• Aucun résultat trouvé

Dipôles électriques de défaut, théorie SRO (Short Range Order)

3.3 Vieillissement et dipôle électrique de défaut

3.3.1 Dipôles électriques de défaut, théorie SRO (Short Range Order)

On se place dans le cas d’un titanate de baryum dopé uniquement avec des ions cobalt

(+II). Si l’on se place à l’échelle d’une maille, la substitution de Ti

4+

par Co

2+

entraîne un

défaut de charge (-2) en site B de la pérovskite. Afin de conserver la neutralité électronique

du matériau, des lacunes d’oxygène sont alors créées au voisinage du dopant. À l’échelle

d’une maille, on obtient alors la structure présentée Figure 3-5. On observe alors entre le

dopant Co

2+

et la lacune d’oxygène V

O

la formation d’un dipôle électrique [Co

′′

Ti

– V

O

]

que l’on appellera « dipôle de défaut ». Dans la littérature, des analyses par résonance

paramagnétique électronique ont permis de prouver l’existence de ces dipôles de défaut au

sein des domaines ferroélectriques. Ainsi Eichel et al. montrent en 2008 la présence de dipôles

de défaut [Cu

′′

Ti

– V

O

] dans du titanate de plomb dopé au cuivre [EIC08]. De plus, ils calculent

par DFT (Density Functional Theory) que la formation de ces dipôles de défaut est entraînée

par une forte interaction chimique entre les deux éléments ce qui implique la formation de la

lacune d’oxygène dans l’octaèdre d’oxygène entourant le dopant.

Figure 3-5 – Structure pérovskite du BaTiO

3

avec un ion Co

2+

substitué à la place du Ti

4+

.

Une lacune d’oxygène est alors créée au sein de l’octaèdre afin de conserver la neutralité

électronique de la structure

Si l’on se place à l’échelle du matériau, le dopage de celui-ci conduit donc à la formation de

dipôles de défaut répartis de façon homogène dans l’ensemble du matériau et dont la quantité

sera dépendante de la concentration de dopant introduit.

On a donc vu qu’un dipôle électrique de défaut se formait entre un ion métallique (dans

notre cas, le cobalt +II) et une lacune d’oxygène. Parmi ces deux éléments, l’ion métallique

est immobile dans la structure mais la lacune d’oxygène, elle, peut se déplacer. Elle peut

ainsi réaliser des sauts au sein de l’octaèdre d’oxygène et donc changer l’orientation du

di-pôle de défaut. Ren et Otsuka proposent alors en 2000 une explication au vieillissement dans

certains solides cristallins qu’ils vont ensuite transposer dans le cas des matériaux

ferroélec-triques (théorie SRO) ([REN00], [REN04], [ZHA04]). Cette théorie se base sur la relation

entre l’orientation des dipôles de défaut et la symétrie cristalline de la phase pérovskite. En

regardant avec une approche statistique, ces dipôles de défauts sont répartis de façon

aléa-toire dans l’ensemble du matériau. Mais si on regarde l’environnement local du défaut, la

probabilité 𝑃

𝑉

𝑖

(i = 1 – 6) de trouver la lacune d’oxygène sur l’une des six positions i de

l’octaèdre (indéxé sur la Figure 3-6) n’est pas forcement la même et la distribution des

lacunes présente alors une certaine « symétrie » : c’est ce qu’on appelle la « symétrie de

défaut ».

Reprenons le cas du titanate de baryum dopé avec des ions Co

2+

. Lorsque sa température

est au-dessus de T

C

, il est en phase cubique (Figure 3-6(a)). Le cobalt situé en site B de la

pérovskite est alors au centre de l’octaèdre d’oxygène et les distances interatomiques entre

Co

2+

et chacun des ions O

2-

sont égales. Les différentes positions des ions sur l’octaèdre

étant équivalentes, les probabilités 𝑃

𝑖𝑉

sont alors égales. À l’équilibre, les lacunes d’oxygène

seront donc réparties de façon aléatoire sur ces octaèdres. Par conséquent, les défauts sont

en symétrie cubique et les dipôles de défaut sont orientés aléatoirement dans l’ensemble du

matériau.

Lorsque le matériau est refroidi en dessous de T

C

, il passe en phase quadratique et devient

ferroélectrique (Figure 3-6(b)). L’ion Co

2+

se décentre alors de l’octaèdre d’oxygène et une

polarisation spontanée apparaît dans la maille. De plus, en phase quadratique, les distances

interatomiques entre les ions O

2-

et l’ion Co

2+

ne sont plus égales. Les positions des ions O

2-sur l’octaèdre ne sont donc plus équivalentes et certaines positions seront plus favorables que

d’autres. Cependant, la transition de phase du matériau n’implique qu’une distorsion de la

structure sans diffusion atomique. Ainsi, immédiatement après cette transition, les lacunes

d’oxygène n’ont pas eu le temps de migrer vers leur position d’équilibre et conservent la même

distribution que dans l’état paraélectrique précédent. Par conséquent, les défauts restent en

symétrie cubique dans un état hors équilibre ce qui implique que les probabilités 𝑃

𝑉

𝑖

restent

équivalentes. Pour un matériau qui vient juste de passer en dessous de T

C

et qui n’a donc

pas vieilli, les dipôles de défaut sont encore orientés de façon aléatoire dans l’ensemble du

Figure 3-6 – Lien entre la symétrie cristalline et la symétrie des défauts pour un BaTiO

3

dopé avec des ions Co

2+

. D (flèche jaune) correspond au dipôle électrique de défaut. 𝑃

𝑉

𝑖

traduit la probabilité de trouver la lacune d’oxygène sur la position i de l’octaèdre d’oxygène

avec i = 1 à 6 comme indexé sur la figure. (a) T > T

C

. État paraélectrique à l’équilibre,

les dipôles de défaut suivent la symétrie du cristal. (b) T < T

C

immédiatement après la

transition de phase para – ferroélectrique : les dipôles de défaut n’ont pas eu le temps de

suivre la symétrie du cristal. (c) T < T

C

: état ferroélectrique à l’équilibre, les dipôles de

défaut suivent la symétrie du cristal de sorte que la probabilité de les trouver sur chacune des

positions de l’octaèdre n’est plus la même

matériau.

La Figure 3-6(b) présente ainsi un état hors équilibre. En effet, les sites 2, 3, 4 et 5 sur

l’octaèdre d’oxygène sont équivalents mais le site 1 est situé plus proche en distance du

dopant et le site 6, plus loin. Ainsi, une fois atteint l’état d’équilibre, les probabilités 𝑃

𝑖𝑉

ne sont plus égales. En effet, la lacune d’oxygène possède une charge effective +2 et l’ion

Co

2+

une charge effective -2. Par conséquence, une hypothèse naturelle est que du fait de la

force attractive de Coulomb, le site le plus proche du dopant sera plus stable que les autres

pour la lacune d’oxygène. Les probabilités deviennent 𝑃

𝑉

1

> 𝑃

𝑉 2

= 𝑃

𝑉 3

= 𝑃

𝑉 4

=𝑃

𝑉 5

> 𝑃

𝑉 6

.

Sur la Figure 3-6(c), la structure à l’état d’équilibre correspond alors à la structure

enca-drée. Lorsqu’ils sont à l’équilibre, les dipôles de défaut sont donc orientés dans le sens de

la polarisation spontanée de la maille et donc dans le sens de la polarisation spontanée du

domaine dans lequel ils se trouvent. Cette orientation des dipôles de défaut dans le sens de

la polarisation spontanée est confirmée en 2007 par DFT par Erhart et al. [ERH07] dans le

cas d’un titanate de plomb dopé par des ions cuivre ou fer. En résumé, pour atteindre leur

état d’équilibre, les lacunes d’oxygène doivent se déplacer de façon à ce que les dipôles de

défaut soient orientés dans le sens de la polarisation spontanée. À l’équilibre, la symétrie de

défaut est donc quadratique et suit la symétrie de la maille. Cependant, ce processus

impli-quant le déplacement d’éléments dans la structure, il nécessite du temps et/ou de l’énergie

pour se produire. Ainsi, le vieillissement dans ces matériaux ferroélectriques dopés

accepteur, peut être défini comme l’orientation progressive au cours du temps

des dipôles de défaut dans le sens des domaines ferroélectriques dans lesquels

ils se trouvent. De plus, le champ interne observé dans ces matériaux à l’échelle

macroscopique correspond au champ créé par l’ensemble des dipôles électriques

de défaut du matériau.