4.4 Modélisation du comportement hystérétique des céramiques piézoélectriques
4.4.1 Description du modèle
Objectif du modèle
Le comportement des matériaux ferroélectriques étant de nature assez complexe, le but du
formalisme publié par C. M. Landis est de proposer un modèle semi-phénoménologique basé
sur des considérations thermodynamiques rigoureuses, et permettant d’obtenir une
formula-tion tensorielle complète du couplage des contraintes électrique et mécanique. Il existe par
ailleurs des modèles micro-électromécaniques précis qui traduisent le mouvement des murs de
domaines à l’échelle des cristallites pour ensuite modéliser le comportement d’un polycristal
ferroélectrique. Cependant, ces modèles vont de pair avec des temps de calculs très longs à
cause du grand nombre de variables internes nécessaires à la modélisation, et ne fournissent
pas une compréhension fine des micro-mécanismes qui sont mis en jeu du fait de leur
réso-lution par méthode des éléments finis. Le modèle que l’on va utiliser repose quant à lui sur
deux variables internes (ou variables d’état) qui sont le vecteur de polarisation électrique
rémanente et le tenseur de déformation rémanente du matériau.
En considérant l’évolution du matériau piézoélectrique depuis son état initial non polarisé
jusqu’à son état après polarisation (retour du champ électrique à zéro), on peut faire
ap-paraître la déformation rémanente 𝜀
𝑟𝑖𝑗
et la polarisation rémanente 𝑃
𝑟constitutives de la piézoélectricité 1.14 et 1.15 présentées dans le Chapitre 1. On peut alors
écrire avec le formalisme utilisé par Landis :
𝜀
𝑖𝑗−𝜀
𝑟𝑖𝑗=𝑠
𝐸𝑖𝑗𝑘𝑙𝜎
𝑘𝑙+𝑑
𝑘𝑖𝑗𝐸
𝑘(4.12)
𝐷
𝑖−𝑃
𝑖𝑟=𝑑
𝑖𝑘𝑙𝜎
𝑘𝑙+𝜅
𝜎𝑖𝑗𝐸
𝑗(4.13)
Avec :
— 𝜀
𝑖𝑗tenseur des déformations mécaniques
— 𝑠
𝐸𝑖𝑗𝑘𝑙
tenseur des souplesses élastiques à champ électrique constant
— 𝜎
𝑘𝑙tenseur des contraintes mécaniques
— 𝑑
𝑘𝑖𝑗tenseur des coefficients piézoélectriques
— 𝐷
𝑖vecteur de déplacement électrique
— 𝐸
𝑘vecteur du champ électrique
— 𝜅
𝜎𝑖𝑗tenseur des constantes diélectriques à contrainte mécanique constante
Les Équations 4.12 et 4.13 définissent le comportement linéaire du matériau piézoélectrique
une fois polarisé.
Lors des phases de polarisation (ou de dépolarisation), le basculement des dipôles électriques
et des domaines ferroélectriques vont entraîner une évolution non linéaire et irréversible de
la déformation 𝜀 et du déplacement électrique 𝐷. Le principe du modèle proposé par Landis
consiste à décrire ce comportement non linéaire en définissant des lois d’évolution analogues
aux Équations 4.12 et 4.13, mais sous forme incrémentale.
˙
𝜀
𝑖𝑗=𝑠
𝐸,𝑡𝑖𝑗𝑘𝑙𝜎˙
𝑘𝑙+𝑑
𝑡𝑘𝑖𝑗𝐸˙
𝑘(4.14)
˙
𝐷
𝑖=𝑑
𝑡𝑖𝑘𝑙𝜎˙
𝑘𝑙+𝜅
𝜎,𝑡𝑖𝑗𝐸˙
𝑗(4.15)
L’exposant t représente le module tangentiel des tenseurs de souplesse, de piézoélectricité et
de permittivité diélectriques. Les points au-dessus des grandeurs représentent une variation
infinitésimale de la grandeur. La base du modèle repose alors sur la détermination des
expres-sions analytiques de ces modules tangentiels qui permettent ensuite de décrire les évolutions
non linéaires du matériau au travers des expressions 4.14 et 4.15.
Modélisation du basculement des domaines
On part de l’énergie libre de Helmoltz. Elle peut se décomposer en deux termes :
Où Ψ
𝑠correspond à la partie réversible de l’énergie libre et Ψ
𝑟représente une contribution
supplémentaire à l’énergie libre et caractérisant l’état interne du matériau (l’hypothèse est
donc faite que la déformation et la polarisation rémanente caractérisent entièrement celui-ci).
Pour un système électrique et mécanique couplé, le premier terme de l’Équation 4.16 peut
s’écrire en supposant ce système isotherme [IKE96] :
Ψ
𝑠= 1
2𝑐
𝐷 𝑖𝑗𝑘𝑙(𝜀
𝑖𝑗−𝜀
𝑟𝑖𝑗)(𝜀
𝑘𝑙−𝜀
𝑟𝑘𝑙)−ℎ
𝑘𝑖𝑗(𝐷
𝑘−𝑃
𝑘𝑟)(𝜀
𝑖𝑗−𝜀
𝑟𝑖𝑗) + 1
2𝛽
𝜀 𝑖𝑗(𝐷
𝑖−𝑃
𝑖𝑟)(𝐷
𝑗−𝑃
𝑗𝑟) (4.17)
On retrouve alors, à partir de l’énergie libre de Helmholtz, deux autres équations constitutives
de la piézoélectricité qui traduisent le champ des déformations 𝜎
𝑖𝑗et le champ électrique 𝐸
𝑖(Chapitre 1) :
𝜎
𝑖𝑗= 𝜕Ψ
𝜕𝜀
𝑖𝑗=
𝜕Ψ
𝑠𝜕𝜀
𝑖𝑗=𝑐
𝐷 𝑖𝑗𝑘𝑙(𝜀
𝑘𝑙−𝜀
𝑟𝑘𝑙)−ℎ
𝑘𝑖𝑗(𝐷
𝑘−𝑃
𝑘𝑟) (4.18)
𝐸
𝑖= 𝜕Ψ
𝜕𝐷
𝑖=
𝜕Ψ
𝑠𝜕𝐷
𝑖=−ℎ
𝑖𝑘𝑙(𝜀
𝑘𝑙−𝜀
𝑟𝑘𝑙) +𝛽
𝑖𝑗𝜀(𝐷
𝑗−𝑃
𝑗𝑟) (4.19)
De plus, en dérivant Ψ
𝑠par rapport à la déformation et la polarisation rémanente, et en
utilisant une transformation de Legendre, on obtient les expressions suivantes :
𝜕Ψ
𝑠𝜕𝜀
𝑟 𝑖𝑗=−𝜎
𝑖𝑗+1
2
𝜕𝑐
𝐷 𝑝𝑞𝑟𝑠𝜕𝜀
𝑟 𝑖𝑗(𝜀
𝑝𝑞−𝜀
𝑟𝑝𝑞)(𝜀
𝑟𝑠−𝜀
𝑟𝑟𝑠)− 𝜕ℎ
𝑞𝑟𝑠𝜕𝜀
𝑟 𝑖𝑗(𝐷
𝑞−𝑃
𝑞𝑟)(𝜀
𝑟𝑠−𝜀
𝑟𝑟𝑠)
+1
2
𝜕𝛽
𝑝𝑞𝜀𝜕𝜀
𝑟 𝑖𝑗(𝐷
𝑝−𝑃
𝑝𝑟)(𝐷
𝑞−𝑃
𝑞𝑟) =−𝜎
𝑖𝑗−𝜎¯
𝑖𝑗(4.20)
𝜕Ψ
𝑠𝜕𝑃
𝑟 𝑖=−𝐸
𝑖+ 1
2
𝜕𝑐
𝐷𝑝𝑞𝑟𝑠𝜕𝑃
𝑟 𝑖(𝜀
𝑝𝑞−𝜀
𝑟𝑝𝑞)(𝜀
𝑟𝑠−𝜀
𝑟𝑟𝑠)− 𝜕ℎ
𝑞𝑟𝑠𝜕𝑃
𝑟 𝑖(𝐷
𝑞−𝑃
𝑞𝑟)(𝜀
𝑟𝑠−𝜀
𝑟𝑟𝑠)
+1
2
𝜕𝛽
𝑝𝑞𝜀𝜕𝑃
𝑟 𝑖(𝐷
𝑝−𝑃
𝑝𝑟)(𝐷
𝑞−𝑃
𝑞𝑟) = −𝐸
𝑖−𝐸¯
𝑖(4.21)
On note que 𝜎¯
𝑖𝑗et 𝐸¯
𝑖
ont été défini à partir de ces Équations 4.20 & 4.21. On définit
ensuite, à partir du deuxième terme de l’Équation 4.16, les tenseurs de champ électrique
rémanent 𝐸
𝑖𝐵et de champ de déformation rémanente𝜎
𝑖𝑗𝐵tels que :
𝜎
𝑖𝑗𝐵= 𝜕Ψ
𝑟𝜕𝜀
𝑟 𝑖𝑗(4.22)
𝐸
𝑖𝐵= 𝜕Ψ
𝑟𝜕𝑃
𝑟 𝑖(4.23)
Il faut maintenant définir un critère pour la transformation du système correspondant au
basculement des domaines. On définit alors le taux de dissipation du travail par unité de
volume ∆˙ comme étant égal au taux total de travail appliqué au système moins la vitesse à
laquelle le travail est stocké dans l’énergie libre de Helmoltz. On a alors :
˙
∆ = 𝜎
𝑖𝑗𝜀˙
𝑖𝑗+𝐸
𝑖𝐷˙
𝑖−Ψ = ˆ˙ 𝜎
𝑖𝑗𝜀˙
𝑟𝑖𝑗+ ˆ𝐸
𝑖𝑃˙
𝑖𝑟(4.24)
Avec :
— 𝜎ˆ
𝑖𝑗=𝜎
𝑖𝑗−𝜎
𝐵 𝑖𝑗+ ¯𝜎
𝑖𝑗— et 𝐸ˆ
𝑖=𝐸
𝑖−𝐸
𝑖𝐵+ ¯𝐸
𝑖La seconde loi de la thermodynamique nous impose alors un taux de dissipation non négatif
durant les phases de basculement des domaines :
˙
∆ = ˆ𝜎
𝑖𝑗𝜀˙
𝑟𝑖𝑗+ ˆ𝐸
𝑖𝑃˙
𝑖𝑟≥0 (4.25)
Cette inégalité est alors vérifiée lorsque chaque état interne du polycristal (𝜀
𝑟, 𝑃
𝑟) vérifie
l’équation d’une hypersurface Φ appelé « surface de switch », de type convexe et contenant
l’origine dans l’espace(𝜎ˆ
𝑖𝑗, 𝐸ˆ
𝑖). On a donc durant les phases de basculement de domaine :
Φ(ˆ𝜎
𝑖𝑗,𝐸ˆ
𝑖, 𝜀
𝑟𝑖𝑗, 𝑃
𝑖𝑟) = 0 (4.26)
En supposant l’application de contraintes mécanique et électrique d’amplitude et de direction
quelconque dans l’espace à trois dimensions, l’état électromécanique interne du matériau sera
caractérisé par le couple vecteur-tenseur (𝜀
𝑟𝑖𝑗,𝑃
𝑖𝑟) donnant donc potentiellement jusqu’à neuf
variables internes à déterminer. Les surfaces de switch sont donc les hypersurfaces définissant
les valeurs minimales des champs électriques et de déformation appliquées à partir desquelles
les murs de domaines commencent à se déplacer. L’étude des différentes combinaisons de
basculement des domaines lors de l’application d’un champ électromécanique associé aux
équations incrémentales présentées précédemment permet alors d’obtenir une expression des
modules tangentiels recherchés.
Détermination des valeurs de polarisation et de déformation rémanente à
satu-ration pour implémentation dans le modèle
Pour un matériau ferroélectrique, les valeurs que peuvent atteindre à saturation la
défor-mation rémanente et la polarisation rémanente sont limitées. Si le modèle phénoménologique
utilisé peut prédire le comportement de la céramique piézoélectrique pour un état rémanent
(𝜀
𝑟𝑖𝑗, 𝑃
𝑖𝑟) donné, il ne peut cependant pas prédire les valeurs maximales du couple (𝜀
𝑟𝑖𝑗, 𝑃
𝑖𝑟)
à saturation. Il est alors nécessaire de trouver un moyen de déterminer les états à saturation
et de les implémenter au modèle précédent afin d’éviter que le modèle ne permettent des
combinaisons aberrantes polarisation – déformation rémanente.
Par conséquent, un modèle micro-électromécanique développé par Landis et al. a été
uti-lisé. Ce modèle reprend dans ses fondements des modèles antérieurs proposés par Kamlah
[KAM01], Frölich [FRO01], et Lu et al. [LU99]. Il consiste à déterminer les équations à
l’échelle d’un cristal puis à l’étendre au polycristal. L’état à saturation dépendant de la
structure cristalline considérée, on se place alors dans le cas d’une structure quadratique. La
maille cristalline peut donc être déclinée selon six variantes différentes en fonction de la
posi-tion de l’ion en site B. Lors de l’applicaposi-tion d’une contrainte mécanique, la déterminaposi-tion de
la concentration volumique de chacune des six variantes de la structure permet de déterminer
les états de déformation rémanente possibles. Ensuite, à partir des états rémanents possibles
de déformation, sont déduites les valeurs de polarisation à saturation pour chacun de ces
états. Des relations phénoménologiques sont ensuite proposées pour déterminer les valeurs
physiquement acceptables de polarisation rémanente de saturation en fonction des valeurs de
déformations rémanentes.
4.4.2 Résultats d’optimisation des paramètres du modèle avec les
Dans le document
Céramiques piézoélectriques : le titanate de baryum dopé pour transducteurs acoustiques
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