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Polymères synthétisés par RAFT comme macrophotoamorceurs polyvalents

1. Introduction : concept de macrophotoamorceur

Les photoamorceurs conventionnellement utilisés dans les réactions de photopolymérisation peuvent présenter certains inconvénients. En effet, un amorçage incomplet conduira à une fraction résiduelle de photoamorceur, qui sera susceptible de migrer dans le matériau du fait de la faible masse molaire du composé. Le matériau final pourrait alors présenter certaines caractéristiques indésirables (odeur, toxicité...) Concernant les systèmes photoamorceurs de type II, le co-amorceur, généralement une amine tertiaire, peut être toxique ou induire une coloration jaune de la formulation et du polymère final.1 De ce fait, le domaine d’application de ces matériaux est souvent limité. Récemment, des recherches ont été réalisées sur la structure de ces photoamorceurs. Celles-ci visent à améliorer la réactivité des photoamorceurs grâce à un amorçage plus efficace et la possibilité de mener la réaction à des longueurs d’ondes plus élevées ou à remédier aux inconvénients mentionnés précédemment (composés moins volatils, moins de migration…). Ces études ont mené notamment au développement de « polymères photoamorceurs », c'est-à-dire des polymères comportant des fonctions photoamorceurs et/ou co-amorceurs. Les fonctions co-amorceurs peuvent être introduites comme groupes terminaux ou comme groupes pendants, directement lors de la synthèse macromoléculaire, ou par une réaction de modification post-polymérisation. On peut qualifier ces « polymères photoamorceurs » de macrophotoamorceurs.2

Au-delà des avantages escomptés quant à la réduction de la migration des composés résiduels potentiellement toxiques, la structure macromoléculaire peut favoriser la compatibilité du photoamorceur dans la formulation. Une amélioration de l’efficacité d’amorçage, liée à la formation d’espèces plus réactives a également été observée dans certains cas. Ces espèces peuvent être générées par un transfert d’énergie le long de la chaîne polymère ou par des réactions intramoléculaires. Les propriétés de ces macrophotoamorceurs peuvent être modulées via la nature, le nombre et la distribution des groupes fonctionnels dans la structure. En outre, ces macrophotoamorceurs peuvent aussi jouer simultanément le rôle d’additif pour modifier les propriétés finales du polymère. Des macrophotoamorceurs de types I ou II ont été développés et décrits dans la littérature.

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1.1 Macrophotoamorceurs de Type I

En 1995, Ajayaghosh a décrit la synthèse d’un copolymère à partir du méthacrylate de méthyle (MMA) et d’un co-monomère acrylate porteur d’un groupe xanthate.3 Celui-ci présente une distribution « statistique » des fonctions xanthate le long de la chaîne polymère et a été employé en tant que macrophotoamorceur pour la photopolymérisation du MMA sous irradiation UV. Une expérience similaire a ensuite été réalisée avec un photoamorceur conventionnel xanthate (même fraction molaire), afin de comparer l’efficacité d’amorçage des polymérisations. Bien que des conversions peu élevées aient été obtenues (< 10 %) dans les deux cas, une polymérisation plus rapide a été observée dans le cas du macrophotoamorceur. L’auteur a suggéré que la meilleure efficacité d’amorçage obtenue dans le cas du macrophotoamorceur pouvait être due à une vitesse de terminaison des radicaux primaires moins importante comparativement au xanthate. Dans une autre étude menée par le groupe de Si, des polysiloxysilanes hyperramifiés, possédant des groupes photoamorceurs pendants de type alkylphénone ont été développés. Les auteurs ont démontré que sous irradiation UV, l’emploi de macrophotoamorceurs (fraction massique = 3,00 %) contenant de nombreuses liaisons Si-O-Si a permis d’améliorer l’efficacité d’amorçage ainsi que la stabilité thermique du système étudié.4

Le groupe de Degirmenci s’est également beaucoup intéressé aux macrophotoamorceurs.5–9 Des photoamorceurs de type benzoïne ont été introduits en tant que fonctions terminales sur la chaîne polymère. Ces macrophotoamorceurs ont été synthétisés par polymérisation par ouverture de cycle (ROP) afin de synthétiser des polymères biodégradables (poly(ε-caprolactone)) et par polymérisation radicalaire contrôlée (ATRP) afin d’obtenir des polymères bien définis. En effet, ces macrophotoamorceurs ont ensuite été principalement employés pour la synthèse de copolymères (à blocs, en étoile…) via des réactions de photopolymérisation, mais aucun test comparatif n’a été réalisé avec des photoamorceurs conventionnels.

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1.2 Macrophotoamorceurs de Type II

Yin et al. ont synthétisé plusieurs macrophotoamorceurs dont l’unité de répétition contient un photoamorceur thioxanthone ainsi qu’un co-amorceur (amine tertiaire).10 Ces macrophotoamorceurs ont été utilisés pour la polymérisation de monomères acrylates mono-, di- ou tri- fonctionnels sous irradiation UV. Les résultats obtenus ont montré que l’efficacité d’amorçage de la polymérisation était affectée par la structure de l’amine présente dans le macrophotoamorceur. Des macrophotoamorceurs similaires mais possédant une topologie ramifiée de type dendrimère ont également été synthétisés.11–13 Une amélioration du transfert d’énergie entre l’état excité du composé thioxanthone et l’amine a logiquement été observée lorsque la concentration en fonctions amines présentes sur le macrophotoamorceur augmente. La quantité de radicaux générés était alors plus importante, améliorant l’amorçage ainsi que le taux de conversion des fonctions acrylates pour la polymérisation de monomères monofonctionnels. En revanche, pour des monomères trifonctionnels, la viscosité plus importante du milieu a diminué la mobilité des radicaux, et donc l’efficacité d’amorçage ainsi que le taux de conversion des fonctions acrylates. Dans une autre étude, Yin et ses collègues ont synthétisé un macrophotoamorceur polyuréthane (A) porteur de groupes pendants benzophénones (BP ; photoamorceur) et de co-amorceurs amines sur la chaîne principale.14 Ce macrophotoamorceur a été utilisé pour la copolymérisation du triacrylate de triméthylolpropane (TMPTA) avec un prépolymère polyuréthane contenant des fonctions acrylate sous irradiation UV puis comparé avec un macrophotoamorceur sans fonctions amine (B) ainsi qu’avec une macroamine (issue de la réaction entre un diisocyanate et la N-méthyldiéthanolamine) afin d’étudier l’influence de l’amine sur la photopolymérisation. Les résultats obtenus ont démontré que le macrophotoamorceur A était le photoamorceur le plus efficace dans les deux cas avec une conversion de 97 % pour la polymérisation du polyuréthane.

Cui et ses collègues ont synthétisé un macrophotoamorceur (copolymère tribloc) à partir de monomères acrylates porteurs de groupes pendants photoamorceurs ou amines tertaires et d’un macroCTA, lui-même synthétisé à partir d’un polydiméthylsiloxane difonctionnel (HO-PDMS-OH) et d’un agent RAFT.15 Les études cinétiques de la polymérisation du diacrylate de tri(propylène glycol) (TPGDA) ont démontré que pour une même concentration de fonctions amorceurs, le macrophotoamorceur était plus efficace que le

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système photoamorceur conventionnel benzophénone (BP)/co-amorceur amine. Par ailleurs, une diminution du temps d’inhibition, lié à la présence du segment PDMS, a également été observée : celui-ci a entraîné une consommation rapide de l’oxygène en améliorant la migration des radicaux à la surface du système.

Le groupe de Chen a développé des polymères hyperramifiés avec de multiples photoamorceurs BP ou de multiples co-amorceurs amines.16 Des agents compatibilisants ont également été introduits afin d’améliorer la solubilité de ces macrophotoamorceurs dans la formulation. Comparativement à des photoamorceurs conventionnels, une extractabilité moins importante des macrophotoamorceurs porteurs de multiples groupes pendants co-amorceurs (17 % vs. 47 %) et de ceux porteurs de multiples groupes pendants BP (28 % vs. 100 %) a été observée. En outre, plusieurs tests ont été réalisés sur des macrophotoamorceurs de masses molaires différentes, confirmant la diminution de la migration de la fraction résiduelle de macrophotoamoreur pour les polymères de masses molaires les plus élevés. Ces macrophotoamorceurs ont également présenté une meilleure efficacité d’amorçage pour une même concentration en fonctions amorceurs.

A l’heure actuelle, de nombreux groupes ont travaillé sur l’élaboration de macrophotoamorceurs permettant de supprimer les inconvénients des photoamorceurs conventionnels. Cependant, une synthèse multi-étapes est nécessaire à leur formation dans la majorité des cas. Dans cette étude, nous proposons d’utiliser directement les polymères synthétisés par RAFT en tant que macrophotoamorceurs, en exploitant la photolyse des fonctions terminales. Ainsi, ces groupes thiocarbonylthio, dont la présence dans les produits finaux a pu jusqu’ici être rédhibitoire pour d’éventuelles applications industrielles du fait des caractéristiques indésirables que leur sensibilité à la lumière ou à la chaleur était susceptible de causer (coloration, odeur…),17 deviennent ici au contraire la fonctionnalité première des polymères synthétisés.Cette sensibilité à la lumière, conduisant à la dissociation de la liaison C-S, peut être exacerbée en introduisant un chromophore à proximité de celle-ci, soit sur l’unité monomère terminale, soit comme groupe Z (Figure 69).

Dans ce chapitre, divers polymères ont été synthétisés par RAFT pour étudier chacune des deux approches.

124 Figure 67 : Structure chimique du polymère RAFT pouvant permettre une amélioration de l’efficacité de photolyse des fonctions terminales par l’introduction d’un chromophore en position X ou Z