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Posture et positionnement de l'enquête face aux usagers

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 175-178)

Deuxième partie - Les activités récréatives dans les forêts périurbaines d'Alençon, de Blois et du Mans

Chapitre 5 - La méthodologie d'enquête et la présentation des usagers

5.1/ La méthodologie de l'enquête menée auprès des usagers

5.1.1/ Posture et positionnement de l'enquête face aux usagers

Aucun cadre conceptuel, ni problématique rigide n'avait été élaboré avant d'aborder le terrain des activités de loisirs dans les forêts périurbaines. Lors des premières sorties dans les espaces boisés périurbains, des discussions puis des entretiens réalisés avec des touristes et des usagers locaux ont mis en évidence les besoins en matière d'espaces de loisirs et, la discrimination des pratiques selon les caractéristiques spatiales des forêts.

La première confrontation du terrain et du thème de la recherche s'est donc inscrite dans le cadre de la Grounded Theory qui prévoit la constitution d'un corpus de données empiriques précédemment ou en parallèle, et de façon itérative, à la recherche des référents scientifiques et théoriques. La Grounded Theory n'est pas sans risques, puisqu'il s'agit d'une méthode inductive qui prévoit une

suspension de l'analyse dans le cadre des théories admises, pour favoriser de nouvelles théorisations (Guillemette, 2006). L'un des avantages potentiels de cette méthode est de créer un affranchissement des états de l'art admis et reconnus qui peuvent conduire à adopter des idées conventionnelles (Becker, 2002). La portée des travaux produits de cette façon dépend en partie, du domaine et de l'objet de la recherche, face à la compétence et à la sensibilité du chercheur. La mise en suspension dans un premier temps des cadres académiques pour aborder le terrain ne signifie pas d'être à-théorique. Il faut pouvoir s'ouvrir à la compréhension et à la théorisation de données nouvelles ou originales, mais recueillies de façon empirique. Par certains de ces aspects tels que la mise en avant de l'expérience pratique et intuitive plutôt que l'application stricte d'un dogmatisme académique, la Grounded Theory ressemble aux thèses développées par Kaufmann (2008) ou par Lahire (1998) qui inspirent cette recherche.

De ces référents académiques utilisés dans l'esprit plutôt que dans le texte, il ressort que la qualité des premiers contacts sur le terrain avec les usagers est d'abord une question de sensibilité, mais aussi d'éthique et de technique plutôt que de méthode rigide. Cette enquête présente aussi plusieurs caractéristiques identiques à celle de Benoit Boutefeu (2007) qui s'est affranchi de certains cadres disciplinaires en mettant au point une recherche originale pour analyser les représentations des usagers et des intervenants dans le milieu forestier.

Une recherche qualitative a débuté à partir de données issues d'observations directes et d'entretiens libres, compréhensifs et conçus sans a priori rigide. Dans un premier temps, cette méthode d'observation participante a consisté à sillonner les forêts périurbaines pour observer les pratiques et pour discuter avec les usagers.

Un travail de repérage, puis de connaissance fine des lieux fréquentés, a été nécessaire pour finaliser le choix d'une méthode d'enquête, car des questions spécifiques sont apparues. Dans certains lieux, existe t-il des pratiques qui ne peuvent pas être comparées avec les autres espaces de la recherche ? Pour les usagers, quels sont les avantages et les problèmes particuliers à fréquenter une forêt plutôt qu'une autre ? Existe t-il des problèmes d'accès à certains espaces boisés ? Quelles sont les apparences et les ambiances socio-environnementales des diverses forêts périurbaines ? Selon les espaces, est-il possible d'aborder tous les usagers de la même manière et avec le même questionnaire ?

Au-delà des spécificités territoriales, les premières sorties sur le terrain et les discussions avec les usagers ont montré que leurs activités et leurs perceptions pouvaient être évaluées, comparées et analysées selon deux types de scènes forestières réparties dans les trois aires urbaines de la recherche.

Dans le domaine des recherches sociologiques relatives aux fréquentations forestières, les enquêtes portent parfois sur le rôle particulier des différents espaces boisés dans un territoire donné (Aubépart, 1996 ; Boutefeu, 2005 ; 2008 ; 2009) ou entre les forêts de deux villes différentes (Boutefeu B., 2007). Ici, la méthode cible la comparaison des fréquentations des usagers de deux types d'espaces laboratoires (les parcs suburbains versus les forêts domaniales) répartis dans trois aires urbaines.

A partir des premières observations et de l'écoute des usagers, deux grandes catégories d'individus ont été identifiés : les sociables qui discutent assez facilement et acceptent de répondre aux questions, et les autres qui sont occupés par leurs activités ou pressés, et n'ayant pas le temps de répondre ne veulent simplement pas parler.

Les usagers disponibles et volubiles sont parfois au centre des enquêtes sociologiques, ils sont faciles à interviewer même si leurs discours peuvent être difficiles à analyser (Paillé, Mucchielli, 2008). Au-delà de ce public essentiel, l'un des objectifs de l'enquête était aussi d'obtenir l'avis des usagers moins expansifs. Les sociologues expérimentés connaissent les réactions critiques de certains usagers envers les enquêteurs et leurs commanditaires (Beaud, 1996 ; Becker, 2002). De nombreux individus évitent autant que possible les discussions et les interviews. L'avis de ces personnes est difficile à obtenir, mais il est aussi intéressant que celui des autres, pour comprendre les usagers et leurs motivations. Certaines personnes ont tendance à penser qu'une enquête ou une interview d'apparence anodine peut cacher des projets d'aménagement ou des enjeux politiques (Massena-Gourc, 1997). Au niveau local, des entretiens préliminaires ont montré que l'idée d'une manipulation n'est pas absente de toutes les objections ou des refus de répondre. Quand certains riverains ou usagers d'une forêt parlent des décideurs politiques, des aménageurs ou des commanditaires d'une enquête, l'usage du pronom « ils » est caractéristique. L'usage déictique de ce pronom semble parfois révéler l'idée d'une relation tronquée à l'autorité et aux commanditaires des enquêtes d'opinion. Certains usagers s'interrogent ouvertement : pourquoi devraient-ils répondre, honnêtement, aux questions d'une enquête qu'ils pensent biaisée ?

Au-delà d'un sondage d'opinion ou d'un indice de satisfaction psychologique, le rôle de l'enquête géographique est de fournir des données analysables pour répondre aux questions du « où » et du

« comment » des fréquentations. Pour estimer et analyser les activités et les perceptions de l'ensemble des usagers, et compte tenu des observations et des premiers entretiens, il est apparu que la méthode d'enquête devait concilier deux caractéristiques relativement contradictoires. D'un coté une approche qualitative, nécessairement construite avec des usagers disponibles, ouverts à la discussion et dont les réflexions sont parfois posées et argumentées. De l'autre coté, l'enquête devait

aussi tenir compte (au moins à minima) de l'avis des usagers pressés, taciturnes et de ceux qui pensent que donner leur avis ne changera rien et qu'il n'apportera rien au débat.

Le choix d'un type d'enquête devait donc permettre de rassembler, dans des espaces différents mais avec une même méthode, des données reflétant les fréquentations d'individus aux opinions et aux comportements variés et parfois opposés.

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 175-178)

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