABICHT C., ZPE LXIV (1988), p. 215-218 et surtout DORANDI T., 1991 : ἦσαν δ’ αὐτοῦ µαθηταὶ καὶ

Ἱολλάσιος Σαρδιανὸς καὶ Μενεκράτης Μιτυληναῖος ὁ καὶ κατὰ Σικελίαν.

471 Les Étoliens ne reçurent en effet que la Phocide et la Locride. Voir POL., XVIII, 48, 5-9 et surtout LIV., XXXV, 12, 4-5.

472 Cf. la lettre du préteur Marcus Valerius à la cité de Téos (RDGE 34), ainsi que celle des Scipion à Héraclée du Latmos. Cf. RDGE 35, l. 7-10 : ἡµ[εῖ]ς δὲ πρὸς πάντας τοὺς Ἕλληνας εὐνόως διακείµεν[οι τυγχά]νοµεγ καὶ πειρασόµεθα, παραγεγονότων ὑµῶν εἰς τὴν ἡµετέρα[µ πίστιµ,] πρόνοιαµ ποιεῖσθαι τὴν ἐνδεχοµένην, ἀεί τινος ἀγαθοῦ παρα[ίτιοι γεν]όµενοι. Sur la mise en place de ce discours, voir FERRARY J.-L., 1988, p. 117-132. 473 POL., XXI, 45, 5-7.

Remarquons que, dans ce fameux passage de Polybe, repris par Tite-Live, les privilèges accordés aux cités méritantes sont avant tout de nature territoriale. Seule la cité de Phocée obtient des privilèges institutionnels, mais il semble bien qu’il s’agisse ici d’une clause propagandiste manifestant aux yeux de tous l’attachement des Romains aux relations de parenté, mais aussi aux régimes politiques conservateurs. On sait en effet d’après Tite-Live que la cité de Phocée s’était laissé entraîner dans le camp d’Antiochos, après s’être rendue une première fois aux légions. On attribua ce geste coupable à l’égarement des masses populaires et on donna à la cité un gouvernement modéré474. Ainsi, au moment de la paix d’Apamée, les privilèges territoriaux semblent être les principaux avantages que les « dirigeants » octroient aux cités micrasiatiques. Or, on sait que de nombreuses ambassades avaient été envoyées au-devant de Vulso et des dix commissaires sénatoriaux avant le règlement final de 188 av. J.-C., pour régler des conflits territoriaux475. Il est donc plausible que Polybe n’ait retenu qu’une partie des cités qui avaient envoyé des émissaires auprès de la commission des Dix et qui ont reçu des privilèges territoriaux notoires, en se concentrant essentiellement sur les grandes cités ioniennes littorales. C’est notamment le cas de la cité de Chios qui a vu sa pérée agrandie par les Romains à Apamée476.

On connaît depuis longtemps une inscription évoquant précisément cette période et relatant les mérites d’un bienfaiteur de la cité qui s’est rendu à Rome477. La mention dans le texte du décret d’un « retour de Rome » semble indiquer l’envoi du citoyen honoré en ambassade auprès du Sénat au lendemain de la victoire de Magnésie, c’est-à-dire dès le printemps 189 av. J.-C. Selon L. Moretti, le citoyen honoré par l’inscription « devait s’être rendu comme ambassadeur à Rome pour obtenir du Sénat des avantages pour sa cité, comme l’avait fait presque toute l’Asie, à commencer par Eumène II de Pergame et les Rhodiens »478. En effet, le début de la portion du texte que nous avons conservée situe l’action du protagoniste au moment de « l’apparition divine des Romains lors de la guerre »479. La présence de troupes romaines dans la cité est en effet bien attestée par nos sources littéraires lors des opérations navales contre Antiochos480. Chios faisait en réalité figure de base arrière et de plate-forme logistique, les Romains ayant réquisitionné les

474 Sur la question de l’accointance idéologique entre élites romaines et régimes modérés tendant vers l’oligarchie, voir FERRARY J.-L., Opus 6-8, 1987-1989, p. 203-216. Voir par ailleurs LIV., XXXVII, 11, 14 : 31, 7 ; 32, 9.

475 POL., XXI, 45, 1 : Ὅτι κατὰ τὴν Ἀπάµειαν οἵ τε δέκα καὶ Γνάιος ὁ στρατηγὸς τῶν Ῥωµαίων, διακούσαντες πάντων τῶν ἀπηντηκότων, τοῖς µὲν περὶ χώρας ἢ χρηµάτων ἤ τινος ἑτέρου διαφεροµένοις πόλεις ἀπέδωκαν ὁµολογουµένας ἀµφοτέροις, ἐν αἷς διακριθήσονται περὶ τῶν ἀµφισβητουµένων. 476 POL., XXI, 45, 6 : Χίους δὲ καὶ Σµυρναίους, ἔτι δ’ Ἐρυθραίους, ἔν τε τοῖς ἄλλοις προῆγον καὶ χώραν προσένειµαν, ἧς ἕκαστοι κατὰ τὸ παρὸν ἐπεθύµουν καὶ σφίσι καθήκειν ὑπελάµβανον, ἐντρεπόµενοι τὴν εὔνοιαν καὶ σπουδήν, ἣν παρέσχηντο κατὰ τὸν πόλεµον αὐτοῖς ; LIV., XXXVIII, 39, 11.

477 SEG XXX, 1073 avec les corrections de MORETTI L., RFIC 108 (1980), p. 36-37. Pour la datation en 189-188 av. J.-C., voir ROBERT L., Bull. 1984, 306, p. 465 : « Nous avons choisi la guerre d’Antiochos et nous nous y tenons ». 478 Ibid., l. 9 : παραγεγονὼς ἐκ Ῥώµ[ης] et MORETTI L., RFIC 108 (1980), p. 44-45, n° 4.

479 Ibid., l. 2-3 : [ὑπὲρ τῆς αὐ]τῶγ κατὰ τὸµ πόλεµον ἐπιφανείας. 480 Cf. LIV., XXXVI, 45, 7 ; XXXVII, 27, 1-2 ; 31, 5.

entrepôts de la cité481. Eu égard à cette situation exceptionnelle du point de vue romain, il est tout à fait plausible que les Romains présents dans la cité, selon l’inscription, après le retour de l’ambassadeur chiote d’Italie482 sont les légats sénatoriaux, ou au moins une partie d’entre eux. En

tout état de cause, cette présence romaine limitée permet de comprendre un passage resté obscur jusqu’à la publication de l’étude de L. Moretti. En effet, la distribution de vin qu’a organisée le citoyen honoré suite à la victoire romaine pose problème si on la considère comme une donation civique. Si une « amphore » a été offerte aux 10 000 citoyens adultes de la cité483, en s’appuyant sur les estimations datant de la guerre du Péloponèse, une donation d’une telle ampleur aurait coûté à l’évergète environ 100 000 drachmes s’il lui avait fallu acheter la production, ou 40 000 dans le cas où il aurait été lui-même un important producteur484. D’où la restitution de ἑκάστωι τῶν

ἐπιδηµούντων Ῥωµαίων à la fin de la ligne 3, qui justifie l’emploi du terme φιλανθρωπία à la ligne 2, puisque cette notion envoyant à un rapport évergétique externe ne s’applique guère à une donation civique485. Cette donation a donc concerné les seules troupes romaines qui se trouvaient à Chios peu après l’annonce de la victoire de Magnésie. Une seconde distribution a lieu lors de la fête donnée en l’honneur de Théa Rhômè, puisqu’il « fournit le repas à tous les Romains qui séjournaient »486 dans la cité. Tandis que la restitution de L. Moretti implique que l’évergète n’était pas encore agonothète à l’occasion de sa distribution de vin aux Romains stationnés dans la cité487,

le texte de l’inscription signale expressément que sa désignation comme organisateur du concours en l’honneur des Romains séjournant à Chios a lieu presque immédiatement après son retour d’ambassade et qu’elle semble le résultat d’une pression populaire qui correspondrait bien à une attente de plusieurs mois due à l’absence de ce notable, alors en mission auprès du Sénat488. Si cette reconstitution des faits est correcte, l’ambassade de l’évergète de Chios à Rome, peut-être effectuée de concert avec des collègues d’Érythrée489, a eu lieu au printemps 189, à l’annonce de Magnésie, et la réception des Romains par la cité est probablement à dater de la fin de l’année 189 ou du début de l’année 188 av. J.-C. Il pourrait s’agir des dix commissaires romains chargés du règlement des

481 LIV., XXXVII, 27, 1 : Profecti ab Samo ad petendos commeatus, consumptis iam omnibus, Chium parabant

traicere ; id erat horreum Romanis eoque omnes ex Italia missae onerariae derigebant cursum.

482 SEG XXX, 1073, l. 12 : τοὺς παραγινοµένους Ῥωµαίων.

483 Ibid., l. 3-4 : [ἐχορήγησεν ἑκάστωι τῶµ πολι]τῶν οἴνου παλαιοῦ ἀµφορῆ. 484 Cf. MORETTI L., RFIC 108 (1980), p. 40-41.

485 Cf. ISE I, 42, l. 14-15 : en 169 av. J.-C., la cité d’Argos accorde au Romain Gnaius Octavius de nombreux privilèges

καὶ τὰ αὐτὰ [φιλάν]θρωπα ὅσα καὶ τοῖς τὰ µέγιστα εὐεργετηκόσι τὸν δᾶµον.

486 SEG XXX, 1073, l. 19-20 : [δεῖπνον δὲ καὶ παρέσχε πᾶσι] τοῖς παρεπιδηµοῦσι Ῥωµαίων ; L. Moretti restitue lui [καὶ ἀποδοχὴν δαψιλῆ παρέσχε] τοῖς παρεπιδηµοῦσι Ῥωµαίων.

487 Cf. MORETTI L., RFIC 108 (1980), l. 8-9 : [ἀλλ’ οὕρω ἀποδεδειγµένου τοῦ πρώ]του ἀγωνοθέτου.

488 Ibid., l. 9-10 : παραγεγονὼς ἐκ Ῥώµ[η, ὁ Δεῖνα τὴν αυτοῦ] καλοκαγαθίαν, ἐκείνους τε τιµῶγ καὶ [τῶι δήµωι

χαρίζεσθαι βουλοµένος] καὶ ταύτην αὐθαιρέτως τὴν ἀγωνοθεσ[ίαν ἀνέλαβεν].

489 Cf. POL., XXI, 45, 6 et ROBERT L., BCH 57 (1933), p. 483 : « Entre Érythr[ée] et Chios, les relations ont toujours été très étroites, d’autant que les Chiotes ont possédé un territoire sur le continent ».

affaires d’Asie en route vers Éphèse490. Cette proximité affichée avec les hommes dont dépendait

l’avenir laisse suggérer que la mission diplomatique du citoyen honoré avait été couronnée de succès et que les gains territoriaux mentionnés par Polybe et Tite-Live avaient déjà été promis à Chios.

À l’instar de la cité insulaire, les communautés qui espéraient obtenir une récompense avaient également pu députer des ambassadeurs directement devant le Sénat dès 189 av. J.-C.491. Ainsi, dès les premiers contacts entre Rome et les cités d’Asie Mineure, la députation auprès des autorités romaines compétentes devient une sorte de réflexe, car il semble rapidement assuré que seuls les « dirigeants » pouvaient être la source de bienfaits tangibles et durables492. La troisième guerre de Macédoine a pu être l’occasion, pour Rome, de récompenser les cités micrasiatiques fidèles. Peu après Pydna et la réorganisation que la victoire romaine suscita en Orient, la cité d’Antioche du Méandre a elle aussi obtenu un privilège qui a « modifié radicalement [s]a situation »493. Au total, cette liste de cités récompensées, entre 189 et 165 av. J.-C., nous montre que Rome cherchait à mettre en avant les cités qui lui étaient particulièrement loyales, mais que les services rendus par les cités n’étaient pas des plus héroïques. Jusqu’au milieu du IIe siècle, les bienfaits romains semblent distribués de façon relativement généreuse à des cités méritantes et députant des ambassadeurs à Rome. C’est l’initiative de la cité qui est déterminante et nul doute que l’envoi d’une ambassade joue un rôle fondamental dans la mise en place de ce discours et de cette relation évergétique.

Mais cette donnée n’est pas intangible et la situation évolue à partir de la fin du IIe siècle. Si,

hormis les cités qui ont vu leur liberté reconnue et qui n’ont donc pas été intégrées à la province d’Asie494, nous ne connaissons nominalement aucune cité micrasiatique qui entra en contact à cette période avec des dirigeants romains pour solliciter l’obtention d’un quelconque privilège, on décèle toutefois un indice laissant penser qu’une cité a été récompensée par Rome pour son zèle lors de la guerre contre Aristonicos. Nous disposons en effet d’une inscription gravée au Capitole insistant sur

490 LIV., XXXVIII, 37, 11 : Gnaius Manlius Vulso, alors à Pergè, Eumenem regem et decem legatos ab Roma Ephesum

uenisse audierat.

491 POL., XXI, 17, 9-12 : Μετὰ δέ τινας ἡµέρας παραγενοµένων τῶν ὁµήρων εἰς τὴν Ἔφεσον, εὐθέως ἐγίνοντο

περὶ τὸ πλεῖν εἰς τὴν Ῥώµην ὅ τ’ Εὐµένης οἵ τε παρ’ Ἀντιόχου πρεσβευταί, παραπλησίως δὲ καὶ παρὰ Ῥοδίων καὶ παρὰ Σµυρναίων καὶ σχεδὸν τῶν ἐπὶ τάδε τοῦ Ταύρου πάντων τῶν κατοικούντων ἐθνῶν καὶ πολιτευµάτων ἐπρέσβευον εἰς τὴν Ῥώµην.

492 Voir HABICHT Chr., AM LXXII (1957), n° 65 (= IG XII, 6, 1, 6), l. 21-22 : πρὸς Ῥωµαίους, τ[οὺς κοινοὺς]

εὐεργέτας πάντων. Dans ce décret de Samos (l. 8-33) prescrivant, à la demande d’Antioche du Méandre, que le texte d’une convention de la cité carienne avec une voisine (l. 1-7) soit inscrit dans l’Heraion de la cité, le προσορισµὸς τῆς χώρας et le τῶν προσόδων ἐπαύξησις d’Antioche mentionnés aux l. 23-24, sont des mesures imposées par les Romains.Voir CURTY O., 1995, n° 29, p. 61-63.

493 Ibid., p. 62 et IG XII, 6, 1, 6, l. 17-21.

les bienfaits reçus des Romains par une cité inconnue495, mais tout commentaire approfondi de ce document fait face à plusieurs difficultés. On peut malgré tout tenter de le rapprocher des dédicaces d’une autre cité grecque inconnue496, ainsi que de l’inscription éphésienne du Capitole497.

Contrairement à ces cités qui rendent grâce à Rome pour les avoir libérées, la cité émettrice de l’ambassade se présente comme étant « comblée de bienfaits au plus haut point par le peuple des Romains »498. On remarque une emphase qu’on ne perçoit ni dans la dédicace éphésienne, pourtant libérée d’une tutelle monarchique centenaire499, ni dans l’inscription offerte par l’autre cité anonyme. Faut-il pour autant considérer ce vocabulaire spécifique comme une preuve de l’octroi par Rome à cette cité d’un privilège autre que la liberté ? Encore faudrait-il être assuré de la concomitance de ces documents. Or, les dater constitue la première difficulté en raison de leur brièveté, mais surtout en raison des débats vifs entourant la gravure des inscriptions capitolines. Il ne fait pas de doute qu’Éphèse, attribuée à Eumène en 189/188 av. J.-C. et rendue sujette de Rome après 85, n’a pu se réjouir de sa libération en envoyant une ambassade au Sénat et en offrant une dédicace au Capitole qu’autour de 129500. Ces trois ambassades faisant visiblement partie d’une même série, selon F. Canali de Rossi501, il faudrait donc les dater toutes les trois des lendemains de la guerre d’Aristonicos. Cependant, on est amené à remarquer la spécificité des termes qui définissent les rapports existants entre la communauté asiatique et Rome. Le peuple dédicant se proclame en effet φίλος καὶ συµµάχος de Rome502. Ces termes, renvoyant à des rapports établis et stables, paraissent mieux correspondre à une date ultérieure, notamment si on s’appuie sur le parallèle que constituent les dédicaces capitolines offertes par le koinon des Lyciens. En effet, la dédicace bilingue lycienne (ILLRP 174), en raison d’un archaïsme de graphie, est datée communément de 167503, tandis que la seconde, dont seule la version latine nous est parvenue et dans laquelle les Lyciens qualifient les Romains de populum cognatum, amicum et socium est, elle,

495 IGUR 7 (IG XIV, 988 ; ILLRP 179) : [ἡ πόλις ...]ίων εὐεργετηθεῖσα τὰ µέγιστα ὑπὸ τοῦ δήµου [τοῦ Ῥωµαίων

φί]λου ὄντος καὶ συµµάχου χαριστήρια Διὶ Καπετω[λίωι ἀνέθηκε πρε]σβευσάντων Βακχίου τοῦ Λαµπρίου, [... τοῦ Δι]ονυσίου, Φαίδρου τοῦ Παυσανίου.

496 IGUR 8 (= ILLRP 178a).

497 CIL I² 727 (= ILS 34 ; ILLRP 176) : Populus Ephesiu[s populum Romanum] salutis ergo, quod o[ptinuit maiorum]

souom leibertatem […] legatei Heraclitus Hi[...] Hermocrates Dem[…].

498 Cf. le décret d’Oropos, daté des années 154-149 av. J.-C., en l’honneur de Hiéron qui a convaincu les Achéens de défendre sa patrie contre les Athéniens qui en avaient chassé les citoyens, en prétextant de la contradication entre la

Ῥωµαίων φιλία καὶ πίστη et leur situation proche de l’esclavage. Cf. Syll.3 675, l. 25-27 : ὅπως οὖν κ[αὶ] Ὠρώπιοι φαίνωνται µνηµονεύοντες ὧν ἂν εὐε[ρ]γετηθῶσιν ὑπό τινος.

499 La cité d’Éphèse, refondée par Lysimaque, est passée entre les mains séleucides, lagides et attalides avant d’être reprise par Antiochos III en 197 av. J.-C. Cf. ROBERT L. & J., 1989, p. 85 et MA J., 1999, p. 114.

500 LIV., XXXVIII, 39, 16 ; APP., Mithr., XXI, 81. Cf. FERRARY J.-L., 1988, p. 184, n° 207 : « L’hypothèse de D. Magie (Id., 1950, I, p. 117 et II, p. 955, n° 67) et J.A.O. Larsen (Cph, 1956, p. 158), qu’Éphèse ait alors (peu après 167 av. J.-C.) été libérée de la suzeraineté attalide, doit être rejetée ». Voir également RIGSBY K.J., Phoenix 33 (1979), p. 40-42.

501 CANALI DE ROSSI F., 1997, p. 266. 502 IGUR 7, l. 2.

datée des lendemains de la première guerre mithridatique504. Cette datation basse du texte qui nous

intéresse est corroborée par celle d’une dédicace attribuée à la cité de Hiérapolis du Lykos505. En effet, la graphie de la stèle où le peuple romain est qualifié de σύµµαχον semble placer cette dernière à une époque postérieure à celle de l’inscription éphésienne506. Finalement, rien ne permet d’affirmer que la députation à Rome de la cité « comblée de bienfaits au plus haut point » a eu lieu aux lendemains de la guerre d’Aristonicos. Même si l’on admet que les trois missions ont lieu lors de la création de la province d’Asie, il reste que le choix du vocabulaire évergétique de la dédicace que nous étudions n’est pas si particulier. En effet, si la dédicace éphésienne se cantonne à l’évocation de la liberté retrouvée, celle de la seconde communauté anonyme semble, elle aussi, rendre grâce à Rome de ses bienfaits. Une certaine réserve s’impose puisque le terme εὐεργεσία est manquant, mais sa restitution est relativement certaine, puisque la formulation choisie a de nombreux parallèles507. Reste tout de même que le bienfait octroyé par Rome dans le cas de cette seconde communauté asiatique anonyme est écrit en toutes lettres : il s’agit de la liberté et d’elle seule508. Il semblerait que les cités ont été trop unanimes à se battre contre le prétendant attalide et que la loyauté envers Rome n’expliquait pas exclusivement le comportement de cités qui voyaient en Aristonicos un obstacle vers leur liberté pourtant promise par Attale III. Il était donc malaisé de récompenser toutes les cités qui avaient pris des initiatives contre le prétendant attalide et ce sont finalement les rois qui obtinrent des avantages substantiels de la part des Romains509.

Tel ne fut pas le cas lors de la guerre de Mithridate, puisque les cités qui résistèrent furent beaucoup moins nombreuses, tandis que le danger était beaucoup plus menaçant. Et, de fait, nous connaissons plusieurs cités qui ont été récompensées par les Romains, grâce à un passage célèbre d’Appien510. Dans le cas d’Ilion, nous avons confirmation, par Strabon, de l’existence d’une récompense de Rome qui semble de nature financière511. En outre, on a déjà évoqué une lettre d’un magistrat romain, qui confirma les privilèges accordés à la cité-mère de Rome, notamment l’asylie

504 FERRARY, 1988, p. 186, n° 212 : « La référence aux liens d’amicitia et societas entre les deux peuples, attendue après la guerre contre Mithridate qui vit les Lyciens rester fidèles aux Romains ne figurent pas dans ILLRP 175 ». 505 IGUR 19. Contre ces restitutions, voir Bull. 1958, 551, p. 356.

506 L’existence de bienfaits précoces est évoquée dans une lettre d’Hadrien à la cité de Hiérapolis lors de son avénement en 117 apr. J.-C. Cf. RITTI T., 2006, n° 36, l. 10-12.

507 Notamment IGUR 5 (= ILLRP 174).

508 Voir IGUR 8, l. 5-6 : [ὁ δῆµος ὁ ...] ἐλευθερωθεὶς ὑπὸ [τοῦ δήµου τοῦ Ῥ]ωµαίων.

509 Le roi du Pont Mithridate V, le père de l’ennemi de Rome, reçut en effet la Grande Phrygie, tandis que le roi de Cappadoce obtint la Lycaonie en récompense de sa participation aux opérations militaires, avant l’arrivée des légions en Asie. Sur ces donations et leur annulation, respectivement peu après 120 et avant 102 av. J.-C., voir le sénatus-consulte concernant la Phrygie. Cf. OGIS 436 (= IGR IV 752 = RDGE 13, l. 6-10) et APP., Mithr., II, 11-12.

510 APP, Mithr., LXI, 250 : Αὐτὴν δὲ τὴν Ἀσίαν καθιστάµενος, Ἰλιέας µὲν καὶ Χίους καὶ Λυκίους καὶ Ῥοδίους

καὶ Μαγνησίαν καί τινας ἄλλους, ἢ συµµαχίας ἀµειβόµενος, ἢ ὧν διὰ προθυµίαν ἐπεπόνθεσαν οὗ ἕνεκα, ἐλευθέρους ἠφίει καὶ Ῥωµαίων ἀνέγραφε φίλους.

511 STRAB. XIII, 1, 27 (C 594) : Τοῦτον µὲν οὖν ἐπελθὼν Σύλλας κατέλυσε, καὶ τὸν Μιθριδάτην κατὰ

du temple d’Athéna Polias512. On peut penser que des ambassadeurs d’Ilion se sont rendus à Rome pour négocier les avantages promis à la cité, qui, parmi toutes les cités d’Asie, avait le plus de chance de bénéficier de la générosité des descendants d’Énée que les Romains se glorifiaient d’être. De fait, on sait que les Rhodiens se rendirent à Rome pour les mêmes raisons, eux qui avaient si brillamment résisté aux assauts pontiques513. En outre, il est possible que Magnésie du Méandre ait

bénéficié elle aussi de l’asylie pour le temple d’Artémis514. Le temple de Magnésie du Méandre est en effet reconnu comme un lieu sacré par les Grecs depuis bien longtemps515. Mais il est difficile de savoir si la Magnésie citée par Appien est celle qui se situe sur le Méandre ou celle qui se trouve sous le massif du Sipyle. En effet, Strabon nous laisse supposer qu’il s’agit en fait de Magnésie du Sipyle, qui aurait conservé sa liberté sous le principat516. Or, nous savons que peu de cités l’ont perdue après l’épreuve pour leur loyauté envers Rome qu’a été la première guerre contre Mithridate517. Pouvons nous trancher ? Tacite est certes théoriquement plus fiable que Pausanias, car il est censé s’être reporté aux actes du Sénat. Cependant, tout privilège accordé à la cité d’Artémis Leucophryne comme récompense semble exclu, puisque Magnésie du Méandre a ouvert avec enthousiasme ses portes à Mithridate518. Mais il est possible que la cité ait inventé une résistance qui n’a jamais eu lieu, comme Éphèse a tenté de le faire, afin de négocier au mieux son statut519. Magnésie du Méandre, qui s’était liée au roi du Pont de manière moins ostentatoire que la cité d’Éphèse, a peut-être réussi à berner les Romains, lors du règlement syllanien de Dardanos.

Il faut rajouter aux cités de Rhodes, d’Ilion et de Magnésie plusieurs communautés qui ont reçu des avantages substantiels par l’intermédiaire de sénatus-consultes que nous avons conservés. Nous avons déjà mentionné l’inscription520, datée de 81 qui confirme à la cité de Stratonicée les privilèges accordés par Sylla autour de 85 av. J.-C. Sylla a accordé de nombreux privilèges à la cité carienne qui, forte de sa résistance face aux troupes pontiques, n’a pas craint de se rendre auprès du

512 I. Ilion 77 (= IGR IV, 199, RDGE 53). Voir également STRAB., XIII, 1, 27 (C 595) : Χώραν τε δὴ προσένειµεν

αὐτοῖς καὶ τὴν ἐλευθερίαν καὶ τὴν ἀλειτουργησίαν αὐτοῖς συνεφύλαξε καὶ µέχρι νῦν συµµένουσιν ἐν τούτοις.

513 Cf. CIC., Brut., XC, 312, ainsi que APP., Mithr., XXIV, 94.

514 APP, Mithr., LXI, 250 et surtout TAC., Ann., III, 62, 1 : Proxim<i h>os Magnetes L. Scipionis et L. Syllae

constitutis nitebantur, quorum ille Antiocho, hic Mithridate pulsis fidem atque uirtutem Magnetum decorauere, uti Dianae Leucoph<r>ynae perfugium inuiolabile foret.

515 La fondation des concours remonte au dernier quart du IIe siècle. Voir Syll.3 557. Vers 205 av. J.-C., Antiochos III reconnaît le concours organisé en l’honneur d’Artémis comme « stéphanite et isopythique », mais non pas l’asylie de la cité, malgré l’envoi d’une ambassade à sa rencontre à Antioche de Perse. Voir OGIS 231 ; 233 et RC 31-32.

516 STRAB., XIII, 3, 5 (C 621) : Οὐκ ἄπωθεν δὲ τούτων τῶν πόλεων οὐδ´ ἡ Μαγνησία ἐστὶν ἡ ὑπὸ Σιπύλῳ,

ἐλευθέρα πόλις ὑπὸ Ῥωµαίων κεκριµένη.

517 Les Magnésiens du Sipyle pouvaient même se targuer d’avoir blessé Archélaos, le général de Mithridate qui fut vaincu par Sylla à Athènes. Cf. PAUS. I, 20, 5. Sur la résistance de la cité contre les forces de Mithridate PLUT.,

Moralia, 809 B-C.

518 APP., Mithr., III, 21 : Mithridate ἐς Μαγνησίαν καὶ Ἔφεσον καὶ Μιτυλήνην παρῆλθεν, ἀσµένως αὐτὸν

ἁπάντων δεχοµένων.

519 Voir Syll.3 742, l. 10-15 et le commentaire de J.-M. Bertrand dans IHG 142, p. 249-251. 520 Pour le SC de Stratonicensibus, voir I. Stratonikeia II, 1, 505 (= OGIS 441, RDGE 18).

général romain qui venait de conclure la paix avec Mithridate. C’est vraisemblablement après