par la règle de conflit et son ordre public, afin de s’assurer que le résultat de l’application de la
norme étrangère ne soit pas contraire à son ordre public (admissibilité du résultat). Le résultat
de l’application demeure le critère pertinent, ainsi l’exception d’ordre public peut être entendue
comme « un outil qui vient compléter l’opération de sélection de la loi applicable à laquelle
procède initialement la règle de conflit de lois »
287. Son effet immédiat est la neutralisation de
l’application de la loi désignée. Dans la confrontation exécutée lors de la mise en œuvre de
l’exception d’ordre public, une place est attribuée à la loi désignée par la règle de conflit
288. La
rédaction des dispositions concernant la mise en œuvre de l’exception d’ordre public
« n’envisage généralement pas directement d’écarter la loi désignée elle-même, mais son
‘application’ ou encore ses ‘effets’ »
289.
normatif et la norme issue de ce comportement… », P. de Vareilles-Sommières, Exception d’ordre public et régularité de la loi étrangère, op. cit., p. 175 spéc. p. 14.
287 P. de Vareilles-Sommières, Exception d’ordre public et régularité de la loi étrangère, op. cit., p. 178 spéc. p.
18.
288 Il a été signalé qu’il ne s’agit pas d’apprécier la loi porteuse de la réponse à la question posée au fond mais la
réponse elle-même, en ce sens J. Maury, L’éviction de la loi normalement compétente, l’ordre public et le fraude à la loi, Valladolid, 1952, p. 78 s. ; P. Lagarde, Recherches..., op. cit., p. 164-165. Pour une interprétation différente voir P. de Vareilles-Sommières, Exception d’ordre public et régularité de la loi étrangère, op. cit., p. 178-180 spéc. p. 19-20, notamment lorsque l’auteur considère qu’« il ne faut pas, selon nous, exagérer la portée de cette distinction entre réponse apportée par la loi et loi porteuse de la réponse. La loi n’est, à bien y regarder, qu’un réservoir de réponses, et ne présente d’intérêt d’un point de vue juridique qu’en tant que tel. C’est parce que l’on cherche une réponse à une question de droit donnée que l’on consulte la loi, de laquelle on attend précisément qu’elle fournisse les éléments qui conduiront à cette réponse. Dire que c’est la réponse au cas d’espèce qui est appréciée et non sa source légale ne traduit alors pas une différence d’objet de l’appréciation, mais plutôt la façon dont l’objet est apprécié : la loi envisagée, non comme un réservoir de réponses en général, mais comme réservoir duquel provient la réponse pour le cas en cause. C’est en cette qualité qu’elle est, le cas échéant, neutralisée dans le cadre de l’exception d’ordre public. En dernière analyse, on soulignera que l’appréciation portée sur la réponse issue de la loi, dans le cadre de l’exception d’ordre public, aboutit à la neutralisation de la loi pour le cas en cause […] De cela, on retiendra qu’il n’y a pas d’incompatibilité entre l’attitude consistant à analyser, sous le rapport de l’ordre public, la réponse apportée par la norme étrangère à la question de droit posée et la démarche tendant à confronter la norme portant cette réponse (le jugement lorsqu’il a été rendu, ou la loi, dans l’hypothèse inverse) audit ordre public ».
289 Par exemple, les Conventions relatives aux conflits des lois, célébrées sous les auspices de la Conférence de la
Haye depuis 1955 n’admettent le jeu de l’exception d’ordre public que si « l’application de la loi » désignée par la règle de conflit est contraire à l’ordre public. Des formules similaires sont fréquemment retenues dans d’autres enceintes supranationales : pour l’Union européenne le règlement (CE) Rome I n° 593/2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, article 21, qui prévoit en cas de contrariété à l’ordre public, d’écarter l’ «application
66. Les principaux apports du paradigme au mécanisme d’exception. Parmi les vastes
apports de l’étude de ce paradigme nouveau, le plus important à notre analyse est
l’appréhension holistique du processus de sélection de la loi applicable à un rapport de droit
privé dans un contexte international. M. de Vareilles-Sommières, auteur de cette étude, affirme
que dans ce processus de sélection, la règle de conflit de lois et l’exception d’ordre public
correspondent à deux mécanismes de filtrage
290. Celui-ci est opéré par la règle de conflit qui
constitue un épurement fondé sur l’origine de la loi, c’est-à-dire que seule la loi « trouvant son
origine dans l’État présentant les liens pertinents avec la situation sera admise à produire ses
effets vis-à-vis de la situation examinée, à l’exclusion de toutes les autres »
291. L’élément
déclencheur de l’applicabilité de la loi désignée, en dépit des autres lois, est le lien existant
entre la situation de fait et l’État auteur de la loi en question. Toutefois, le filtrage traité en
termes des liens uniquement, peut s’avérer insuffisant « à garantir que la solution dont la loi
qu’elle élit est porteuse ne soit pas substantiellement inacceptable au cas d’espèce pour le for à
qui on demanderait de la consacrer »
292. Ainsi, l’exception d’ordre public interviendrait dans
un second temps afin d’opérer un filtrage en fonction de la substance
293. Dès lors, l’auteur
suggère que l’ordre public tel qu’à l’œuvre dans l’exception d’ordre public peut être décrit
comme un « ordre public substantiel »
294composé d’exigences liées à la substance de la loi
étrangère compétente. L’exception ne pouvant intervenir seulement si ces exigences ne sont
pas respectées par la loi étrangère compétente.
d’une disposition de la loi désignée ». En revanche, la Convention Interaméricaine sur la loi applicable aux contrats internationaux signée à Mexico, D.F., le 17 mars 1994, résultat des travaux dirigés par l’Organisation des États Américains, ne retient pas une formulation similaire et se limite à affirmer, dans son article 18 : « Le droit désigné par la présente Convention ne peut être exclu que s’il est manifestement contraire à l’ordre public du for ».
290« À bien y regarder, ces deux outils correspondent chacun à un mécanisme de filtrage, le critère de filtrage
variant selon l’outil en cause », P. de Vareilles-Sommières, op. cit., p. 206, spéc. p. n° 48.
291 P. de Vareilles-Sommières, op. cit., p. 208, spéc. n° 50. 292 P. de Vareilles-Sommières, op. cit., p. 209, spéc. n° 51.
293 Par l’examen de la loi étrangère et à la lumière de l’ordre public du for « le juge du for s’assure que, par son
contenu, la disposition n’aboutisse pas à une solution du cas concret en cause qui soit substantiellement inacceptable aux yeux de l’État au nom duquel il statue », P. de Vareilles-Sommières, op. cit., p. 206, spéc. p. n° 49.
294 Comp. M. Gonzalez de Cossío distingue l’ordre public contractuel et l’associe à de dispositions impératives :
« Il s’agit de restrictions à la liberté contractuelle, de limites à ce que les parties peuvent valablement stipuler… Le sens de ces dispositions est d’établir des limites à la liberté et l’autonomie des parties. Ni plus, ni moins », « L’ordre public au Mexique : quand la réalité dépasse l’apparence », Revue de droit des affaires internationales, n° 3, 2014, p. 179. Cette définition s’accorde à celle donnée pour l’ordre public substantiel. Des dispositions d’un ordre public substantiel se trouveraient en droit mexicain dans les articles 1830 et 1831 du Code civil fédéral que disposent : Article 1830, un acte est illégal lorsqu’il est contraire aux dispositions d’ordre public ou aux bonnes mœurs. Article 1831, le motif déterminant de ceux qui contractent ne peut être contraire aux dispositions d’ordre public ou aux bonnes mœurs.
M. de Vareilles-Sommières affirme que l’exception d’ordre public constitue un outil de contrôle
de conformité de la loi étrangère aux standards de la régularité
295substantielle internationale en
vigueur dans le for
296. En appui de cette idée, l’auteur vient tracer un parallèle avec le mode
d’intervention de l’ordre public international en droit des effets des jugements étrangers
297et
confirme le processus de double filtrage. Il constate que devant le juge de l’exequatur, l’examen
de conformité à l’ordre public s’effectue à l’occasion d’un jugement qui règle un rapport de
droit privé préexistant. Il s’agit aussi de deux étapes successives : dans un premier temps le
rapport de droit privé est régi par la lex causae et soumis au contrôle de l’ordre public interne,
puis lors de l’exequatur, le contrôle s’effectue par rapport à l’ordre public international.
67. L’appréhension de l’exception d’ordre public comme un mécanisme de filtrage par rapport
à la substance et faisant partie d’un processus de sélection de la loi applicable nous rapproche
de la compréhension du mécanisme. Dans son mode d’intervention on distingue deux
éléments : le déclencheur, autrement dit la contrariété à l’ordre public et l’effet que cette
contrariété entraîne. Nous nous intéresserons désormais aux effets de ce filtrage.
295 L’ordre public du for prend position « sur une question concernant une sorte de régularité de la loi choisie,
dont le contrôle se situe en amont de l’éviction, cette dernière n’apparaissant finalement que comme le résultat du processus du contrôle ayant donné lieu à consultation de l’ordre public du for », P. de Vareilles-Sommières, « Autonomie et ordre public dans les Principes de la Haye sur le choix de la loi applicable aux contrats commerciaux internationaux », JDI, n° 2, 2016, pp. 445-446.
296 Malgré certaines propositions avancées pour se départager de l’expression « exception d’ordre public », nous
nous permettrons de poursuivre l’analyse proposée sous cette dénomination compte tenu son acceptation générale. Par exemple, P. de Vareilles-Sommières, propose « une dénomination du type exceptio de summo jure ou exceptio sentencia maxima pourrait fournir une option sérieuse en vue de remplacer le terme « exception d’ordre public » », Exception d’ordre public et régularité de la loi étrangère, op. cit., p. 264 ss, spéc. p. 108. Selon l’auteur l’adoption d’une nouvelle dénomination se justifie, entre autres, car « à cette bannière de l’ordre public, qui ne fédérant pas ce qu’il faut, confond ce qui doit être distingué, on préfèrera bien d’autres solutions : soit celle, plus juste quoique un peu technique, de « régularité substantielle internationale » - et qui conduirait à suggérer de rebaptiser l’exception d’ordre public : « exception substantielle », forme abrégée de la dénomination développée techniquement exacte : « exception d’irrégularité substantielle internationale » - ; soit, peut-être mieux encore, celle qui ne soulève pas de problème de traduction, tout en suggérant l’idée d’un rang hiérarchique supérieur pour les principes qu’il s’agit de protéger : exceptio de summo jure ou exceptio sententia maxima ? » De Vareilles Sommières, Pascal, Exception d’ordre public et régularité de la loi étrangère, op. cit., p. 266, spéc. p. 109.
297 En analysant l’affaire Renault c. Maxicar (CJCE, 11 mai 2000, Régie Nationale des Usines Renault SA c.
Maxicar SpA, Aff. C-38/98, Rev. crit. DIP, 2000, p. 497, note H. Gaudemet-Tallon, JDI, 2001, p. 696, obs. A. H., JCP G, 2001, II, 10607, obs. C. Nourissat), l’auteur observe qu’en droit international privé de l’Union européenne, la Cour européenne de Luxembourg indique que « le principe de libre circulation des marchandises ne fait pas partie de l’ordre public au sens de l’article 27 de la Convention de Bruxelles de 1968, relatif à la reconnaissance et à l’exécution dans un État membre de l’Union, des jugements rendus en matière civile et commerciale et provenant des autres États membres de l’Union, la juridiction européenne fait clairement la distinction entre les règles européennes d’ordre public (principe de libre circulation des marchandises) applicables, devant le juge français du fond, au rapport de droit privé existant entre la société française Renault et la société italienne Maxicar, et les règles européennes (auxquelles ne se rattache justement pas le principe européen de libre circulation en question) applicables au titre du contrôle de l’ordre public dans l’instance italienne concernant directement, non le rapport de droit privé entre ces sociétés (déjà réglé par le jugement français) mais le régime juridique du jugement français et de son efficacité en Italie », P. de Vareilles-Sommières, Exception d’ordre public et régularité de la loi étrangère, op. cit., p. 219-220, spéc. note en bas de page 97.