• Aucun résultat trouvé

Un poète intimiste et discret : Le poète de Pour Psyché

I - Les vertes années : 1885-1895

3. L’œuvre de jeunesse : 1891-1894

3.2 Un poète intimiste et discret : Le poète de Pour Psyché

3.2 Un poète intimiste et discret : Le poète de Pour Psyché

Si on l’en croit, Charles Maurras écrit alors de la poésie, mais ne publie pas, avouant une humilité scrupuleuse à l’égard de ses vers, réservés au chant platonicien, « pour lui et pour les muses. ». Le premier Maurras apparaît ainsi comme un poète intimiste, un poète de l’Amour malheureux et déçu, dans la filiation d’Aubanel et de Baudelaire, réservant ces vers secrets à quelque femme mystérieuse, élue de son cœur : « Tous ceux qui m’ont connu savent combien je fus sensible au charme féminin sous toutes ses formes, à son mystère sous tous ses masques. »305.

Il compose ainsi une courte pièce poétique à une mystérieuse Psyché, laquelle apparaît également dans les fragments d’un journal intime d’août 1894 où il évoque leur rencontre et leur idylle. Il s’agit vraisemblablement de Juliette Prévost-Roqueplan, rencontrée à Agen en 1890, et que Paul Arène, félibre et ami, présente à Maurras au cours d’une félibrée. La jeune femme, qui accompagne, avec ses parents, le célèbre écrivain Anatole France, s’éprend de Maurras. Leur relation durera plus de deux ans, et le jeune homme signera usuellement ses lettres « votre vieux Faust »306. Juliette serait ainsi la première Psyché de Maurras, qui lui compose, entre 1890 et 1891, un triptyque de petits poèmes, Pour Psyché, qu’il publie l’année suivante dans le journal provençal la Syrinx édité par son ami Joachim Gasquet.

Bien que Charles Maurras paraisse déjà converti aux théories littéraires de l’école romane, la première version du poème Pour Psyché demeure. Ce poème préservé semble le

304 Charles Maurras, La Musique intérieure, préface. p. 44. 305

Charles Maurras, Le mont de Saturne, conte moral, magique et policier, op. cit. p.41. 306 Stéphane Giocanti, Maurras, Le chaos et l’ordre, op. cit. p. 87.

178

seul qui puisse permettre d’entrevoir le Maurras anarchiste et décadent des premières années parisiennes, On y trouve ainsi les tensions esthétiques qui vont animer son œuvre première, entre la revendication médiévalisante de la tradition romane, héritée des troubadours puis de Villon, et les audaces esthétiques issues du postsymbolisme verlainien de jeunesse.

En effet, sa nature hermétique s’explique surtout par la dimension secrète, presque codée du message amoureux, qui ne peut être compris que de la femme aimée, en préservant la pudeur, selon les codes de l’amour courtois. Ce triptyque se décompose en trois volets : le petit poème Psyché, une seconde pièce, sans titre, qui se présente comme une idylle hétérométrique, enfin une ballade médiévale, sous forme de dialogue, La vaine ballade des

remontrances à Psyché osées par le vieux Faust, évoquant Villon, qui se termine sur un

envoi.

Poème original de 1892 : Pour Psyché307 I

Psyché

Psyché, vous êtes ma pensée Vous éleviez votre flambeau Les hommes vous ont repoussée Vous souriez comme un tombeau,

Psyché, vous êtes ma souffrance Vous vous mourrez au vent d'ailleurs Vos yeux sont las de l'apparence Et vacillants comme des fleurs

Et, Psyché, vous êtes mon rêve, Ensemençant le ciel léger

De vos mépris pour l'heure brève Qui sait que vivre est de changer.

II

Psyché, mille chanteurs, à l’ombre des yeuses Et des pins où fleurit la cour,

Vous vantent, ô promise à ces lèvres d’Amour Qui tellement mélodieuses

Sont plaisantes et rieuses

Que, vous ayant baisée en la nuit, tout le jour D’elle serez, à votre tour,

En peine, au souvenir de ces délicieuses ;

307

Texte recueilli par le site Maurras.net : site internet édité et tenu par l’association Les Amis du Chemin de Paradis.

179

Mille chantres que le seigneur

Amour à votre cour a voulu que je mande, Psyché, ma dame, à votre honneur,

Mille disent aux fleurs légères de la lande Ce baiser qu’Amour moissonneur

Désire, et que vos yeux élèvent en offrande. III

La Vaine ballade des remontrances à Psyché osées par le vieux Faust

Faust

Chère Psyché, vos yeux qui tremblent, Vos yeux de fleur ont peur du vent, Peur et délice tout ensemble: Ivres d'espoir dans le levant Ils étincellent au devant

Des clartés vaines qui s'élèvent. Ah! sous ce dôme décevant, Luise la lampe de vos rêves!

Psyché

Hélas! c'est un rameau de tremble, Qui luit en nous, ami savant ! Des anciens songes il me semble Compter si peu de survivants ! La nuit les souffle en s'achevant. J'ai le cœur nu comme une grève Qu'un dur automne va lavant...

Faust

Luise la lampe de vos rêves !

Psyché

Vous ne savez ! Mon sein ressemble, O Faust, à ces châteaux mouvants Qu'à l'Occident le soir assemble. Mais j'ai la faim du Dieu vivant Je veux sentir en le trouvant S'épandre l'âme de mes sèves...

Faust

Elle vous monte aux yeux souvent, Luise la lampe de vos rêves ! ENVOI

O ma Psyché, vivez rêvant !

Psyché

Nos champs résonnent de voix d'Èves Et de grands faunes poursuivants...

180

Faust

Luise la lampe de vos rêves !

Le thème du dialogue implicite, qui sera par la suite mainte fois repris par ce poète en absence de lui-même, et qui ne semble exister qu’au travers des mots qu’il adresse à cette femme et âme confondues, fonde l’ensemble des trois pièces et leur donne sinon une cohésion, les genres étant volontairement éclatés, du moins une cohérence. Les trois poèmes commencent tous par une invocation : Psyché, vous êtes,… Psyché, mille chanteurs… – Chère

Psyché … Peu à peu se dessine un portrait, la description du lien dans la première partie,

l’évocation amoureuse, dans la seconde partie, qui prend voix dans la troisième, lorsque Psyché répond enfin au poète qui l’a invoquée et semble lui donner la force d’espérer, par le refrain à l’Impératif, fortement injonctif comme le marque le point d’exclamation : « Luise la lampe de vos rêves ! »

Psyché

Le premier tableau, Psyché, se présente comme un court poème élégiaque composé de trois quatrains d’octosyllabes en rimes croisées ABAB CDCD EFEF avec alternance des féminines et des masculines et où la règle classique de rime pour l’œil est relativement respectée, bien qu’en aucun cas elle ne se fasse au détriment de l’oreille. On peut néanmoins observer deux entorses à la règle de l’œil, légères au point que l’on pourrait les considérer comme des licences : souffrance / apparence (v5 et 7) et rêve / brève pour la distinction accentuelle (v9 et 11).

La structure du poème ne correspond pas aux règles de la poésie élégiaque antique, c’est-à-dire l’alternance d’un hexamètre et d’un pentamètre en distique, mais à sa recomposition médiévale, particulièrement marquée par le choix de l’octosyllabe et les effets de refrain des premières strophes de chaque quatrain, évoquant le rondeau, selon le modèle : Psyche, vous êtes + adj poss, représentant implicitement la première personne du singulier, qui n’apparaît jamais, auquel s’ajoutent diverses notions abstraites, lesquelles soulignent à chaque fois la nature éthérée de la femme aimée: ma pensée, ma souffrance, mon

rêve.

La nature hermétique du poème est particulièrement mise en exergue, dès ce premier tableau, par la dualité interprétative qu’il propose, dualité soulignée par l’opposition des structures isotopiques qui composent les thématiques du poème ainsi que par le jeu de mélange auquel se livre Maurras autour des deux thématiques traditionnelles de l’élégie : l’évocation d’une mort, particulièrement présente sur le plan isotopique (tombeau, Vous vous

181

en 1892, sans que l’une ne désavoue l’autre. S’agit-il du souvenir lointain du poète pour un amour malheureux, hypothèse que renforcent particulièrement les rimes internes des vers 2 et 4 :

« Vous éleviez votre flambeau Les hommes vous ont repoussée Vous souriez comme un tombeau, »

En accentuant l’univers passé du souvenir, elles soulignent, du verbe à l’imparfait au verbe au présent, le passage d’un hymen possible (idée de la torche) à une mort prévue, un présent du malheur ou une vie sans joie.

Or ce jeu interprétatif auquel se prête le poète à partir du genre élégiaque met en évidence les tensions romantiques et avant-gardistes du jeune homme réinterprétant l’élégie antique selon des codifications voisines de celles de la poétesse Marceline Desbordes-Valmore, égérie romantique et précurseur inattendu des avant-gardes postsymbolistes (on lui doit notamment l’invention du rythme à onze syllabes), adorée tant de Balzac que de Verlaine ou d’Anne de Noailles.

Ce premier poème s’offre de fait comme une réflexion, quelque peu nostalgique, dans le premier quatrain, au cœur duquel dominent les temps du passé. Si Psyché est, verbe de présent général, inamovible, la pensée du poète, son accueil parmi les hommes a été bien décevant, un désaveu lapidaire, consommé et définitif, marqué par le passé composé : Les

hommes vous ont repoussée ;

Faut-il voir la présence du point-virgule, soulignée par l’absence de toute autre ponctuation, comme l’affirmation de la conséquence ? « Vous souriez comme un tombeau » : à nouveau un présent, un sourire d’éternité triste, une réponse presque sibylline à cette violence subie.

Une seconde lecture, métaphysique, en amont de la lecture amoureuse, est ainsi rendue possible et les deux derniers vers du poème soulignent cette dualité interprétative :

« De vos mépris pour l'heure brève Qui sait que vivre est de changer. »

Ils peuvent être lus comme l’évocation définitive de la rupture sentimentale ou comme les transformations morales du jeune homme entre le chaos de l’adolescence et le retour à l’ordre insufflé par le combat littéraire au sein de l’Ecole romane.

Le thème de la pensée déçue, presque morte, se voit ainsi repris dès le second quatrain : « Psyché vous êtes ma souffrance », une douleur permanente, vécue dans la mort lente que sous-entend le verbe pronominal « vous vous mourez » et dans le vacillement des

182

yeux : les yeux fleurs, symbiose récurrente de la poésie maurrassienne, symboles d’une lassitude plus encore que d’une fragilité, offrent une ouverture vers un au-delà des apparences, une connaissance à la fois naturelle, intuitive et platonicienne qui semble mêler les lois naturelles de Comte au mythe à peine effleuré de la caverne de Platon : nous ne saurions nous dispenser d’évoquer ici le fameux sonnet à la Beauté de Baudelaire :

« Et j’ai pour fasciner mes timides amants

Mes yeux, mes larges yeux aux clartés immortelles. »

Mais les yeux de Psyché sont pleins d’incompréhension, fleur transplantée sauvagement « au vent d’ailleurs ». En une sorte de reprise sur soi-même, le dernier quatrain ajoute « Et, Psyché » comme pour métamorphoser l’idée d’une pensée, blessée, en un rêve, un rêve fécond : « Ensemençant le ciel léger », redonnant courage et espoir au poète en cassant la notion d’un temps consommé, dont les êtres sont prisonniers, pour une espérance plus vaste, l’incluant dans une perception naturaliste de l’être et du monde où le cycle naturel, oscillant entre Vie et Mort, est fait de constantes mutations, de changements permanents. Ainsi le poème s’achève-t-il sur une tonalité « positiviste », dans la certitude d’un quasi proverbe martelé par les infinitifs :

« Qui sait que vivre est de changer. »

Le rythme épouse cette nouvelle dynamique par l’entraînement que suscite le participe passé en tête du second vers, et la force de ces « mépris pour l’heure brève » qui rompt définitivement l’idée de victoire de la mort pour évoquer la certitude courageuse, assumée, d’une constante renaissance, d’un cycle perpétuel, à la fois dantesque et comtien, évoquant l’unité de l’Homme et du Monde et le savoir secret ( Qui sait ) des lois de la Nature que la douce allégorie révèle au poète.

Psyché, mille chanteurs…

Dans le second tableau, l’idylle, dont l’univers bucolique évoque Virgile, c’est plutôt sur le plan thématique que l’on peut observer les divers effets de recomposition médiévale auxquels se livre Maurras. Ils s’incarnent premièrement dans la transposition d’un univers arcadien vers celui d’une cour royale imaginaire :

« Mille chantres, que le seigneur

183

Une cour particulièrement florale : « à l’ombre des yeuses », « des pins où fleurit la cour »,

aux fleurs légères de la lande », évoquant la poésie courtoise du moyen-âge tant dans son

atmosphère printanière, « Amour moissonneur », que dans le choix des symboles suggérant le triomphe de l’Amour, à savoir les fleurs et le chant des oiseaux : « mille chanteurs, à l’ombre

des yeuses », « Mille chantres », qui fondent la cohérence thématique du poème par un

système d’occurrences en amont de strophe : « mille chanteurs » au premier vers du huitain et « Mille chantres » au premier vers du sixain. De même l’évocation allégorique de l’Amour avec une graphie de majuscule, plutôt que l’image allégorique de Cupidon, évoque clairement les troubadours provençaux. Enfin le choix d’un certain vocabulaire, archaïsant, suggère aussi clairement une atmosphère médiévale : « ô promise », « le seigneur », « que je mande », « ma

dame ».

Cette claire évocation d’une Dame renvoie à un être féminin incarné et non à l’égérie fragile du premier poème. Au premier poème, poème du souvenir d’un amour perdu, succède le souvenir d’un amour plus concret. Le second poème, qui se présente sous la forme d’une idylle revisitée, évoquerait, selon ce prisme, le souvenir des amours heureux du poète et de Psyché. Le lien associant ce poème au précédent se fait par l’appel du poète au rêve à la fin du premier poème du corpus :

« Et, Psyché, vous êtes mon rêve, »

Ainsi que par divers effets de similitudes thématiques et structurantes tels que l’invocation à l’allégorie en tête de vers et surtout à la première des deux strophes de ce quatorzain hétérométrique :

« Psyché, mille chanteurs, à l’ombre des yeuses (v1)

[…]

Psyché, ma dame, à votre honneur, » (v11)

Ou par l’association de la femme à l’univers floral qui l’entoure, reprise du symbole lyrique de la femme-fleur et de la métonymie des yeux comme regard sensuel d’où émane tantôt le regret, la tristesse de la rupture et du songe, tantôt l’amour naissant entre les deux amants :

« Vos yeux sont las de l'apparence Et vacillants comme des fleurs »

Devient plus implicite dans le second poème :

« Mille disent aux fleurs légères de la lande Ce baiser qu’Amour moissonneur

184

A la différence du premier poème, ce n’est plus l’image allégorique d’une femme idéale, éthérée qui domine, mais bien celle d’une créature charnelle et érotisée par le poète. Cette dimension physique de Psyché se matérialise dans les substituts du nom « ô promise » et « ma Dame » aux vers 3 et 11 qui rendent à Psyché ses attributs physiques en en faisant un idéal féminin redevenu concret :

« Vous vantent, ô promise à ces lèvres d’Amour

[…]

Psyché, ma dame, à votre honneur »,

Effet qui permet principalement d’orchestrer le lien logique avec le poème précédent par la transposition, impliquée par la vivacité du souvenir invoquée dans le premier poème, qui transforme l’être immatériel en créature physique, réincarnée dans sa jeunesse la plus sensuelle et la plus érotique. Cette évocation de la sensualité naissante de l’adolescence amoureuse se transcrit par un quatorzain hétérométrique où l’alexandrin alterne avec l’octosyllabe décomposé en deux strophes aux rimes enchâssées puis croisées : ABBAABBA CDCDCD avec alternance de féminines et de masculines.

Malgré une texture volontairement classique dans le choix de rimes, la règle classique de rime pour l’œil est, comme dans le poème précédent, relativement respectée, bien qu’en aucun cas elle ne se fasse au détriment de l’oreille ; avec, cette fois ci, une seule entorse à la règle de l’œil à la rime du premier vers en yeuses orthographiée avec y, où l’on notera cependant le respect des pluriels pour l’œil dans tout le poème : yeuses / mélodieuses / rieuses / délicieuses. C’est ici le Maurras sensuel et sulfureux qui transparaît de nouveau, par le biais de diverses audaces rythmiques qui ont pour but d’accentuer la dynamique sensuelle du poème : ainsi la rime riche en en yeuses / ieuses, qui transcrit, par ses colorations chaleureuses comme par l’allongement provoqué par la sifflante sonore, la sensualité sulfureuse du poème, le rejet d’« Amour », allégorie propre aux troubadours provençaux, au vers 10, renforcé par le redoublement de la rime à l’hémistiche, évoquant la strophe précédente, ou encore la coupe lyrique du cinquième vers qui accentue plus encore l’allongement sensuel provoqué par la sifflante en imposant la prononciation du « e » final caduc de la syllabe surnuméraire placé devant consonne de manière à respecter le rythme de l’octosyllabe :

« Sont et plaisantes et rieuses »

Si cette construction souligne la dimension chantée de la poésie maurrassienne ( la coupe lyrique est alors particulièrement à la mode dans la chanson : J’ai du bon tabac / dans ma

185

tabatière), et la largesse de sa conception de classicisme, en ce qu’elle renvoie aux codifications poétiques lyriques hérités du Moyen-âge et de la Renaissance que la prosodie classique bannira au dix-septième siècle, elle affirme par là même le refus de Maurras d’enfermer sa poétique dans un néo-classicisme froid et militant, de pure imitation classique et répondant aux règles les plus ostracistes de la poésie du siècle de Louis le Grand.

Sur le plan thématique, cette vive sensualité s’exprime par le choix métonymique de la bouche, et, plus précisément de son attribut le plus érotique, les lèvres, auquel se joint une construction isotopique du désir, renforcée par l’univers printanier qui englobe le poème en opposition à la métonymie des yeux des premiers et derniers poèmes, unique référant du souvenir de la femme idéalisée. Sur le plan interprétatif, ce second poème semble, de prime abord, rompre avec la dualité interprétative que proposait l’élégie précédente, entre souffrance amoureuse et drame psychologique intime, conduisant, par sa nature érotique et sulfureuse, à opter pour la première interprétation au détriment de la seconde. Il peut cependant être également lu à travers le prisme d’une étreinte érotisée du poète avec l’Art, la découverte adolescente avec les douceurs de l’exercice poétique se substituant logiquement à la découverte des premiers sentiments amoureux, ainsi qu’en témoigne les structures isotopiques référent au bonheur éprouvé à l’exercice de la musique et au chant :

« Psyché, mille chanteurs, à l’ombre des yeuses

Et des pins où fleurit la cour,

Vous vantent, ô promise à ces lèvres d’Amour Qui tellement mélodieuses

Sont plaisantes et rieuses

Que, vous ayant baisée en la nuit, tout le jour D’elle serez, à votre tour,

En peine, au souvenir de ces délicieuses ; »

Si l’on oublie cette Psyché plus charnelle, et que l’on mette en perspective cette pièce et la précédente, l’on suit l’élan d’une philosophie comtienne, où la loi de la nature exclut la mort. Ainsi le second mouvement du triptyque appelle à retrouver ce printemps des sens, démultiplié par les oiseaux « Mille chanteurs » qui remplacent le poète, en un élément d’appropriation ronsardien, pour vanter non seulement la Dame mais le vertige qui l’a saisie, liée à la toute puissance de L’Amour, personnage de force, qui s’incarne ici par l’omniprésence démultipliée – anaphore de Mille- de ses émissaires, les oiseaux, les végétaux, les fleurs.

La première strophe n’est qu’une longue phrase enchâssant une subordonnée de conséquence « tellement + rejet de « que » au sein d’une relative agrammaticale dont le verbe

186

est détaché du pronom sujet « qui » et placé au beau milieu des adjectifs attributs, afin de casser la forme usuelle de la langue pour la faire roucouler dans un bonheur hors du temps et