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4.4 La conduite de la politique europ´ eenne du carbone : th´ eorie et pratique

4.4.2 La politique de r´ eduction en Europe : taxe ou permis ?

Instrument quantit´e et instrument prix : avantages et inconv´enients

Deux instruments principaux s’offrent `a l’UE en vue de r´eguler les rejets de GES et r´ealiser les objectifs de r´eduction :

– L’UE contrˆole la quantit´e en fixant des quotas domestiques de CO2 et en d´elivrant

un montant ´equivalent de permis d’´emission : syst`eme cap-and-trade. L’´echange

des permis sur le march´e r´esulte en un prix du CO2.

– L’UE contrˆole les prix en instaurant des taxes domestiques sur le CO2 ´emis : taxe

carbone.

Dans l’analyse ´economique, les deux syst`emes sont ´equivalents :

– Confront´es `a une taxe sur chaque tonne ´emise, les acteurs prennent la d´ecision de r´eduire leurs ´emissions jusqu’`a ce que leur coˆut marginal d’abattement soit au ni- veau de la taxe.

– Dans un syst`eme de permis, les acteurs r´eduisent leur pollution jusqu’`a l’´egalisation de leur coˆut marginal avec le prix du permis.

Ces deux instruments sont coˆut-efficaces car ils se traduisent par une ´egalisation des coˆuts marginaux entre les sources individuelles d’´emission [60]. Cap-and-trade ou taxe carbone aboutissent donc `a une r´egulation des quantit´es ´emises et `a un prix sur les ´emissions. En termes d’efficacit´e environnementale, la taxe carbone permet d’avoir une certitude sur les prix mais les quantit´es rejet´ees ne sont contrˆol´ees que de mani`ere indirecte, d’o`u une incertitude entourant les objectifs de r´eduction. La taxe doit ainsi ˆetre p´eriodiquement ajust´ee pour correspondre `a la contrainte de r´eduction des GES [107].

A l’inverse, le syst`eme de permis permet une maitrise directe des ´emissions mais avec une incertitude sur le prix, celui-ci s’´etablissant par confrontation de l’offre et de la demande. Du coup, il peut y avoir une certaine volatilit´e des prix du CO2, n´efaste pour une d´ecision

appropri´ee d’investissement [167]. Une certaine variabilit´e des prix est normale `a court terme mais les investisseurs doivent obtenir les bons signaux de prix pour le long terme. Dans ces conditions, deux options sont possibles selon la politique :

– Lorsque l’on veut contrˆoler les ´emissions sur longue p´eriode, une politique bas´ee sur les quantit´es est pr´ef´erable (permis). Dans ce cas, les autorit´es allouent chaque ann´ee des permis pour un montant correspondant au profil d’´emission optimal. Le prix du permis qui s’´etablit sur le march´e refl`ete alors la s´ev´erit´e de la contrainte d’´emission. – Pour des objectifs `a plus court terme, une r´egulation par les prix s’av`ere plus

ad´equate (taxe) [179].

Des approches hybrides ont ´et´e ´elabor´ees. Elles consistent en un syst`eme de cap-and- trade doubl´e d’un engagement des autorit´es d’allouer des permis suppl´ementaires `a un prix d´efini (constituant un prix maximal) [169].

Situation internationale

La taxe carbone est g´en´eralement pr´esent´ee comme ´economiquement plus efficace par les ´economistes. Mais la ponction d’une taxe pose des difficult´es institutionnelles et des probl`emes d’´equit´e. Les d´ecideurs politiques penchent plutˆot pour les syst`emes de permis [169].

Les taxes carbone directes ont ´et´e peu mises en oeuvre, avec quelques exp´eriences dans les pays nordiques (Danemark, Norv`ege, Su`ede). Dans l’OCDE, la fiscalit´e environne- mentale est surtout indirecte, s’appliquant aux biens ´energ´etiques et au transport [107]. En Europe, un certain nombre d’Etats Membres ont adopt´e des taxes sur les produits ´

energ´etiques (Royaume-Uni, Danemark, Allemagne, Su`ede). Au niveau communautaire, une taxation sur les produits ´energ´etiques a ´et´e vot´ee en 2004 [133].

En revanche, il existe un certain nombre de march´es de droits `a polluer, le plus important ´

etant le march´e europ´een du carbone (European Union Emission Trading Scheme)27. Ce

dernier a ´et´e impl´ement´e malgr´e l’opposition initiale des autorit´es europ´eennes afin de permettre `a l’UE de remplir son objectif de r´eduction sous le Protocole de Kyoto. L’EU ETS concerne actuellement 12000 installations dans le secteur ´energ´etique et les indus- tries intensives en ´energie. Il couvre pr`es de 50% des rejets de CO2 de l’UE.

Le choix des instruments de politique domestique d´etermine l’efficacit´e du coˆut dans la r´ealisation des objectifs d’abattement. Il conditionne aussi les gains de la participation sur un march´e international de permis. L’allocation de permis d’´emission est plus appro- pri´ee en vue de s’int´egrer sur un march´e international du carbone. Avec l’interconnection des syst`emes nationaux et r´egionaux de quotas, l’´echange international de permis entre firmes permet de r´ealiser une efficience pleine. En revanche, un syst`eme de taxes restreint les possibilit´es d’´echange et l’efficience du coˆut pour atteindre les objectifs domestiques de r´eduction est alors amoindrie [169]. L’harmonisation internationale de la taxe carbone peut permettre de remplir le crit`ere d’efficacit´e du coˆut mais l’imposition d’une taxe uni- verselle pose des difficult´es institutionnelles notamment dans les pays en d´eveloppement. Politique appropri´ee pour une soci´et´e europ´eenne facteur 5 : plutˆot les permis La contrainte carbone de long terme est de 2◦C et 450 ppmv CO2-´eq au niveau mon-

dial et de 80% de r´eduction des GES dans l’UE en 2050. Dans une optique de long terme, pour effectuer un abattement ambitieux, l’Europe a int´erˆet `a maˆıtriser les quantit´es et `

a privil´egier les march´es de permis au d´etriment de la taxe carbone. L’UE devrait donc ´

etendre son syst`eme communautaire d’´echange de permis d’´emission `a l’ensemble des ac- teurs ´economiques (syst`eme economy-wide) et `a tous les gaz de Kyoto.

L’incertitude sur les coˆuts dans l’UE peut ˆetre trait´ee avec le syst`eme de prix plafond : les autorit´es s’engagent `a vendre des permis suppl´ementaires si le prix de march´e d´epasse un certain seuil (instrument hybride). Mais dans ce cas, le surcroˆıt d’´emission doit ˆetre sans incidence sur la trajectoire CO2 `a long terme, ou alors il convient de r´eduire plus

s´ev`erement par la suite [107] [53]. Par ailleurs, d´evelopper l’EU ETS permet `a l’Europe une meilleure int´egration sur les march´es internationaux du carbone en vue de r´ealiser sa contrainte d’abattement au meilleur coˆut.

En compl´ement des instruments bas´es sur des prix explicites (taxes et permis), diverses options sont requises pour que l’Europe r´eduise ses ´emissions au niveau souhait´e : cam- pagnes d’information, normes et standards, d´epenses en Recherche et D´eveloppement, 27. On peut citer aussi le programme am´ericain de r´eduction du SO2. Il y a eu quelques exp´eriences

subventions, tarifs pr´ef´erentiels, certificats verts, accord volontaires dans les industries. . . Ces options peuvent ne pas assurer une efficacit´e du coˆut et engendrer des distorsions mais elles permettent de compenser les diverses imperfections sur les march´es ´energ´etiques : concurrence imparfaite, manque d’information et d’incitation, manque de r´eactivit´e de l’innovation aux prix et externalit´es de l’activit´e de R&D [167]. En outre, ces instruments peuvent introduire un prix implicite de par les contraintes et les coˆuts qu’ils font peser sur les acteurs.