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Les forêts et la foresterie privées en interface avec les usagers

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 28-31)

En France, les petits propriétaires sont très nombreux et ils sont peu organisés. Plus de trois millions de personnes possèdent de la forêt et seulement un million d'entre eux en possèdent plus de un hectare. La superficie moyenne d'une propriété est de 2,6 hectares, mais 1 % des propriétaires possèdent 45 % de la surface forestière privée (Leclerc de Hauteclocque, 1998 ; Puech, 2009).

Selon l'association Forêt privée française13 , les trois quarts des propriétaires forestiers le sont devenus par héritage, les autres ont acheté ou planté des arbres dans les terrains concernés. Les petits acquéreurs de parcelles privées perçoivent souvent leurs biens comme un jardin d’agrément et dans le cadre de leurs investissements, ils cherchent à répondre à leurs besoins récréatifs individuels et privés.

12 Société pour la reconnaissance le respect et la protection de l'environnement (Czerwinski, 2010).

13 http://www.foretpriveefrancaise.com/

Les espaces boisés privés sont rarement des forêts multifonctionnelles car au-delà de leur rôle productif et environnemental, elles ont rarement une fonction sociale. Toutefois, ces forêts ont une fonction récréative pour les populations qui profitent des paysages qu'elles contribuent à façonner à différentes échelles. Dans les campagnes proches des grandes villes, des forêts privées sont parfois longées et traversées par des routes et des sentiers ouverts au public. Ces chemins peuvent faire partie d'un itinéraire national ou régional de Grande Randonnée (GR). Hors des grands itinéraires, certains sentiers sont moins connus, et ils sont quelquefois recensés par les communes qui peuvent les protéger en les inscrivant dans les Plans départementaux d'itinéraire de promenade et de randonnée (cf.

chapitre 1.8.2). Ces chemins et sentiers sont parfois entretenus par les clubs de randonnées qui les font connaître à travers des publications ou à l'occasion de sorties en groupe. Ces itinéraires constitués de petites routes et de sentiers présentent souvent des caractéristiques intéressantes14 pour les citadins qui souhaitent se promener dans les bois proches de chez eux. Sur les bas-cotés de ces voies traditionnelles, les parcelles boisées ne sont pas toujours accessibles aux visiteurs (encadré n° 3, page 28). Cependant, les usagers apprécient souvent de pouvoir évoluer au milieu d'un espace naturel calme et de proximité (encadré n° 4, page 29), même si celui-ci ne dispose pas des équipements qui existent dans une forêt domaniale ou dans un parc d'agglomération.

Une enquête réalisée dans les forêts périurbaines de la ville du Mans a montré qu'autour de cette agglomération, il existe deux grandes catégories de propriétaires privés (Papillon, 2008). Les uns s'intéressent à la forêt en tant que formation naturelle et végétale avec une gestion durable basée sur la production du bois ou du gibier. Les autres sont de très petits propriétaires qui s'intéressent davantage à l'avenir de la propriété privée qu'à celui de la forêt. Lors de cette enquête, il est apparu que les propriétaires de moins de 2 hectares ont souvent peu de connaissances sur le milieu naturel boisé. Ils ont souvent hérité de ce bien ou ils l'ont acquis depuis longtemps, à des fins récréatives.

Les espoirs d'une partie de ces propriétaires concernent une éventuelle modification du Plan local d'urbanisme pour réaliser une plus importante plus-value15. Les fonctions environnementales et

14 Certains de ces itinéraires sont répertoriés dans les guides édités par la Fédération française de randonnée pédestre.

15 Dans le cadre de l'article L. 130-1 du Code de l'urbanisme, les plans locaux d'urbanisme peuvent classer les espaces boisés dont la vocation ne peut donc pas varier.

La propriété privée et l'accès des usagers

La propriété privée donne le droit de jouissance et de disposer de la chose de la manière la plus absolue, mais si aucun panneau ou clôture empêche l'accès à une forêt privée, la présence du public est tolérée. Aucun texte ne prévoit ce droit d'accès mais aucune sanction n'est prévue pour faire respecter l'interdiction de la présence des usagers hors des zones de régénération (Bazire, Gadant, 1991).

Encadré n° 3

sociales de la forêt ne sont donc pas des problématiques prégnantes pour tous les petits propriétaires qui ont rarement clos et interdit l'accès à leurs biens. A l'opposé de cette situation, la même enquête a montré que des perturbations créées par des usagers peu respectueux du milieu naturel peuvent pousser d'autres propriétaires soucieux d'une gestion durable à enclore leurs parcelles. Les propriétaires privés peuvent donc avoir des comportements variés et antagonistes face à la fonction sociale de leurs forêts.

Dans les propriétés privées ou à leurs abords, les usages sociaux non-encadrés et non-gérés causent des problèmes identiques à ceux qui existent parfois dans les forêts publiques. La circulation ou le stationnement des véhicules peut créer des ornières et gêner le passage des forestiers et des véhicules d'incendie et de secours. Le passage des vététistes, leurs dérapages et le piétinement excessif d'autres usagers entrainent parfois un tassement ou un déracinement progressif des arbres qui peut leur être fatal. Compte tenu des dégâts qui peuvent être occasionnés dans certaines parcelles, les pratiques récréatives inadaptées au milieu naturel ne peuvent pas rester confidentielles, les propriétaires ou les gestionnaires finissent par les remarquer et par se fâcher (Dereix, 1997 ; Fisher, 1996 ; Moigneu, 2005). Les usagers et les propriétaires ont donc quelquefois des intérêts et des points de vue divergents, car quelquefois, les visiteurs nuisent aux boisements sans en être conscients.

Les propriétaires privés sont souvent inquiets et ils craignent particulièrement les incendies qui ont souvent des origines humaines (Pinaudeau, 1997 ; Garrone et al., 2008). Les risques créés par la présence ou l'activité des usagers peuvent donc s'avérer gênants et même dangereux tant pour le milieu naturel que pour les populations. Le problème des risques et des dommages est récurent à toutes les négociations qui ont été entreprises pour inciter les propriétaires à ouvrir leurs biens aux usages récréatifs publics (Gourc, Duhen, 2001 ; Ott, 2009).

La nature et les espaces naturels

Les espaces de nature et les forêts sauvages existent et évoluent (théoriquement) sans contrôle humain (Boisson, 2008 ; Génot, 2003). Cependant, les espaces de nature sont parfois organisés et gérés par les hommes qui cherchent à les préserver (Vallauri, 2003).

Dans le cadre urbain, les paysagistes décrivent des espaces de nature construits tels que les squares et les espaces verts (Masboungi, 2002). Dans une sorte d'opposition conceptuelle à ce type d'espace, certains géographes décrivent des espaces de nature naturelle ou de nature sauvage, dans lesquels l'homme intervient peu, voire pas du tout (Mercier, Bethemont, 1998).

Entre les espaces de nature construits et les espaces de nature sauvage, il donc possible de conceptualiser un gradient de naturalité (Arnould et al., 2011).

Dans le cadre de cette recherche, les espaces naturels sont considérés comme le pendant des espaces urbanisés. Les espaces verts urbains, les parcs suburbains, les espaces agricoles et toutes les forêts sont considérés comme des espaces naturels.

Encadré n° 4

Lorsque les interrelations entre les usagers et les propriétaires sont devenues compliquées ou conflictuelles et que des clôtures sont érigées, tout le monde est perdant. Au-delà des coûts engendrés par la pose et l'entretien des grillages et des barbelés, le milieu naturel et son aspect visuel sont détériorés. Le déplacement des mammifères sauvages est contrarié et le décor des chemins de randonnée devient moins agréable pour les usagers. Face à ce non-sens économique, environnemental et social, des spécialistes de la forêt ont depuis longtemps proposé d'aider et d'accompagner les propriétaires privés à valoriser leurs biens en compensant les problèmes causés par les fréquentations du public (Gourc, Duhen, 2001). Dans le Sud de la France, le projet Forestour initié dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA), vise à concilier ces deux aspects, et une sorte de principe a été proposé : « sentier gratuit, bas-coté payant » (Desmartin, Duhen, 2008).

Cette proposition, accompagnée par le CRPF, semble avoir été accueillie favorablement par de nombreux propriétaires (Duhen, 2008). La réussite du projet Forestour est probablement favorisée parce que l'aide proposée aux propriétaires contribue à valoriser une forêt méditerranéenne peu rentable alors que de nombreux touristes ou usagers sont présents toute l'année. Par contre, dans les régions où les forêts sont un peu plus rentables et où les touristes sont moins nombreux, ce concept n'a pas encore été adopté.

La forêt privée reste donc parfois un espace accessible ou qui procure de façon indirecte des possibilités d'accéder à une nature boisée dont la vue et la fréquentation permettent à des individus de s'approprier le paysage de façon symbolique sans en être propriétaires au sens privatif du terme (Kalaora, 1981). Les interactions conflictuelles entre les usagers et les propriétaires rappellent toutefois qu'il serait très difficile de modifier la législation relative à la propriété à laquelle les Français sont très attachés (Ballu, 2006 ; Bazire, Gadant, 1991 ; Buttoud, 2003).

Dans le cadre de la fonction sociale, la question de la propriété forestière est aussi problématique, car les usagers ne savent pas toujours que les forêts ont des propriétaires (Bary-Lenger, 1997). Pour les visiteurs, la situation foncière est d'autant plus compliquée à comprendre et à respecter que des forêts publiques et privées sont parfois voisines et qu'elles constituent alors des paysages forestiers ininterrompus le long des chemins ruraux.

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 28-31)

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