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Pérovskite sans plomb à plus haute température de Curie : le KNN . 36

1.5 Céramiques piézoélectriques sans plomb : état de l’art

1.5.2 Pérovskite sans plomb à plus haute température de Curie : le KNN . 36

L’étude de la pyroélectricité, phénomène connu depuis le 18

ème

siècle dans certains

mono-cristaux, permit aux frères Pierre et Jacques Curie de découvrir en 1880 la piézoélectricité. En

effet, l’étude de cristaux tels que la tourmaline ou le sel de Rochelle leur a permis de mettre en

évidence l’effet direct de la piézoélectricité. Sous l’effet d’une contrainte mécanique, une

po-larisation électrique apparaissait dans de tels matériaux ! Le couplage réciproque de l’énergie

mécanique et électrique au sein d’un matériau piézoélectrique fut observé expérimentalement

peu de temps après.

Il faudra attendre la Première guerre mondiale pour voir apparaître les premières applications

pratiques de cette propriété. En utilisant des cristaux de quartz, Paul Langevin élabore le

premier transducteur ultrasonore pour la détection sous-marine à base de matériaux

piézo-électriques : le SONAR (SOund Navigation And Ranging).

Toutefois, ce n’est qu’à la fin de la seconde guerre mondiale qu’apparaît une brusque avancée

dans le domaine de la piézoélectricité avec la découverte du titanate de baryum (BaTiO

3

).

Avec ce composé apparaît une nouvelle classe de matériaux : les céramiques ferroélectriques

de structure pérovskite. Ce type de matériau possède une constante piézoélectrique très

supérieure aux monocristaux connus à l’époque et a l’avantage d’être facilement

synthéti-sable. La découverte seulement quelques années plus tard des pérovskites à base de plomb

Pb(Zr

1-x

Ti

x

)O

3

(PZT) dont les propriétés supplantent largement celles du BaTiO

3

vont

conduire à remplacer les cristaux dans les dispositifs de transduction ultrasonore par ces

céramiques ferroélectriques.

Après l’essor des céramiques piézoélectriques, des mono-cristaux de même composition ont

commencé à être développés. Ces monocristaux piézoélectriques, coupés dans des plans

cris-tallographiques particuliers, ont permis l’obtention de propriétés bien supérieures à celles des

céramiques. Ils sont aujourd’hui utilisés pour certaines applications de transduction

ultraso-nore.

1.1 Lois fondamentales de la piézoélectricité

La piézoélectricité est un phénomène qui résulte du couplage entre les propriétés

méca-niques et électriques d’un matériau. C’est la propriété que possèdent certains corps à se

polariser électriquement sous l’action d’une force mécanique. Un matériau est dit

piézoélec-trique s’il apparaît des charges élecpiézoélec-triques de surface Q

S

(C/m

2

) lorsqu’on le soumet à une

contrainte T (N/m

2

). C’est l’effet direct de la piézoélectricité. Elle se traduit par une relation

de proportionnalité entre la contrainte appliquée et la polarisation électrique qui apparait en

réponse à cette contrainte :

Avec :

— 𝑃

𝑖

(C/m

2

) vecteur de la polarisation électrique

— 𝑑

𝑖𝑗𝑘

(C/N) tenseur des constantes piézoélectriques d’ordre 3

— 𝑇

𝑗𝑘

(N/m

2

) tenseur des contraintes mécaniques d’ordre 2

Le phénomène inverse existe aussi, c’est l’effet inverse de la piézoélectricité. C’est donc la

propriété que possèdent certains corps de se déformer sous l’effet d’un champ électrique.

Cette propriété relie proportionnellement la déformation du matériau au champ électrique

appliqué :

𝑆

𝑖𝑗

=𝑑

𝑖𝑗𝑘

𝐸

𝑘

(1.2)

Avec :

— 𝑆

𝑖𝑗

tenseur des déformations d’ordre 2

— 𝐸

𝑘

(V/m) vecteur du champ électrique

1.1.1 Symétrie et piézoélectricité

Un matériau piézoélectrique est un matériau diélectrique. À l’échelle cristalline, la

piézo-électricité se manifeste par l’apparition d’une polarisation électrique. Lorsqu’une contrainte

mécanique est appliquée, l’effet direct de la piézoélectricité se traduit alors par l’apparition

de dipôles électriques grâce à la séparation des barycentres des charges négatives et positives

lors de la déformation de la structure cristalline (Figure 1-1).

Il existe en tout 32 classes cristallines dans le domaine des matériaux : 11 sont

centrosy-métriques et 21 non-centrosycentrosy-métriques. Elles sont classées selon le schéma présenté Figure

1-2. Tout d’abord, les matériaux ayant une symétrie centrosymétrique ne peuvent être

pié-zoélectriques. Ensuite, mis à part le groupe de symétrie non-centrosymétrique 432, les 20

autres symétries non-centrosymétriques permettent des propriétés piézoélectriques. On

re-trouve ensuite parmi ces 20 classes cristallines 10 symétries polaires, qui ont la propriété

de posséder une polarisation électrique en l’absence de champ électrique externe appliqué.

Ce type de matériau est dit pyroélectrique et leur polarisation spontanée est dépendante

de la température. Enfin, parmi ces matériaux pyroélectriques, il existe des matériaux dont

la polarisation électrique peut changer d’orientation sous l’influence d’un champ électrique

externe : ces matériaux sont appelés ferroélectriques.

En suivant l’organisation des groupes de symétrie de la Figure 1-2, on peut remarquer

que tous les matériaux ferroélectriques possèdent des propriétés piézoélectriques mais la

ré-ciproque n’est pas vraie. Le quartz (groupe de symétrie 32), par exemple, est un matériau

piézoélectrique sans pour autant être ferroélectrique (il est non polaire). Le titanate de

ba-ryum (BaTiO

3

, groupe de symétrie 6mm), lui, est piézoélectrique et ferroélectrique. Enfin,

Figure 1-1 – Représentation schématique de la condition de non-centrosymétricité nécessaire

à l’apparition de la piézoélectricité

Figure 1-2 – Classification cristalline : un ensemble de propriétés

la tourmaline (groupe de symétrie 3m) est piézoélectrique et pyroélectrique mais ne possède

pas de propriétés ferroélectriques.

1.1.2 Propriétés diélectriques

Lorsqu’un matériau diélectrique homogène est placé dans un champ électrique𝐸

𝑗

, il n’y a

pas de création de courant électrique mais les ions chargés se déplacent légèrement de leur

position d’équilibre. Les charges positives se déplacent dans la direction et le sens du champ

et les charges négatives dans le sens opposé. Il y a création de moments dipolaires et donc

création d’une polarisation 𝑃, moyenne volumique des moments dipolaires. On a alors :

𝑃

𝑖

=𝜀

0

𝜒

𝑖𝑗

𝐸

𝑗

(1.3)

Avec :

— 𝜀

0

permittivité du vide

— 𝜒

𝑖𝑗

tenseur d’ordre 2 de susceptibilité diélectrique défini par :

𝜒

𝑖𝑗

=𝜀

𝑖𝑗,𝑟

−1 = 𝜀

𝑖𝑗

𝜀

0

−1 (1.4)

Avec :

— 𝜀

𝑖𝑗,𝑟

tenseur d’ordre 2 des permittivités diélectriques relatives (ou constante

diélec-trique) du matériau

— 𝜀

𝑖𝑗

tenseur d’ordre 2 des permittivités diélectriques du matériau

Dans le domaine électrique, en plus du champ 𝐸

𝑗

et de la polarisation 𝑃

𝑖

, le déplacement

électrique𝐷

𝑖

(C/m

2

) est utilisé comme autre variable. Cette variable est souvent plus pratique

à utiliser, elle est reliée à 𝐸

𝑗

suivant la relation :

𝐷

𝑖

=𝜀

𝑖𝑗

𝐸

𝑗

(1.5)

ce qui conduit à la relation entre polarisation et déplacement électrique :

𝐷

𝑖

=𝜀

0

𝐸

𝑗

+𝑃

𝑖

(1.6)

Pour finir, on définit la capacité 𝐶

𝑖𝑗

(F) du matériau par :

𝐶

𝑖𝑗

= 𝜀

𝑖𝑗

𝑆

𝑡 (1.7)

Avec :

— 𝑆 (m

2

) surface des électrodes du matériau

— 𝑡 (m) distance entre les deux électrodes du matériau

1.1.3 Propriétés élastiques

La piézoélectricité résultant du couplage entre les domaines élastique et électrique, les

va-riables mécaniques vont jouer un rôle important dans les lois qui la décrivent. Lorsqu’un

solide est soumis à des forces externes suffisamment importantes, les éléments qui le

com-posent (atomes, ions) vont se déplacer de leur position d’équilibre. Le solide se déforme alors

et des contraintes apparaissent qui tendent à ramener le solide dans un état au repos. Si,

lorsqu’on retire ces forces externes, le solide retrouve son état initial, il est dit élastique.

Si-non, il a alors subi des déformations plastiques. Les déformations peuvent donc être définies

comme un gradient de déplacement des éléments du matériau les uns par rapport aux autres.

Elles sont exprimées par la relation suivante :

𝑆

𝑘𝑙

= 1

2

(︁𝜕𝑢

𝑘

𝜕𝑥

𝑙

𝜕𝑢

𝑙

𝜕𝑥

𝑘

)︁

(1.8)

Avec :

— 𝑢

𝑘

et 𝑢

𝑙

les vecteurs de déplacement

Dans le cas d’un solide élastique non-piézoélectrique, Robert Hooke établit au 17

ème

siècle

une relation de proportionnalité entre contrainte et déformation :

𝑇

𝑘𝑙

=𝑐

𝑘𝑙𝑚𝑛

𝑆

𝑚𝑛

𝑎𝑣𝑒𝑐 1≤𝑘, 𝑙, 𝑚, 𝑛≤3 𝑒𝑡 𝑘, 𝑙, 𝑚, 𝑛 𝑒𝑛𝑡𝑖𝑒𝑟 (1.9)

Avec :

— 𝑐

𝑘𝑙𝑚𝑛

tenseur des constantes élastiques d’ordre 4

Le tenseur 𝑐

𝑘𝑙𝑚𝑛

possède alors 81 composantes mais pour des considérations de symétrie, on

peut démontrer qu’elles peuvent être réduites à 36 [ROY00a]. Les couples (kl) et (mn) ne

peuvent prendre alors que six valeurs indépendantes et peuvent être contractés de la façon

suivante (convention de Voigt) :

(11) = 1; (22) = 2; (33) = 3; (23) = (32) = 4; (13) = (31) = 5; (12) = (21) = 6

De plus, la constante élastique conserve la même valeur si les deux premiers ou les deux

derniers indices sont échangés tel que :

𝑐

𝑘𝑙𝑚𝑛

=𝑐

𝑙𝑘𝑚𝑛

𝑒𝑡 𝑐

𝑘𝑙𝑚𝑛

=𝑐

𝑘𝑙𝑛𝑚

(1.10)

La relation 1.9 devient alors :

𝑇

𝛼

=𝑐

𝛼𝛽

𝑆

𝛽

𝑎𝑣𝑒𝑐 1≤𝛼, 𝛽 ≤6 (1.11)

Où𝛼est lié à(𝑘𝑙)et𝛽 à(𝑚𝑛). Cette relation peut être inversée pour exprimer la déformation

en fonction de la contrainte :

𝑆

𝛼

=𝑠

𝛼𝛽

𝑇

𝛽

𝑎𝑣𝑒𝑐 1≤𝛼, 𝛽 ≤6 (1.12)

Où 𝑠

𝛼𝛽

correspond au tenseur des souplesses élastiques d’ordre 4 avec :

𝑠

𝛼𝛽

= (𝑐

𝛼𝛽

)

1

(1.13)

La notation avec les indices contractés (𝛼𝛽) est souvent utilisée car elle facilite la lecture.

Cependant, les composantes des tenseurs ne sont pas toujours égales aux composantes des

tenseurs avec indices contractés. Notamment concernant les tenseurs de déformation, de

souplesse élastique et des constantes piézoélectriques 𝑔 (introduits dans la section suivante)

et 𝑑 :

𝑠

𝛼𝛽

= 2

𝑝

𝑠

𝑘𝑙𝑚𝑛

𝑒𝑡 𝑆

𝛼

= 2

𝑝

𝑆

𝑘𝑙

𝑒𝑡 𝑔

𝑖𝛼

= 2

𝑝

𝑔

𝑖𝑘𝑙

𝑒𝑡 𝑑

𝑖𝛼

= 2

𝑝

𝑑

𝑖𝑘𝑙

Avec :

— 𝑝= 1 si 𝛼 >3 ou 𝛽 >3; 𝑝= 2 si 𝛼 >3 et 𝛽 >3; 𝑝= 0 dans les autres cas

1.1.4 Lois phénoménologiques de la piézoélectricité

La piézoélectricité consiste en un couplage entre les domaines élastique et électrique. Les

relations établies précédemment permettent d’établir des équations reliant ces grandeurs. Il

est alors possible d’obtenir, en partant de considérations thermodynamiques comme

l’éner-gie libre de Gibbs et en négligeant les phénomènes thermiques et magnétiques, deux

équa-tions constitutives de la piézoélectricité aux deux variables indépendantes𝐸

𝑖

et𝑇

𝛽

([IKE96],

[ROY00a]) :

𝑆

𝛼

=𝑠

𝐸𝛼𝛽

𝑇

𝛽

+𝑑

𝑖𝛼

𝐸

𝑖

(1.14)

𝐷

𝑖

=𝜀

𝑇𝑖𝑗

𝐸

𝑗

+𝑑

𝑖𝛼

𝑇

𝛼

(1.15)

Ces deux équations traduisent l’effet piézoélectrique. L’effet direct correspond à la

déforma-tion du matériau lors de l’applicadéforma-tion d’un champ électrique 𝐸

𝑖

et l’effet inverse correspond

à l’apparition d’une polarisation électrique lors de l’application d’une contrainte mécanique

𝑇

𝛽

.

De façon plus générale, en prenant en compte les phénomènes thermiques (thermoélasticité,

pyroélectricité), un matériau piézoélectrique est défini par trois relations d’état en ajoutant

aux deux relations précédentes l’entropie 𝜎 liée à la température 𝜃 [BER64] :

𝑆

𝛼

=𝑠

𝐸,𝜃𝛼𝛽

𝑇

𝛽

+𝑑

𝜃𝑖𝛼

𝐸

𝑖

+𝜆

𝐸,𝜃𝛼

∆𝜃 (1.16)

𝐷

𝑖

=𝜀

𝑇 ,𝜃𝑖𝑗

𝐸

𝑗

+𝑑

𝜃𝑖𝛼

𝑇

𝛼

+𝑝

𝑇,𝜃𝑖

∆𝜃 (1.17)

𝜎 =𝜆

𝐸,𝜃𝛼

𝑇

𝛼

+𝑝

𝑇 ,𝜃𝑖

𝐸

𝑖

+ 𝜌𝐶

𝑇 ,𝐸

𝜃

0

𝜃 (1.18)

Avec les constantes 𝜆,𝑝,𝜌 et𝐶 correspondant respectivement aux termes thermomécanique,

pyroélectrique, à la masse volumique et à la capacité calorifique, le ou les exposants𝐸,𝑇 et𝜃

signifiant respectivement à champ électrique constant et/ou à contrainte mécanique constante

et/ou à température constante.

Usuellement, les effets de la température sont négligés de sorte que les équations utilisées sont

(1.14) et (1.15). À ces deux équations s’ajoutent six relations qui découlent de l’expression de

trois autres fonctions thermodynamiques : l’énergie libre d’Helmholz, l’énergie élastique de

Gibbs et l’énergie électrique de Gibbs. On a donc huit relations fondamentales qui décrivent la

piézoélectricité (Tableau 1.1) qui sont interdépendantes via des relations entre les constantes

𝑐, 𝑠, 𝜀, 𝑑,𝑔, 𝑒, ℎ et𝛽.

Grandeurs Électriques Grandeurs Mécaniques

𝐷=𝑑𝑇 +𝜀

𝑇

𝐸 𝑆=𝑠

𝐸

𝑇 +𝑑𝐸

𝐸 =−ℎ𝑆+𝛽

𝑆

𝐷 𝑇 =𝑐

𝐷

𝑆−ℎ𝐷

𝐸 =−𝑔𝑇 +𝛽

𝑇

𝐷 𝑆 =𝑠

𝐷

𝑇 +𝑔𝐷

𝐷=𝑒𝑆+𝜀

𝑆

𝐸 𝑇 =𝑐

𝐸

𝑆−𝑒𝐸

Tableau 1.1 – Équations constitutives de la piézoélectricité. Pour des considérations de

clarté, les indices ont été omis

1.1.5 Couplage électromécanique

La conversion d’énergie électrique en énergie mécanique et inversement est décrite par le

coefficient de couplage électromécanique 𝑘. Il est défini comme le rapport entre l’énergie

d’interaction, élastique et diélectrique. En négligeant les effets thermiques et magnétiques,

l’énergie interne du système 𝑈 s’exprime :

𝑈 =𝑈

𝑀

+𝑈

𝐸

(1.19)

𝑈 = 1

2𝑆

𝛼

𝑇

𝛼

+

1

2𝐸

𝑖

𝐷

𝑖

(1.20)

En combinant avec l’équation (1.14) et (1.15) :

𝑈 = 1

2𝑠

𝐸 𝛼𝛽

𝑇

𝛽

𝑇

𝛼

+ 1

2𝑑

𝑖𝛼

𝐸

𝑖

𝑇

𝛼

+

1

2𝐸

𝑖

𝑑

𝑖𝛼

𝑇

𝛼

+

1

2𝐸

𝑖

𝜀

𝑇 𝑖𝑗

𝐸

𝑗

(1.21)

𝑈 =𝑈

𝑒

+ 2𝑈

𝑚

+𝑈

𝑑

(1.22)

Où 𝑈

𝑒

correspond à l’énergie élastique, 𝑈

𝑚

à l’énergie d’interaction et 𝑈

𝑑

à l’énergie

diélec-trique. Le coefficient de couplage 𝑘 est ainsi défini par la relation suivante :

𝑘 = √𝑈

𝑚

𝑈

𝑒

𝑈

𝑑

=

1 2

𝑑

𝑖𝛼

𝐸

𝑖

𝑇

𝛼

√︁

1 4

𝑠

𝐸 𝛼𝛽

𝑇

𝛽

𝑇

𝛼

𝐸

𝑖

𝜀

𝑇 𝑖𝑗

𝐸

𝑗

(1.23)

Explicité d’une autre façon, Mason avait donné la définition suivante [MAS58] :

𝑘 = 𝐸𝑛𝑒𝑟𝑔𝑖𝑒 𝑚𝑒𝑐𝑎𝑛𝑖𝑞𝑢𝑒 𝑠𝑡𝑜𝑐𝑘´ 𝑒𝑒´

𝐸𝑛𝑒𝑟𝑔𝑖𝑒 𝑒𝑙𝑒𝑐𝑡𝑟𝑖𝑞𝑢𝑒 𝑓 𝑜𝑢𝑟𝑛𝑖𝑒´ =

𝐸𝑛𝑒𝑟𝑔𝑖𝑒 ´𝑒𝑙𝑒𝑐𝑡𝑟𝑖𝑞𝑢𝑒 𝑠𝑡𝑜𝑐𝑘´𝑒𝑒

𝐸𝑛𝑒𝑟𝑔𝑖𝑒 𝑚𝑒𝑐𝑎𝑛𝑖𝑞𝑢𝑒 𝑓 𝑜𝑢𝑟𝑛𝑖𝑒´ (1.24)

L’expression du coefficient de couplage par l’équation (1.23) est assez compliquée. Elle se

simplifie lorsque le nombre de constantes indépendantes est réduit par symétrie et lorsque la

plupart des contraintes appliquées sont nulles. De façon pratique, le coefficient de couplage

est mesuré aux fréquences de résonance. Lorsqu’un champ électrique alternatif est appliqué

à un matériau piézoélectrique, il se met à vibrer et sa fréquence de résonance est dépendante

de sa géométrie et du mode de vibration considéré.

Mode épaisseur 𝑘

𝑡

= √

𝑒33 𝑐𝐷 33𝜀𝑆 33

Mode longitudinal 𝑘

33

= √

𝑑33 𝑠𝐸 33𝜀𝑇 33

Mode transversal 𝑘

31

= √

𝑑31 𝑠𝐸 11𝜀𝑇 33

Mode radial 𝑘

𝑝

=𝑘

31

√︂

2 1+𝑠𝐸12 𝑠𝐸11

Mode de cisaillement 𝑘

15

= √

𝑑15 𝑠𝐸 55𝜀𝑇 11

Tableau 1.2 – Expression des différents coefficients de couplage pour un mode de vibration

considéré

Ainsi, les matériaux sont fabriqués suivant des géométries précises. Cela permet de découpler

les différents modes de vibration et de considérer les contraintes mécaniques nulles suivant

certaines directions. Le Tableau 1.2 répertorie les différents types de géométrie avec le

coefficient de couplage associé au mode de vibration considéré.

Pour finir, les matériaux piézoélectriques sont sujets à des pertes mécaniques tan𝛿

𝑚

et

di-électriques tan𝛿

𝑒

. On définit le facteur de qualité mécanique Q

m

comme étant l’inverse des

pertes mécaniques. Un matériau dont les résonances mécaniques seront faiblement amorties

aura donc un Q

m

élevé et sera dit « dur ». Ce facteur de qualité constitue pour beaucoup

d’applications une figure de mérite en plus du coefficient de couplage.

1.2 La ferroélectricité : cas classique du BaTiO3

Pour certains groupes de symétrie, l’application d’un champ électrique suffisamment fort

à un matériau piézoélectrique permet de réorienter le sens de la polarisation électrique. De

tels matériaux sont dits ferroélectriques. Si la piézoélectricité a rencontré un essor grâce

à la découverte de la pérovskite ferroélectrique BaTiO

3

, c’est avec le quartz et le sel de

Rochelle que les premières applications de la piézoélectricité se sont développées. Le premier

est un cristal non ferroélectrique alors que le deuxième présente des propriétés ferroélectriques

[MAS47]. Ces matériaux sont omniprésents dans le domaine de la piézoélectricité, surtout

depuis la découverte de la solution solide PbZrO

3

- PbTiO

3

en 1952 ([SHI52a], [SHI52b],

[JAF54]).

1.2.1 Domaines ferroélectriques et polarisation

Les matériaux ferroélectriques sont des matériaux possédant une polarisation spontanée

en l’absence de champ électrique appliqué. Cette polarisation peut s’aligner avec le champ

électrique externe si celui-ci est suffisamment intense. On définit les domaines ferroélectriques

comme étant des régions de même polarisation spontanée. Cela correspond donc à l’échelle

microscopique à un ensemble de mailles cristallines dont les dipôles électriques sont alignés

dans le même sens.

Un domaine ferroélectrique possède donc une polarisation spontanée avec une orientation

bien définie. Entre deux domaines différents, l’orientation de cette polarisation change. On

définit les parois de domaines comme étant la frontière entre deux domaines. Ces parois de

domaines peuvent séparer des domaines opposés (à 180°) ou disposés autrement en fonction

des directions de polarisation possibles (à 90°, 71°, 109°. . . ). Ainsi, pour une phase cristalline

quadratique (cas de BaTiO

3

à température ambiante), on retrouve dans la microstructure

du matériau uniquement des domaines à 180° et à 90° [MER54].

À l’échelle macroscopique, la polarisation globale du matériau résulte de la moyenne de

l’ensemble des domaines. Pour la plupart des matériaux ferroélectriques, la répartition initiale

de l’orientation des domaines est aléatoire. La polarisation macroscopique qui en résulte est

Figure 1-3 – Schématisation de l’orientation des domaines lors de la polarisation d’une

céramique [CRO93]

donc nulle et il est nécessaire de polariser le matériau comme schématisé sur la Figure

1-3 pour obtenir un matériau ayant des propriétés piézoélectriques. Ainsi, au cours de la

polarisation électrique du matériau, les domaines orientés dans la direction la plus proche du

champ électrique appliqué vont croître au profit des autres.

1.2.2 Polarisation et hystérésis ferroélectriques

La structure cristalline d’un matériau ferroélectrique possède au moins deux états

d’orien-tation stables de polarisation. Cette caractéristique implique un comportement hystérétique.

Ces matériaux possèdent ainsi un cycle d’hystérésis polarisation – champ électrique, ce qui

les différencie des matériaux dit paraélectriques.

Un cycle d’hystérésis d’un matériau ferroélectrique est présenté Figure 1-4. On définit

comme grandeur la polarisation spontanée P

S

qui correspond à la polarisation électrique

du matériau quand un maximum de domaines ferroélectriques sont orientés au plus proche

du champ électrique appliqué. La polarisation rémanente P

R

correspond à la polarisation

résiduelle lorsque le champ électrique est nul. Enfin, le champ coercitif E

C

est le champ

mi-nimal à appliquer afin de faire basculer les domaines ferroélectriques suivant l’orientation la

plus proche du champ électrique appliqué.

L’acquisition des cycles d’hystérésis est donc un moyen d’étudier de façon macroscopique le

mouvement des parois de domaine lors de l’orientation de ceux-ci. Une étude détaillée des

cycles d’hystérésis des différents matériaux synthétisés sera présentée dans le Chapitre 3

et permettra de comprendre l’influence de l’insertion d’éléments étrangers sur les domaines

ferroélectriques.

Figure 1-4 – Cycle d’hystérésis P=f(E) typique d’un matériau ferroélectrique

1.2.3 Domaines ferroélastiques

Lorsqu’un matériau est soumis à des contraintes électriques ou mécaniques, des phénomènes

ferroélastiques interviennent et vont modifier l’état des domaines. En effet, la ferroélasticité

entre en jeu lorsque des changements d’orientation des mailles cristallines interviennent.

Elle traduit ce changement d’orientation lorsque le matériau est soumis à une contrainte

[WAD82]. La Figure 1-5 schématise les mouvements des domaines lors de l’application

d’une contrainte.

Les domaines à 180° sont purement ferroélectriques et ne sont pas modifiés par l’application

d’une pression mécanique. En revanche, l’application d’un champ électrique permet de faire

basculer les domaines opposés au champ mais sans changement d’orientation de la maille

cristalline. Ces mouvements ferroélectriques de domaines à 180° n’impliquent donc pas de

changement de dimension à l’échelle macroscopique. Les domaines à 90° vont quant à eux

être modifiés lors de l’application d’une contrainte électrique ou mécanique. De plus, la

mo-dification de leur orientation implique une momo-dification de l’orientation cristalline : on aura

ainsi un changement de dimension à l’échelle macroscopique. Ce sont donc les domaines

non-180° qui participent à l’effet piézoélectrique. De plus, dans le cas de l’application d’une

contrainte mécanique, ce sont des phénomènes purement ferroélastiques qui entrent en jeu.

Il faudra donc prendre en compte uniquement ces phénomènes ferroélastiques lors de l’étude

sous contrainte mécanique du BaTiO

3

qui sera présentée dans le Chapitre 4.

Figure 1-5 – Représentation schématique du mouvement des parois de domaines

ferroélec-triques et ferroélastiques. Cas d’une maille quadratique, c symbolise l’orientation de l’axe c

de la maille cristallographique

1.2.4 Température de Curie et transition de phase : cas du BaTiO

3

Un matériau ferroélectrique est aussi caractérisé par sa température de Curie T

C

. Elle

définit la température au-dessus de laquelle le matériau perd ses propriétés ferroélectriques et

revient dans l’état paraélectrique. Ainsi, pour T > T

C

, le matériau retrouve un comportement

proche d’un diélectrique avec une polarisation électrique qui varie linéairement avec le champ

électrique appliqué.

La Figure 1-6 présente la variation de la constante diélectrique du titanate de baryum avec

la température [MER49]. La transition entre l’état ferroélectrique et l’état paraélectrique

s’accompagne d’un changement de structure cristalline. Dans le cas du titanate de baryum,

cette transition est dite displacive. Ainsi, au niveau microstructural, l’état ferroélectrique

est obtenu à partir de l’état paraélectrique par de faibles distorsions de la structure

cristal-line entraînant un léger déplacement des atomes. À partir d’une phase paraélectrique qui

est non polaire, on obtient une phase cristalline de plus basse symétrie polaire grâce à des

changements dans les distances inter-atomiques et/ou dans les angles entre plans cristallins.

La Figure 1-7 présente la séquence des transitions de phase observée pour BaTiO

3

où la

température de Curie est observée à 120 °C. Se succèdent alors, dans le sens des

tempéra-tures croissantes, trois phases ferroélectriques : rhomboédrique, orthorhombique et

quadra-tique puis une phase paraélectrique cubique qui est centrosymétrique. Pour les trois phases

ferroélectriques le vecteur de polarisation électrique spontanée sera orienté respectivement

Figure 1-6 – Évolution de la constante diélectrique 𝜀

33,𝑟

en fonction de la température d’un

titanate de baryum [MER49]

suivant la direction [111], [011] et [001] (Figure 1-7). Chacune des trois transitions de phase

du BaTiO

3

sont du 1

er

ordre et sont caractérisées par une discontinuité en température des

propriétés diélectriques et piézoélectriques du matériau. Cette caractéristique implique de

plus un hystérésis thermique des propriétés au niveau des transitions de phase.

Figure 1-7 – Évolution en fonction de la température de la structure de BaTiO

3

. La flèche

indique la direction de la polarisation spontanée P

S

1.3 La structure pérovskite

Une grande partie des matériaux piézoélectriques comme le KNbO

3

, le BaTiO

3

ou encore

son isomorphe au plomb le PbTiO

3

, cristallisent suivant une structure pérovskite. Le nom

pérovskite, initialement utilisé pour désigner le titanate de calcium CaTiO

3

, a été étendu

à tous les oxydes de formule A

2+

B

4+

(O

2-

)

3

et fait partie des pérovskites simples. Il existe

aussi des pérovskites dites complexes dont la structure présente une occupation des sites A

et/ou B par plusieurs cations dont la valence peut être différente. La formule générale de ces

pérovskites est (A

1

, A

2

, A

3

, . . . )

2+

(B

1

, B

2

, B

3

, . . . )

4+

(O

2-

)

3

et on trouve par exemple parmi

elles le Pb(Zr

1-x

Ti

x

)O

3

(PZT) ou encore le Pb(Mg

1/3

Nb

2/3

)O

3

(PMN).

La pérovskite ABO

3

de plus haute symétrie est cubique et correspond par exemple au BaTiO

3

à haute température. On a, si A est à l’origine de la maille (Figure 1-8) :

— A un cation bivalent possédant un grand rayon ionique, de coordinance 12 (Ba

2+

dans

le cas de BaTiO

3

)

— B un cation tétravalent de plus faible rayon, de coordinance 6 (Ti

4+

dans le cas de

BaTiO

3

)

— O désignant les oxygènes, situés au centre de chacune des six faces du cube, formant

un octaèdre au centre duquel se trouve l’ion B.

Figure 1-8 – Structure pérovskite ABO

3

pour le BaTiO

3

(pérovskite simple) et le Pb(Mg

1/3

Nb

2/3

)O

3

(pérovskite complexe)

En substituant l’élément présent en site A ou en site B, les propriétés de la pérovskite

peuvent être fortement modifiées. Cependant, ces substitutions provoquent des distorsions de

la maille. La stabilité d’une composition pérovskite se reflète à travers le facteur de tolérance

de Goldschmidt 𝑡 [BHA00] :

𝑡= √𝑅

𝐴

+𝑅

𝑂

2(𝑅

𝐵

+𝑅

𝑂

) (1.25)

Le facteur 𝑡 rend ainsi compte de la compacité de la structure ainsi que de la liberté de

mouvement des ions de la pérovskite. Pour qu’une pérovskite soit stable, ce facteur 𝑡 doit