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Cette jurisprudence des « travaux nécessaires », sans être reprise telle quelle, trouve désormais une assise dans la loi à l’article 679a nCC21.

Sa codification, souhaitée depuis longtemps par la doctrine, était nécessaire et répond légitimement à un « souci de lisibilité du système légal »22. Le cons-tructeur est désormais garanti, de par la loi, qu’il ne s’exposera en principe pas aux actions défensives du voisin en cas d’immissions excessives inévitables

13 FOËX, p. 489.

14 ECKENSTEIN, p. 49 ; REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 13 ad art. 679 CC et n. 2 ad art. 679a CC ; WERRO/ZUFFEREY, pp. 70 et 76.

15 ECKENSTEIN, p. 49 ; WERRO/ZUFFEREY, p. 76.

16 WERRO/ZUFFEREY, p. 76.

17 ECKENSTEIN, p. 49 ; WERRO/ZUFFEREY, p. 76.

18 ECKENSTEIN, p. 50 ss ; WERRO/ZUFFEREY, p. 76.

19 ECKENSTEIN, P.51 S. ;WERRO/ZUFFEREY, P.80.

20 ECKENSTEIN, p. 51 ; STEINAUER, II, n. 1818 ; WERRO/ZUFFEREY, pp. 74 et 80.

21 Cf. ECKENSTEIN, p. 91 ; HÜRLIMANN-KAUP/STEINAUER, p. 10 ; STEINAUER, II, n. 1818 et 1931 s.

22 PIOTET, RNRF 2006, p. 18. Cf. ég. FOËX, p. 497 ss ; PIOTET, p. 109.

résultant de travaux de construction, seule l’action en réparation du dommage étant dans ce cas envisageable23.

A la lecture du texte de ce nouvel article 679a CC, on constate que le légis-lateur n’a pas renoncé à la double exigence d’une immission excessive (tempo-raire et inévitable) et d’un dommage en résultant24. En revanche, la condition jurisprudentielle d’un dommage important ou notable n’a pas été reprise dans le nouveau texte25. Contrairement à ce que pourrait laisser croire le Message du Conseil fédéral26, il s’ensuit que le dommage doit dorénavant n’être appré-cié qu’à l’aune de l’article 684 CC27, conformément aux vœux exprimés par la doctrine28. En d’autres termes, il suffit que l’immission inévitable touche le voisin de manière excessive pour que le propriétaire soit tenu à réparation29.

De même, il résulte du texte clair de l’article 679a nCC30 et des travaux préparatoires31 que l’indemnisation n’est plus réduite à une indemnité équi-table, mais couvre la perte entière subie par le voisin32. Elle doit donc être fixée conformément aux règles ordinaires applicables en matière de responsabilité civile33, étant pour le surplus rappelé que l’article 679 CC fonde une responsa-bilité objective34.

23 ECKENSTEIN, p. 91 ; REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 1 et 3 s. ad art. 679a CC ; STEINAUER, II, n. 1931.

24 Cf. ECKENSTEIN, p. 99. Sur les conditions (cumulatives) d’application de l’art. 679a CC, cf.

REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 5 ss ad art. 679a CC ; STEINAUER, II, n. 1931a.

25 Elle était en effet clairement contraire au système : cf. PIOTET, p. 110.

26 Affirmer simplement que l’art. 679a CC « reprend la jurisprudence du Tribunal fédéral » (Message, p. 5039) apparaît trop catégorique, dès lors que le législateur a manifestement voulu corriger cer-tains aspects contestables de cette jurisprudence (condition du dommage important et indemnité seulement équitable).

27 ECKENSTEIN, p. 100.

28 Cf., par ex., FOËX, p. 489 ;WERRO/ZUFFEREY, p. 78.

29 ECKENSTEIN, p. 100. La distinction entre dommages purement économiques et atteintes aux droits de la personnalité demeure : l’art. 679a nCC ne s’applique qu’en cas de dommages purement écono-miques ; en cas d’atteintes à la personnalité, le voisin dispose de tous les moyens de droit prévus à l’art. 679 CC (cf. ECKENSTEIN, p. 99).

30 L’art. 679a nCC parle de « dommages-intérêts ».

31 Cf. Rapport explicatif relatif à l’avant-projet, p. 22 s.

32 PIOTET, RNRF 2006, p. 19 ; PIOTET, p. 110.

33 ECKENSTEIN, p. 91. Elle couvrira dès lors, ainsi que la doctrine le souhaitait, « la perte entière et être déterminée selon les règles ordinaires de la fixation de l’indemnité en fonction du dommage subi » (WERRO/ZUFFEREY, pp. 71 et 78).

34 STEINAUER, II, n. 1929.

III. Les immissions négatives

A. Rappel des principes

La deuxième nouveauté importante de la révision concerne la protection contre les immissions négatives (privation d’air, de soleil, de lumière ou de vue)35.

Depuis un arrêt de principe rendu le 18 mai 200036, les articles 679 et 684 CC protègent, en tant que règles minimales, le propriétaire voisin à l’encontre tant des immissions positives que des immissions négatives37. La privation d’air, de soleil, de lumière ou de vue causée par la présence d’une construction ou de plantations sur un fonds voisin peut ainsi être constitutive d’un excès du droit de propriété au sens de l’article 684 CC et légitimer le propriétaire lésé à agir en cessation ou en prévention du trouble ainsi qu’en réparation du dom-mage (art. 679 CC)38. La jurisprudence n’admet toutefois l’excès que de ma-nière restrictive39.

Les articles 679 et 684 CC ne sont, en effet, que d’application subsidiaire. Ils ne garantissent, pour l’ensemble de la Suisse, qu’une protection minimale, la-quelle est circonscrite par le droit civil cantonal édicté notamment sur la base des articles 686 et 688 CC40. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel qu’il est envi-sageable d’agir selon l’article 679 CC, soit « lorsque le droit [civil] cantonal ne peut trouver application, malgré l’inobservation des distances prescrites »41, voire, dans certaines circonstances très particulières, même lorsque lesdites distances ont été respectées42.

35 Sur la notion d’immissions négatives, cf. PIOTET, p. 106.

36 ATF 126 III 452, JT 2001 I 542. Cf. ég. ATF 5A_415/2008, consid. 3.1 publié in RNRF 2010, p. 156.

37 ATF 5P.225/2006, consid. 2.2 ; ECKENSTEIN, pp. 107 et 113 ;STEINAUER, II, n. 1809a. Avant cet arrêt de principe, « la jurisprudence du Tribunal fédéral n’appliquait l’art. 684 CC qu’aux immissions néga-tives consécunéga-tives à des travaux de construction empêchant l’accès à un fonds » (STEINAUER, II, loc.

cit. et la jurisprudence citée). Les autres cas d’immissions négatives étaient « régis exclusivement par les règles (de droit cantonal) sur les distances à respecter pour construire ou pour planter (art.

686 et 688) » (STEINAUER, II, loc. cit.).

38 STEINAUER, II, n. 1809a.

39 Cf. les exemples mentionnés à l’ATF 5A_464/2010, consid. 4.2 : arbres d’une hauteur d’environ vingt-cinq mètres projetant une ombre importante en début d’après-midi, pendant les périodes de printemps et d’automne ; vue particulièrement belle fortement entravée ou essentielle à l’exploitation du fonds (ATF 5A_415/2008 publié in RNRF 2010, p. 156). Cf. ég. PFÄFFLI/BYLAND, RSJ 2011, p. 227.

40 ATF 5A_464/2010, consid. 4.1 et la jurisprudence citée ; ECKENSTEIN, p. 113 ; SCHMID/HÜRLIMANN -KAUP, n. 949b ; STEINAUER, II, n. 1811 et les références citées. La jurisprudence fédérale ne vise ex-pressément que le cas des plantations (art. 688 CC). Elle doit toutefois également valoir pour les constructions (art. 686 CC) : cf. ECKENSTEIN, p. 116 ;STEINAUER, II, n. 1811a.

41 ATF 5A_464/2010, consid. 4.1. Cf. ég. ECKENSTEIN, p. 114.

42 ATF 5A_415/2008 publié in RNRF 2010, p. 156, critiqué par PIOTET, in JT 2011 II 153 ; ECKENSTEIN, p. 114 s. ; PIOTET, RNRF 2006, p. 17.

Qu’en est-il toutefois lorsque le droit fédéral entre en collision avec les normes de droit public cantonal, qui s’appliquent actuellement presque exclu-sivement en matière de constructions43 ?

Dans le souci d’harmoniser les deux ordres juridiques, le Tribunal fédéral a jugé que lorsqu’un projet de construction respecte les normes de droit public cantonal sur les distances entre les constructions, il n’y avait en principe pas d’immissions excessives au sens de l’article 684 CC44. A l’inverse, si le droit public cantonal des constructions ne contient aucune disposition idoine, garan-tissant notamment un ensoleillement et une lumière minimales, il est possible de faire valoir devant le juge civil les droits découlant des articles 679 et 684 CC45.

On le voit, en fonction du droit cantonal concerné, privé ou public, la même protection reçoit un traitement différent. La jurisprudence a ainsi créé une insécurité juridique, qui justifiait une intervention du législateur dans ce domaine « abandonné aux aléas de la casuistique jurisprudentielle et aux con-troverses de la doctrine »46.