• Aucun résultat trouvé

Les terrains et la collecte des données d'enquête

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 182-186)

Deuxième partie - Les activités récréatives dans les forêts périurbaines d'Alençon, de Blois et du Mans

Chapitre 5 - La méthodologie d'enquête et la présentation des usagers

5.1/ La méthodologie de l'enquête menée auprès des usagers

5.1.3/ Les terrains et la collecte des données d'enquête

L'enquête a été réalisée en deux temps de mai à juillet 2010 et de mai à aout 2011. Ces périodes concernent donc exclusivement la fin du printemps et l'été. Le choix de cette période qui est aussi celui d'autres chercheurs (Dumont, Tarnier, 1978 ; PNR Normandie – Maine, ONF, 2007) a des conséquences sur la composition de l'échantillon. Quand le temps est agréable, les usagers sont plus nombreux, la population des personnes interviewées est donc composée des personnes venant régulièrement en forêt et des usagers occasionnels. L'enquête a surtout été menée par beau temps, cependant elle s'est aussi déroulée pendant quelques demi-journées grises ou de crachin dans chacune des aires urbaines de cette recherche. L'année 2011 ayant été particulièrement pluvieuse dans les forêts de l'Ouest, la récolte des champignons d'automne (cèpes, girolles etc.) a débuté en aout. Le choix de cette période d'enquête a donc eu quelques incidences sur le nombre d'usagers adeptes des cueillettes. Au printemps et en été, la plupart des chasses sont interdites. Les chasseurs n'ont donc pas été interviewés pendant leurs loisirs favoris, mais les usagers et certains représentants des chasseurs ont été interrogés sur cette pratique (cf. chapitre 7.3.2).

L'enquête s'est exclusivement déroulée dans le milieu naturel, ce qui inclut des espaces tels que les voies et les allées forestières, les aires de stationnement aménagées pour les usagers, les clairières et les aires de jeux. Compte tenu de la présence d'un enquêteur unique et du grand nombre d'accès possibles à la plupart des forêts choisies pour cette recherche, il fallait aller au devant des usagers. Ainsi par exemple, les cyclistes et les randonneurs viennent en forêt par des voies qui ne sont pas toujours les mêmes que celles utilisées par les automobilistes. Les lieux de

l'enquête ne devaient donc pas être fixes ou statiques. Les usagers ont donc été interrogés en divers endroits, à l'intérieur de chacun des périmètres forestiers. Cette méthode est aléatoire mais elle permet de vérifier l'exactitude des propos des usagers quant à leurs pratiques effectives, et de connaître à minima les itinéraires et les espaces fréquentés.

Les interviews les plus matinales ont été réalisées quelques minutes avant 9 heures et les plus tardives aux environs de 20 heures. Les heures les plus favorables aux interviews ont varié selon les types d'espace et selon leur intégration dans le tissu urbain. Quel que soit le jour de la semaine, les usagers des forêts domaniales fréquentent très majoritairement ces espaces dans le milieu de la journée (PNR Normandie – Maine, ONF, 2007). Le matin, avant 10 heures et demi, et le soir, après 18 heures, il n'y a plus beaucoup de visiteurs dans ces grandes forêts. La fréquentation des parcs et des espaces boisés suburbains est différente. Du lundi au vendredi, ces espaces sont moins fréquentés les matins que les après-midis. Ces jours là, après 14 heures, les publics se succèdent.

Les premiers à venir sont les retraités, les personnes sans activité professionnelle et les mères de famille avec leurs enfants. Plus tard dans l'après midi, les usagers changent, les femmes et les hommes actifs deviennent plus nombreux, ils viennent courir et se déstresser après leur journée de travail. Le soir, les joggeurs et les derniers promeneurs croisent des usagers de proximité qui fréquentent ces espaces pour faire une dernière sortie quotidienne avec leur chien. Le samedi, les fréquentations sont différentes de celles de la semaine. Généralement les sportifs du matin sont beaucoup plus nombreux et l'après midi il y a davantage de familles.

Dans tous les espaces, les usagers ont été interrogés du lundi au samedi sans rencontrer de problème particulier. Mais la situation s'est avérée différente le dimanche. Pendant la belle saison, le dimanche matin, les usagers sont plutôt des sportifs. Le midi certains usagers pique-niquent et l'après-midi ils se promènent, jouent ou se reposent en famille. Ces jours là, les usagers sont beaucoup moins réceptifs aux sollicitations. Les usagers du dimanche ont été peu disponibles pour les interviews. Les caractéristiques physiques de l'enquêteur70 doivent avoir une influence.

D'une façon assez différente de ce qui a été fait dans d'autres enquêtes de fréquentation, peu d'interviews ont été réalisées les dimanches et les jours fériés (CERFISE, 1979 ; PNR Normandie-Maine, et al, 2007).

Plus encore qu'en ville, il est inhabituel d'être abordé dans les bois par un enquêteur dont l'âge n'est plus celui d'un étudiant ou d'un stagiaire classique. Certains usagers ont semblé inquiets lorsqu'ils ont compris que j'allais les aborder. Au premier contact, je devais donc me présenter sans ambiguïté.

70 Les usagers apprécient peut-être mieux un jeune homme ou une jeune femme (Boutefeu B., 2007) qui fait un travail d'enquête le dimanche. Au yeux de certaines personnes, un homme d'une cinquantaine d'années passe beaucoup plus mal, surtout le dimanche quand les usagers cherchent le repos en famille.

Je devais être franc, ouvert, visible. Mais c'est l'apparence physique et vestimentaire qui est probablement l'un des critères les plus importants. Le port d'un gilet de signalisation jaune avec des bandes réfléchissantes s'est ainsi avéré très utile pour aborder les usagers. Ce gilet jaune peut être comparé à l'uniforme de l'ONF qu'évoque Benoit Boutefeu (2007), car certains costumes rassurent.

Les usagers ont parfois eu l'impression d'être abordés dans un cadre officiel, et dans ces circonstances ils se sont montrés plus à l'aise et décontractés qu'inquiets.

En général, dans une forêt, hors des simples rapports de courtoisie, les contacts humains sont assez rares. Parfois la présence de touristes ou d'usagers rassure les personnes inquiètes, mais il convient que ces individus restent à une distance « convenable ».

Passé les premiers contacts visuels et policés, les usagers ont été invités à répondre à « Une enquête rapide ... ». Les refus de répondre ont été assez rares et ils n'ont pas concerné plus de 15% des personnes abordées in situ. Dans les forêts périurbaines les moins fréquentées, les premiers contacts avec les usagers ont très nettement influencé le déroulement de la recherche. Certains jours, ou à certaines heures, dans les forêts domaniales telles que Boulogne ou Écouves, les usagers sont très peu nombreux. Les jours de semaine et certains weekends, de grands espaces sont relativement vides de visiteurs. Lors des premiers jours d'enquête, je cherchais avec persévérance des usagers disponibles pour des interviews. Finalement, un peu à l'écart des zones et des périodes les plus fréquentées, j'ai interviewé quelques usagers que je n'aurais peut-être pas interrogés si beaucoup de personnes avaient été disponibles. Pour un stagiaire ou un journaliste, ces individus peuvent représenter de « mauvais clients », car ils sont isolés, et le premier contact avec ces usagers est parfois pénible, puisque certains sont malades, grincheux ou dépressifs.

Quelques interviews ont donc assez mal débuté. A Écouves, un usager m'a dit : « Non, ça ne va pas bien, je viens de perdre ma femme ». Ailleurs, dans d'autres forêts, des usagers ont parlé de leurs maladies ou de leurs difficultés sociales. Interroger ces usagers a été difficile, l'ambiance de certains entretiens pouvant devenir assez délicate. Les sociologues expérimentés savent qu'il faut faire des présélections car « toute personne sociale n'est pas « interviewable » » (Beaud, 1996, page 234).

Cependant, compte tenu d'un public parfois restreint, je n'avais pas le choix. Pour connaître les usagers et savoir ce qui se passe sur le terrain je ne devais pas exclure les personnes difficiles à interviewer. Finalement, ces usagers dont les propos, sont parfois difficiles à entendre ou à comprendre, ont révélé des données sociologiques très importantes.

Suivant les conseils de Maximilien Sorre71 (1943) et ceux de François de Singly (2008), une

71 Maximilien Sorre est l'un des pionniers de la géographie de la santé. Il a notamment défini le complexe pathogène, et en 1943 il a écrit « C'est une grande naïveté de vouloir comprendre les hommes sans savoir comment ils se portent » (Sorre, 1943, page 414).

question relative au handicap et à la santé des personnes interviewées avait été prévue dès le début de l'enquête. La première récolte des données a révélé ou confirmé qu'en forêt, une partie de la population des usagers est concernée par la maladie et le handicap. La méthode qualitative choisie a donc conduit à porter une attention particulière sur une population spécifique. Vouloir interviewer des usagers là où il y en a peu, m'a montré un phénomène sociologique qui s'est révélé intéressant dans le cadre de cette recherche. D'abord involontairement, puis ensuite d'une façon normale et sans exclusive ni favoritisme, j'ai interviewé des usagers malades ou handicapés (cf. chapitre 9.2).

Quels que soient les usagers, la façon de mener les entretiens a varié et le questionnaire n'a pas toujours suivi un ordre précis. L'ordre des questions qui est parfois important (Abric, 2010) n'a dans le cadre de cette enquête pas toujours été le même. Il n'a donc pas eu d'incidence systémique. Quand j'ai abordé les usagers pour leur dire que j'enquêtais sur les loisirs et les activités récréatives en forêt, certains avaient immédiatement des choses à dire, et ils se sont parfois lancé dans toutes sortes d'explications qui précédaient les questions.

• A Alençon, sur le chemin de la Fuie des vignes, un homme d'une trentaine d'années se promène , je l'aborde: « Bonjour, je fais une enquête rapide sur les personnes qui se promènent ici, vous pourriez peut-être répondre à quelques questions ... », mais l'usager m'interrompt, en devançant involontairement les questions :

« Je ne suis pas sûr de vous être très utile, j'habite en région parisienne et je viens ici quand je suis chez mes parents qui ont acheté une maison à Courteille. Je fais juste une promenade avec le chien, je ne vois pas ce que je pourrai dire sur cet espace vert ».

L'entretien qui suivait ce genre de contact était forcément adapté aux propos que tenait l'usager.

L'entretien était d'abord directif mais l'ordre des question variait selon les circonstances.

Toutes les prises de contacts n'ont pas été aussi courtoises et la conduite des entretiens a été nécessairement adaptée aux usagers.

• Dans la forêt de Perseigne, deux amis ramassaient des champignons. Alors que je me présentais, l'un d'eux m'a interrompu : « On n'a pas grand chose à dire, on ramasse des champignons parce qu'on a le droit, ici c'est public ». Et l'autre a relevé :

- La forêt est à tout le monde ! on vient là tous les ans, ici il n'y a pas d'aménagement, c'est naturel et il faut que ça reste comme ça, alors on va vous dire quoi ?

- Qu'est-ce que vous voulez savoir ? parce que si c'est pour nous faire payer...

Avant d'avoir posé une seule question, la conversation était lancée et j'ai donc ajusté le questionnement à mes interlocuteurs.

L'induction des réponses par l'ordre des questions (Abric, 2010 ; de Singly, 2008) n'a pas eu

beaucoup d'incidence. Par contre, l'adaptation du questionnement aux individus a favorisé le dialogue et l'émergence des motivations. Dans le cadre d'un entretien compréhensif, les questions et les relances doivent être adaptées au cours de la conversation, pour faciliter l'expression des sentiments de la personne interviewée.

Comme dans la plupart des enquêtes, à l'issue des entretiens, les usagers ont été invités à répondre à quelques questions relatives à leur âge et à leur profession. Or, dans le cadre d'un espace vert, les usagers n'ont pas toujours envie de parler de leur travail ou de leur vie privée et ils répondent parfois d'un mot sans apporter de précisions.

Aujourd'hui, de nombreuses personnes se disent « employées », alors qu'elles font peut-être partie des professions intermédiaires ou d'une autre catégorie socio-professionnelle. Pour de nombreux usagers, il existe une confusion entre le terme générique « employé » (dans le sens d'embauché) et la profession des « employés » qui constitue une grande PCS définie par l'INSEE. Ces différences reflètent une évolution sociale assez générale, qui gomme certaines spécificités socio-professionnelles (Pierru, Spire, 2008). Malgré ces difficultés, la question sur la PCS a été maintenue et préférée à une question sur le niveau de revenus ou sur le niveau de formation, car les entretiens exploratoires ont montré diverses réticences des usagers à donner des informations qu'ils jugent confidentielles ou hors-sujet.

L'autre type de données parfois faussée (légèrement), concerne l'âge des personnes interviewées. De nombreuses femmes ne souhaitent pas donner leur âge, et comme les apparences sont parfois trompeuses, pour obtenir des réponses, il m'est arrivé d'insister. J'ai été amené à dire des phrases telles que :« C'est un questionnaire anonyme, ce n'est pas à une ou deux années près». Finalement, la plupart des personnes interrogées ont donné un âge parfaitement vraisemblable, à défaut d'être toujours très exact.

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 182-186)

Outline

Documents relatifs