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C. Droit transitoire

III. Pluralité d’ayants droit

L’article 741 al. 1er CC prescrit que le bénéficiaire d’une servitude est respon-sable de l’entretien nécessaire à son exercice. Il ne donne aucune indication pour les cas où plusieurs personnes bénéficient de la même servitude : com-ment répartir entre-elles les droits et devoirs y relatifs, et en particulier les charges d’entretien?

Et pourtant il arrive fréquemment qu’un même terrain ou qu’une même installation soit l’objet d’une servitude inscrite au profit de plusieurs ayants droit. Il peut s’agir d’un chemin d’accès, de canalisations, d’installations de chauffage, etc... Des litiges peuvent survenir quant au partage de l’utilisation de l’objet, quant aux prises de décisions concernant les travaux et aussi quant à la répartition entre les bénéficiaires des frais d’entretien ou de réparation27.

La doctrine et la jurisprudence ont répondu à la question en assimilant l’ensemble des bénéficiaires à une communauté de copropriétaires et en leur appliquant ainsi les règles de la copropriété28.

Mentionnons les trois arrêts suivants :

1) arrêt du Tribunal fédéral du 31 janvier 1985 (ATF 111 II p. 26 ss / JDT 1986 I p. 111 ss).

Cet arrêt énonce deux principes :

- la répartition des charges entre les copropriétaires (respectivement titu-laires de servitude) correspond à leur part de copropriété (art. 649 al. 1er CC),

- à défaut de précision dans le contrat, la présomption d’égalité des parts prévue à l’article 646 al. 2 CC concerne aussi la copropriété des servi-tudes, même si l’intérêt à l’utilisation est inégal entre les bénéficiaires ; les articles 698 et 741 al. 2 CC qui prennent comme référence l’intérêt

27 La co-titularité d’une servitude a également été évoquée en cas de division du fonds dominant. En effet la servitude est reportée sur les différentes parcelles issues de la division et la question se pose de savoir comment envisager la situation engendrée par l’inscription de la servitude d’origine au profit des nouvelles parcelles : s’agit-il toujours d’une servitude unique profitant désormais à plu-sieurs propriétaires de parcelles ou s’agit-il d’une multiplication de la même servitude, sans co-titularité ? En droit suisse c’est le principe de la multiplication du droit qui semble l’emporter. Voir à ce sujet PIOTET, comment organiser, p. 91.

28 PIOTET, Comment organiser p. 101, et STEINAUER, Développements récents, p. 3, en particulier les références citées en note no 8.

fectif de chacun des bénéficiaires ne s’appliquent pas entre les bénéfi-ciaires d’une même servitude.

Il est aussi rappelé dans cet arrêt que la convention prévoyant une modifi-cation des parts de copropriété est soumise à la forme authentique (considé-rant 5).

2) arrêt du 19 novembre 2003 de la 1ère Cour d’appel du Tribunal cantonal de Fribourg, du 19 novembre 2003 (RNRF 2005, p. 229 ss).

Les principes suivants ont été mis en avant par cet arrêt :

- les règles de la société simple (art. 530 ss CO) ne sont pas applicables aux co-titulaires de servitudes ; ce sont les règles sur la copropriété qui sont déterminantes (art. 646 à 654a CC),

- en particulier, les titulaires de la servitude forment donc une commu-nauté légale soumise aux dispositions des articles 647 à 649c CC,

- contrairement à ce qui prévaut pour les copropriétaires d’étages (art.

712 m ss CC), la loi ne dit pas comment s’organise l’assemblée des co-propriétaires (prise de décision, répartition des droits et charges). Ils peuvent convenir d’adopter à cet effet un règlement,29

- à défaut de convention et de règlement, la doctrine préconise l’application par analogie des règles de l’association30.

3) arrêt du Tribunal fédéral ATF 133 III p. 311

S’agissant des servitudes personnelles avec plusieurs ayants droit, le Tri-bunal fédéral a eu récemment l’occasion de rappeler qu’en présence de plu-sieurs ayants droit, ce sont les règles de la copropriété qui s’appliquent, à moins que les titulaires ne soient liés par d’autres rapports préexistants qui entraineraient alors l’application des règles sur la propriété commune (hoirie, société simple).

En conséquence le décès de l’un des titulaires profite aux autres bénéfi-ciaires de la servitude (par l’accroissement de leur part), et non pas au proprié-taire de l’immeuble grevé (cf. arrêt susmentionné p. 322).

L’arrêt concernait un droit de superficie, mais les mêmes règles de la co-propriété s’appliquent en cas de « co-usufruit » (ou « d’usufruit commun » en cas de propriété commune).

29 STEINAUER, Les droits réels, tome I, p. 451, no 1290.

30 STEINAUER, Les droits réels, tome I, p. 452, no 1292.

B. Nouveau droit 1. Le nouveau texte légal

L’article 740a nv CC prévoit l’application analogique des règles de la copro-priété aux ayants droit qui participent à une installation commune par une servitude de même rang et de même contenu.

Le message du Conseil fédéral du 27 juin 200731 précise qu’il s’agit en par-ticulier :

- des actes d’administration (art. 647 a et 647 b CC), - des travaux de construction (art. 647 c, 647 d et 647 e CC), - des actes de disposition (art 648 CC),

- de la contribution aux frais et charges communs (art. 649 ss CC),

- de la subrogation de l’acquéreur d’une part de copropriété (art. 649 a CC),

- de l’adoption d’un règlement d’utilisation et d’administration (art. 647 CC),

- de l’exclusion de la communauté (art. 649 b CC).

2. L’exigence d’un même rang

Cette disposition s’applique aux servitudes de même rang. En revanche en cas de rang différent c’est le principe de la priorité dans le temps qui s’applique ; on aurait pu imaginer une construction plus nuancée, par l’octroi d’un droit de veto limité en faveur de l’inscription primée par une plus ancienne32.

A noter que l’exigence d’un rang identique peut être respectée a posteriori ensuite d’une cession de rang consentie par les titulaires d’autres inscriptions.

31 Message du Conseil fédéral, FF 2007-5043.

32 PIOTET, Les nouvelles dispositions relatives aux servitudes, p. 67.

3. L’exclusion du droit de quitter la communauté

En vertu des règles ordinaires, chaque titulaire de servitude peut renoncer à son droit, notamment pour échapper au paiement des frais d’entretien ; une réquisition de renonciation adressée au Registre foncier suffit (art. 964 CC).

L’alinéa 2 du nouvel article 740a nv prévoit la possibilité d’exclure le droit de quitter la communauté pour une durée de 30 ans au plus, et ce par l’adoption d’une convention adoptée en la forme authentique.

Cette disposition est le pendant de l’article 650 al. 2 nv CC applicable à la copropriété (lequel porte sur une durée de 50 ans). Elle a pour but de garantir l’amortissement des installations nouvellement construites, sur une durée que la loi fixe à un maximum de 30 ans. La disposition vise à protéger les titulaires d’une situation précaire engendrée par le départ de plusieurs copropriétaires, ceux qui restent se trouvant seuls pour assumer la totalité des frais. Il est bien entendu possible de prévoir une durée plus brève, en fonction de la durée de vie de chaque installation33.

Pour que la convention de renonciation déploie un effet réel, elle doit être annotée au Registre foncier. A défaut elle ne liera donc pas le (nouveau) pro-priétaire qui par hypothèse ne sera pas partie à l’acte constitutif de la servi-tude.

C. Droit transitoire

L’article 3 du Titre final CC prescrit ce qui suit :

« Les cas réglés par la loi indépendamment de la volonté des parties sont soumis à la loi nouvelle, après l’entrée en vigueur du code civil, même s’ils remontent à une époque antérieure. »

Rappelons en effet que le nouvel article 740a nv CC ne n’applique qu’en l’absence de dispositions contractuelles adoptées par les parties au contrat de servitude.

33 Ainsi l’exemple d’une installation de chauffage sur une durée de 15 ans, Message du Conseil fédéral, FF 2007 - 5043.