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Pour en revenir aux ateliers d’écriture thérapeutique

Dans le document Ateliers d’écriture thérapeutiques (Page 38-41)

Il existe depuis longtemps différentes formes d’ateliers d’écriture. Dans le cadre d’un atelier à visée thérapeutique, l’écriture permet de ressentir un plaisir et d’exprimer une souffrance.

Penser qu’un atelier d’écriture permet l’expression de la souffrance et la libération de certaines angoisses, soit à travers des images poé-tiques, soit à travers tout autre forme littéraire, est un facteur, certes important, mais insuffisant pour rendre compte de ce qui s’y passe.

De par la manière dont se déroulent les ateliers, qui est propre au thérapeute et à l’interaction entre le thérapeute et le groupe, vont être renforcées les motivations à l’écriture. Ce qui est écrit est lu et repris, le plus souvent sans interprétation, et est la source éventuelle de question-nements. C’est par la capacité d’écrire du participant, sous des formes

diverses, que va peu à peu se mettre en place un cadre permettant un travail d’« assouplissement psychique » et l’expression de ce qui, jusqu’alors, était impensable. Chez certains participants se manifeste d’emblée un plaisir évident. Pour d’autres, ce n’est que lors d’un second temps, après une catharsis, que peut s’apaiser une souffrance et naître un plaisir. Dès lors, penser avec plaisir pourra mener à penser le plaisir.

Arriver à écrire avec plaisir est pour la plupart des participants une étape importante dans leur évolution personnelle.

Pour tous, trouver un espace psychique dans un cadre temporel consacré à l’expression de ses pensées, de son imagination, de ses craintes, de ses peurs et de ses désirs, est souvent source de plaisir.

En effet, le plus souvent, ce plaisir survient après un « apprivoisement » de la pensée et une adaptation aux autres membres du groupe.

Une fois la confiance en soi et en autrui installée, l’écriture devient pour tous (chacun ayant son propre rythme) une voie ouverte à l’ima-ginaire. Cependant, le thérapeute est toujours présent pour cadrer, sti-muler et rassurer.

Dans certaines théorisations, l’imaginaire est un tremplin vers la symbolisation et la création, qui peut, a contrario, être vécue comme redoutable par ceux qui ont des difficultés à distinguer l’imaginaire de la réalité. Ainsi une participante qui, lorsqu’elle exprimait froidement le désir de sa propre mort, provoquait dans le groupe une inquiétude mas-sive. Elle décrivait dans un autre récit le massacre de deux enfants et de leur mère par des insectes. Ce récit d’allure kafkaïenne, dont les détails morbides pouvaient évoquer certaines images de David Lynch, fascinait le groupe. Avant et après la lecture, l’auteur, malgré quelques réticences et excuses, donnait l’impression de vivre cette histoire avec un senti-ment qui traduisait l’horreur de pouvoir réellesenti-ment commettre de tels actes. Par la suite, il fallut lui demander de réécrire ce récit avec des fins différentes avant qu’elle ne puisse le recadrer dans l’imaginaire.

Ce qui nous importe ici, ce sont ni les théories sous-jacentes ni la pédagogie mise en œuvre, mais la beauté des textes écrits par des sujets dans le cadre d’un hôpital spécialisé en psychiatrie. Aucune catégorisa-tion ni descripcatégorisa-tion de la pathologie n’est ici prise en considéracatégorisa-tion. En effet, nos réflexions ne nous portent pas à considérer la production de l’atelier d’écriture comme révélatrice de la psychopathologie du parti-cipant.

Il nous semble que le courant, encore soutenu par certains thérapeutes, qui consiste à utiliser des œuvres produites comme aide au diagnostic, est d’un intérêt très secondaire. Nous considérons la créa-tivité comme un moyen thérapeutique primordial, quels qu’en soient les intérêts que d’autres peuvent en tirer. Les œuvres produites sont néanmoins le reflet du processus de changement chez le patient, ce qui est d’ailleurs d’un grand intérêt pour le thérapeute.

Nous nous devons de souligner que ces textes, quelle que soit leur forme, ont été réalisés uniquement en situation d’atelier, c’est-à-dire dans un cadre bien précis et dans un temps limité à quarante-cinq mi-nutes au maximum. Il nous a paru parfois surprenant que dans de telles conditions puissent être produits des textes d’une grande valeur esthé-tique.

L’avantage des ateliers d’écriture est sans doute de pouvoir créer dans un temps limité à une seule séance, ce qui est plus difficile pour d’autres médiations, telles la sculpture ou la peinture.

Bien des ateliers ont une vocation pédagogique ; notre intention en est très éloignée. Encore qu’il ne s’agisse pas d’atelier d’apprentis-sage de l’écriture, nous avons remarqué qu’au plaisir des participants d’avoir réussi à écrire un texte s’ajoute parfois celui de découvrir, indé-pendamment de l’atelier lui-même, les joies de l’écriture et de la lecture, puisque certaines consignes peuvent ouvrir à la connaissance d’une œuvre nouvelle, voire d’un auteur nouveau ignoré jusqu’alors. Des participants qui avaient connu, et parfois oublié ce plaisir, peuvent alors le retrouver avec jubilation et réassurance. Louise, que nous avons citée précédemment, explique mieux que n’importe quel manuel théorique ces différents passages d’écriture ; nous la citons encore :

Une des fonctions de l’acte créatif me paraît aussi fondamentale et tout aussi liée à la pulsion de vie : c’est le besoin d’éviter la fragmentation de soi, de créer sa propre unité à travers l’œuvre créée, de se rassembler soi-même en rassemblant des instants, des fragments de vie, de ressenti, dans une œuvre qui fige une densité qui menace de se perdre, se diluer à l’épreuve du temps.

C’est ainsi créer sa propre identité qui fait office de contenant, d’enveloppe protectrice, même si celle-ci évolue avec le temps, se transforme inévitablement. C’est exister à travers ses propres capacités d’adaptation, c’est construire son être en devenir. J’ai le sentiment que si je ne créais pas, je m’exposerais à une forme de dislocation, à la fois psychique et physique. Je me rassemble dans le geste d’écrire, de dessiner, ces gestes font du lien dans le corps et dans l’esprit. [...]

Enfin, l’acte créatif permet non seulement de consolider ses propres liens internes mais aussi d’en établir avec le monde extérieur. La création induit notre propre dialectique dans un subtil jeu de miroir entre soi et l’œuvre, mais elle en établit aussi avec le monde qui nous entoure. Elle a le mérite d’inscrire celui qui crée dans une réalité humaine et collective.

Ateliers d’écriture thérapeutiques

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Chapitre 3

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