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Une incertitude croissante `a l’horizon 2050

Dans OCTET, les trajectoires europ´eennes optimales sont g´en´er´ees en doublant les hypoth`eses sur la convexit´e des courbes de CmR, le progr`es technique et le taux d’actua- lisation. Cette diff´erentiation par des hypoth`eses distantes permet de g´en´erer un espace de valeur carbone et de CTR prenant en compte l’incertitude `a l’horizon 2050.

Figure 4.17 – Prix du carbone et coˆuts d’abattement des trajectoires optimales facteur 5 dans l’approche TD OCTET

La figure 4.17 montre les valeurs carbone et coˆuts totaux optimaux en Europe dans l’approche TD d’OCTET. Les fourchettes possibles tendent `a s’´elargir sur l’intervalle de projection. L’incertitude devient particuli`erement forte sur 2040-2050, avec une forte d´ependance aux conditions techniques : marges de r´eduction et tendance des courbes de CmR.

L’accroissement dans le temps de l’intervalle de prix s’observe g´en´eralement dans la mod´elisation environnementale. La figure 4.18 montre les profils de prix du CO2 `a 2100

simul´es par divers mod`eles pour un mˆeme objectif de stabilisation des concentrations (450 ppmv CO2 seul) [80]. L’´elargissement du spectre de prix sur la projection est du non seule-

ment aux diff´erences de techniques de calcul mais aussi `a la d´egradation de la visibilit´e technologique lorsque l’horizon s’´eloigne.

Un autre trait de la mod´elisation environnementale est que plus l’objectif ´ecologique est s´ev`ere et plus les estimations de prix divergent du fait de l’incertitude sur les coˆuts et mesures pour atteindre des r´eductions serr´ees ([88], p. 205). La figure 4.19 donne une synth`ese par le Quatri`eme Rapport d’Evaluation du GIEC (2007) des estimations de prix

des mod`eles selon le niveau de stabilisation du climat : la fourchette de valeur carbone s’´elargit pour des stabilisations basses (inf´erieures `a 550 ppmv CO2-´eq.).

Figure 4.18 – Valeurs mondiales du carbone pour une concentration de 450 ppmv CO2-seul

source : Edenhofer et al., 2006

Figure 4.19 – Synth`ese des prix internationaux du carbone en 2030 et 2050 en fonction de l’objectif de stabilisation

Source : GIEC, 2007

Le rˆole modeleur des hypoth`eses dans OCTET

Dans OCTET, l’impact des hypoth`eses techniques sur les valeurs est d´eterminant. La pente des courbes de CmR de d´epart (en 2010) est une donn´ee fondamentale en ce sens qu’elle d´etermine les marges d’abattement disponibles `a coˆut donn´e. Les coefficients de progr`es (α et β) viennent ensuite modeler la courbure des CmR en dynamique sur la projection (variation param´etrique de la courbe).

Les valeurs d´ependent fortement de la convexit´e des courbes de CmR. Cette convexit´e est li´ee `a la fa¸con dont les observations de CmR sont ajust´ees au d´epart (choix de la fonction) et `a la tendance que prend la fonction au-del`a de l’´etendue des donn´ees. Sur la projection, les valeurs sont directement g´en´er´ees par les taux de progr`es et en premier lieu par le facteur β dont l’influence singuli`ere. d´ej`a point´ee `a de multiples reprises, s’op`ere par un m´ecanisme qu’il n’est plus besoin de rappeler. Concernant α (coefficient de baisse

du coˆut), les ´ecarts de valeur sont marqu´es entre progr`es pessimiste (cas CS2 et Enl) et progr`es optimiste (cas CS3 et Enh).

Le taux d’actualisation poss`ede un impact d’une autre nature. Il ne joue pas sur les conditions technologiques de l’abattement (coˆuts et potentiels `a un instant donn´e). Son influence s’op`ere par le biais des quantit´es car il d´etermine le rythme optimal de l’effort d’abattement `a travers la projection. Un facteur d’actualisation plus ´elev´e, en biaisant la distribution temporelle des r´eductions vers le futur, se traduit par une plus forte mont´ee de la valeur carbone et des coˆuts d’abattement sur la projection.

Au-del`a de ces consid´erations g´en´erales, la mod´elisation OCTET soul`eve deux points particuliers : sous un angle mod´elisateur, la n´ecessit´e d’une technologie backstop et d’un point de vue r´eel, la contribution n´ecessaire des potentiels non-techniques.

Innovation `a long terme et contribution des potentiels non-techniques

Que ce soit en top-down ou en bottom-up, les r´esultats du mod`ele OCTET tendent `a montrer l’importance de l’innovation `a long terme afin de d´egager des marges suffisantes de r´eduction apr`es 2030 et maintenir ainsi des coˆuts d’abattement raisonnables sous la contrainte carbone. A l’horizon 2030, les r´eductions de GES devraient provenir essen- tiellement de l’efficacit´e ´energ´etique dans le bˆatiment et les transports. Sur une ´echelle mondiale, les courbes Mc Kinsey indiquent une faisabilit´e technique de la contrainte de 450 ppmv CO2-´eq., les potentiels sectoriels ´etant d´ej`a identifi´es `a l’horizon 2030 [146]

[83]. Au-del`a, les gisements d’´economies d’´energie s’´epuisent et les restructurations dans le secteur ´electrique (fuel switch) devraient prendre le relais pour maintenir le mouvement de d´ecarbonisation [12]. Sans changement technique acc´el´er´e, un approfondissement des r´eductions apr`es 2030 sera plus difficile en Europe. Il existe une incertitude concernant l’apport effectif de sources d’´energies `a fort potentiel (hydrog`ene et fusion nucl´eaire) dont le d´eploiement commercial est pr´evu pour cette p´eriode l`a. La diffusion `a long terme des v´ehicules ´electriques et de la Capture et S´equestration du Carbone est ´egalement incer- taine.

Dans la mod´elisation BU, les courbes de CmR repr´esentent `a la base les mesures techniques de r´eduction, c’est-`a-dire les projets d’abattement identifi´es dans les secteurs ´energ´etiques. Un effort carbone facteur 5 semble `a la port´ee de l’UE mais l’analyse BU a mis en exergue un manque de potentiels techniques. Il y a, selon les d´ecennies, un ´ecart plus ou moins marqu´e avec les r´eductions requises (de quelques points de pourcentage seulement `a une bonne dizaine de points), ce qui laisse planer un doute quant `a la capacit´e europ´eenne d’impl´ementer une trajectoire de -80% de GES. Dans ce plan d’analyse, il convient d’en- visager, en compl´ement des mesures techniques, les mesures non techniques. Celles-ci font partie int´egrante des politiques et strat´egies carbone. Avec l’insuffisance des potentiels techniques, des options non-techniques devront ˆetre mobilis´ees pour remplir un objectif facteur 5 en Europe.

Les mesures techniques r´eduisent le CO2 en s’attaquant directement `a la source des rejets

alors que les mesures non-techniques ont un effet indirect, o`u le CO2 est r´eduit en jouant

sur le niveau de l’activit´e en question [208]. Les mesures techniques consistent ainsi `a mettre en place dans les installations d’offre ou de demande d’´energie une technologie d´edi´ee sp´ecifiquement `a la d´epollution, ce qui permet de r´eduire le niveau d’´emission de l’activit´e (emission factor). Les mesures non-techniques ne se caract´erisent pas `a priori par l’introduction d’une nouvelle technologie. Elles viennent plutˆot modifier la structure ou la quantit´e de facteurs [208].

sures structurelles :

– Les mesures comportementales touchent surtout les d´eterminants de la demande d’´energie finale [4] : changement dans les habitudes de consommation, restrictions de traffic19.

– Les mesures structurelles correspondent `a une am´elioration g´en´erale des intensit´es : intensit´e ´energ´etique du PIB, intensit´e carbonique de la consommation d’´energie. Il s’agit des mesures d’efficacit´e ´energ´etique ou de substitution de combustibles ´

energ´etiques (fuel switch) [4]. Mais la baisse des intensit´es est aussi favoris´ee par des tendances lourdes de l’´economie : d´esindustrialisation, d´emat´erialisation et nou- velle ´economie de services.

A la diff´erence des mesures techniques qui sont des actions de surface, les mesures non- techniques renvoient `a des mouvements plus profonds dans les syst`emes ´energ´etiques, les choix de consommation et la structure de l’activit´e ´economique20. Aussi, elles sont diffici- lement quantifiables en termes de coˆut et de potentiels. Les opportunit´es non-techniques sont peu inclues dans les ´evaluations de potentiels sectoriels, malgr´e leur importance [208]. Tout cela rend difficile la connaissance exacte du prix d’une contrainte carbone s´ev`ere en Europe. Sur l’ensemble de la projection, un abattement facteur 5 vient se placer au-del`a du champ technologique couvert par les mod´elisations, dans une zone avec incertitude sur la contribution possible des options. De mˆeme, les efforts carbone ambitieux se placent en dehors des simulations des courbes de CmR, lesquelles explorent rarement des r´eductions sup´erieures `a 50% du baseline.

Forme des courbes et technologie limite

Dans OCTET, un d´eterminant essentiel des valeurs21 eside dans la forme fonction-

nelle adopt´ee au d´epart pour les CmR. Cette forme correspond `a la mani`ere dont la courbe de CmR est prolong´ee pour refl´eter les potentiels d’abattement au-del`a de l’´etendue des donn´ees intiales. Dans l’approche TD, l’ajustement par une fonction puissance (P OW ) repose sur l’hypoth`ese d’une plus stricte finitude des possibilit´es de r´eduction au-del`a d’un abattement de 50% par rapport au baseline et se caract´erise par une pente beaucoup plus forte que l’ajustement inverse (IN V ). A l’horizon 2040, ces deux fonctions produisent des prix du CO2 soutenables (inf´erieurs `a 200e/tCO2-´eq.). Mais en 2050, P OW aboutit `a des

valeurs beaucoup moins concevables, soit 599-1042e environ, tandis que que INV reste sur un prix du GES dans une fourchette de 123-215e.

Avec la fonction P OW , `a forte courbure, il se produit ainsi un saut important du prix du carbone entre 2040 et 2050. Ces ann´ees ´eloign´ees connaissent un approfondissement de l’effort. Ce dernier passe au-del`a d’une r´eduction facteur 3 en Europe par rapport `a 1990 et devient `a la marge de plus en plus difficile. L’optimisation sous GAMS s’op`ere alors dans une zone tr`es pentue sur la courbe, l`a o`u les CmR entrent dans une phase d’exponentiali- sation. Le niveau du prix du carbone `a cette p´eriode l`a est donc incertain, tributaire de la possibilit´e de trouver des gisements suffisants d’abattement. A cet ´egard, la disponibilit´e 19. Comme exemples pr´ecis de mesures comportementales, on peut citer la diminution du chauffage, la r´eduction de la consommation de viande, la conduite de voitures plus petites, la conduite efficiente, l’utilisation des transports en commun, le transport par rail, la marche ou la bicyclette. . .

20. Cependant, toute tentative de classification des mesures demeure fragile. La fronti`ere entre les diff´erents types de mesures est perm´eable, certaines options pouvant relever de plusieurs cat´egories en mˆeme temps (cas de la substitution entre les fuels) [208].

d’une technologie-limite (backstop technology) est cruciale dans la mod´elisation des

courbes. En g´en´eral, la backstop est une technologie ´energ´etique avanc´ee, faiblement car- bon´ee, qui n’intervient dans les mod`eles qu’`a partir d’un certain niveau de prix atteint et permet alors d’effectuer des r´eductions massives. Dans OCTET, `a partir des ann´ees 2040, cette technologie limite s’incarne notamment dans la fusion nucl´eaire, source d’´energie tr`es efficace en termes de coˆut et de pollution, et dont la diffusion commerciale est anticip´ee pour cette p´eriode-l`a.

Figure 4.20 – Courbes de CmR dans l’UE

Source : Clapp et al., 2009

Note : Les valeurs carbone en ordonn´ees sont exprim´ees en $ 2005 /tCO2-´eq. ; les pourcentages d’abattement en abscissss sont exprim´es par rapport aux ´emissions baseline.

La figure 4.20 est d’une grande utilit´e car elle reprend les courbes de CmR de mod`eles top-down et bottom-up pour la r´egion europ´eenne aux points d´ecennaux (l’abattement est exprim´e par rapport aux ´emissions baseline et non par rapport `a 1990) [29]. Les esti- mations de coˆut d’abattement et de marges de r´eduction diff`erent sensiblement entre les mod`eles. Les divergences s’accroissent `a travers la projection22. Cependant, les courbes pr´esentent des tendances communes. L’ensemble des mod`eles laisse apparaˆıtre une forte convexit´e des CmR sur la dur´ee de projection. A un instant donn´e, la valeur carbone croˆıt tr`es rapidement avec l’effort mais les abattement ambitieux (`a partir de 50-60% du baseline) demeurent peu simul´es par les mod`eles. On retrouve une tendance g´en´erale dans la recherche ´energie/environnement `a savoir que la pente des CmR s’accroˆıt `a partir de 100e/tCO2-´eq. et qu’il y a une forte incertitude sur les options possibles au-del`a d’une

valeur de 200e/tCO2-´eq. [110].

Avec les am´eliorations techniques, l’ensemble des courbes subit un glissement horizontal vers la droite `a travers la projection : les courbes gagnent environ 10% d’abattement suppl´ementaire par d´ecennie par rapport au baseline. Les estimations convergent autour d’un potentiel de r´eduction de 20% en 2020, 30% en 2030 et 40% en 2040 le tout pour moins de 100e/tCO2-´eq.23. Jusqu’`a 150e, les mod`eles les plus optimistes calculent des

22. L’exercice de comparaison est alt´er´e par le fait que les tendances baseline retenues diff`erent en g´en´eral entre les mod`eles.

23. Les prix sur le graphique sont initialement en $ 2005. Ils sont convertis ene 2008 en appliquant un taux d’inflation am´ericain de 10% entre 2005 et 2008 (Consumer Price Index), puis un tauxe/$ de 0.68

potentiels d’abattement de 30% voire 40% en 2020, de 40% voire 50% en 2030 et de 50% voire 60% en 2040. En 2050, les courbes des mod`eles sont plus divergentes et on retrouve le large ´eventail d’incertitude apr`es 2040 mis en exergue dans OCTET. Dans l’ensemble, les courbes de la figure laissent apparaˆıtre une carence substantielle des potentiels d’abat- tement par rapport `a la contrainte facteur 5, carence qui s’´elargit sur la projection.