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C’est dans cette catégorie que nous devons placer de nombreuses ambassades qui sont envoyées à Rome ou auprès des magistrats romains en Asie Mineure. En revanche, quand bien

230 C’est même cette absence de contrainte extérieure qui fait l’essence de la communauté civique. Cf. ARIS., Pol., II, 2, 1261-b 14.

231 C’est en partie ce que croyait R.E. Allen, qui minimisait l’impact de la domination attalide, avant 204 av. J.-C., sur la cité de Téos. Voir ALLEN R.E., 1983, p. 45-57. Cette thèse a été remise en cause par MA J., 1999, p. 58-59, n° 25. 232 FERRARY J.-L., 1988, p. 179. L’auteur ajoute que cette définition de la liberté par la jouissance simultanée de ces trois privilèges, si elle est encore valable autour de 167 av. J.-C. dans les cas de Caunos, de Stratonicée, des Galates, ou encore d’Ainos et de Maronée, ne correspond plus au type de liberté que « reçoivent les Macédoniens et les Illyriens ». 233 Voir BIKERMAN E., REG 50 (1937), p. 225-226 : « Les Romains succèdent dans les droits et les obligations de leurs prédécesseurs immédiats et recueillent l’héritage tel quel ».

234 Voir LIV., XLV, 18, 7, puis 26, 14 et 29, 4. La liberté de la République macédonienne se réduit donc au départ des troupes romaines et à l’autonomie locale permettant de désigner ses propres magistrats.

235 FERRARY J.-L., 1988, p. 180.

236 Sur la liberté des cités grecques, pensée comme idéal d’indépendance et d’autonomie, voir la convention de sympolitie entre les cité de Cos et de Calymna (peu après 200 av. J.-C.). Le serment que doit prêter tout citoyen de la cité agrandie commence ainsi : « Je resterai fidèle à la démocratie en place et au rétablissement de l’homopoliteia, ainsi qu’aux lois ancestrales de Cos, aux décrets de l’Assemblée et au texte de l’accord sur l’homopoliteia ». Voir SEGRE M., ASAA 22-23 (1952), n° 12 (= Staatsverträge III 545), l. 14-18.

237 Outre les ouvrages déjà cités, il faut mentionner ici les nombreux ouvrages de référence qui traitent de la question tels que ACCAME S., 1946 ; BERNHARDT R., 1985 ; KALLET-MARX R.M., 1995.

même il s’agit de la même revendication pour toutes les cités que nous allons étudier, il est impossible de ne pas chercher à distinguer les différents contextes qui les invitent à se faire confirmer leur indépendance par les Romains.

Dans un premier temps, peu avant la guerre antiochique, plusieurs cités micrasiatiques décident de sonder les Romains, qu’ils connaissent encore peu, afin de connaître leur position réelle sur la liberté des Grecs d’Asie. En effet, seule la liberté des cités grecques d’Asie dominées par Ptolémée IV, puis par Philippe V, et celle des cités qui avaient résisté jusque-là au retour du Séleucide avaient été garanties par Flamininus à Corinthe238. Ce n’est notoirement pas le cas de Téos, cité privilégiée de la sphère d’influence séleucide, qui n’hésite pourtant pas, en 193 av. J.-C., à envoyer une ambassade à Rome. Une lettre du préteur pérégrin239, Marcus Valérius, informe en effet la cité ionienne des résultats obtenus par le délégué qu’elle avait député auprès du Sénat240. L’ambassadeur de Téos a demandé et obtenu la reconnaissance, « en ce qui concerne le peuple romain », de l’asylie, conférée à la cité sous Antiochos241, ainsi que de l’immunité de la cité ionienne242. La requête de l’ambassade de la cité ionienne semble tout ce qu’il y a de plus naturel, mais son interprétation reste épineuse. En effet, dans ce document, les Romains reconnaîtraient un privilège à une communauté sur laquelle ils n’ont aucun droit, puisque la cité de Téos a connu la domination séleucide ou attalide, puis la liberté, mais n’a jamais appartenu au domaine micrasiatique de Ptolémée puis de Philippe, seul espace d’Asie sur lequel le discours performatif romain est susceptible d’avoir prise243. Par la lettre du préteur Valérius Messala, les autorités romaines donnent leur consentement aux privilèges accordés à Téos et reconnaissent par là même l’autorité d’un Antiochos capable de recourir à des différenciations statutaires dans son empire, tout en minimisant cette autorité, qui doit souffrir leur approbation. Rome agit notamment de la sorte en 164 av. J.-C. lorsque le Sénat confirme les privilèges accordés par Lysias à l’ethnos des Juifs244.

Rome ferait donc manifestement ingérence dans des affaires qui concernent exclusivement la cité de Téos et le roi qui lui avait accordé la liberté et l’asylie une dizaine d’années plus tôt. Il est alors d’autant plus surprenant de remarquer que Rome est presque involontairement « invitée » à cette

238 POL., XVIII, 47, 1.

239 LIV., XXXIV, 55, 6 : Sortit praetores C. Scribonius urbanam, M. Valerius pergrinam. Sur l’introduction de

l’ambassade par un préteur, voir RIGSBY J. K., 1996, n° 153, p. 315 et FERRARY J.-L., in CAILLET J.-P. & SOT M. (dir.), 2007, p. 114.

240 RDGE 34 (Syll.3 601 ; MA J., 1999, n° 38, p. 356-358).

241 Sur l’asylie accordée par Antiochos III en 203 av. J.-C., voir HERRMANN P., Anadolu 9 (1965), p. 33-36 (SEG XLI, 1003), l. 14-19 : βουλόµενος τά τε πρὸς τὸν θεὸν εὐσεβῶς διακεῖσθαι ὧι καθιέρωσεν ἡµῶν τὴν πόλιν καὶ τὴν χώραν <καὶ> θέλων χαρίζεσθαι τῶι τε δήµωι καὶ τῶι κοινῶι τῶν περὶ τὸν Διόνυσον τεχνιτῶν παρελθὼν εἰς τὴν ἐκκλησίαν αὐτὸς ἀνῆκε τὴ[ν] πόλιν καὶ τὴγ χώραν ἡµῶν ἱερὰν καὶ ἄσυλον καὶ ἀφορολόγητον. 242 RDGE 34, l. 19-21 : κρίνοµεν εἶναι τὴν πόλιν καὶ τὴγ χώραν ἱεράν, καθὼς καὶ νῦν ἐστιν, καὶ ἄσυλον καὶ ἀφορολόγητον ἀπὸ τοῦ δήµου τοῦ Ῥωµαίων. 243 MA J., 1999, p. 100-102. 244 Cf. 2 Macc. II, 35 : ὑπὲρ ὧν Λυσίας ὁ συγγενὴς τοῦ βασιλέως συνεχώρησεν ὑµῖν, συνευδοκοῦµεν.

ingérence, puisque, l’ambassadeur des Téiens étant également celui d’Antiochos245, le Séleucide

cautionnait forcément la demande de la cité ionienne. Il est probable qu’Antiochos et son personnel cherchaient à renouer avec Rome les liens rompus au début de 195 av. J.-C., ce qu’attestent nos sources littéraires246. Donner à peu de frais aux Romains le sentiment d’exercer leur patronage moral en Asie Mineure était peut-être un moyen pour réchauffer les relations alors tendues entre Rome et le Séleucide. Pour autant, en confirmant les privilèges accordés à Téos par Antiochos et par lui seul, Rome était amenée à reconnaître qu’elle ne saurait prétendre décider du sort des cités d’Asie et s’immiscer d’une quelconque manière dans la hiérarchisation statutaire des entités politiques intégrées à l’espace séleucide. Ainsi, cette mission diplomatique servait les intérêts d’Antiochos, puisqu’elle était en conformité avec la ligne énoncée par le Séleucide à la conférence de Lysimachie247 et accréditait dans le même mouvement la thèse d’un Antiochos conciliant, prêt à des concessions multiples pour aboutir à la paix. Toutefois, il existe une interprétation beaucoup plus simple de ce document problématique. Il est en effet parfaitement possible que Ménippos ait fait fonction, pour la cité ionienne, de théore, dans le sens où il avait pour mission de solliciter auprès du Sénat la reconnaissance de l’asylie de son territoire, de son sanctuaire, et donc, par suite, de la réputation internationale des concours dionysiaques. Il était décisif pour Téos d’obtenir cette reconnaissance, car Rome, en tant que nouvelle puissance tutélaire des cités de Grèce continentale, s’engageait alors tacitement à assurer la sécurité des voies d’accès à l’Ionie, notamment face aux pirates sévissant alors en Méditerranée orientale. Une mission antérieure de deux députés téiens en Crète248 est à ce titre extrêmement éclairante pour notre sujet. En effet, cette inscription de la cité

crétoise de Rhaukos atteste tout d’abord du volontarisme diplomatique de la cité de Téos qui cherche à faire reconnaître son asylie à un maximum d’États indépendants, quelle que soit leur importance sur la scène internationale. Par ailleurs, l’émissaire séleucide accompagnant les ambassadeurs téiens est connu, puisqu’il s’agit d’Hégésandros, un citoyen rhodien à qui le Grand roi avait donné mandat de mettre fin aux conflits opposant Rhodes à des cités crétoises épaulées par

245 Voir RDGE 34, l. 4-8 : Μένιππος ὅ τε παρ’ Ἀντιόχου τοῦ βασιλέως ἀποσταλεὶς πρὸς ἡµᾶς πρεσβευτὴς,

προχειρισθεὶς καὶ ὑφ’ ὑµῶν πρεσβεῦσαι περὶ τῆς πόλεως τό τε ψήφισµα ἀνέδωκεν καὶ αὐτὸς ἀκολούθως τούτωι διελέχθη µετὰ πάσης προθυµίας.

246 Voir essentiellement LIV., XXXV, 12-20 ; 22, 1-2 ; 23, et légèrement différent, APP., Syr., VI, 23 : εἰς Ἔφεσον

κατῆρε καὶ πρέσβεις ἐς Ῥώµην ἔπεµπε Λυσίαν τε καὶ Ἡγησιάνακαντα καὶ Μένιππον, οἳ τῷ µὲν ἔργῷ τῆς βουλῆς ἀποπειράσειν ἔµελλον. Voir également WILL E., 1967, II, p. 166 : « les contacts, rompus en 195, furent repris au début de 193. Sur l’initiative d’Antiochos : cela se conçoit aisément car, des deux parties, c’était lui qui retirait le plus de désagrément de l’incertitude où l’on était resté, la proclamation des libertés grecques en Asie risquant d’être un permanent motif d’agitation dans cette région ».

247 Cf. POL., XVIII, 51, 9.

248 Cf. IC I, 27, 1 l. 2-10 : « Attendu que les ambassadeurs envoyés par le peuple des Téiens à Rhaukos, Apollodotos, fils d’Astyanax, et Kiolotas, fils d’Hékatonymos, se sont présentés devant l’assemblée, ont évoqué les liens unissant leur peuple aux gens de Rhaukos et ont sollicité la reconnaissance de l’asylie de la cité et de son territoire, appuyé en cela par Hégésandros, l’émissaire dépêché par le roi Antiochos, avec tout le zèle et l’empressement (qu’il convient) ».

des pirates à la solde de Philippe V de Macédoine249. Après la victoire de Rome contre Philippe, il paraissait normal à la cité de Téos, dont la réputation internationale était dépendante de la sécurité des liaisons maritimes entre l’Ionie et les autres régions hellénisées, de se rendre auprès du nouveau garant de la sécurité de la Mer Égée, par ailleurs allié à Rhodes dont la flotte avait une importance stratégique dans la région. Cette thèse, moins politique, mais intégrant ce document dans un dossier épigraphique beaucoup plus large des reconnaissances de jeux et de concours250, ne remet pas fondamentalement en cause l’idée qu’Antiochos cherchait à avancer ses pions face à Rome tout en donnant à sa rivale des gages d’ouverture, puisqu’il paraît impossible qu’Antiochos III ait pu ne pas être au courant de l’initiative téienne. Il est en effet probable que des représentants de la cité ionienne se soient rendus à Éphèse pour obtenir l’autorisation du roi avant le départ de ce dernier pour la Syrie et qu’il ait désigné son philos Ménippos, par ailleurs chef de la délégation s’apprêtant à partir pour l’Italie, pour remplir cette mission251. Cette interprétation, davantage culturelle et diplomatique, réinsère les motivations téiennes pour députer à Rome dans les préoccupations permanentes de toutes cités grecques252. Elle rend par ailleurs compte de l’attitude pro-séleucide de la cité de Téos pendant la guerre, malgré les bonnes paroles qu’avait pu formuler à son égard la puissance romaine quelques années plus tôt253. Si Téos avait été un pion essentiel dans le jeu politique romain, il aurait semblé naturel que la cité ionienne se range dans le camp romain, dès les premiers revers de l’armée séleucide en Égée, si ce n’est en Grèce. Or, force est de constater que Téos fut pillée par les cohortes commandées par le préteur Aemilius254 et que les Romains prétextèrent pour ce faire des fournitures que la cité avait offertes au roi séleucide. Visiblement, les relations qu’entretenait la cité avec le roi séleucide étaient de nature à mobiliser la population contre l’ennemi d’Antiochos, jusqu’à ce que les menaces d’Aemilius fassent leur effet et que les Téiens se

249 IC II, 12, 21, l. 13-17 : Ἀγήσανδρος Εὐκράτευς Ῥόδιος ὁ παρὰ τῶ βασιλέως Ἀντιόχω πρεσβευτὰς ἐπὶ τὰς τῶ

πολέµω διαλύσεις ἀποσταλείς. Voir aussi IC II, 16, 3, l. 7-9 (même formulaire qu’IC I, 27, 1), ainsi que SAVALLI- LESTRADE I., 1998, C, V, p. 114-115.

250 Pour un inventaire des inscriptions téiennes concernant l’asylie, voir FAMERIE E., Chiron 37 (2007), p. 79-85. 251 BASLEZ M.-Fr. & VIAL Cl., BCH 111 (1987), p. 303, n° 135 : « La ville (d’Éphèse) est la base d’Antiochos depuis l’hiver 197/196 au plus tard. Le roi y a séjourné pendant la plus grande partie de 194 avant d’aller passer l’hiver 194/193 à Antioche : Ménippos est sans doute parti d’Éphèse et n’a pas suivi le roi en Syrie ». Ibid., p. 304 : « il avait certainement pris la mer avant la mauvaise saison, au plus tard en octobre 194. Datation confirmée dans SAVALLI- LESTRADE I, 1998, n° 33, p. 30, « à la fin de l’été 194 av. J.-C., Ménippos partit d’Éphèse pour se rendre en ambassade à Rome, en compagnie d’Hégésianax ».

252 Dans le cas de Téos, voir RC 35, p. 152 où C.B. Welles considère la lettre de Théodôros et d’Amynandros, rois d’Athamanie, comme « one of a considerable number of asylum-recognitions wich were engraved a wall of the temple

of Dionysus at Teos ». Voir notamment la reconnaissance de l’asylie par la Confédération étolienne, datée des années 205-201 av. J.-C. Cf. Syll.3 565. Voir enfin le parallèle que constitue le volumineux dossier des reconnaissances d’asylie de la cité de Magnésie du Méandre dans le cadre du culte d’Artémis Leukophryène. Cf. RIGSBY K.J., 1996, p. 179- 279.

253 RDGE 34, l. 21-24 : καὶ τά τε εἰς τὸν θεὸν τίµια καὶ τὰ εἰς ὑµᾶς φιλάνθρωπα πειρασόµεθα συνεπαύξειν,

διατηρούντων ὑµῶν καὶ εἰς τὸ µετὰ ταῦτα τὴν πρὸς ἡµᾶς εὔνοιαν. 254 LIV., XXXVII, 28, 1-2.

décident à prendre la seule décision que recommandait désormais la prudence255. En 193 av. J.-C., il

apparaît donc que Téos n’a fait que profiter du départ imminent d’un philos d’Antiochos chargé d’une ambassade auprès des sénateurs pour tenter d’obtenir la reconnaissance par Rome de son asylie, sans pour autant chercher à remettre en cause le lien extrêmement privilégié l’unissant au Grand Roi qui l’avait libérée dix ans auparavant. Nous sommes avant Magnésie du Sipyle, avant Apamée. Si Lampsaque a pu, à tâtons et grâce à la persévérance d’Hégésias, forger des arguments permettant d’obtenir gain de cause au Sénat et en Grèce, il faut rendre à Téos ce qui lui revient et la considérer comme une cité qui, quoique libre, acceptait parfaitement de se situer dans l’orbite séleucide et tentait d’élargir son rayonnement international sans pour autant s’immiscer dans le conflit qui s’annonçait entre Rome et son libérateur.

Décèle-t-on une rupture, c’est-à-dire une intégration plus poussée de la cité dans le jeu géopolitique international dans le cas d’Héraclée du Latmos, qui députe en 191-190 av. J.-C. auprès des Scipions, en pleine guerre antiochique256 ? La cité du Latmos obtient des généraux romains la confirmation de son statut de cité libre. Il faut ici parler de confirmation, puisqu’entre 196 et 193 av. J.-C., une lettre de Zeuxis au peuple d’Héraclée du Latmos évoquait « ceux qui importent dans la cité du grain de la terre du roi ». Cette mention implique que, dès cette époque, la cité était reconnue comme retranchée de la « terre royale », c’est-à-dire comme une entité libre257. La lettre des généraux Romains est claire : ils garantissent la liberté de cette communauté – c’est-à-dire l’absence de troupe –, ainsi que sa totale autonomie interne258. Le contexte politique général

affleure nettement dans le document, puisque l’on apprend que c’est en tant que cité qui se soumet à Rome qu’Héraclée du Latmos reçoit une garantie de liberté. Les frères Scipion la lui accordent en effet, « comme aux autres cités qui [leur] ont donné leur reddition »259. Nous sommes en 190 et les ralliements à Rome, notamment après la défaite séleucide de Myonnèsos, étaient en train de se multiplier. Le récit livien s’en fait par exemple l’écho260. G. De Sanctis, restituant le nom des Scipions, situa ce document immédiatement après la victoire romaine de Magnésie. Dans ce cas, il faudrait imaginer que les généraux romains ont continué à assurer les cités de leur liberté après Magnésie ou que la cité d’Héraclée s’était vue promettre une liberté restreinte ne préjugeant en rien d’une hypothétique immunité fiscale. Mais ces deux hypothèses s’avèrent contraires aux faits

255 LIV., XXXVII, 28, 3 : Hoc tam triste responsum cum rettulissent legati, uocatur in contionem a magistratibus

populus, ut quid agerent consultarent.

256 RDGE 35 (Syll.3 618 ; MA J., 1999, n° 45, p. 366-367). Sur la situation de la cité dans la guerre entre Rome et Antiochos, voir MA J., 1999, p. 246-247. Un décret de la cité d’Amyzôn évoque à la même époque « les évolutions des circonstances ». Voir ROBERT J. & L., 1983, n° 36, l. 11 : τὰς τῶν καιρῶν µεταβολὰς.

257 Voir WÖRRLE M., Chiron 18 (1988), p. 421-476, ainsi que MA J., 1999, n° 31, B III, p. 341-343, l. 8-9 : οἱ

ἐξάγοντες ἐκ τῆς τοῦ βασιλέως εἰς τὴν πόλιν ἐπί τε τὰς ἰδίας χρείας καὶ εἰς πρᾶσιν.

258 Syll.3 618, l. 10-12 : συγχωροῦµεν δὲ ὑµῖν τήν τε ἐλευθερίαγ [...], ἔχουσιν ὑ[φ’ αὑτοὺς πά]ντα τὰ αὐτῶµ

πολιτεύεσθαι κατὰ τοὺς ὑµετέρους νόµους.

259 Ibid., l. 10-11 : καθότι καὶ [ταῖς ἄ]λλαις πόλεσιν, ὅσαι ἡµῖν τὴν ἐπιτροπὴν ἔδωκαν.

ultérieurs, puisque le traité de paix entre Milet et Héraclée du Latmos, daté par M. Errington de 185-184 av. J.-C., prouve la liberté totale de la cité, malgré la reconnaissance d’une dépendance de fait à l’égard de Rhodes261. Héraclée s’est donc livrée aux autorités romaines avant la bataille

décisive contre Antiochos, à la fin de l’année 190, probablement suite au débarquement des légions en Asie. L’état de guerre explique également l’octroi à la cité d’un chef de garnison romain et la mention d’éventuels troubles262. Nous nous situons assurément au moment où la débandade séleucide devenait patente, suite à la retraite panique de Polyxénidas, et où Héracleidès fut mandaté par Antiochos pour proposer aux Scipion une paix de compromis. En effet, selon Tite-Live, le nombre de cités qui se remirent aux Romains explosa aux lendemains du départ de ce qu’il restait de la flotte séleucide d’Éphèse263, tandis que, d’après Polybe, les pourparlers de paix avec l’envoyé d’Antiochos prenaient en considération pour la première fois, à notre connaissance, le cas des « cités d’Éolide et d’Ionie qui avaient pris parti pour Rome »264. En tant que cité libre, distincte du territoire royal incorporant les cités sujettes, Héraclée a utilisé sa capacité à députer à l’étranger afin de sonder les autorités romaines sur place265. La cité du Latmos s’ingéniait à rallier leur camp, probablement au moment où le Séleucide, acculé, cherchait à obtenir le maximum de troupes et devait multiplier les missions diplomatiques auprès des cités qu’il avait libérées de son alliance militaire. Le comportement du roi à l’égard des cités d’Asie Mineure dans les derniers mois de sa domination est évoqué indirectement dans une lettre d’Eumène à la communauté de Toriaion qui s’est vue promettre monts et merveilles par le Séleucide aux abois, puisque le nouveau roi de Phrygie se sent obligé, peu après 188 av. J.-C., de préciser à cette petite communauté, regroupant colons militaires et indigènes hellénisés, que tout privilège accordé par lui sera désormais l’objet d’un choix circonspect, contrairement à ce qui fut fait dans un passé assez proche pour que le roi attalide puisse rester allusif266. Si l’on s’appuie sur la tradition littéraire polybienne et si l’on intègre

l’ambassade auprès des frères Scipion dans le contexte du basculement du rapport de force au profit des Romains en Asie Mineure, il semble bien que l’initiative de la cité d’Héraclée du Latmos n’est

261 Milet I, 3, 150 (Syll.3 633), l. 25-36, part. 34-36 : εἶναι πολίτας Μιλησίους Ἡρακλεωτῶν καὶ Ἡρακλεώτας

Μιλησίων, ὑπάρχειν δὲ αὐτοῖς εἰς ἅπαντα τὸν χρόνον τὸν αὐτὸν ἐχθρὸν καὶ φίλον, µηθὲν ὑπεναντίον πρασσόντων τῶν δήµων τῆι πρὸς Ῥοδίους συµµαχίαι.

262 Syll.3 618, l. 16-17 : [ἀπεστά]λκαµεν δὲ πρὸς ὑµᾶς Λεύκιον Ὄρβιον τὸν ἐπιµελησόµενον τῆς [πόλεως κ]α[ὶ]

τῆς χώρας ὅπως µηδεὶς ὑµᾶς παρενοχλῆι. ἔρρωσθε.

263 LIV., XXXVII, 45, 1-2 : Ab Trallibus et a Magnesia quae super Maeandrum est et ab Epheso ad dedendas urbes

uenerunt. Reliquerat Ephesum Polyxenidas audita pugna, et classi usque ad Patara Lyciae peruectus, metu stationis Rhodiarum nauium quae ad Megistem erant in terram egressus, cum paucis itinere pedestri Syriam petit.

264

POL., XXI, 14, 1-2 : Ὁ δ’ Ἡρακλείδης, µετά τινας ἡµέρας παραγενοµένου τοῦ Ποπλίου, κληθεὶς πρὸς τὸ συνέδριον εἰς ἔντευξιν διελέγετο περὶ ὧν εἶχε τὰς ἐντολάς, φάσκων τῆς τε τῶν Λαµψακηνῶν καὶ Σµυρναίων, ἔτι δὲ τῆς τῶν Ἀλεξανδρέων πόλεως ἐκχωρεῖν τὸν Ἀντίοχον, ὁµοίως δὲ καὶ τῶν κατὰ τὴν Αἰολίδα καὶ τὴν Ἰωνίαν, ὅσαι τυγχάνουσιν ἡἡρηµέναι τὰ Ῥωµαίων.

265 Nous ne savons pas où se trouvait les Scipions à cette époque. Cf. LIV., XXXVII, 37-45, 3 et APP., Syr., XIX, 142. 266 Voir JONNES L. & RICL M., EA 29 (1997), p. 3-4 (= I. Sultan Daği 393), l. 19-24 et SAVALLI-LESTRADE I., in PROST F. (éd.), 2003, p. 37-38.

en rien isolée. La cité s’en remet à Rome comme des dizaines d’autres cités de la côte ionienne et elle est traitée comme telle, puisque les généraux romains ne prêtent qu’une attention distraite à ces ralliements marqués du sceau de la nécessité267. Au même moment par exemple, la cité de Colophon reçoit elle aussi une lettre des Scipion garantissant l’asylie du temple d’Apollon Clarios, suite à une ambassade de la cité ionienne auprès d’eux268. Antiochos III avait abandonné le siège de Colophon-Notion à la fin de l’année 190 av. J.-C., après la défaite de sa flotte à Myonnésos. La cité s’est donc livrée aux autorités romaines juste avant la bataille de Magnésie du Sipyle, puisqu’elle est distinguée dans le traité de paix conclu entre Rome et Antiochos à Apamée269. Il faut alors dater ce texte du tout début de l’année 189, tout en notant que la cité était déjà entrée en relation avec Rome l’année précédente, puisqu’elle avait envoyé une délégation à Samos, auprès du préteur Aemilius270. De même, Magnésie du Méandre qui produisit sous Tibère la lettre des Scipion reconnaissant l’asylie du temple d’Artémis Leucophryène, vit sa liberté confirmée271. Nul doute que les marges de manœuvre de ces trois cités paraissaient fort minces, tant leur rapprochement des autorités romaines relevait d’une impérieuse nécessité.

La seconde vague d’ambassades cherchant à obtenir confirmation de la liberté de leur patrie, a lieu aux lendemains de la guerre d’Aristonicos. Mais contrairement au scénario de 190-189, les cités micrasiatiques ont eu à choisir leur camp, puisque l’affrontement contre le prétendant attalide légitimiste s’est étiré sur plusieurs années, qu’il fut plein de rebondissements et que Rome n’a engagé des forces significatives qu’à la fin du conflit, laissant pendant deux ans aux royaumes et aux cités la charge de résister à l’usurpateur. On considère généralement que les cités grecques d’Asie se sont levées comme un seul homme pour répondre aux prétentions dynastiques d’Aristonicos, la seule exception connue restant Phocée. Déjà en 188 av. J.-C., la cité de Troade avait profité des largesses des Romains, malgré le revirement des masses populaires en faveur d’Antiochos. Phocée, que les Romains voulaient détruire, après 129, a été sauvée par intercession