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Les espaces naturels et leurs enjeux environnementaux et sociaux

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 65-71)

Chapitre 2 – Les espaces périurbains et leurs forêts

2.4/ Les espaces naturels et leurs enjeux environnementaux et sociaux

Les enjeux de la préservation de l'environnement dans les espaces périurbains sont nombreux et variés. Ils concernent la biodiversité qui est au centre des objectifs de la trame verte et bleue, mais ils sont aussi liés à la concurrence entre les territoires et au développement des besoins sociaux.

Face à l'évolution anthropique des espaces périurbains, la préservation de l'environnement apparaît clairement et de plus en plus comme une nécessité biologique. Le constat est clair : la 27Les géographes et les urbanistes décrivent souvent les déplacements pédestres et cyclistes comme des « transports doux », alors que les spécialistes de la santé (WHO, 2010) préfèrent parler des « transports actifs » qui favorisent l'activité physique et la santé (cf. chapitre 9.1.2).

périurbanisation créée une fragmentation des habitats naturels et une artificialisation des sols. La construction des routes, des autoroutes, des canalisations diverses et des voies ferrées constituent des barrières infranchissables pour les végétaux et les animaux, et à terme cette évolution entraine une érosion de la biodiversité.

Pour palier ces problèmes, au siècle dernier, des urbanistes et des environnementalistes ont imaginé la création de barrières ou de ceintures vertes autour des villes, mais aujourd'hui ces concepts ne sont plus adaptés ou suffisants pour limiter les problèmes induits par une périurbanisation protéiforme. L'idée d'un maillage des différents types d'espaces naturels s'est donc imposée. Ce nouveau concept présente notamment l'avantage de pouvoir intégrer, par un système de corridors écologiques, les parcs urbains, les éléments des anciennes ceintures vertes et les grandes forêts éloignées des villes.

La Loi du 3 aout 2009 dite « Grenelle 1 » a officiellement introduit le concept de trame verte et bleue dans la politique d'aménagement et de développement durable des territoires. Malgré les oppositions ponctuelles qu'elle a soulevées, la trame verte et bleue est devenue une mesure phare du Grenelle de l’environnement. Son ambition est de créer un réseau d'espaces connectés et protégés en application du droit de l'environnement, pour assurer le fonctionnement global de la biodiversité.

La mise en place de ce nouveau zonage a soulevé des problèmes et des objections mais la notion de trame est désormais intégrée dans les outils de planification et d'aménagement du territoire tels que les SCOT (Cormier, 2011 ; PNR Normandie-Maine et al., 2009).

Depuis plusieurs années, les fonctions assignées aux espaces naturels intégrés aux trames vertes sont de plus en plus nombreuses, et elles ne sont pas seulement écologiques mais aussi sociales et économiques.

La trame verte et bleue doit permettre de diminuer la fragmentation de l'habitat et la circulation des espèces en préservant ou en créant de nouveaux corridors écologiques (carte n° 4, page 66). L'enjeu écologique est de réduire la vulnérabilité de chacune des espèces en facilitant les conditions possibles ou favorables aux échanges génétiques nécessaires à leurs survies.

Les objectifs sociaux de la trame verte et bleue, concernent la sensibilisation des populations à la nécessité de préserver le patrimoine naturel tout en améliorant son cadre de vie. La création de corridors et de continuums naturels favorables à la biodiversité doit aussi permettre d'ouvrir des espaces aux usages récréatifs. L'intégration de la préservation de l'environnement et de la fonction sociale dans le cadre de la trame verte et bleue doit ainsi conduire à une meilleure appropriation des territoires par les populations (Cormier, 2011).

Carte n°4 – La trame verte et bleue

L'activité économique de ce réseau d'espaces propices à la préservation de l'environnement et aux activités récréatives doit générer des retombées diverses. Les espaces protégés peuvent notamment être des atouts pour l'activité économique, car ils donnent parfois un bonne image aux territoires qui attirent les touristes. La préservation de l'environnement induite par la création de la trame verte devrait aussi bénéficier aux activités agricoles raisonnées, mais actuellement, il semble que la faible reconnaissance de cette pratique dans certains espaces périurbains limite cet intérêt (Cormier, 2011).

La trame verte et bleue est un canevas constitué d’un ensemble de réservoirs de biodiversité tels que des forêts ou des zones humides, reliés entre eux par des corridors qui permettent la circulation des espèces animales et végétales.

Les corridors peuvent être constitués par des prairies, des haies bocagères, des zones humides, des bosquets, des forêts ou des espaces verts urbains. Dans les environnements très urbanisés, les corridors ne sont pas toujours linéaires. Des espaces naturels proches les uns des autres permettent alors le déplacement de certaines espèces. Ces corridors sont dits « en pas japonais ».

L'aménagement de fossés, de haies et d'espaces verts sur les bas-cotés des voies vertes créée de véritables corridors écologiques qui permettent aux trames vertes et bleues de cumuler des fonctions récréatives et environnementales

Dans le contexte d'une concurrence spatiale entre les villes, la qualité de l'environnement est un atout important et utile aux objectifs économiques et sociaux. La vue sur un espace vert influe positivement sur les hommes et les femmes qui y ont accès depuis leur travail ou leur logement. Les liens entre les espaces verts, la santé, le bien-être et la capacité de concentration sont de plus en plus considérés comme des éléments qui valorisent les politiques publiques d'aménagement et les investissements privés (Gecina, 2011 ; Groenewegen et al., 2006 ; WIAT, 2008).

En retour, les projets économiques et les objectifs sociaux se révèlent parfois particulièrement favorables à la préservation ou au développement des espaces naturels. Il s'agit par exemple du développement de projets touristiques tel que celui de la « Loire à vélo » (cf. chapitre 4.3) ou de la reconversion des friches industrielles qui peuvent créer des richesses en favorisant la qualité des espaces naturels (WIAT, 2005).

La valorisation et la préservation de l'environnement naturel local sont aussi parfois, les conséquences de la reconnaissance d'une appellation ou d'un changement de nom. Certaines collectivités ou structures territoriales contribuent à la création de nouveaux noms de lieux ou de territoires et d'appellations commerciales locales qui s'appuient sur un patrimoine en arguant de sa valeur. Les nouveaux noms reflètent quelquefois la mise en scène des espaces qui servent d'emblème. C'est par exemple le cas au sud du Mans, où une communauté de communes s'appelle

« Orée de Bercé, Bélinois ». Dans le Loir-et-Cher, l'agence officielle du tourisme de Blois et de sa périphérie se nomme « Pays de Chambord ». L'adoption de ces noms obligent, au moins indirectement, les collectivités à préserver leurs environnements naturels boisés qui deviennent de véritables atouts du marketing urbain.

Toutefois, les espaces naturels agricoles et forestiers ne sont pas toujours valorisés à travers l'aménagement et la promotion des territoires, car l'étalement périurbain se réalise toujours au détriment des espaces ruraux. L'agriculture comme la foresterie pâtissent donc de l'urbanisation (Duyck, Regoin, 2004 ; Hotyat, Bouchot, 1996 ; Poupardin, 1976).

Quelles que soient les échelles territoriales, de nombreuses voix se font entendre pour réclamer la protection des espaces naturels périurbains et limiter l'imperméabilisation des sols, mais les avis divergent entre les différents intervenants (Peltier, 2010). Ainsi, par exemple, les agriculteurs souhaiteraient que leurs terres et leurs besoins soient mieux pris en compte par les élus et les populations périurbaines qui méconnaissent parfois le rôle de ces espaces (Cormier, 2011).

Parmi les populations urbaines et périurbaines, de nombreuses personnes éprouvent de réels besoins en matière d'espaces ouverts ou préservés comme en témoignent les succès de fréquentation d'équipements récréatifs tels que les parcs suburbains (Boutefeu, 2009 ; Dufour, 1997 ; ONF, 2012).

La défense de la nature et des forêts en tant que valeur esthétique, morale et de bien-être, est souvent l'affaire de personnes éduquées, dont le niveau de vie est confortable. Cependant, des circonstances particulières renversent les valeurs, et les personnes aisées et cultivées peuvent être d'accord avec la création d'une route ou d'une autoroute qui leur sera utile, même si cette infrastructure ampute la forêt ou la campagne environnante (Ballion, 1975 ; Kalaora, 1981 ; Mathieu-Huber, 2007). Selon les aménagements ou les équipements proposés, l'ampleur des contestations ou des conflits varie. La destruction d'un espace naturel laisse rarement les populations urbaines indifférentes, mais les réactions fluctuent selon la vocation des réalisations envisagées. La gestion forestière classique, ou l'abattage de quelques arbres peuvent susciter l'émoi et la colère des populations locales (Ballu, 2006 ; Parant, Alexandre, 1998), tandis que la construction d'un hôpital ou d'une structure qui créera des emplois, pose souvent beaucoup moins de problèmes (cf chapitre 9.3.2).

La proximité des forêts périurbaines rend les espaces urbains plus attrayants, car elles génèrent de nombreuses aménités indirectes. Elles régulent le climat urbain en protégeant du vent et en procurant de la fraicheur lors des fortes chaleurs (Bergès, 2000 ; Plaisance, 1985). Les forêts aident à préserver ou à garantir la qualité des eaux de surface ou de source. Elles contribuent ainsi à renouveler les ressources en eau potable (Bovet et al., 2008). Dans le contexte périurbain, les forêts sont des espaces qui déterminent de multiples aspects du cadre de vie, et elles concourent au bien-être des populations tout en contribuant à la santé des humains (EEA., 2013 ; Konijnendijk et al., 2013 ; Korpela et al., 2011). Toutefois, la présence des espaces naturels boisés dans les aires urbaines ne présente pas que des avantages et il est notable qu'elles génèrent des risques environnementaux (chutes d'arbres sur les personnes et les biens, risques d'incendies, etc.) et sanitaires (émissions de pollens, prolifération d'espèces allergisantes ou pathogènes, etc.) pour les populations (cf. chapitre 8.3).

Dans les espaces périurbains, les enjeux liés à la présence des espaces naturels boisés peuvent avoir des aspects négatifs sur le niveau de sécurité perçue et le bien-être social. Quand les espaces boisés sont en déshérence ou que leur multifonctionnalité n'est pas convenablement assurée, d'importants problèmes environnementaux et sociaux peuvent apparaitre. Les forêts peuvent devenir des espaces dangereux, des lieux d'insécurité qui génèrent des troubles à la sécurité et la santé publique (EEA, 2013). Des délinquants, des exclus, des personnes malades peuvent se réfugier dans ces espaces où les arbres les cachent et les protègent (Léonard, 2003 ; Raoulx, 2001). Ainsi, un aspect marginal mais non négligeable du rôle social des forêts réapparait régulièrement dans l’actualité. Un rapport du Centre national du machinisme agricole, du génie rural, des eaux et des forêts (CEMAGREF28)

28 En 2012, le CEMAGREF est devenu l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement

rappelait que les forêts servent de lieu de vie, et d’expression de pathologies sociales pour certains exclus (Lewis et al., 2005).

Dans les périphéries urbaines, les espaces naturels et les friches sont régulièrement squattés par des personnes en transit, des immigrants sans papiers et toutes sortes d'individus qui ne peuvent pas ou ne souhaitent pas payer de loyer. Ponctuellement, ces espaces deviennent ainsi des abcès de fixation de problèmes environnementaux mais aussi sanitaires et sociaux. A plusieurs reprises en 2009, la

« jungle » de Calais et l'expulsion des squatteurs a occupé la une des journaux29. Selon certains points de vue, il semble donc que ces espaces naturels squattés constituent une soupape de sécurité : quand les exclus et les marginaux sont dans « la nature », ils ne créent pas de problèmes dans les espaces urbains (Lewis et al., 2005). Ailleurs, d'autres forêts périurbaines sont des espaces de refuge pour les personnes en situation difficile et, en hiver, les médias consacrent régulièrement un peu d'attention à ce sujet récurrent. Dans l'est parisien, le Bois de Vincennes représente l'archétype de ces espaces boisés dans lesquels vivent des exclus ou des marginaux, et il semble difficile de déplacer ces populations sans aggraver encore une situation sociale et humaine précaire.

La relative tranquillité des forêts périurbaines et leur facilité d'accès en font donc des espaces accueillants pour de nombreuses personnes dont les situations dérangent la société.

En France, certains espaces boisés sont connus comme des endroits propices aux rencontres homosexuelles ou à la prostitution qui sont des activités perçues de façons gênantes dans les espaces urbains. En ville, les contacts physiques ou visuels avec des personnes en quête de rendez-vous sexuels, peuvent être dérangeants pour les adultes et encore plus pour les enfants et, dans de nombreuses périphéries urbaines, les forêts deviennent des lieux de rencontre30. Or, l'absence de confort crée un manque d'hygiène et de sécurité qui conduit les personnes concernées à prendre des risques puis à les partager avec d'autres individus. Parfois, les forestiers et les gestionnaires de parcs suburbains doivent donc gérer des problèmes qui les dépassent largement31.

La vocation d'une forêt périurbaine est généralement définie par son propriétaire qui est tenu à des obligations légales qui s'apparentent souvent à celles du développement durable. La législation prévoit notamment que « le bien forestier doit être géré en bon père de famille32 » et que les propriétaires de plus de 25 hectares de forêt doivent établir des plans de gestion. La foresterie

et l'agriculture (IRSTEA)

32 Cette expression n'est pas spécifiquement française, elle est aussi utilisée dans les pays voisins : http://www.uvcw.be/no_index/articles-pdf/4793.pdf

périurbaine semble donc possible et même souhaitable, car elle finance souvent les fonctionnalités récréatives, mais elle doit être surveillée et encadrée pour s'adapter à la présence des usagers puisque ses enjeux dépassent le cadre forestier (Nilsson, Randrup, 1997).

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 65-71)

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