2.3 Propriétés fonctionnelles des céramiques de base BaTiO 3
3.2.1 Polarisation par champ croissant à température ambiante (Increasing
3.2.2 Polarisation par Field Cooling (FC) . . . . 86
3.2.3 Vieillissement du BT :Co,Li : évolution du champ interne en fonction
du temps . . . . 87
3.3 Vieillissement et dipôle électrique de défaut . . . 88
3.3.1 Dipôles électriques de défaut, théorie SRO (Short Range Order) . . 89
3.3.2 Céramique BT :Co,Li non polarisée . . . . 92
3.3.3 Céramique BT :Co,Li polarisée . . . . 95
3.4 Compensation de charge . . . 96
3.4.1 Cinétique de basculement des dipôles électriques de défaut . . . . . 96
3.4.2 Compensation de charge - Modulation du champ interne . . . . 98
3.5 Propriétés non linéaire : drift diélectrique . . . 102
3.5.1 Non linéarité et comportement de Rayleigh . . . 102
3.5.2 Comportement piézoélectrique « dur » du BaTiO
3dopé et co-dopé 103
3.5.3 BT :Co,Li : évolution en fonction de la concentration en lithium . . 105
3.5.4 BT :Co,Li,F : rôle du fluor . . . 105
3.5.5 Évolution par cyclage électrique . . . 106
3.6 Conclusion . . . 108
On a vu dans le chapitre précédent que le dopage par les ions Co
2+/3+induisait un
com-portement ferroélectrique inhabituel dans la plupart des compositions de titanate de baryum
dopé. Les cycles d’hystérésis de ces matériaux sont en effet déformés. L’objectif de ce chapitre
est d’étudier ce comportement particulier observé afin de déterminer l’impact qu’il peut avoir
sur les propriétés fonctionnelles des matériaux.
Les déformations du cycle d’hystérésis sont attribuées à la présence au sein du matériau d’un
champ électrique interne. Après quelques observations sur les conséquences de ce phénomène,
l’origine de ce champ interne sera présentée. Ce chapitre montrera ensuite différents moyens
permettant de faire varier sa valeur avant de présenter son impact sur certaines propriétés
fonctionnelles de la céramique.
3.1 Comportement doux et dur des céramiques
piézoélec-triques : champ interne
Les matériaux piézoélectriques sont classés en deux catégories en fonction de leurs
proprié-tés : les matériaux piézoélectriques « doux » et les matériaux piézoélectriques « durs ».
— Un matériau au comportement doux va posséder une forte constante diélectrique et
un fort d
33. Cependant, ses pertes diélectriques et mécaniques seront plus élevées et
le matériau aura une faible résilience vis-à-vis des champs AC ([XU91], [HAE99]).
— Au contraire, un matériau piézoélectrique dur va avoir une plus faible constante
di-électrique et un d
33moins important. De plus, ses pertes diélectriques et mécaniques
seront faibles et il aura une forte résilience vis-à-vis des champs AC [SHR07].
Cas du PZT
Cette différence de comportement est généralement dépendante du dopage utilisé dans
le matériau. Ce phénomène est bien connu dans le cas des PZT. En fonction de la nature
des dopants, le matériau acquiert l’un ou l’autre des comportements. Ainsi, le dopage d’une
céramique PZT avec un dopant accepteur comme l’ion Fe
3+qui substitue l’ion Ti
4+ou Zr
4+en site B de la pérovskite, conduit à une céramique dure. Durcir de cette façon le PZT
permet d’augmenter son facteur de qualité mécanique ainsi que son champ coercitif tout
en diminuant les pertes diélectriques. Au contraire, doper le PZT avec un dopant donneur
comme l’ion Nb
5+(aussi en substitution des sites B) mène à un matériau piézoélectrique
doux.
Dans le cas d’une application où le matériau est sollicité par de fortes contraintes mécaniques
ou électriques, un comportement dur sera privilégié. Cependant, ce type de comportement
conduit à des problèmes de vieillissement beaucoup plus importants que dans le cas de
ma-tériaux doux. À l’échelle macroscopique, ce vieillissement est caractérisé par un décalage du
cycle d’hystérésis suivant l’axe du champ électrique [GAO06].
La Figure 3-1 (a) & (b) présente les cycles d’hystérésis de céramiques PZT respectivement
au comportement doux et dur. Le PZT doux Figure 3-1(a) présente un cycle d’hystérésis
symétrique typique d’un matériau ferroélectrique classique. Au contraire, le PZT dur Figure
3-1(b) présente un cycle d’hystérésis déformé et décalé suivant l’axe du champ électrique. On
observe donc sur ce cycle d’hystérésis un effet du vieillissement du PZT dur.
Figure 3-1 – Cycle d’hystérésis ferroélectrique P-E pour (a) PZT-5H Navy type VI (doux),
(b) PZT-4 Navy type I (dur), (c) BaTiO
3et (d) BaTi
0,9925Co
0,0075O
3-𝛿, 1 mol% Li
2O
Cas du BaTiO
3Les Figures 3-1 (c) & (d) présentent respectivement les cycles d’hystérésis du BaTiO
3et
du (BTCo
0,75%, 1mol% Li
2O) synthétisés au Chapitre 2. Une analogie peut être faite avec
les cycles des PZT doux et dur. Le BaTiO
3présente un cycle typique ferroélectrique similaire
à celui du PZT doux mais avec un champ coercitif inférieur. Le (BTCo
0,75%, 1mol% Li
2O),
dopé avec un ion accepteur, a un comportement qui se rapproche de celui du PZT dur. Son
cycle d’hystérésis est déformé et décalé suivant l’axe du champ électrique.
On définit alors le champ interne E
intcomme correspondant au décalage du cycle
d’hysté-résis par rapport à l’axe du champ électrique [GEN15]. Il correspond donc à la flèche rouge
présentée sur la Figure 3-1(d). Sa valeur est alors donnée par la relation suivante :
𝐸
𝑖𝑛𝑡=−𝐸
−
𝐶
+𝐸
𝐶+2 (3.1)
𝐸
𝐶−correspond à la valeur du champ électrique quand la polarisation du matériau s’annule
(passage d’une polarisation positive à une polarisation négative). 𝐸
𝐶+correspond à la
va-leur du champ électrique quand la polarisation du matériau s’annule lorsqu’il repasse à une
polarisation positive.
3.2 Processus de polarisation et vieillissement du BT:Co,Li
Afin d’étudier le champ interne présent dans les céramiques de BaTiO
3dopé, les deux
processus de polarisation IF et FC présentés dans le Chapitre 2 sont utilisés. Pour cette
étude sur les processus de polarisation, une seule composition est utilisée : le (BTCo
0,75%,
1mol% Li
2CO
3) et elle sera notée BT:Co,Li.
3.2.1 Polarisation par champ croissant à température ambiante
(In-creasing Field IF)
À cause de la présence du champ interne, la polarisation des céramiques est plus difficile et
est très dépendante du processus de polarisation utilisé. De plus, de façon étonnante, dans le
cas de l’IF, l’historique thermique des échantillons influe sur la polarisation des matériaux.
Afin d’illustrer ce phénomène, avant de polariser par IF le BT:Co,Li, les échantillons sont
soumis à un recuit à 150 °C (au-dessus de T
C) pendant 30 min puis :
— soit à une trempe à température ambiante en sortant l’échantillon directement de
l’étuve,
— soit à un refroidissement classique (lent) en laissant l’échantillon refroidir jusqu’à
tem-pérature ambiante dans l’étuve fermée et arrêtée.
La polarisation est ensuite réalisée à température ambiante en augmentant progressivement
le champ électrique jusqu’à la valeur visée puis en le maintenant pendant 15 min avant de le
redescendre progressivement à zéro. Le coefficient de couplage du mode planaire est ensuite
mesuré et servira d’indicateur pour déterminer si l’échantillon est totalement polarisé ou non.
On considère l’échantillon comme totalement polarisé lorsque son k
patteint une valeur de
0,40 (valeur maximale obtenue juste après polarisation pour la composition BT:Co,Li).
La Figure 3-2 présente les résultats de cette expérience. Elle montre l’évolution du k
pdes échantillons en fonction du champ électrique utilisé pour la polarisation et suivant les
deux traitements thermiques différents. On peut ainsi observer que les échantillons qui ont
été trempés sont plus facilement polarisables que ceux non trempés. Alors que les premiers
nécessitent seulement 1000 V/mm pendant 15 min pour atteindre un k
pd’environ 0,40 et être
complètement polarisés, les seconds nécessitent 1600 V/mm pour atteindre la même valeur
de k
p. De plus, à 1000 V/mm, une grande différence de performance existe entre les deux
types d’échantillons : une différence d’environ 0,20 sur la valeur du k
psoit 50% de différence
causée uniquement par l’historique thermique des échantillons.
Figure 3-2 – Coefficient de couplage électromécanique k
pen fonction du champ électrique
appliqué pendant la polarisation des échantillons BT:Co,Li. Les lettres a), b), c) et d)
cor-respondent aux échantillons dont le cycle d’hystérésis est représenté
Les courbes (a), (b), (c) & (d) inclues dans la Figure 3-2 présentent les cycles d’hystérésis
des échantillons annotés par les mêmes lettres sur la courbe principale de cette figure. Dans
cette étude, on ne peut pas vraiment prendre la valeur de |𝐸
𝐶+| ou |𝐸
𝐶−| comme valeur du
champ coercitif car le champ interne provoque un décalage des cycles d’hystérésis. On définit
alors la quantité 2𝐸
𝐶qui représente la largeur du cycle à polarisation nulle tel que :
2𝐸
𝐶=𝐸
𝐶+−𝐸
𝐶−(3.2)
Les inserts (a) & (c) de la Figure 3-2 présentent les cycles d’hystérésis d’échantillons
respecti-vement trempés et non trempés dans un état quasiment non polarisé (k
p< 0,08). On observe
qu’aucun champ interne n’est présent dans ces échantillons. Cependant, une différence de
champ coercitif apparaît entre les deux échantillons : celui qui est trempé (2E
C= 690 V/mm)
a un champ coercitif plus élevé que celui non trempé (2E
C= 275 V/mm). Cette différence
de champ coercitif persiste mais est moins importante lorsque le processus de polarisation
s’effectue à une valeur de champ suffisamment élevée pour polariser complètement les
maté-riaux (k
p> 0,40). Ainsi, la largeur du cycle de l’échantillon trempé et polarisé à 2000 V/mm
(2E
C= 830 V/mm) est supérieure à celle de l’échantillon non trempé et polarisé à 1800 V/mm
(2E
C= 710 V/mm), respectivement représenté dans les inserts (b) & (d). De plus, pour ces
deux échantillons, la présence d’un champ interne est observée : E
int= 135 V/mm pour celui
qui est trempé, et E
int= 90 V/mm pour celui non trempé.
3.2.2 Polarisation par Field Cooling (FC)
La deuxième méthode de polarisation utilisée est le Field Cooling (FC). La température
de l’échantillon est montée à 150 °C et un champ de 600 V/mm est appliqué pendant le
refroidissement de l’échantillon jusqu’à environ 40 °C.
Figure 3-3 – Cycles d’hystérésis d’un échantillon de BT:Co,Li
La Figure 3-3 présente un cycle d’hystérésis acquis après polarisation par FC d’un BT:Co,Li.
Le cycle en rouge présente un important décalage indiquant la présence d’un fort champ
interne au sein de l’échantillon. Cependant le cycle a été obtenu juste après le procédé de
polarisation. L’échantillon serait donc déjà dans un état de vieillissement avancé. Ainsi, on
observe un comportement différent entre un matériau polarisé par FC et un matériau polarisé
par IF à température ambiante. De plus, on observe sur cette figure que le cycle d’hystérésis
change si le sens de polarisation de l’échantillon est inversé par rapport au sens du champ
électrique appliqué. De façon pratique, il suffit de retourner l’échantillon dans le système de
mesure. On observe alors un cycle d’hystérésis inversé (courbe verte) qui est décalé vers les
valeurs positives de champ électrique. Entre les deux cycles rouge et vert, le champ interne est
identique en valeur absolue mais son sens est opposé entre les deux. Ainsi, le champ interne
présente une direction bien précise qui est indépendante du sens de la polarisation du matériau
piézoélectrique. Lors du basculement des domaines ferroélectriques durant l’acquisition des
cycles d’hystérésis, l’orientation du champ interne restera donc la même.
3.2.3 Vieillissement du BT:Co,Li : évolution du champ interne en
fonction du temps
On vient donc de voir qu’en plus de la diminution des propriétés piézoélectriques présentée
dans le chapitre précédent, le vieillissement d’une céramique piézoélectrique implique aussi
la création d’un champ interne au sein du matériau. De plus, après polarisation, le matériau
n’est pas dans un état stable et son champ interne va augmenter au cours du temps. Cette
augmentation est montrée Figure 3-4. Cette figure présente l’évolution du cycle d’hystérésis
de BT:Co,Li au cours du temps. De plus, les deux processus de polarisation sont présentés :
on a Figure 3-4(a) l’évolution du cycle d’hystérésis après IF et Figure 3-4(b) l’évolution
après FC.
Figure 3-4 – Évolution du cycle d’hystérésis en fonction du temps de BT:Co,Li polarisé (a)
par IF à température ambiante à 2 kV/mm et (b) par FC à 600 V/mm de 150 à 40 °C
La Figure 3-4(a) présente à t
0un cycle d’hystérésis mesuré juste après une polarisation par
IF après une trempe de l’échantillon. Après polarisation, les propriétés électromécaniques du
BT:Co,Li sont identiques à celles du même matériau polarisé par Field Cooling avec k
p≈0,40.
On observe cependant, comme présenté dans la partie 3.2.1, que le cycle d’hystérésis est
légèrement décalé à t
0, ce qui révèle la présence d’un champ interne. On laisse ensuite vieillir
le matériau à température ambiante et son cycle d’hystérésis est mesuré. On observe ainsi à
t
1, seulement 3 h après polarisation, que le champ interne a déjà évolué. Il va ensuite continuer
à augmenter : de t
0à t
3= 43 jours, on observe un décalage de plus en plus important du
cycle : le champ interne augmente de 135 à 730 V/mm en 43 jours (résultats résumés dans
le Tableau 3.1).
E
int(V/mm)
à t
02E
C(V/mm) Nombre de jours pour
avoir 𝐸
𝑖𝑛𝑡=𝐸
𝑖𝑛𝑡 𝑚𝑎𝑥𝐸
𝑖𝑛𝑡 𝑚𝑎𝑥(V/mm)
IF at RT,
trempé 135 830 43 jours 730
FC de 150 à
40 °C 415 830 22 jours 745
Tableau 3.1 – Champ interne et valeur 2E
Cdu BT:Co,Li mesurés juste après
polarisa-tion. Nombre de jours pour atteindre un état stable et champ interne maximum lorsque les
matériaux ont complètement vieilli et sont stables
Concernant la polarisation par FC, la Figure 3-4(b) nous présente à t
0un matériau qui
possède déjà un fort champ interne. Comme il a été vu précédemment, tout se passe comme
si le matériau juste après polarisation était déjà dans un état avancé de vieillissement. De
plus, au cours du temps, le cycle d’hystérésis va continuer d’évoluer. Le matériau n’est pas
encore à t
0dans un état stable et va continuer à vieillir : son champ interne augmente ainsi de
490 V/mm (t
0) à 745 V/mm (t
3& t
4). En comparaison avec l’autre méthode de polarisation,
il faudra environ 40 jours pour un matériau polarisé par IF pour retrouver un comportement
similaire à celui d’un matériau polarisé par FC à environ 20 jours. Ainsi, l’avantage que
présente le procédé par FC est que le matériau ainsi obtenu atteindra plus rapidement un
état stable. En effet, à partir de 22 jours, le champ interne arrête d’augmenter.
Dans le document
Céramiques piézoélectriques : le titanate de baryum dopé pour transducteurs acoustiques
(Page 82-89)