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Polymérisation radicalaire par transfert d’atome

Photopolymérisations radicalaires contrôlées

2. Photopolymérisations radicalaires contrôlées (photoPRC)

2.1 Polymérisation radicalaire par transfert d’atome

L’utilisation de la lumière peut être introduite de deux manières dans le mécanisme de l’ATRP. La première méthode nécessite l’utilisation de photoamorceurs ou de systèmes photoamorceurs capables d’absorber la lumière à la longueur d’onde utilisée ; il s’agit de l’ATRP photoamorcée. La deuxième méthode repose sur les propriétés d’absorption du catalyseur, qui va alors générer des espèces plus réactives en passant par un état excité ; il s’agit de l’ATRP photocatalysée.

2.1.1 Polymérisation ATRP photoamorcée

Les complexes métalliques de cuivre sont les catalyseurs les plus employés en raison de leur faible coût et de leurs propriétés redox. En ATRP photoamorcée, le catalyseur dans sa

forme désactivante (CuII) est réduit en l’espèce activante (CuI) par les radicaux générés par un système photoamorceur sous l’effet de la lumière.

Deux types de photoamorceurs (PA) peuvent être utilisés dans les réactions de photopolymérisations radicalaires : type I et type II. Il s’agit principalement de composés carbonylés aromatiques. Les photoamorceurs de type Norrish I génèrent des radicaux sous irradiation UV par coupure homolytique, à partir de leur état excité triplet. D’un autre coté, les photoamorceurs de type Norrish II correspondent aux composés carbonylés aromatiques (benzophénone, camphorquinone…) ne subissant pas cette coupure homolytique. Un co-amorceur (donneur d’hydrogène) est alors ajouté afin de générer les radicaux soit par arrachement d’hydrogène, soit par un transfert d’électron suivi d’un transfert de proton (Figure 12).

PA R

1

R

2

R

PA R-H PA-H

Type I

Type II

Figure 12 : Photoamorceurs de type I et II

Yagci et al. ont énormément contribué au développement de la polymérisation ATRP photoamorcée, d’abord sous irradiation UV puis sous lumière visible. En 2011, ils ont étudié la polymérisation du méthacrylate de méthyle (MMA) en ATRP inverse sous irradiation UV (365 nm) en présence d’un photoamorceur : la 2,2-diméthoxy-2-phénylacétophénone (DMPA) ou l’oxyde de diphényl(2,4,6-triméthylbenzoyl)phosphine (TPO) (Figure 13).26 Le photoamorceur a été utilisé pour réduire CuII en CuI mais aussi pour amorcer la polymérisation à la place du composé halogéné (amorceur classique). Dans ce système, un contrôle modéré de la polymérisation a été observé (IP < 1,5) pour des conversions inférieures à 50 %. Néanmoins, une augmentation de l’indice de polymolécularité a été constatée pour des conversions plus élevées. En outre, de meilleurs résultats ont été observés lorsqu’un photoamorceur de type I (TPO et DMPA) a été utilisé plutôt qu’un photoamorceur de type II (benzophénone). L’ajout d’un composé halogéné pour établir un mécanisme de SR&NI ATRP a amélioré le contrôle de la polymérisation (1,11 < IP < 1,26). Une étude complémentaire a été menée sur la polymérisation de méthacrylates en microémulsion inverse, toujours sous irradiation UV.27 Deux systèmes, SR&NI ATRP et AGET/ICAR ATRP

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ont été développés. Des polymères bien définis (1,2 < IP < 1,4) ainsi qu’un excellent accord entre les masses molaires théoriques et expérimentales ont été observés. De plus, il a été constaté qu’augmenter la quantité de photoamorceur (I-2959 ; type I) améliorait la vitesse de polymérisation tout en préservant le contrôle.

Plus récemment, le même groupe s’est intéressé à la polymérisation ATRP photoamorcée du MMA sous lumière visible (400-500 nm). Dans une première étude, un système photoamorceur de type II - benzophénone/camphorquinone (Bzh/CQ) - (Figure 13) a été étudié en ATRP inverse sous lumière visible (400-500 nm).28 Dans ce système, les radicaux générés réduisent le CuII en CuI mais sont inactifs vis-à-vis du monomère MMA. De plus, le ligand N,N,N′,N′′,N′′-pentaméthyldiéthylènetriamine (PMDETA) est capable d’agir comme un donneur d’hydrogène et donc d’amorcer la polymérisation en l’absence de la Bzh. Les résultats obtenus ont démontré l’influence de la Bzh sur le contrôle de la polymérisation, avec une distribution des masses molaires plus étroite en sa présence (IP < 1,5). Une autre étude a ensuite été réalisée avec des colorants (éosine Y, érythrosine B) comme photoamorceurs en présence d’un co-amorceur (amine).29 Cependant, le contrôle de la polymérisation n’est que modéré (1,28 < IP < 1,6) et des masses molaires expérimentales bien plus hautes que les théoriques ont été obtenues. L’auteur suggère que les radicaux issus des colorants ne sont pas capables de réduire le CuII et agissent principalement pour la réaction de terminaison. Seuls les radicaux générés par l’amine amorcent la polymérisation. A l’inverse, dans les mêmes conditions, un bien meilleur contrôle a été obtenu (1,11 < IP < 1,18) lors de l’utilisation de l’oxyde de bis(2,4,6-triméthylbenzoyl)phénylphosphine (BAPO), photoamorceur de type I.

Figure 13 : Photoamorceurs utilisés en ATRP photoamorcée

O N N N N N N N N N N ZnO TiO2 Co Mn Mn Co Co Co Co Co Co Co Co Co Mn2(CO)10 P O O TPO O O O Br O Br Br O Br Eosine Y Benzophénone mpg-C3N4

Une autre étude originale a utilisé le décacarbonyle de dimanganèse Mn2(CO)10

comme photoamorceur en ATRP.30 Le radical (Mn(CO)5) a été généré sous l’action de la lumière et a réduit le CuII en CuI. De plus, l’utilisation de Mn2(CO)10 a permis de réduire la quantité de catalyseur utilisé sans perdre le contrôle de la polymérisation (IP < 1,3).

D’autres espèces, telles que certaines nanoparticules, sont connues pour être sensibles à la lumière et absorber celle-ci. Un électron peut alors être libéré dans la bande de valence et amorcer la polymérisation par réduction du CuII en CuI. Des études ont été réalisées avec divers composés : ZnO, TiO2, Fe/ZnO, colorant/TiO2 ou encore le nitrure de carbone graphitique (mpg-C3N4) (Figure 13).31–34

2.1.2 Polymérisation ATRP photocatalysée

Le rôle du catalyseur dans les polymérisations ATRP photocatalysées est complètement différent de celui qu’il joue dans les polymérisations ATRP photoamorcées. Ici, les propriétés d’absorption du catalyseur, dans sa forme oxydée ou réduite, sont utilisées afin de générer des espèces excitées, plus réactives. Les formes oxydées, réduites et excitées du catalyseur forment alors un cycle photocatalytique et deux types de mécanismes peuvent être distingués (Figure 14) : le premier facilite la désactivation (quenching réductif) tandis que le second facilite l’activation (quenching oxydatif). Le choix du catalyseur pour ces mécanismes dépend de ses propriétés d’absorption et redox. En effet les catalyseurs à base d’iridium, de fer et d’or sont plutôt utilisés dans le mécanisme de quenching oxydatif tandis que ceux à base de ruthénium et de cuivre sont plutôt utilisés pour le mécanisme de quenching réductif.

Figure 14 : Mécanisme de quenching réductif et oxidatif en ATRP photocatalysée

Mtn PX P• Mtn+1X hn Mtn+1X* Mtn Mtn* Mtn+1X PX P• hn

20 2.1.2.1 Photocatalyseurs métalliques

En 2000, Guan et Smart ont observé l’effet de la lumière sur la polymérisation du MMA par ATRP avec le catalyseur CuCl/bipy (bipy = 2,2’ bipyridine). Il s’agit en fait du premier exemple d’ATRP photocatalysée.35 Une vitesse de polymérisation nettement plus élevée (100 % de conversion vs. 41% dans le noir) ainsi qu’une amélioration de l’indice de polymolécularité (IP =1,25 vs. IP = 1,42 dans le noir) ont été observées lorsque la solution était placée sous lumière visible. Cependant, l’effet de la lumière sur le mécanisme n’est pas bien compris et 10 années passent avant que de plus amples recherches ne soient menées.

Figure 15 : Exemples de catalyseurs métalliques utilisés en ATRP photocatalysée

En 2010, la polymérisation du MMA en masse sous irradiation UV (365 nm) a été étudiée par Yagci et ses collègues.36 Le 2-bromopropionate d’éthyle (EtBP) a été utilisé comme amorceur avec le catalyseur CuBr2/PMDETA. Bien que le CuII soit peu soluble dans le MMA, rendant ainsi le milieu hétérogène, le contrôle de la polymérisation a été validé par l’évolution linéaire des masses molaires avec la conversion ainsi que par un faible indice de polymolécularité (1,1 < IP < 1,3). En outre, il a été constaté que l’homogénéisation du milieu par l’ajout d’une faible quantité de méthanol améliorait le contrôle ainsi que la vitesse de

N Au Ph2HP PPh2 Au Cl Cl Ph2P PPh2 N N Ir N N N N N Fe N N N N N Ru N N N N Cu 2 Br 2 Cl 2+ 2+ 2 PF6 2+ fac-[Ir(ppy)3] [Fe(bpy)3]2+ (PF6)2 [Ru(bpy)3]2+ Cl2 [Au2( -dppm)2]Cl2 [Cu(phen)2]2+ Br2 N NMe2 Cu Me2N 2 Br 2+ [Cu(PMDETA)]2+ Br2

polymérisation. Néanmoins, le mécanisme n’est pas totalement explicité et les auteurs ont précisé que de plus amples investigations étaient nécessaires.

Ce système a ensuite été amélioré par Mosnáček et al. en diminuant la quantité de catalyseur de 5000 à 100 ppm.37 Lorsque la tris(2-pyridylméthyl)amine (TPMA) a été utilisée comme ligand à la place de la PMDETA, le contrôle de la polymérisation a été maintenu jusqu’à 50 ppm.

Le mécanisme d’ATRP photocatalysée n’a vraiment été compris que lors des travaux de Hawker et Fors. Ils ont développé un mécanisme basé sur l’utilisation du catalyseur fac-Ir(ppy)3 (Figure 16).38 Celui-ci a été utilisé pour la polymérisation du MMA sous lumière visible (lampe fluorescente 50 W) via un mécanisme de quenching oxydatif. L’espèce excitée IrIII* est générée sous l’effet de la lumière et va réagir avec le composé halogéné pour former le radical amorceur alkyle ainsi que le complexe IrIV. Le complexe IrIII est ensuite régénéré par réaction entre le radical propageant et le complexe IrIV. Cette approche donne lieu au contrôle temporel de la réaction. Sans irradiation lumineuse, aucune polymérisation n’a été observée. De plus, la préservation de la fonction terminale a également été démontrée lors de la synthèse d’un copolymère PMMA-b-PDMAA (PDMAA = poly(N,N’-diméthylacrylamide)).

D’autres études ont également été réalisées à partir de ce catalyseur. Le groupe de Yang a élargi ce mécanisme aux méthacrylates fonctionnels39 tandis que Melker et ses collègues ont réalisé la polymérisation du MMA en flux continu dans un microréacteur.40 Ce procédé a permis d’améliorer la pénétration de la lumière dans la solution et des polymères bien définis ont été obtenus.

22 Figure 16 : Mécanisme proposé par Hawker et Fors pour la polymérisation ATRP photocatalysée sous lumière visible avec un complexe d’iridium comme catalyseur ; Pn = chaîne polymère38

Par la suite, une nouvelle étude a été réalisée par le groupe de Haddleton avec le catalyseur CuBr2, qui a introduit l’utilisation du ligand (tris[2(diméthylamine)éthyl] amine, Me6-TREN) en ATRP photocatalysée (Figure 15).41,42 Une large gamme de monomères a été testée sous irradiation UV (360 nm) mais seuls les acrylates ont donné de bons résultats. En outre, l’utilisation d’un large excès du ligand par rapport au catalyseur (6/1) est obligatoire pour l’amorçage de la polymérisation. Le mécanisme proposé est basé sur la génération de l’espèce excitée [Me6-TREN]* capable d’induire la coupure homolytique de la liaison C-Br. Un radical alkyle capable d’amorcer la polymérisation est généré tandis que le polymère sous forme dormante et l’espèce CuI sont générés par réduction du CuII.

Ce mécanisme d’ATRP photocatalysée a par la suite été étudié par Matyjaszewski sur une gamme plus large de longueurs d’ondes (visible et lumière naturelle).43 Lors de la polymérisation de l’acrylate de méthyle (MA) dans le N,N-diméthylformamide (DMF), la vitesse la plus importante a été obtenue sous lumière naturelle, puis sous LED violette (λmax = 392 nm ; 0,9 mW.cm-2) et enfin sous LED bleue (λmax = 450 nm ; 10 mW.cm-2). Ces cinétiques sont liées au coefficient d’absorption de la lumière du catalyseur. De plus, sous irradiation lumineuse d’une LED rouge, aucune polymérisation n’a été observée. Ce résultat est également cohérent avec les propriétés d’absorption du catalyseur. La polymérisation des méthacrylates a également été testée en milieu aqueux sous irradiation d’une LED violette. Des polymères bien définis (IP = 1,12) ont pu être obtenus mais seulement en présence d’un excès d’ion bromure (30 mmol.L-1 de bromure de sodium NaBr). De plus, la concentration en catalyseur (CuBr2) a pu être réduite jusqu’à 22 ppm.44

Un nouveau complexe d’iridium Ir(btp)2(tmd) (btp = 2-2’(benzothienyl)pyridine ; tmd = 2,2,6,6-tétraméthyl-3,5-heptanedione) a également été synthétisé et étudié pour la polymérisation du MMA sous LED bleue (λmax = 462 nm) par Lalevée et al.45 Bien que les masses molaires évoluent linéairement avec la conversion en monomère, une perte de contrôle de la polymérisation a progressivement été observée au cours du temps à travers l’augmentation de l’indice de polymolécularité (distribution bimodale). Cependant, des polymères avec un plus faible indice de polymolécularité ont pu être obtenus en réduisant la quantité de catalyseur utilisé.

Un mécanisme original de quenching oxydatif, utilisant un complexe de cuivre, a également été proposé par Poly et al.46,47 Le bis(1,10-phénanthroline)cuivre(I) (Cu(phen)2+) a été utilisé comme catalyseur pour la polymérisation du MMA sous lumière visible (λmax = 465 nm ; 0,9 W). L’espèce excitée CuI* va réagir rapidement avec l’amorceur, formant ainsi les radicaux propageants P et CuII-Br. L’ajout d’un agent réducteur, la triéthylamine (TEA), accélère la régénération du CuI et la cinétique de la réaction. De plus, le catalyseur a pu alors être introduit en plus faible proportion (20 ppm) sans perte de contrôle. Une étude complémentaire réalisée en 2016 a montré qu’en présence de TEA, l’inhibition de la polymérisation par l’oxygène et/ou l’inhibiteur 4-méthoxyphénol (MEHQ) était faible.48

D’autres complexes métalliques à base de ruthénium, fer et d’or ont également été utilisés en ATRP photocatalysée (Figure 15).49–52 Néanmoins, le principal inconvénient de cette méthode de polymérisation reste la présence de catalyseur métallique résiduel, susceptible de limiter les applications dans certains domaines (électronique, biomédical…). L’utilisation de catalyseurs organiques y apporte une solution.

24 2.1.2.2 Photocatalyseurs organiques

Deux groupes ont joué un rôle majeur dans le développement de ces réactions organophotocatalysées : ceux de Miyake et Hawker.

Figure 17 : Catalyseurs organiques utilisés en ATRP photocatalysée

Theriot et Miyake ont étudié un système avec le pérylène (Figure 17) comme catalyseur pour la polymérisation du MMA sous lumière visible et naturelle.53,54 L’espèce excitée générée est un réducteur fort, capable de transférer un électron au composé halogéné par quenching oxydatif. Cependant des polymères à hauts indices de polymolécularité, imputables à un mauvais amorçage, ont été obtenus.

Dans le prolongement de leurs travaux précédents, Hawker et Fors ont proposé un mécanisme utilisant la 10-méthylphénothiazine (Me-PTH) comme catalyseur organique (Figure 18).55 La polymérisation du MMA a été étudiée sous irradiation UV (380 nm). Un mauvais contrôle de la polymérisation attribué à la décomposition du catalyseur a été observé. En remplaçant Me-PTH par la 10-phénylphénothiazine (PTH), un excellent contrôle de la polymérisation a été observé avec de faibles indices de polymolécularité et une excellente conservation de la fonction terminale. De plus, le contrôle de la polymérisation du méthacrylate de 2-(diméthylamino)éthyle (DMAEMA) est également possible, ce que ne permettait pas le catalyseur métallique (risque de complexation compétitive). Ce catalyseur et ses dérivés ont plus récemment été utilisés pour la polymérisation de l’acrylonitrile et des méthacrylates sous lumière visible (400 nm) par Matyjaszewski.56,57

O HO O COOH Fluorescéine S N O O O Br O Br Br O Br Eosine Y PTH Pérylène

Figure 18 : Mécanisme d’ATRP photocatalysée par un catalyseur organique (PTH) proposé par Hawker et Fors55

Plus récemment, Zhu et Yagci ont étudié de nouveaux catalyseurs organiques tels que l’éosine Y, l’érythrosine B et la fluorescéine (Figure 17). Ces catalyseurs organiques permettent l’utilisation de longueurs d’ondes plus élevées notamment grâce à leur absorption plus importante dans le visible.58,59

2.2 Polymérisation par transfert de chaîne réversible par