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La personnalisation du pouvoir romain, que nous venons d’évoquer rapidement, incite les cités à se hâter auprès du prince aux moments décisifs de son règne, et notamment au moment de son accession au trône. Avant de considérer ces missions consistant à rencontrer au plus vite le nouveau dépositaire du pouvoir suprême, il convient de revenir sur les ambassades visant à honorer Auguste, l’initiateur de ce nouveau type de gouvernement.

Dès les lendemains de la bataille d’Actium, les cités grecques accourent auprès du vainqueur d’Antoine pour se faire connaître de lui et obtenir son pardon8. Le jugement de Dion Cassius, selon lequel Octave aurait ôté aux cités d’Orient « le reste de pouvoir qu’elles détenaient encore sur leurs citoyens par le biais des assemblées » paraît excessif9. L’année suivante, à son retour d’Égypte, Octave rencontra de nouveau des délégations et c’est plus probablement à ce moment qu’il normalisa ses rapports avec les cités d’Asie10. Dans son discours aux Rhodiens, Dion de Pruse nous apprend en effet que c’est « quand les temps terribles prirent fin » que les cités grecques se virent remettre leurs dettes par celui qui incarnait dès lors à leurs yeux l’autorité suprême11. À peine Octave l’avait-il emporté contre Antoine que nombre de communautés asiatiques députèrent auprès

6 Citation de EILERS Cl. (éd.), 2009, p. 10. C’est nous qui traduisons. Hommage similaire dans CORIAT J.-P., 1997, p. 177. Voir également MILLAR F., 1977, p. 6-7, 252, 328, ainsi que Id., JRS 57 (1967), p. 9-12.

7 Voir la carte Empire I dans le répertoire cartographique (annexe X).

8 D.C., LI, 2, 1 : Καὶ ὃς τὰς µὲν πόλεις χρηµάτων τε ἐσπράξει καὶ τῆς λοιπῆς ἐς τοὺς πολίτας σφῶν ἐν ταῖς

ἐκκλησίαις ἐξουσίας παραιρέσει µετῆλθε. Voir aussi LI, 4, 1.

9 Voir MAGIE D., 1950, I, p. 441, ainsi que BOWERSOCK G.W., 1965 p. 85-88 et BERNHARDT R., 1971, p. 197- 198 et 255-256.

10 D.C., LI, 18, 1 : ἔς τε τὴν Ἀσίαν τὸ ἔθνος διὰ τῆς Συρίας ἦλθε, κἀνταῦθα παρεχείµασε, τά τε τῶν ὑπηκόων

ὡς ἕκαστα καὶ τὰ τῶν Πάρθων ἅµα καθιστάµενος.

11 DIO CHRYS., XXXI, 66-67 : ἐπειδὴ πέρας εἶχε τὰ δεινὰ καὶ πάντες ᾤοντο σεσῶσθαι [...] ὅθεν πᾶσιν ἐδόθη

τοῖς ἔξωθεν χρεῶν ἄφεσις. ἀσµένως δὲ αὐτῶν προσεµένων καὶ τὸ πρᾶγµα δωρεὰν ἡγησαµένων, µόνοι τῶν ἄλλων ὑµεῖς οὐκ ἐδέξασθε.

de lui, tant il était évident qu’il concentrait dans sa main la quasi-totalité des pouvoirs12. C’est

toutefois lors du second séjour d’un Octave devenu Auguste que les cités d’Asie Mineure prirent l’habitude de rencontrer ce princeps dont l’autorité dépassait celle du gouverneur, bien qu’il ne fût pas consul en cette année 20 av. J.-C.13. Dion Cassius note à juste titre l’ambiguïté de sa venue en Asie, dans une province sénatoriale où seuls les biens impériaux étaient théoriquement de son ressort, mais où, en réalité, il pouvait prendre des décisions de grande importance, ce que confirme Velléius Paterculus14. C’est à Samos, libérée à cette occasion, à la fin de l’année 20 et jusqu’au printemps 19 av. J.-C., qu’Auguste rencontra de très nombreuses délégations asiatiques et qu’il aurait même reçu une ambassade venue d’Inde15. C’est d’ailleurs l’insistance de Dion Cassius sur cette entrevue extraordinaire, mais somme toute anecdotique, qui suggère que les délégations asiatiques étaient avant tout protocolaires.

Jusqu’ici, on pourrait encore aisément rapprocher ces missions des nombreuses ambassades qui se rendirent auprès des autorités romaines passant en Asie pour des raisons militaires, ou suite à la provincialisation progressive de l’Asie Mineure. La personnalisation des rapports entretenus entre le prince et les cités grecques franchit un cap au tournant du Ier siècle av. et du Ier siècle apr. J.-C. et il faut à coup sûr rapprocher cette évolution de la création du culte impérial, innovation dénotant l’attachement des cités asiatiques à l’égard d’Auguste, attachement qui pour être intéressé n’en est pas moins réel16. Un récent article de C.P. Jones nous permet de penser que les délégations venues auprès d’Octave pour lui faire état de la dévotion qu’il suscitait chez les Hellènes furent extrêmement précoces17. On connaît depuis longtemps à Samos une dédicace des Panhellènes à un

Rome et à un empereur18. Or, le savant britannique a fait valoir qu’il fallait préférer une

identification à Octave/Auguste, plutôt qu’à Hadrien malgré la mention a priori suggestive des Panhellènes, car les dédicaces à Rome et à un prince sont rares après le règne du deuxième César19.

12 Pour une ambassade auprès d’Octave, alors à Corinthe, dès 29 av. J.-C., voir STRAB., X, 5, 3.

13 D.C., LIV, 7, 4-5 : ἐς Σάµον ἔπλευσεν, ἐνταῦθά τε ἐχείµασε, καὶ ἐς τὴν Ἀσίαν ἐν τῷ ἦρι ἐν ᾧ Μᾶρκος τε

Ἀπουλέιος καὶ Πούπλιος Σίλιος ὑπάτευσαν κοµισθεὶς πάντα τά τε ἐκεῖ καὶ τὰ ἐν τῇ Βιθυνίᾳ διέταξεν, οὐχ ὅτι τοῦ δήµου καὶ ταῦτα τὰ ἔθνη καὶ τὰ πρότερα ἐδόκει εἶναι ἐν ὀλιγωρίᾳ αὐτὰ ποιησάµενος. Sur l’imperium

maius décerné à Auguste en 23 av. J.-C., voir FERRARY J.-L., CCG 12 (2001), p. 101-154, part. p. 134-138 et HURLET F., 2006, p. 184-187.

14 Cf. VELL. PATER., II, 92, 1-2 : Aberat ordinandis Asiae Orientisque rebus Caesar, circumferens terrarum orbi

praesentia sua pacis suae bona.

15 D.C., LIV, 9, 7 : ὁ δὲ Αὔγουστος ἔς τε τὴν Σάµον ἐπανῆλθε κἀνταῦθα αὖθις ἐχείµασε, καὶ ἐκείνοις τε

ἐλευθερίαν µισθὸν τῆς διατριβῆς ἀντέδωκε, καὶ ἄλλα οὐκ ὀλίγα προσδιῴκησε. Πάµπολλαι γὰρ δὴ πρεσβεῖαι πρὸς αὐτὸν ἀφίκοντο, καὶ οἱ Ἰνδοὶ προκηρυκευσάµενοι πρότερον φιλίαν τότε ἐσπείσαντο.

16 Cf. D.C., LI, 20, 6-7 et 9, ainsi que TAC., Ann., IV, 37, 3. Voir en outre HELLER A., 2006, p. 212 et FRIESEN S. J., 1993, p. 10.

17 Voir JONES C.P., Chiron 38 (2008), p. 107-110. 18 IG XII, 6, 1, 440.

19 Pour l’expression Θεᾶι Ῥώµηι καὶ Σεβαστῶι Καίσαρι au datif, voir IG II² 3173 et 3179 ; IG XII, 6, 1, 366 ; 373 ; 404-405 (Tibère et Germanicus) ; 434-435 ; 484 ; IG XII, 8, 380 ; I. Mylasa 31. La seule occurence qui peut-être datée du IIe siècle apr. J.-C. vient d’une dédicace doryléenne à toutes les divinités romaines où la déeese Rome est honorée, avec le Sénat et le peuple romain, bien après Auguste et sa maison. Cf. OGIS 479.

Par ailleurs, une intervention des « Panhéllènes » est attestée à Colophon à la même époque20, ce

qui permet de supposer que ce terme, à Samos comme ailleurs, n’était pas encore doté du sens technique que la création du Panhelleion lui conféra à partir des années 130 apr. J.-C. et qu’il renvoie alors au koinon des Grecs d’Asie. Il faut dès lors considérer comme extrêmement probable, notamment dans le cadre de la création du culte impérial provincial, une action du koinon d’Asie auprès d’Octave hivernant à Samos aux lendemains d’Actium21. Un quart de siècle plus tard, Samos envoie une ambassade à Rome afin de rendre hommage à un Auguste déjà vieillissant22. Le texte de l’inscription précise que « les membres [de la délégation] auront pour mission de lui transmettre le décret »23 voté par la cité. Les lignes qui suivent, malgré quelques lacunes, sont claires. Le décret de la cité samienne prescrit à l’ambassade de saluer le princeps au nom du peuple, de le féliciter et de lui adresser une prière lorsque ses membres offriront un sacrifice à Zeus Capitolin et à d’autres dieux24. L’envoi de cette ambassade semble motivé par la reconnaissance que Samos cherche à exprimer à celui qui l’a libérée plus de dix ans auparavant25. C’est probablement à cette occasion toute particulière que Samos a fait graver un serment de fidélité dont nous sont parvenues quelques bribes26. On peut dater plus précisément le décret samien car un des ambassadeurs élus exerçait alors la charge de « prêtre de l’empereur César Auguste, fils du divin (Jules), de son fils Caius César et de Marcus Agrippa »27. On sait en effet que Caius César est né en 20 av. J.-C., qu’il fut adopté par Auguste en 17 et qu’il est mort en 4 apr. J.-C., deux ans après son frère cadet28. Visiblement Caius n’est pas mort à l’époque de la députation de Samos, puisque son nom n’est précédé d’aucune épiclèse cultuelle. Nous nous situons donc après 12 et probablement autour de 5 av. J.-C., car l’absence du nom de Lucius laisse entendre qu’il n’était pas encore considéré comme un homme29. C’est la mise en parallèle de cette ambassade avec une mission en tout point similaire qui peut nous permettre d’affiner cette datation. En effet, un décret du peuple de Sardes fait écho à l’inscription de Samos en affirmant que « tous les hommes se réjouiss[ai]ent de voir monter vers l’empereur des actions de grâces décidées en commun pour la santé de ses fils »30. La cité lydienne décide de « députer des ambassadeurs choisis parmi les plus éminents des hommes afin qu’ils

20 Cf. FERRARY J.-L., BCH 124 (2000), p. 357-359, n° 8 (SEG LI, 1593). 21 Cette solution obtient l’assentiment de J.-L. Ferrary dans Bull. 2009, 407. 22 IG XII, 6, 1, 7, l. 32-56 (= HERRMANN P., Ist.Mitt. 75 (1960), n° 1, p. 70-72).

23 Cf. ibid., l. 35-37 (HERRMANN P., Ist.Mitt. 75 (1960), n° 1, l. 4-6) : [πέµψαι δὲ πρεσβευτὰς παρὰ τοῦ] δήµου

πρὸς τὸν Σεβασ[τὸν οἵτινες ... παρα]δόντες τόδε τὸ ψήφ[ισµα]. 24 Ibid., l. 37-39.

25 Cf. D.C., LIV, 9, 7.

26 IG XII, 6, 1, 8 (HERRMANN, Ist.Mitt. 75 (1960), n° 3, p. 84).

27 IG XII, 6, 1, 7, l. 51-53 : ὁ ἱερεὺς τοῦ Αὐτ[οκράτορος Καί]σαρος θεοῦ υἱοῦ Σεβαστοῦ καὶ τοῦ υἱοῦ αὐτοῦ Γ̣[αΐου Καίσαρος] καὶ Μάρκου Ἀγρίππα. 28 Cf. CHAMOUX F., BCH 74 (1950), p. 250-251. 29 Cf. FRIJA G., 2012, p. 38. 30 Sardis VII, 1, 8, l. 8-9 : ἥδονταί τε πάντες ἄνθρωποι συνδιεγειροµένας ὁρῶντες τῷ Σεβαστῷ τὰς ὑπὲρ τῶν παίδων εὐχάς.

adressent les salutations de la cité, qu’ils présentent (à Auguste) une copie de ce décret marquée du sceau de la cité et qu’ils fassent une adresse à l’empereur conforme aux intérêts communs de l’Asie et de ceux de la cité »31. Nous nous situons au printemps de l’année 5 av. J.-C., à l’annonce de la prise de la toge virile par Caius César, alors désigné comme l’héritier d’Auguste32. Le dossier épigraphique concernant un des deux ambassadeurs, Ménogénès, fils d’Isidôros, est impressionnant ; il ne contient rien de moins que le décret de Sardes que l’on vient de citer, une lettre d’Auguste, une décision du conseil, un second décret civique, deux résolutions du conseil des Anciens, deux lettres de grands-prêtres d’Asie, deux décrets du koinon d’Asie et enfin une dernière résolution du conseil de Sardes. La lettre d’Auguste, répondant au décret que lui ont remis Ménogénès et son collègue, résume l’activité diplomatique des ambassadeurs sardiens. Selon les mots du prince, ils se sont contentés de le rencontrer, de lui transmettre ce décret dans lequel leur patrie manifeste sa dévotion à son égard et de le féliciter à propos de la cérémonie de sortie de l’enfance de Caius33. Comme dans le cas de Samos, la motivation de l’ambassade réalisée par Ménogénès et de son fils Isidôros pour le compte de Sardes et de toute l’Asie est étroitement liée au développement du culte impérial, car les délégués sardiens annoncent au prince la création d’un festival et d’un sacrifice en son honneur et pour son fils Caius34. Il s’agissait là pour Sardes, et peut- être pour l’Asie entière, de manifester sa loyauté à la famille d’Auguste, au moment même où la dimension durable et héréditaire du régime devenait patente pour les communautés constitutives de l’empire. La cité obtient finalement ce qu’elle voulait, car Auguste, dans sa lettre « les loue en retour pour leur empressement à manifester leur reconnaissance à son endroit »35.

Une fois que les cités grecques d’Asie eurent intériorisé la nécessité de ce type de missions à visée encomiastique, elles prirent l’habitude de les dépêcher au moment où un nouveau prince accédait au trône. Ainsi, dès l’arrivée au pouvoir de Tibère, on connaît trois cités micrasiatiques qui s’empressent d’envoyer une délégation à Rome afin de saluer le nouveau prince. C’est le cas de la cité de Cos qui a reçu une lettre du fils adoptif d’Auguste la remerciant des dispositions qu’elle a prises à son égard36. Tibère, usant du cognomen d’Augustus, se présente à la cité insulaire comme

31 Ibid., n° 8, l. 17-20 : ἐξαποσταλῆναι πρέσβεις ἐκ τῶν ἀρίστων ἀνδρῶν τοὺς ἀσπασοµένους τε παρὰ τῆς πόλεως καὶ ἀναδώσοντας αὐτῶι τοῦδε τοῦ δόγµατος τὸ ἀντίγραφον ἐσφραγισµένον τῇ δηµοσίᾳ σφραγῖδι, διαλεξοµένους τε τῶι Σεβαστῶι περὶ τῶν κοινῇ συµφερόντων τῇ τε Ἀσίαι καὶ τῆι πόλει. 32 Cf. Sardis VII, 1, p. 225. 33 Ibid., n° 8, l. 23-26 : οἱ πρέσβεις ὑµῶν Ἰόλλας τε Μητροδώρου καὶ Μηνογένης Ἰσιδώρου τοῦ Μηνογένους συνέτυχον ἐν Ῥώµῃ µοι καὶ τὸ παρ’ ὑµῶν ψήφισµα ἀπέδοσαν δι’ οὗ τά τε δόξαντα ὑµεῖν περὶ ὑµῶν δηλοῦντες καὶ συνήδεσθε ἐπὶ τῆι τελειώσει τοῦ πρεσβυτέρου µου τῶν παίδων. 34 Ibid., n° 8, l. 14-15 et PRICE S.F.R., 1984, p. 214. 35 Sardis VII, 1, 8, l. 26-27 : ἐπαινῶ οὖν ὑµᾶς φιλοτειµουµένους ἀνθ’ ὧν εὐεργετῆσθε ὑπ’ ἐµοῦ εὐχαρίστους ἁτοὺς εἴς [...] ἐµὲ.

étant détenteur de la puissance tribunicienne pour la dix-septième fois et autokrator pour la septième fois37, ce qui oppose un démenti au passage de Suètone affirmant que le successeur d’Auguste n’utilisait le cognomen de son père adoptif que dans ses lettres aux rois38. Cette ambassade extrêmement précoce de la cité de Cos permet de raffermir les liens qu’elle entretenait avec le père du nouveau prince39, et annonçait une ambassade plus décisive sur laquelle nous reviendrons. Il est d’ailleurs probable que la cité insulaire avait entretenu des rapports cordiaux avec l’exilé de Rhodes jusqu’à son rappel à Rome40. De même, à Kéramos, un citoyen est honoré pour avoir montré clairement sa piété et sa reconnaissance à l’égard des divins Augustes ainsi que de toute leur maison, lors de sa gymnasiarchie, puis de sa stéphanèphorie et, enfin, « lors de l’ambassade qu’il a effectuée gratuitement auprès de l’empereur Tiberius César »41. On sait, par la suite de l’inscription, que le citoyen de Kéramos a fait don à sa patrie, pendant l’année de sa stéphanèphorie, d’une somme de 800 deniers pour la réalisation de « la très grande et la très éclatante offrande votive » que constituait « le portique construit en l’honneur de l’auguste »42. Cette offrande a donc eu lieu avant l’ambassade auprès de Tibère, mais après ses premières preuves de dévotion à l’égard de la lignée d’Auguste qui datent de sa gymnasiarchie. On serait tenté de voir dans cette chronologie fine l’indice d’une ambassade auprès de Tibère lors de son accession, car les travaux de la stoa sébastè ont pu être envisagés, puis commencés suite au retour de Tibère à Rome en 4 apr. J.-C., au moment où le fils de Livie accédait de nouveau au rang d’héritier du prince43. Cet essai de datation des premiers bienfaits de l’ambassadeur de Kéramos en amont du règne de Tibère suggère que sa venue à Rome a eu lieu au moment de son accession au trône et que le délégué a pu faire valoir sa précoce dévotion à l’égard du nouveau maître de Rome44. Enfin, à la même époque,

la cité d’Apollônia de Pisidie honore le fils d’Olympichos, « prêtre de Rome, qui est parti à ses frais

πρέσβεων τό τε ψήφισµ[α] ὑµῶν καὶ ἃς ὑπέθεσθε αὐ[τ]οῖς πρὸ[ς ἐ]µὲ ἐντολάς, τῆς µὲν διαθέσεω[ς ὑ]µᾶς τῆς πρὸς ἐµαυτὸν ἐπαιν[ῶ].

37 Ibid., l. 1-4 : Τιβέριος Καῖσαρ, θε[οῦ Σ]εβασ[τοῦ] υἱὸς Σεβαστός, δηµ̣[αρχικ]ῆς ἐξουσία[ς] τὸ

ἑπτακαιδ[έκατ]ον, αὐτοκράτωρ τὸ ζ. 38 SUET., Tib., XXVI, 4.

39 STRAB., XIV, 2, 19 : Ἦν δὲ καὶ ἡ ἀναδυοµένη Ἀφροδίτη, ἣ νῦν ἀνάκειται τῷ θεῷ Καίσαρι ἐν Ῥώµῃ, τοῦ

Σεβαστοῦ ἀναθέντος τῷ πατρὶ τὴν ἀρχηγέτιν τοῦ γένους αὐτοῦ· φασὶ δὲ τοῖς Κῴοις ἀντὶ τῆς γραφῆς ἑκατὸν ταλάντων ἄφεσιν γενέσθαι τοῦ προσταχθέντος φόρου.

40 En 2 apr. J.-C., il se rend par exemple à Samos pour rencontrer Gaius, qui commandait alors en Orient. Voir SUET., XII, 3 et D.C., LV, 11. Notons que la cité de Cos honore un Τιβ(ερίου) Κ[λαυδίου] οἰκον[όµου] τοῦ εὐερ̣[γέτου]

qui pourrait bien être être un affranchi de Tibère. Voir Iscr. Di Cos, EF 404, l. 1-3 et SEG LVII, 776, p. 271.

41

I. Keramos 14, l. 11-22, part. l. 19-22 : ἐν ἧι ἐτέλεσεν εἰ[ς Ῥ]ώµην αὐτεφοδίῳ πρεσβείᾳ πρὸς τὸν Σεβαστὸν Τιβέριον Καίσαρα.

42 Ibid., l. 27-31 : τὰς τοῦ Σεβαστοῦ Τιβ[ε]ρίου Καίσαρος τειµὰς εἰς τὸ µέγιστο[ν] καὶ ἐπιφανέστατον ἀνάθηµα

τῆς π[ό]λεως, εἰς τὴν Σεβαστὴν κατασκευ[α]ζοµένην στοὰν.

43 Pour l’adoption de Tibère, VELL. PATER., II, 103 ; Fastes d’Amternum. Pour l’octroi de la puissance tribuniciennes, voir D.C., LV, 13 (10 ans) et SUET., Tib., XVI, 1. Cf. LYASSE E., 2011, p. 68 et n° 22-23.

44 Cf. I. Keramos, p. 28 : « Er ist auf eingene Kosten zum Kaiser Tiberius as Gesandter gereist, vermutlich, um ihn zum

en ambassade auprès de l’empereur à deux reprises »45. Rien n’indique à première vue qu’il s’agit là

d’une mission diplomatique consécutive à l’arrivée de Tibère sur le trône. Pourtant, le frère du prêtre de Θεά Ῥώµη, fut lui-même ambassadeur en 18 apr. J.-C. auprès de Germanicus46. On peut donc grossièrement situer les ambassades du premier fils d’Olympichos dans les premières décennies du Ier siècle. Et comme il n’est fait référence qu’à un seul empereur dans l’inscription l’honorant, il est probable qu’il faille placer les deux missions du député sous le règne de Tibère, dont la longévité le permet. La première ambassade pourrait dès lors avoir eu lieu lors de l’arrivée au pouvoir de Tibère. On note par ailleurs que, comme dans les cas de Samos ou de Sardes, l’ambassade envoyée par Apollônia est étroitement liée au culte de Rome, bien que la cité pisidienne n’ait visiblement pas organisé de culte impérial à l’époque augustéenne47. On le voit, malgré l’absence de sources littéraires explicites48, les ambassades de félicitations furent nombreuses lors de l’accession du fils de Livie, signe que les cités d’Asie Mineure avaient intégré rapidement, en lien avec le développement du culte impérial à l’échelon civique et provincial, cette dimension personnelle, et donc fondamentalement discontinue, du nouveau pouvoir, une dimension largement étrangère aux institutions mixtes de la Rome du passé.

Ces ambassades de félicitations se rencontrent tout au long du Haut-Empire, notamment lors de l’accès au trône des descendants directs d’Auguste. C’est notamment le cas au moment de l’accession tant attendue de Caligula49. Ainsi, la cité d’Assos décrète l’envoi d’une « ambassade [...] dont la mission consistera à intercéder auprès de lui et le féliciter, puis à l’exhorter à s’attacher [la] cité par le souvenir et la sollicitude »50. S’il en était besoin, la mention des consuls date ce décret de 37 apr. J.-C., peu après l’accession de Caius51. La cité de Magnésie, selon une inscription sur laquelle nous reviendrons, envoie peut-être une délégation à Rome à cette occasion52. La cité de Julia Gordos a quant à elle probablement dépêché une délégation auprès de Caius à l’annonce de son arrivée sur le trône, même si cette dernière ne rencontra le nouvel empereur qu’en 39/40

45 IGR III 320, l. 4-8. : ἱερέα Ῥώ[µη]ς γενοόµενο[ν, πρ]εσβεύσαντα [π]ρὸς τὸν Σεβασ[τ]ὸν δὶς δωρεάν. 46 MAMA IV, 142, l. 10-11 : πρεσβεύσαν[τα πρὸς Γερµα]νικὸν Καίσαρα.

47 Des cultes civiques à la déesse Rome auraient été créées sous le Principat. Cf. FAYER C., 1976, p. 18. Contra MELLOR R., 1975, p. 26. Pour l’absence de toute attestation d’un prêtre civique de l’empereur à Apollônia, voir les cartes de FRIJA G., 2012, p. 274-275.

48 Voir toutefois, pour une ambassade rhodienne au début du règne de Tibère, D.C. LVII, 11, 1 : Τό τε σύµπαν

τοσαύτην ἐπιείκειαν ἤσκει ὥστε, ἐπειδή ποτε οἱ Ῥοδίων ἄρχοντες ἐπιστείλαντές τι αὐτῷ οὐχ ὑπέγραψαν τῇ ἐπιστολῇ τοῦτο δὴ τὸ νοµιζόµενον, εὐχὰς αὐτῷ ποιούµενοι, µετεπέµψατο µέν σφας σπουδῇ ὡς καὶ κακόν τι δράσων, ἐλθόντας δὲ οὐδὲν δεινὸν εἰργάσατο, ἀλλ´ ὑπογράψαντας τὸ ἐνδέον ἀπέπεµψε.

49 Sur l’enthousiasme qui saisit les provinces, notamment en Asie, voir SUET., Caius, XIII, 1 ; PHIL., Leg. ad Caium, 8-14 ; Syll.3 798 (SMALLWOOD E.M., 1967, n° 401) : ὁ νέος Ἥλιος Γάιος Καῖσαρ Σεβαστὸς Γερµανικὸς

συναναλάµψαι ταῖς ἰδίαις αὐγαῖς καὶ τὰς δορυφόρους τῆς ἡγεµονίας ἠθέλεσεν βασιλήας.

50 I. Assos 26 (Syll.3 797), l. 11-15 : κατασταθῆναι πρεσβείαν [...] τὴν ἐντευξοµένην καὶ συνησθησοµένην

αὐτῶι, δεηθησοµένην τε ἔχειν διὰ µνήµης καὶ κηδεµονίας τὴν πόλιν.

51 Ibid., l. 1-3. Pour Cn. Acerronius Proclus, cf. PIR² I, 32. Il est mentionné dans SUET., Tib., 73 ; TAC., Ann., VI, 45 ; D.C., LVIII, 27, 1. Pour C. Petronio Pontio Nigrino, cf. PIR² VI, 812.

apr. J.-C., lors de sa campagne en Germanie53. Quatre ans plus tard, l’accession impromptue de

Claude au trône suscite également ce type d’ambassades. Ainsi, une lettre de Claude aux habitants de Samos indique que la cité insulaire a député une délégation auprès du nouveau princeps au plus vite et sa titulature impériale indique que les ambassadeurs samiens sont arrivés à Rome au même moment que l’ambassade alexandrine succédant à celle de Philon54.

Après les prises de pouvoir en des temps de guerre civile qui marquèrent l’année 68 et la fin de la dynastie flavienne, nos sources font de nouveau écho à ce type de mission encomiastique au IIe siècle apr. J.-C. En 117, une lettre d’Hadrien55 atteste ainsi de l’envoi d’une ambassade de félicitations au successeur de Trajan par la cité de Pergame, qui entre dans la longue série des missions visant à saluer au plus tôt le nouvel empereur, suite à son accession au trône. Hadrien félicite dans sa missive les néoi de la cité de Mysie pour la joie qu’elle a exprimée lors de son accession au trône56, mais aussi probablement pour leur célérité. En effet, Hadrien succède à Trajan au début du mois d’août 117 av. J.-C. et se trouve alors à Antioche57. Or, on sait que la réponse du nouveau prince à la cité pergaménienne a été enregistrée à proximité de Juliopolis le 12 novembre d’une année qui ne peut être que 117, vu la titulature d’Hadrien58. Si la datation de la lettre est assurée, nous ne savons pas en revanche quelle est la Juliopolis dans laquelle elle a été rédigée. Selon M. Fränkel, il existe trois possibilités : une cité bithynienne59, à la frontière de la Galatie, sur la route entre Ancyre et Nicomédie ; une localité de Phrygie, entre Synnada et Philomélion, ainsi qu’une localité de Mysie, à la frontière avec la Bithynie. La première possibilité semble la plus probable, eu égard au trajet impérial60, puisque le nouveau prince séjourne à Ancyre61, avant de se

rendre en Bithynie. Il n’a donc fallu aux néoi pergaméniens que trois mois pour apprendre la double nouvelle de la mort de Trajan et de l’accession d’Hadrien, décider de l’envoi d’une délégation et rentrer en contact avec le jeune prince après s’être rendu au-devant de lui aux confins de la Bithynie et de la Galatie. La réactivité des communautés micrasiatiques est la seconde information que nous livre le document de Pergame qui avait déjà confirmé le caractère devenu rituel de ces ambassades de félicitations. À la mort d’Hadrien, une délégation de la cité de Sinope s’est probablement rendue

53 TAM V 687, l. 14-15 : πρεσβειῶ̣[ν] ἄχρι Ῥώµης καὶ Γερµανίας καὶ Καίσαρος.

54 IG XII, 6, 1, 164 (HERRMANN P., Ist.Mitt. 75 (1960), n° 6, p. 94) ; P. London 1912 ; BELL H.I., 1924, p. 1-37. 55 I. Pergamon 274 (Syll.3 831).

56 Ibid., l. 9-15 : ἐπιγνοὺς ἔκ τε τῶν γραµµάτων καὶ διὰ τοῦ πρεσβεύοντος Κλαυδίου Κύρου τὴν χαράν, ὅσης

ἐφ’ ἡµεῖν ὡµολογεῖτε µετειληφέναι, ἡγούµην σηµεῖα ἀγαθῶν ἀνδρῶν τὰ τοιαῦτα εἶναι.

57 Sur la mort de Trajan en Cilicie, voir D.C., LXVIII, 33, ainsi que BEAN G.E. & MITFORD T.B., 1965, n° 44, p. 41 (ROBERT L., 1966, p. 80-81). Pour Hadrien à Antioche, cf. D.C., LXIX, 2 et H.A., Hadr., V, 9-10.

58 I. Pergamon 274, l. 16-19 : πρὸ γ ἰδῶν Νοεµβρ(ίων) ἀπὸ Ἰουλιοπόλεως. 59 Cf. PLIN., Ep., X, 77 (81) et 78 (82), 1-2.

60 Cf. HALFMANN H., 1986, p. 190. Les deux autres possibilités ne sont mentionnées ni dans IGR IV, p. 136, ni par

Syll.3 831, p. 546, n° 4.

auprès d’Antonin62. Il en va de même pour Laodicée63. Un citoyen de la cité du Lykos s’enorgueillit

en effet dans une dédicace à Hestia d’avoir « réalisé deux ambassades, la première auprès de Lucius César en Pannonie, la seconde auprès du très grand empereur Titus Aelius Adrianus Antoninus Augustus Pius à Rome »64. L’éditeur des IK y voit, tout comme L. Robert, une double ambassade de convenance65 réalisée à la fin du règne d’Hadrien et dans les premiers jours de celui de son successeur.

Ce parcours allant du règne d’Auguste à la moitié du second siècle apr. J.-C. a finalement été l’occasion d’une confirmation, plus que d’une découverte. Les ambassades des communautés grecques d’Orient, qui affluaient vers Rome ou vers les gouverneurs aux moments cruciaux que constituaient pour elles les guerres, les procès et les règlements territoriaux généralisés ou locaux à