• Aucun résultat trouvé

Terminaison réversible Terminaison

2.3 Autres mécanismes de photoPRC

Bien que moins étudiées que l’ATRP et la RAFT, d’autres polymérisations radicalaires photocontrôlées ont également été développées.

2.3.1 Photopolymérisation contrôlée par les nitroxydes

Nous avons brièvement décrit dans la première partie de ce chapitre le mécanisme de la NMP, qui présente l’inconvénient de nécessiter l’usage de températures élevées. Il y a donc un interêt à tenter d’induire la dissociation de l’alcoxyamine photochimiquement plutôt que thermiquement. La première étude de photoNMP remonte ainsi à 1996 et a été réalisée par Scaiano et al.150 Celle-ci est basée sur la génération de radicaux TEMPO par coupure homolytique de la liaison C-O de l’alkoxyamine correspondante. Cette coupure est due à la sensibilité à la lumière de l’état excité triplet de la xanthone ou de l’état excité singulet du pyrène. Malheureusement, aucun test de polymérisation n’a pu être effectué à cause de la faible proportion de radicaux carbonés générés. Suite à ces résultats, plusieurs groupes se sont intéressés à la synthèse de nouvelles alkoxyamines avec un chromophore lié au fragment TEMPO.

Figure 39 : Alcoxyamines utilisées en photoNMP

Dans cette optique, Neckers et ses collègues ont synthétisé plusieurs alcoxyamines TEMPO-xanthone (Figure 41).151 La polymérisation du MMA a ensuite été réalisée en utilisant l’alcoxyamine A comme photoamorceur. Une augmentation linéaire des masses molaires avec la conversion a été observée. Cependant, il a été constaté que la polymérisation n’était pas « vivante », la fonction terminale n’étant pas présente sur le polymère synthétisé. A l’aide d’une nouvelle alcoxyamine contenant un groupement quinoline (B), Goto et Sciano ont étudié la polymérisation du St sous irradiation UV (300-400 nm).152 Malheureusement, une faible efficacité d’amorçage de la réaction a été observée. Un polymère de faible masse molaire (10 % de conversion après 2 h de réaction) avec une distribution large des masses molaires (IP = 1,6) a été obtenu.

Plus récemment, le groupe de Gigmes a développé une nouvelle classe d’alcoxyamines.153,154 Le chromophore a été directement lié au fragment aminoxyle afin d’améliorer son influence en termes de transfert d’énergie vers l’alcoxyamine (Figure 41). L’alcoxyamine C synthétisée a été utilisée pour la polymérisation du nBA sous irradiation UV. Un mauvais contrôle de la polymérisation a été observé (masses molaires théoriques et expérimentales différentes) et un polymère avec un indice de polymolécularité élevé a été obtenu (IP > 2). En revanche, les masses molaires ont augmenté de façon « quasi » linéaire avec la conversion en monomère et la polymérisation a démontré un caractère « pseudo- vivant ». La synthèse de copolymères à blocs a donc ensuite pu être réalisée. De plus, les études de photolyses menées sur plusieurs alcoxyamines ont suggéré une distance « limite » entre le chromophore et la liaison clivable. Cette « limite » correspondrait à une distance de deux liaisons et permettrait une photolyse efficace de la liaison clivable.

O O O O O N O Ph O N O COOMe COOMe N HO O O N O Ph A B C

56

Inspiré par ces différents travaux, le groupe de Liu a synthétisé des alcoxyamines basées sur le TEMPO avec différents chromophores : benzophénone, naphtalène et quinoline.155 La combinaison de ces alcoxyamines avec un photoamorceur (DMPA) a permis le contrôle de la polymérisation du MMA avec un bon indice de polymolécularité (IP < 1,4).

2.3.2 Photopolymérisation par transfert d’iode

La polymérisation par transfert d’iode a été utilisée pour accéder à des polymères d’architectures contrôlées dans des milieux homogènes ou hétérogènes.156 Néanmoins, la vitesse de ces polymérisations est très lente et mène à la production de diiode, I2, inhibant la réaction.

La première solution proposée pour résoudre cet inconvénient a mené à l’utilisation de photoamorceur capable de consommer I2, limitant ainsi le mécanisme de terminaison réversible. Kamigaito et ses collègues ont étudié en premier lieu la polymérisation du VAc sous lumière visible (λ > 400 nm ; 27 W).157 Le contrôle de la polymérisation a été attribué à la génération constante de radicaux [Mn(CO)5] issus du photoamorceur (Mn2(CO)10). La polymérisation de monomères activés (MMA, St…) a également été réalisée via l’utilisation d’un composé iodé adapté. En effet, les radicaux primaires ne sont pas assez réactifs pour pouvoir dissocier la fonction terminale C-I (espèce dormante) : un radical tertiaire est donc nécessaire.

Récemment, Yang et ses collègues ont été inspirés par les récents travaux décrits en photoATRP et en photoRAFT et ont développé un nouveau mécanisme de photoIMP sans photoamorceur, basé sur l’utilisation du photocatalyseur fac-[Ir(ppy)3], supposé former un complexe avec le radical I.158 Ce complexe empêche la formation d’I2 et donc l’inhibition de la polymérisation du MMA.

Le groupe de Zhu a également étudié la polymérisation du MMA sous plusieurs longueurs d’onde : bleue, verte, jaune ou rouge (390-630 nm) sans catalyseur ou photoamorceur.159 Ils ont démontré la contribution du solvant dans le mécanisme de polymérisation notamment sur la vitesse de la polymérisation. Les polymérisations réalisées avec les solvants DMF, DMSO et DMAc étaient nettement plus rapides que celles menées

avec le toluène, l’anisole ou le dioxane. Il est apparu que ces solvants favorisaient la formation d’un complexe avec l’espèce dormante (polymère-I), facilitant ainsi la coupure de la liaison C-I. La polymérisation suit principalement un mécanisme de terminaison réversible (photolyse des espèces dormantes). Le même groupe a également développé un nouveau mécanisme sans catalyseur et sans solvant pour les monomères fonctionnels.160 Les monomères fonctionnels (amine, époxyde…) ont alors joué le rôle du solvant polaire et formé un complexe avec le photoamorceur assurant ainsi le contrôle de la polymérisation. D’autres méthodes de polymérisation, que nous ne développerons pas ici, telles que la « Step Transfer-Addition and Radical-Termination » (START) ou la « Bromine-Iodine transformation » ont également été développées par ce groupe.161,162

Une nouvelle approche nommée « reversible complexation-mediated » polymérisation (RCMP) a été développée par Kaji et al. sous lumière visible (350-600 nm, 60 W) (Figure 42).163 La polymérisation du MMA a été réalisée en mettant en présence un composé iodé (espèce dormante) et une amine (catalyseur = TBA). Deux mécanismes sont susceptibles d’amorcer la polymérisation : la photolyse directe de la liaison C-I ou la photodissociation du complexe amine/espèce dormante initialement formé. Il a été démontré que la vitesse de polymérisation pouvait être modulée en fonction de l’intensité lumineuse utilisée. De plus, le contrôle temporel a à nouveau pu être démontré en alternant les phases d’irradiation et d’extinction.

Figure 40 : Mécanisme de la polymérisation RCMP

Dans un second temps, de nouveaux catalyseurs (Figure 43) ont été étudiés afin d’étendre le domaine de longueurs d’ondes utilisables (350-750 nm). Un copolymère à blocs (PMMA-b-PVL) (avec VL = γ-valérolactone) a ainsi été synthétisé en combinant deux mécanismes : photoRCMP (catalyseur = DHMI ; λ = 550-750 nm) et ouverture de cycle

TBA

58

(catalyseur = TSPF6 ; λ =350-380 nm) ; les deux catalyseurs employés pour ces réactions n’étant pas activés sous les mêmes longueurs d’ondes.

Figure 41 : Exemples de catalyseurs utilisés par Kaji

2.3.3 Autres

La liaison C-Coétant très faible (75-167 kJ.mol-1), celle-ci peut facilement se cliver. A ce titre, l’utilisation de la lumière comme énergie d’activation peut présenter un réel avantage. En effet, la possibilité de mener la polymérisation à température ambiante peut améliorer la stabilité de la liaison C-Co en tant que fonction terminale.

2.3.3.1 PhotoCMPR

Les premières études de photoCMRP ont été réalisées sous irradiation UV avec le bis(acétylacétonato)cobalt(II) (Co(acac)2). O N O O2N DHMI R S S PF6 R = H ou R' R' TSPF6

Figure 42 : Complexes de cobalt et photoamorceurs utilisés en photoCMRP

L’un des premiers cas de photoCMRP remonte à 2012.164 Dans cette étude réalisée par Detrembleur et al., le mécanisme de polymérisation du nBA et du VAc a été étudié sous irradiation UV (200-280 nm) à 0 °C. Une expérience de photolyse laser éclair a permis de mettre en évidence la formation de la liaison Co-C, et donc le changement de degré d’oxydation du Co. L’AIBN a été utilisé comme photoamorceur en présence du complexe de cobalt (Co(acac)2) (Figure 44). Des polymères de haute masse molaire et de faible indice de polymolécularité (1,1 < IP < 1,2) ont été obtenus malgré une très faible efficacité d’amorçage (< 1 %). En présence d’un photoamorceur conventionnel (BAPO, DMPA…), l’efficacité d’amorçage a augmenté jusqu'à 6-7 %. La photoCMRP a également été utilisée pour la synthèse de poly(N-vinylpyrrolidone) (PNVP) α-fonctionnel et α,ω-téléchélique en présence du complexe de cobalt (Co(acac)2) sous irradiation UV (200-280 nm).165 Ces polymères ont été utilisés pour la synthèse des copolymères PNVP-b-PCL et PNVP-b-PCL-b-PNVP par

O tBu But O But tBu N N Co O O N N Co O tBu But O But tBu N N Co COCH3 N N N N Co N N N N Co O(CH2)10OH O H3CO OCH3 (I) (II) (III) O Co(TMP) O PMA N Co(TMP-OH) O PDMA O Co(TMP-OH) O TMP TMP-OH

Co(acac)2(II) (salen)Co(II) (salen)Co-COCH3 N N NC CN AIBN DMPA P O O O P O O BAPO TPO Photoamorceurs Complexes de Cobalt

60

ouverture de cycle de l’ε-caprolactone (CL) à partir d’un PNVP possédant un groupe hydroxyl terminal (α-OH-PNVP). L’auto-assemblage de ces polymères a mené à la formation de vésicules ou de structures en forme de fleur.

Zhu et al. ont utilisé le même complexe de cobalt (Co(acac)2) avec le photoamorceur TPO pour la polymérisation de plusieurs monomères (VAc, nBA, MMA, St…) sous irradiation UV (365 nm ; 65 μW.cm-2).166 Cependant, le contrôle de la polymérisation n’est effectif que pour les monomères dits moins activés (NVP, N-vinylcaprolactame et VAc). A la suite de ces travaux, le groupe de Detrembleur s’est également intéressé à la polymérisation de monomères moins activés en flux continu sous irradiation UV à partir d’alkyl-cobalt(III).167

La polymérisation contrôlée par les complexes de cobalt sous lumière visible (400-800 nm ; 80 mW.cm-2) a été décrite pour la première fois par Fu et al.168 Plusieurs acrylamides (DMA, N-acryloylmorpholine (AMO)…) ont été étudiés en présence de trois complexes de cobalt : (TMP)Co-CO2CH3 (I), (TMP-OH)Co-PDMA (II) et (TMP)Co-PMA (III) (Figure 44). Le contrôle de la polymérisation a été mis en évidence par l’augmentation linéaire des masses molaires avec la conversion, avec de plus un bon accord entre les masses molaires expérimentales et théoriques, ainsi que par de faibles indices de polymolécularité (IP < 1,2). Cette étude a ensuite été étendue à de nouveaux monomères acrylates (MA, BA, HEA, tBA) ainsi qu’aux cétones vinyliques. La lumière naturelle a également pu être utilisée comme source lumineuse pour amorcer la polymérisation.169 Une expérience démontrant le contrôle temporel de la réaction, alternant des phases d’irradiation et d’extinction lumineuse, a également été effectuée. Néanmoins, il faut noter que l’utilisation de plusieurs complexes de cobalt a été nécessaire afin de contrôler une grande variété de monomères.

Dans cette optique, Zhao et al. ont développé un nouveau complexe de cobalt ((salen)Co-CO2CH3), capable de contrôler la polymérisation de nombreux monomères (acrylates, acrylamides et acétate de vinyle) sous lumière visible à température ambiante.170 Afin d’améliorer la vitesse de polymérisation (74 % de conversion après 92 h de réaction), le photoamorceur TPO a été ajouté. Les radicaux supplémentaires générés par le photoamorceur TPO permettent le passage d’un mécanisme de terminaison réversible à un mécanisme de transfert dégénératif, améliorant ainsi la vitesse de polymérisation (76 % de conversion après

8 h de réaction). Dans ce mécanisme, la lumière n’intervient que pour amorcer la polymérisation : celui-ci est photoamorcé. Un nouveau complexe de cobalt (salen)Co(II)/TPO a ensuite remplacé le complexe (salen)Co-CO2CH3 afin d’éviter les étapes fastidieuses (complexe sensible à l’oxygène et à la lumière) de synthèse et sa purification, souvent complexes (Figure 44).171

2.3.3.2 PhotoTERP

La première réaction de photoTERP a été rapportée en 2009 par Yamago et al.172 Un iniferter organotellure (A) (Figure 45) a été utilisé pour la polymérisation du nBA. Des polymères mal définis (IP = 1,87) ont été obtenus en utilisant une lampe à vapeur de mercure (500 W). Néanmoins, l’application d’un filtre (λ > 470 nm) a permis de préserver le contrôle de la polymérisation (IP < 1,2) pour des conversions élevées (86-98 %) après 2 h de réaction à 50°C. Il est intéressant de noter que cette polymérisation est bien plus rapide que celle impliquant un mécanisme thermique (89 % de conversion après 24 h de réaction à 100°C). En outre, le contrôle temporel de la réaction a été démontré en alternant successivement des cycles d’irradiation et d’extinction. Les auteurs ont en donc déduit que les fonctions terminales tellure étaient préservées et que la quantité de chaînes mortes était négligeable. Néanmoins, aucune analyse n’a été effectuée. L’utilisation de composés ditellure (B), possédant un meilleur coefficient d’absorption de la lumière, a permis l’utilisation de sources lumineuses de longueurs d’ondes plus élevées et d’intensités plus faible (LEDs). Des polymères bien définis (PMA, PMMA, PS) ont été obtenus avec ou sans filtre.173

Figure 43 : Exemples de complexes de tellure utilisés en photoTERP

Cependant, la synthèse des organotellures est complexe. Liska et ses collègues ont donc proposé l’utilisation d’un iniferter organotellure (C) facilement synthétisable.174 Celui-ci

Te O EtO O TeMe (MeTe)2 A B C

62

s’est révélé être adapté pour la polymérisation des acrylates et des acrylamides (1,2 < IP < 1,3) sous lumière visible (400-500 nm) mais la préservation des fonctions terminales n’a pas été étudiée.

3. Exploitation des avantages des polymérisations