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4.4 La conduite de la politique europ´ eenne du carbone : th´ eorie et pratique

4.4.3 Les effets de l’ouverture : l’´ echange de permis d’´ emission

La situation ´etudi´ee dans la mod´elisation OCTET est une situation ind´ependante, o`u l’Europe est prise s´epar´ement du reste du monde. Les niveaux d’abattement et de prix du carbone correspondent `a un ´equilibre  autarcique, r´esultant d’un calcul restreint

au continent europ´een, sans ´echange de droits d’´emission avec les autres r´egions. Il faut donc envisager la possibilit´e pour l’Europe de recourir `a des achats de permis d’´emission dans le cadre d’un march´e international du carbone.

Les m´ecanismes de flexibilit´e internationaux permettent d’atteindre les cibles climatiques au meilleur coˆut (cost-efficient), selon un principe ´enonc´e dans l’article 3 de la Convention Cadre des Nations Unies : [. . .] les politiques et mesures qu’appellent les changements

climatiques requi`erent un bon rapport coˆut/efficacit´e de mani`ere `a garantir des avantages globaux au coˆut le plus bas possible.. Par la suite, le protocole de Kyoto (1997) fixe des

objectifs de r´eduction contraignants aux pays industrialis´es (regroup´es sous le titre An-

nexe B). Pour leur permettre de remplir ces objectifs au moindre coˆut, le texte pr´evoit

trois m´ecanismes externes venant en compl´ement des efforts de r´eduction nationaux : – L’´echange de permis d’´emission (Emission Trading) entre les Parties de l’Annexe B

dans le cadre d’un march´e du carbone.

– L’action conjointe (Joint Impl´ementation, d´efini dans l’article 6) permet `a une Par- tie de l’Annexe B d’acqu´erir des cr´edits de r´eduction en investissant dans un projet d’abattement situ´e dans un autre pays de l’Annexe B.

– Les m´ecanismes de d´eveloppement propre (Clean Development Mechanisms, d´efinis en article 12) permettent `a un pays industrialis´e d’acqu´erir des cr´edits de r´eduction en investissant dans un projet d’abattement localis´e dans les zones en d´eveloppement. Ainsi, le JI et CDM sont des m´ecanismes bas´es sur un projet mais les cr´edits de r´eduction qu’ils g´en`erent peuvent ˆetre ´echang´es sur le march´e du carbone.

Le gain `a l’´echange : th´eorie ´economique

Le prix qui se forme sur le march´e international du CO2 r´esulte du rapport entre l’offre

et la demande de permis d’´emission. Lors des prochaines d´ecennies, il est pr´evu que l’offre de permis devrait provenir surtout des pays en d´eveloppement tandis que la demande de permis devrait ´emaner des pays industrialis´es. Ceux-ci ont des objectifs de r´eduction plus s´ev`eres et des coˆuts marginaux de r´eduction plus ´elev´es.

Sans restriction

Si le prix mondial du CO2 est inf´erieur `a la valeur du carbone qui pr´evaut sur le conti-

Figure 4.21 – Gain `a l’´echange (sans restriction)

prix et acqu´erir des permis d’´emission. Effectuer ainsi une partie de ses r´eductions de mani`ere externe permet de diminuer dans une mesure importante le coˆut des objectifs climatiques.

Le gain `a l’´echange est consid´erable. Sur la figure 4.21, dans une situation autarcique, l’objectif de r´eduction (OD) implique un prix du carbone en Europe de OB, pour un coˆut total d’abattement de OCD (aire situ´ee sous la courbe de CmR). Sur un march´e international du carbone parfaitement comp´etitif sans limitation des ´echanges (flexibilit´e parfaite), l’Europe ach`eterait des permis jusqu’`a ´egalisation de son prix domestique avec le prix mondial (OA). Sur sa courbe de CmR, elle passerait donc du point C au point F en important un montant ED de permis, les quantit´es restantes (OE) ´etant abattues int´erieurement. La valeur domestique sur le Continent passerait ainsi de OB `a OA et le coˆut total d’abattement de OCD `a OFE (soit un gain donn´e par la figure FCDE).

Avec restriction

L’hypoth`ese d’illimitation des ´echanges n’est pas r´ealiste dans le contexte de l’effort cli- matique international. En effet, en cas de fort ´ecart entre prix autarcique et prix mondial, l’Europe peut effectuer la majeure partie de ses objectifs de r´eduction par le biais de la flexibilit´e externe au d´etriment de l’effort d’abattement interne. Il convient donc de plafonner le montant des achats de permis dans les r´eductions totales, ce qui revient `a garantir un minimum de r´eductions effectu´ees domestiquement.

Le principe de cette restriction (supplementarity) se trouve pos´e dans le Protocole

de Kyoto28. Le Protocole souligne le caract`ere compl´ementaire pour les pays de l’Annexe B du recours aux m´ecanismes de flexibilit´e par rapport `a leur abattement domestique, sans fournir d’indication quantitative pr´ecise. Le Conseil europ´een des ministres de l’en- vironnement de mai 1999 [46] a tent´e de fournir un contenu concret `a cette notion de compl´ementarit´e (concrete ceilings) en avan¸cant que les r´eductions par le biais des ins- truments de Kyoto ne doivent pas exc´eder 50% des r´eductions totales29.

L’effet d’une restriction est montr´e sur la figure 4.22. L’Europe se voit imposer une propor- tion maximale pour l’achat des permis (ID). Sur sa courbe de CmR, elle passe du point C au point H. Son prix domestique passe de OB `a OG et diff`ere ainsi du prix mondial (OA). Le gain en termes de coˆut totaux est moindre que dans une situation sans restriction (aire HCDI).

Figure 4.23 – Gain `a l’´echange selon la forme de la courbe

28. dont les articles 6.1(d) (pour le JI), 12.3(b) (pour le CDM) et 17 (pour l’IET).

29. Plus pr´ecis´ement, le Conseil propose que les parties choisissent l’une des deux r`egles suivantes, selon son avantage :

- Limite du montant des achats des 3 m´ecanismes de kyoto (TEP, CDM & JI) `a 5% de la moyenne entre les ´emissions de 1990 et les ´emissions contraintes par l’objectif de Kyoto.

- Limite du montant des achats `a 50% de la diff´erence entre les ´emission maximales sur la p´eriode 1994- 2002 et les ´emissions correspondant `a l’objectif de Kyoto.

Dans l’hypoth`ese o`u le pays parvient `a effectuer des r´eductions domestiques sup´erieures `a la limite, une clause d’exceptionnalit´e (however clause) l’autorise `a accroitre ses acquisitions de permis jusqu’`a 50% des r´eductions requises (ces derni`eres correspondant `a l’´ecart entre les ´emissions baseline et l’objectif).

Le gain `a l’´echange : pratique La forme des CmR

La flexibilit´e externe peut apporter des b´en´efices substantiels pour l’UE en diminuant, dans des proportions importantes, son prix du carbone domestique ainsi que ses coˆuts totaux d’abattement. Les gains absolus sont d’autant plus grands que la courbe de CmR est pentue.

Sur la figure 4.23, on suppose deux courbes de CmR possibles : CmR1 (pentue) et CmR2 (plus plate). On suppose que les r´eductions op´erables par flexibilit´e externe sont pla- fonn´ees. Pour la premi`ere courbe, la prise de permis jusqu’`a la limite permet de faire passer la valeur domestique du carbone de p1 `a p1’, et pour la seconde courbe de p2 `a p2’. La courbe CmR1 ´etant plus pentue, la chute du prix du carbone grˆace `a l’´echange est plus large en termes absolus. En outre, du fait de la forte courbure de CmR1, il suffit d’un faible montant de permis achet´e (Q) pour faire baisser le prix domestique du CO2

de mani`ere substantielle, en l’occurrence de p1 `a p1”. Dans OCTET

La table 4.12 affiche une projection de prix international du carbone `a l’horizon 2050 par deux mod`eles : GEMINI-E3 (top-down) et POLES (bottom-up) [24]. Cette projec- tion correspond `a une action mondiale volontariste, associant r´egions industrialis´ees et pays en d´eveloppement en vue de stabiliser le climat `a 450 ppmv CO2-´eq.. Le march´e du

carbone est mondial avec un prix unique du CO230. Les pr´evisions de valeur mondiale sont

proches `a l’horizon 2030 mais s’´ecartent ensuite d’un facteur 2 : POLES pr´evoit une valeur de 225e/tCO2-´eq. en 2040 puis 682e en 2050 tandis que GEMINI-E3 anticipe un prix de

122e et 339e respectivement. Le profil de prix plus exponentiel dans POLES tient au fait que ce mod`ele n’introduit pas de technologie backstop dans les syst`emes ´energ´etiques [13].

E/tCO2e Valeurs autarciques en Europe

annee POLES GEMINI OCTET TD

2020 16 13 19‐27

2030 57 42 43‐108

2040 225 122 64‐193

2050 682 339 123‐1042

Prix mondial du permis

Table 4.12 – Prix mondial du CO2 sous une stabilisation `a 450 ppmv CO2-´eq.

et prix autarcique en Europe

Les valeurs carbone OCTET pour l’Europe peuvent ˆetre compar´ees aux projections de prix mondial afin d’en d´eduire les gains potentiels `a l’´echange. Un tel exercice pr´esente n´eanmoins d’importantes limites31 et revˆet un caract`ere essentiellement illustratif.

Dans OCTET BU, les courbes de CmR s’accroissent rapidement, ce qui peut donner des valeurs autarciques du CO2 on´ereuses en Europe. Dans cette vision technologique, o`u

les marges d’abattement dans l’UE sont serr´ees, l’usage de la flexibilit´e externe semble b´en´efique pour accomplir une trajectoire ´elev´ee d’abattement (objectif ambitieux de -80% de GES en 2050) de mani`ere soutenable. L’introduction des ´echanges serait fortement avantageuse ´etant donn´e la distance avec le prix mondial calcul´e par POLES.

30. Il est de fait suppos´e que les m´ecanismes de Kyoto bas´es sur les projets (Action Conjointe et M´ecanismes de D´eveloppement Propre) s’op`erent au prix sur le march´e international du carbone.

31. Le mod`ele OCTET est bas´e sur une m´ethodologie tr`es diff´erente des mod`eles POLES et GEMINI- E3, de sorte que les outputs de prix sont difficilement comparables. De plus, il est suppos´e que la prise de permis par l’Europe est sans effet r´etroactif sur le march´e international du carbone.

Dans OCTET TD, le recours aux ´echanges paraˆıt ´egalement opportun. En 2020 et 2030, l’Europe importerait des permis dans tous les cas de figure. En 2040 et 2050, l’achat de permis serait particuli`erement int´eressant en cas d’insuffisance des potentiels d’abatte- ment au sein de l’UE (fonction puissance, qui conduit a des prix autarciques sup´erieurs `a 500e/tCO2-´eq. en 2050).

Si la dynamique technologique s’av`ere insuffisante en Europe, conduisant `a des valeurs eu- rop´eennes du CO2 sensiblement plus fortes, alors profiter des opportunit´es d’abattement

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a bas coˆut dans les pays en d´eveloppement sera primordial pour soutenir des contraintes de r´eduction ´elev´ees. Cependant, un tel recours poss`ede un effet en retour n´egatif : en restreignant les r´eductions domestiques, il affaiblit le progr`es technique induit (Recherche- D´eveloppement et effets d’exp´erience) car ce dernier est tir´e par l’effort interne. A long terme, ce ph´enom`ene est susceptible de rehausser le coˆut des options d’abattement en Europe. Le principe de restriction aux ´echanges de permis proc`ede en partie du souci de ne pas handicaper l’innovation int´erieure [22]. Finalement, dans l’´evaluation des b´en´efices de l’ouverture pour l’Europe, il faut mettre en balance la r´eduction des coˆuts grˆace `a la prise de permis et la hausse des coˆuts du fait de la restriction du progr`es technique domestique.

Conclusion

Ce chapitre constituait l’aboutissement de la th`ese. La grille de r´esultats du mod`ele OCTET a permis une exploration panoramique d’un effort carbone en Europe `a l’horizon 2050. Des profils d’abattement, de valeur carbone et de coˆut total ont ´et´e produits selon des hypoth`eses vari´ees. Cette matrice de chiffre pr´esente une densit´e d’information. Elle a permis de tirer de multiples implications et enseignements sur la mise en oeuvre d’une contrainte carbone ambitieuse en Europe.

Si l’on ne devait retenir qu’un seul r´esultat de la th`ese, ce dernier serait les r´eductions de GES optimales en Europe pour 450 ppmv CO2-´eq., selon deux sc´enarios polaires sur la

n´egociation internationale :

– Dans un cadre mondial coop´eratif (signature rapide d’un accord ´elargi), l’Europe r´ealise des r´eductions cost-effective pour atteindre l’objectif de -80% en 2050 : abat- tement dans une fourchette de 34-39% en 2020, 55-62% en 2030 et 67-75% en 2040. – A d´efaut, dans un cadre non-coop´eratif (incertitude persistante sur les engage- ments), l’Europe r´ealise un abattement de couverture, niveau minimal permettant d’atteindre l’objectif de -80% : 31% en 2020, 47% en 2030 et 64% en 2050.

Il s’agit du r´esultat quantitatif le plus affirm´e et le plus original `a la fois. Certaines ´

etudes ont pu r´ecemment proposer des chiffres ou des trajectoires CO2 pour atteindre une

contrainte de -80-90% en Europe `a l’horizon 2050. Mais `a l’heure de finition de cette th`ese, il n’existait `a notre connaissance qu’une seule publication32 proposant des pourcentages

d’abattement cost-effective en Europe pour tous les points de passage de la projection (2020, 2030 et 2040).

32. Commission Europ´eenne, A Roadmap for Moving to a Competitive Low Carbon Economy in 2050, Communication de la Commission, 8 mars 2011 [40]

Si l’on devait retenir deux d´eterminants des r´esultats OCTET, il s’agirait du taux maxi- mal de r´eduction (pour les trajectoires d’´emission) et du coefficient β (pour les coˆuts d’abattement et prix du CO2). Mais que dire de l’incertitude, ´el´ement omnipr´esent en

bruit de fond de cette th`ese. L’incertitude repr´esente un param`etre incoutournable dans la mod´elisation OCTET. Les r´esultats OCTET sont pris dans des incertitudes de toutes parts :

– incertitude prospective, in´evitable, propre `a toute exploration du futur, mais s’ac- croissant lorsque l’horizon de projection est recul´e

– incertitude mod´elisatrice, sur la forme des courbes de coˆut, sur le progr`es technique, sur le taux maximal de r´eduction r´ealisable

– incertitude conceptuelle, sur les d´eterminants de l’effort carbone en Europe, sur le champ des ´emissions possibles

– incertitude contextuelle, sur la discussion internationale, les accords climatiques et le partage de l’effort entre les Parties

On peut y ajouter les incertitudes paradigmatiques, plus profondes, qui touchent le cadre d’analyse mˆeme de la politique ´energ´etique et environnementale en Europe : d´emat´eriali- sation de l’activit´e (nouvelles technologies), tendances du capitalisme (r´ecessions), donn´ees sociales, ´evolutions politiques et mutations internationales (gouvernance). L’horizon re- tenu dans la projection des trajectoires carbone est ´eloign´e (2050) et va au-del`a des limites de visibilit´e politique, ´economique et technologique en Europe.

La prospective concernant la valeur carbone est particuli`erement d´elicate. Il demeure difficile de mod´eliser le niveau de prix sous des contraintes carbone s´ev`eres : le prix du CO2 pr´esente une forte volatilit´e selon les hypoth`eses. Il existe une incertitude industrielle

`

a long terme. Il y a un doute sur l’impl´ementation d’un effort carbone profond dans les tissus socio-´economiques europ´eens. On peut seulement esquisser deux sc´enarios polaires : – Les options technologiques pr´evues se diffusent suffisamment et promptement ; le comportement des acteurs suit. L’Europe r´eussit sa mutation ´energ´etique et sa tran- sition vers une soci´et´e low-carbon. Un prix de 100-200e/tCO2-´eq. est envisageable

`

a l’horizon 2050.

– La dynamique technique est plus lente, poussive, avec un temps de retard sur la contrainte ´ecologique. Les pesanteurs h´erit´ees du pass´e perdurent ; l’Europe ´eprouve quelques difficult´es `a se d´efaire des sources fossiles. Il en r´esulte une valeur carbone de plusieurs centaines d’e en 2050.

Les coˆuts d’abattement et prix du CO2 ont ´et´e g´en´er´es dans l’approche top-down. L’ap-

proche bottom-up ne permet pas de mod´eliser un v´eritable profil de valeur carbone `a l’horizon 2050 en raison de l’explosivit´e des CmR (Cf. annexe L). En revanche, la minimi- sation temporelle sous GAMS des coˆuts bottom-up pour d´eterminer les profils d’´emission efficaces en Europe reste une op´eration valide. Elle a permis d’obtenir un cr´eneau plus large pour les r´eductions optimales (premier ordre).

Conclusion g´en´erale

Dans cette th`ese, la mod´elisation s’est efforc´ee de combler une insuffisance de la pros- pective sur un plan tri-dimensionnel : dimension spatiale, dimension temporelle et dimen- sion ´ecologique.

– Insuffisance spatiale : les projections de profils CO2 (´emissions, prix) sont men´ees le

plus souvent au niveau mondial, les prospectives `a l’´echelon r´egional europ´een ´etant moins d´evelopp´ees.

– Insuffisance temporelle : les prospectives en Europe sont souvent limit´ees `a 2020 ou 2030, les projections `a 2050 ´etant moins fr´equentes.

– Insuffisance ´ecologique : les simulations ´etaient le plus souvent ax´ees sur des stabili- sations des concentrations `a 550 ou 650 ppmnv CO2-´eq., les sc´enarios basse concen-

tration (450 ppmnv CO2-´eq.) ´etant encore peu explor´es.

Cette th`ese procure ainsi un plus haut degr´e de r´esolution pour appr´ecier un effort carbone ambitieux dans l’UE. Pour explorer une soci´et´e europ´eenne facteur 5, les gros concepts de la recherche ´energie/environnement ont ´et´e mobilis´es : courbes de coˆut marginal de r´eduction, progr`es technique endog`ene, optimisation intertemporelle sous contraintes, cor- ridor d’´emissions admissibles et strat´egies de couverture en incertitude internationale. La part d’approximation a ´et´e compress´ee au maximum, ce tant concernant la mod´elisa- tion OCTET, calqu´ee sur des m´ethodes existantes, qu’au niveau des donn´ees entrantes (taux), provenant d’estimations existantes. Il y avait toutefois un d´eficit d’estimations disponibles pour certains param`etres du mod`ele OCTET (taux de progr`es et taux de r´eduction maximal).

Une autre pierre d’achoppement a resid´e la mod´elisation des courbes de CmR sur la projection `a partir du contexte technologique. Il s’agit d’un probl`eme courant dans la recherche ´energie/environnement : l’impact du progr`es technique sur les courbes de CmR n’est pas connu avec pr´ecision, rendant incertaines lespositions et pentes des courbes

de coˆut dans les prochaines d´ecennies ([27], p. 61) [110]. Cela pose un probl`eme de taille car de la forme des courbes d´ependent les estimations de prix du CO2 sur la projection.

Dans OCTET, la prise en compte de l’incertitude s’est faite en diff´erenciant les hypoth`eses (taux de progr`es, potentiels disponibles), ce qui a permis de produire un cr´eneau large d’efficience `a l’horizon 2050 pour la politique carbone europ´eenne.

Deux griefs cernent cette th`ese. On pourrait reprocher `a OCTET sa d´emarche agr´eg´ee, raisonnant surtout sur des variables macro-´energ´etiques (´emissions, valeur carbone). On pourrait reprocher au mod`ele son degr´e de g´en´eralit´e ´economique, sa latitude m´etho- dologique dans le traitement de l’effort carbone, son manque de pr´ecision technologique ou d’empirisme sectoriel. Aussi, les courbes bottom-up, vision technologique, semblent

moins adapt´ees au cadre mod´elisateur synth´etique d’OCTET que les courbes top-down, vision g´en´erale.

On peut ´egalement questionner la l´egitimit´e du raisonnement marginaliste bas´e sur des courbes de CmR en vue d’explorer de fortes contraintes carbone sur l’economie. En effet, le cadre d’analyse est tr`es convexe et tout effort carbone substantiel entraˆıne une modifi- cation du r´ef´erentiel ´economique.

La th`ese s’est plac´ee directement dans le d´ebat europ´een sur l’objectif de r´eduction ap- propri´e en 2020 et sur le rythme de l’effort. Elle a d´efini des strat´egies de r´eduction pour 2020 et `a plus long terme selon la situation internationale. Mais il convient de revenir un instant au coeur du processus mod´elisateur. La pierre angulaire de tous ces r´esultats est donn´ee par le taux maximal de r´eduction soutenable et le couloir d’´emission. Mais l’un comme l’autre contiennent une controverse :

– Le taux maximal de r´eduction retenu (5%/an) peut paraˆıtre restrictif pour mod´eliser les trajectoires CO2 europ´eennes. A l’horizon 2050, il n’est pas exclu que l’Eu-

rope r´ealise des taux sup´erieurs (6 ou 7%) en cas de r´ecession grave ou `a la faveur d’une avanc´ee technologique majeure (technologie backstop). Mais il faut distinguer entre le taux de r´eduction soutenable dans un contexte ´economique normal et le taux de r´eduction pouvant ˆetre atteint dans des circonstances exceptionnelles. La mod´elisation est effectu´ee selon le premier taux.

Entre 2008 et 2009, avec la crise financi`ere, l’UE a certes enregistr´e une r´eduction de 7% de ses rejets de GES, mais au prix d’une r´ecession en volume de 4%. Dans un sch´ema ´economique r´egulier, on ne peut retenir un taux maximal de r´eduction tr`es sup´erieur au taux moyen de remplacement du capital ´emetteur de carbone (4- 5%/an). Cette inertie des ´equipements ´energ´etiques repr´esente un principe de r´ealit´e