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3. Le nœud des controverses, éléments de problématiques connexes

3.1 Un art politique

Politicien manipulateur ou poète égaré en politique ? Ni l’un ni l’autre. La logique de sa pensée est incapable d’une telle distinction. Maurras revendique une posture double, à la

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fois de défense de l’esthétisme pur et de la liberté intellectuelle associée à l’union organique naturelle entre l’écrivain et les forces d’ordre équilibrant la nation, auxquelles il doit soumettre son art. Il prône ainsi fermement un retour de l’homme de lettres au cœur de la cité au nom d’une poésie utilitaire : « que l’utilitaire prononce ! »185

et s’oppose vivement au postsymbolisme mallarméen dans sa conception de l’art pour l’art : « Je ne suis pas content. Surtout, je suis frappé du degré d’étroitesse […] auquel les dernières évolutions du Romantisme, Baudelaire et Mallarmé, ont réduit de nos jours l’idée de poésie. […] Cette intolérance s’étend à tout. Plus d’élégie directe, plus de poèmes d’idées. » 186

, « Quelle que soit leur gloire, il paraît que l’ « évolution » les condamne. On veut que le poème ne nous apprenne plus rien et montre de tout point une pure, parfaite et constante inutilité. »187.

En réaction à ce désordre de l’art, qui conduit nécessairement vers le désordre national par l’expression subversive et désinvolte d’individualités complètement libérées du corps social et animées d’une tradition universaliste et individualiste en philosophie (les Lumières) comme en littérature (le Romantisme), de destruction et de dissolution des anciens ordres qui garantissaient à l’Homme ses libertés véritables, Maurras revendique un retour à une poésie de l’ordre et de la clarté : « Ordonner des idées pour qu’elles-mêmes rangent les syllabes des mots dans la raison et l’ordre du chant est-il chose permise à un poète du XXème siècle ? »188

, imposant un retour au sens plein des mots réintégrés dans l’ordre de la phrase : « L’ordre ne peut pas consister à mettre le verbe luire quand la propriété du terme exige le verbe briller. Ce n’est pas la beauté, c’est l’espoir qui peut luire (comme un brin de paille dans l’étable) : la beauté, elle, « brille » et, en poésie comme ailleurs, souhaite que les mots soient d’abord soumis à leur sens. Revenons au sens, au bon sens. »189.

Le combat politique de réappropriation d’un patrimoine national épuré de ses influences étrangères, pernicieuses en ce qu’elles divisent l’esprit français et, à son sommet, l’autorité de l’état, implique logiquement le combat esthétique et poétique par lequel passe naturellement cette lutte pour une réappropriation purifiée de la culture française, entendu comme combat pour la défense de la langue latine et de ses filles, jadis porteuses d’une civilisation rayonnante que l’esprit individualiste, d’importation nordique, a tenté de saper.190

185 Charles Maurras, Préface de La Musique intérieure, op. cit. p 49.

186 René Lalou, Entretien sur la poésie d’aujourd’hui : propos de Charles Maurras provoqué et noté par René Lalou, revue : La Muse Française, juin 1927.

187 Charles Maurras, Préface de La Musique intérieure, op. cit. p. 86. 188 Ibid. p. 85.

189

Ibid. p. 98.

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La conception maurrassienne du langage, définie comme l’instrument premier et final de cohésion des sociétés humaines, et de la langue, également perçue comme fondement et finalité des entités sociales et politiques, notions qu’il tire respectivement d’Aristote et des philosophes de la Contre-révolution, impliquent la politisation logique de toute littérature. Attendu que le langage est essentiellement politique, son instrument le plus abouti, la littérature, et son expression la plus pure, la poésie, pleinement réintégrée au corps étatique, ne peuvent s’extraire des débats constitutifs de la Cité. C’est suivant cette vision qu’il faut entendre le célèbre adage maurrassien de la poésie comme la « plus haute expression du politique »191, conjointement à la notion de classicisme perçu comme la « plus haute expression de notre civilisation »192.

La poésie, ou plus exactement une certaine forme de poésie, apparaît ainsi comme l’expression la plus haute d’une vérité d’ordre transcendantal, ontologique, dont les vertus se veulent à la fois cathartiques et universelles, selon les principes de la littérature lyrique et classique de la fin du XVIème et du XVIIème siècle français dont Charles Maurras fait remonter les origines esthétiques à la Grèce classique suivant le principe de romanité, unitaire et séculaire, qu’il développe déjà dans ses essais critiques lors de la formation de l’école Romane : « Le nom de poésie romane dit clairement notre intention. Il suppose l’unité de l’art du midi de l’Europe qui a trouvé sa plus haute expression dans la littérature française. »193

. La littérature et tout particulièrement son acception la plus haute, la poésie, se fonde ainsi sur un chant partagé qui élève le poète à la révélation d’une Connaissance de l’Homme et du Monde, c’est-à-dire à une Vérité des lois naturelles qui le régissent : « Poésie est Théologie, affirme Boccace dans son commentaire de la Divine Comédie. Ontologie serait peut-être le vrai nom, car la Poésie porte surtout vers les racines de la connaissance de l’Être. Le savent bien tous ceux qui, sans boire à la coupe, en ont reconnu le parfum ! »194.

Le poète apparaît ainsi comme le garant d’une vérité supérieure que ce chant de l’ordre et la beauté lui a révélé, celle des lois immuables et positives de la nature : « Auguste Comte a remarqué que la poésie est « plus vraie », « en un sens » que la philosophie elle-même. […] La vérité de la science porte sur le contenu de l’acquisition et des découvertes. La vérité de la poésie tient aux mouvements de l’esprit qui médite, tient, sait. […] Cela, dit-il,

191 Cf introduction p. 10. Note de bas de page 25.

192 Pierre Varillon et Henri Rambaud,Enquête sur les maîtres de la jeune littérature, Ed. Bloud et Gay, Paris, 1923 : « Le classicisme qui est la plus haute expression de notre civilisation, est un esprit, non une forme. » p. 260.

193 Charles. Maurras, cité par Jaume Vallcorba Plana, Noucentisme, mediterraneisme i classicisme, apunts per a la història d’una estètica, quaderns crema, Barcelona, 1994, p.15.

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c’est l’homme même, puisque telle est la forme que son esprit impose aux images d’un monde qu’il lui faut conquérir. […] Les deux puissantes mères de l’Esprit et du Monde convergent donc aux épanchements de la poésie. […] et c’est alors qu’Auguste Comte a le plus raison, toute chose terrestre se subordonne, « en un sens », à la poésie. » 195.

Maurras confère ainsi au poète, ainsi qu’à son œuvre poétique, une mission prophétique à travers laquelle la poésie, porteuse d’une vérité transcendante qui surpasse l’entendement humain, doit permettre à l’Homme de recomposer le lien qui le rattache aux sources mêmes de ses origines et qui fonde son intelligence, c’est-à-dire sa capacité à s’intégrer à l’autorité supérieure de la nature et du Monde d’où découlent les sociétés humaines. Le poète est ce lien qui, par la réappropriation permanente de la connaissance diffusée par le chant poétique, a permis son continuum. Son rôle social n’est donc pas d’expression individuelle mais de continuation et de transmission.

La poésie, quant à elle, est la matière qui a permis à cette connaissance immuable de se transmettre d’âge en âge et de générations en générations, entendue comme l’expression d’une pureté de la pensée induite par la concision réglée du vers : « Il n’y a que le Vers pour tenir dans ses griffes d’or l’appareil éboulé de la connaissance. »196

. C’est cette connaissance, supérieure et éternelle, qui fait du poète l’acteur social le plus prompt à guider les hommes dans la vie politique : « Que la découverte soit vraie je le crois, je le dis, et, comme, en outre, je le chante, il n’y a pas la moindre illusion à me faire : Cette chanson revient au plus bâtard de tous les genres littéraires, qui est le didactique, lequel est mort et enterré pour toujours à ce qu’on dit. Il serait vain de rapporter ici les titres de noblesse de tout essai d’enseignement et de propagande confiée à l’onde du vers. Trop de grands noms seraient à dire, de zones élevées. ». 197

L’art poétique consiste ainsi en un rythme didactique qui doit persuader celui qui l’écoute en lui révélant la beauté d’un ordre supérieur qui le fédère à un tout organique : la nation française et sa tradition latine par le biais d’une transmission orphique dont le vecteur principal, la parole poétique, se définit comme l’acception la plus exacte du monde politique : chant magique dont la mélodie doit tour à tour instruire, plaire puis émouvoir par le biais d’une organisation rythmique de la parole : « Car si la raison doit convaincre, c’est le rythme qui persuade… » 198

.

195 Charles Maurras, Préface de La Musique intérieure, op. cit. p 114 à 116. 196 Ibid. p. 88.

197

Ibid. p. 86 et 87. 198 Ibid. p. 53.

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Ainsi, s’il se revendique dépositaire d’un héritage, d’une tradition : « Pour ma part, quand la nouveauté de mon but me faisait hésiter entre les chemins, je n’ai pu m’empêcher d’éprouver que les plus anciennement battus étaient les meilleurs. »199, d’une littérature classique fondée sur un Art poétique réglé, Maurras prétend s’enraciner dans l’expérience d’un Solon, tant poète que législateur, joignant : « les différents arts du poète avec ceux du guerrier, du législateur, du moraliste, du politique même, avec tous les arts généreux de la vie et de l’amour ! Il tient en main la coupe qui verse, illumine, transforme, humanise et déifie toute la sainte flamme épanchée des soleils, en promesse aux soifs de la terre. ». 200 En conséquence, il n’y a pas, pour Maurras, de bonne littérature sans bonne politique : « M. Anatole France est un homme de gauche. Il serait presque exact de dire que ce n’est pas un écrivain de gauche. ».201

Une conception aussi politisée de l’art a une conséquence immédiate quant à la réception de son œuvre, qui aura nui fortement à sa postérité littéraire : la difficulté que l’on éprouve à y dissocier art poétique et art politique. Nous refusons néanmoins d’adopter la vision qui consiste à opposer le politicien au poète, en ce qu’elle a toujours gêné une interprétation objective de cette œuvre. Il est donc indispensable à cette étude de se situer dans une position médiane : la reconnaissance du poète ne doit pas empêcher une réflexion autour des problématiques de politique contingente qui l’animent. De la même manière, la nature parfois circonstanciée de cette œuvre ne doit pas non plus l’exclure de toute reconnaissance littéraire au seul prétexte qu’elle prétend diffuser un message partisan. Il nous faut tenter de réincorporer cette œuvre dans la réalité de cette vie et des conceptions esthétiques attachées aux contingences d’une pensée personnelle comme d’une époque. Si l’on est en droit de refuser une conception didactique et politique de la littérature, il demeure délicat d’accuser Maurras d’une manipulation des Lettres françaises comme moyen habile de distiller un message partisan alors que celui-ci est explicite, ouvertement reconnu et revendiqué dès les premières lignes.

D’ailleurs, ce terme de manipulation, péjoratif et mal adapté, paraît excessif, correspondant fort peu au rôle que confère Maurras à la parole poétique dans le cadre de ses stratégies discursives et de ses stratégies d’auteur. Pour Maurras, la poésie est bien plus un instrument pédagogique visant à dévoiler cette même vérité pour laquelle il lutte, tous les jours, dans Action française.

199 Ibid. p. 91. 200

Ibid. p. 117.

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3.2 Lettré fanatique ou politique opportuniste ?

S’il apparaît essentiel à une étude strictement littéraire de s’extraire d’une querelle qui a déformé la perception que le public comme la collectivité scientifique ont de Maurras, il demeure impossible d’étudier cette œuvre sans poser la question des tendances singulières de Maurras à instrumentaliser tant sa propre œuvre littéraire, à des fins politiques et personnelles, que celle de ces beaux exemples classiques dont il revendique l’héritage. Dante, La Fontaine, Racine, Chénier, Mistral, Lamartine et autres grands poètes précurseurs, seraient les vecteurs, par l’effet d’une surprenante préscience, des vérités de la doxa maurrassienne.

Cette tendance à la relecture partiale du critique et du philosophe, inhérente à la réalité de son œuvre comme au développement de sa pensée, dépasse largement la simple mise en question des stratégies d’un auteur qui brigue une reconnaissance académique. Ces stratégies ne peuvent ainsi être omises au prétexte d’une étude qui se fixerait sur la stricte analyse de l’œuvre maurrassienne, d’autant qu’elles s’insèrent dans une problématique plus vaste, touchant à la nature même du discours maurrassien.

S’il est, en effet, une constante étonnante dans la vie intellectuelle de Charles Maurras, c’est bien d’avoir été condamné par les mouvements ou les institutions qu’il prétendait défendre : le Félibrige en 1893, le Vatican en 1926, le Prétendant au trône en 1937, la nation en 1945 et, dans un sens plus implicite, la littérature française, ainsi qu’en témoigne la réception posthume de son œuvre et de sa critique littéraire. Pour Bruno Goyet, Maurras fut condamné par ces institutions avec une telle régularité qu’il est impossible de ne percevoir, dans ces condamnations, que de simples accidents de parcours. L’on pourrait y déceler une des logiques profondes de ses actes comme de son discours, d’autant que les différents milieux que représentent le monde littéraire parisien, la politique française et l’Eglise catholique ne sont pas hermétiquement clos et se compénètrent, formant autant de lieux de passage de l’un à l’autre, au gré des ambitions discursives.

Ces diverses condamnations reflèteraient le choix d’une position en permanence ambiguë, entre la défense de ces institutions et la revendication d’une liberté intellectuelle autonome, tant Maurras aime à être au devant de la scène polémique, jusque dans les années trente, restant toujours distant des milieux qu’il cherche pourtant à séduire, stratégies qui s’apparentent, pour Jacques Maître, à de la soumission subversive, c’est-à-dire à une position qui se veut restauratrice de la pureté orthodoxe de ces institutions mais à son seul bénéfice, ce que Jacques Maître définit comme l’attitude typique des mystiques et des simulateurs. C’est peut-être ici que se situe la véritable énigme que pose l’œuvre maurrassienne aux études

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contemporaines, entre fanatisme et opportunisme politique, ce que soulignait déjà Edouard Berth, revenu du maurrassisme après la Grande Guerre, opposant « les rêves d’un lettré fanatique et illuminé » au « culte d’une Raison calculatrice et d’une Beauté toute formelle. ». L’historien américain Robert Soucy a également nuancé cette perception somme toute relativement axiologique. Pour lui, la difficulté des historiens contemporains à appréhender d’une manière historiographique stable les grandes personnalités d’extrême droite comme celle de Maurras s’explique par une tendance de l’histoire contemporaine à imposer des taxonomies statiques à des constructions idéologiques en mouvement. Il affirme que la fluidité de l'idéologie et des tactiques de l’extrême droite constitue un défi pour les historiens dans la compréhension de ces actes et de ces vies ainsi que dans leurs incidences sur la scène politique européenne. Le fascisme italien donne un exemple majeur de cette fluidité lorsque Mussolini, d'abord socialiste, effectue un virage brutal à droite après la défaite subie par le Fascio national « syndicaliste » aux élections de 1919. Selon cette perspective, les évolutions esthétiques de la poésie de Maurras peuvent apparaître comme les mutations naturelles d’une idéologie en mouvement, d’autant qu’elles s’opèrent sur un important espace temporel, oscillant entre les années 1890 et 1950.

Par ailleurs, en poésie, force est de convenir que les excès didactiques de Maurras posent rapidement la question de la hiérarchie des genres, assez trouble, entre politique et littérature, au sein de son œuvre. La volonté de soumission du poète aux grands ordres, temporels et intemporels, ne suppose-t-elle pas implicitement celle de la littérature à la politique, ou, plus exactement, de la littérature à la « religion de la patrie »202, à laquelle tout doit se soumettre, à commencer par la propre religion catholique203 ? En ce sens, la poésie, chez Maurras, est-elle complètement subordonnée à la politique ? Se résume-t-elle simplement à un autre moyen de diffuser un message partisan, par le biais de la persuasion didactique du vers ? S’agit-il d’une soumission de la haute littérature, par la voie orthodoxe d’un néoclassicisme doctrinal intransigeant, à une basse politique mue par la volonté d’offrir à un verbe trivial, celui du quotidien journalistique, une caution intellectuelle en permutant un identique discours du vulgaire au châtié, de manière à sublimer cette doctrine, en gommant

202 « Jas, le poilu belge, est le véritable prêtre de la religion de la patrie », in XXème siècle nation belge du 19.11.1916, cité par E. Defoort, in Een Beigisch reactionair katholicisme. Maurras en de Action Française binnen het Belgische Franstalige katholicisme, 1898-1926, (Thèse de doctorat inédite Katholieke Universiteit Leuven, janvier 1975), L’Action française dans le nationalisme belge, 1914-1918 résumé de la seconde partie de cette thèse co-traduite en français par l’auteur et Térésa Battesti.

203 « Ce que peut la religion pour les chrétiens, le patriotisme le peut pour tous les citoyens, tout en permettant aux catholiques de puiser à sa source une grandeur d’âme supplémentaire. ». A. Simon, Le cardinal Mercier et l’idée de patrie, Colloque des 25 et 26 Mai 1963, Bruxelles, 1964, p. 20-21.

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ses aspérités les plus grossières, et en la situant, par le biais de l’universalisme classique, au dessus de toute contingence politique ?

Une analyse comparée de la langue littéraire et de la langue journalistique permettrait certainement de mettre à jour un véritable fossé lexical entre un vocabulaire choisi, hellénisant, symbolique, fait d’anaphores et de périphrases précieuses, réservé à la « happy few » stendhalienne du monde des lettres, s’opposant à celui du quotidien de la vie journalistique, violent et trivial, « flagornant les illettrés »204. Nous sommes là dans l’une des tensions fondamentales du discours maurrassien : la dualité antithétique de sa langue où deux discours, opposés sur la forme, tendent, avec une certaine permanence, à se rejoindre sur le fond : l’un, subtil, élitiste, littéraire, que l’on retrouve dans ses essais critiques et qui culmine en poésie, cherchant à convaincre les patriciens cultivés que représente l’élite financière et intellectuelle des grands bourgeois parisiens – membres de l’Académie française – et l’autre, beaucoup plus trivial, réservé à la plèbe, qu’il faut convaincre en démocratie. La jonction de ces deux langages sur le fond sinon sur la forme permettrait de réunir les deux milieux, plébéien et patricien, dans une communauté d’idées. Ainsi, tandis que l’Action française noie son lectorat d’un bellicisme de pogrome de caserne en pleine Grande Guerre, alors qu’elle a atteint son apogée en termes de tirages, le poète lui juxtapose un bellicisme de référence, le dizain d’octosyllabes de l’Ode historique de la Bataille de la Marne évoquant Malherbe.

Cette dualité des langages, poussée jusqu’au paroxysme, entre aristocratisme intellectuel tendant à l’hermétisme poétique et polémique populiste acerbe, violente et satirique, est une problématique constante du discours de Maurras, qu’il cherchera à résoudre de manière continue : il connaît la trivialité langagière que peut s’autoriser le polémiste, qui s’oppose aux exigences du dialogue entre pairs en littérature, et qui peut au moindre écart le discréditer vis-à-vis du monde des lettres. Parfaitement conscient de la dualité de son discours et du risque qu’il encourt, à tout instant, de se voir exclure des cénacles littéraires où il est parvenu à se faire admettre depuis le Chemin de paradis, Maurras tente constamment de faire prévaloir la nature avant-gardiste de son esthétique poétique ainsi que sa fonction strictement