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L’article 732 prescrit la forme écrite. Néanmoins les servitudes qui dérogent aux restrictions légales de la propriété doivent être établies en la forme authen-tique, à teneur de l’article 680 al. 2 CC.

Mentionnons également dans ce contexte l’article 243 al. 2 CO aux termes duquel :

« La promesse de donner un immeuble ou un droit réel immobilier n’est valable que si elle est faite par acte authentique.»

Cette disposition semble prescrire donc la forme authentique pour toute constitution de servitude faite à titre gratuit. L’analyse du critère de gratuité étant bien délicate, la portée de cette disposition est restée incertaine3.

Dans un arrêt récent4 le Tribunal fédéral a rappelé l’exigence de forme par-ticulière issue de la gratuité d’une servitude mais en se dispensant néanmoins de trancher selon ce critère : en effet la servitude contestée souffrait d’un autre défaut, à savoir que son assiette n’était pas déterminable.

Il n’en demeure pas moins qu’une servitude accordée (manifestement) à titre gratuit requiert actuellement la forme authentique5.

S’agissant des modalités de la forme écrite, un arrêt du Tribunal adminis-tratif bernois a jugé que le conservateur du Registre foncier est autorisé à

3 STEINAUER, Développements récents, p. 3.

4 Arrêt du Tribunal fédéral du 8 janvier 2009 (5A _641/2008).

5 ATF 117 II p. 26 / JdT 1992 I p. 351, et ATF 5A_171/2008 du 13 mai 2008, cité dans la RNRF 2009 p.16.

ger une légalisation des signatures, même en présence d’une clause contrac-tuelle le déliant de toute responsabilité à ce sujet6.

2. Nouveau droit

L’un des objectifs de la nouvelle loi est de permettre au Registre foncier de disposer d’informations claires et fiables. Le choix de la forme authentique a été adopté dans cette optique.

L’article 732 al. 1er nv CC stipule désormais que « l’acte constitutif de servi-tude n’est valable que s’il a été passé en la forme authentique ». L’acte authen-tique est imposé quel que soit le contenu de la servitude. Le Parlement n’a donc pas repris l’idée de l’avant-projet de mars 2004 visant à se contenter de la forme écrite pour les servitudes de canalisation.

La désignation marginale « 2. Acte constitutif » implique que la constitu-tion par l’acte unilatéral d’un propriétaire est également soumise à la forme authentique, et non pas seulement les contrats à proprement parler7.

La constitution d’une servitude par testament olographe demeure pos-sible8.

Le projet de loi annexé au message du Conseil fédéral ne prévoyait pas l’exigence de forme authentique, hormis le cas particulier des servitudes déro-geant aux dispositions légales de droit public (art. 680 CC)9, alors que l’avant-projet l’imposait en faisant référence au nombre croissant de conflits liés à l’interprétation des contrats de servitude, applicables dans la durée10. La dis-tinction faite en droit actuel selon qu’il s’agit ou non de déroger aux disposi-tions de droit public a été contestée lors des débats11. Les servitudes foncières peuvent en effet parfois être bien plus dommageables qu’il n’y paraît au pre-mier abord12.

C’est la commission des affaires juridiques du Conseil national qui a pro-posé à nouveau de rendre la forme authentique obligatoire pour la

6 Arrêt du Tribunal administratif bernois du 6 novembre 2006, cité dans la RNRF 2008 p. 269.

7 STEINAUER, Développements récents, p. 4.

8 PIOTET, Propriété collective, RNRF 2006, p. 23.

9 FF 2007 – 5082.

10 Rapport explicatif à l’avant-projet de mars 2004, p. 26.

11 Relevons les arguments pertinents exposés par Monsieur Bruno FRICK, Conseiller aux Etats sur la distinction artificielle qui existe actuellement entre la forme écrite pour la constitution de servitude et la forme authentique exigée pour les modifications de restriction de droit public (art. 680 CC), Session d’été du Conseil des Etats, 4 juin 2008, Bulletin officiel 2008, p. 411.

12 STEINAUER, Les droits réels, tome II, p. 367 no 2229.

tion des servitudes13. S’en sont suivis de longs débats au Conseil des Etats sur la nécessité de la forme authentique avant de se rallier à la détermination du Conseil national.

Les opposants ont notamment mis en avant l’idée que la production d’un plan permettrait à elle seule d’apporter toutes les précisions voulues. C’est probablement vrai pour l’aspect matériel de la servitude. En revanche les ques-tions liées à la sécurité du droit et à l’information donnée aux parties quant aux effets juridiques du contrat resteraient sans réponse (pensons notamment au problème du rang de la servitude par rapport aux autres inscriptions figu-rant au registre foncier). D’autres arguments ont été évoqués, ayant trait à l’opportunité et au coût de l’intervention du notaire14. Dans tous les cas nous verrons dans la suite de cet exposé que certaines questions méritent un exa-men attentif lors de l’inscription d’une servitude, s’agissant des prestations accessoires et de la pluralité d’ayants droit.

Il faut relever ici qu’à Genève un émolument fixe et modéré est prévu pour la constitution des servitudes : Fr. 500.-- pour un acte de servitude, majoré de Fr. 100.-- pour chaque servitude supplémentaire15. Rappelons ici que l’émolument porte sur

« l’étude, la préparation, l’instrumentation de l’acte »16. 3. Champ d’application de la forme authentique

a) Selon la classification des servitudes

L’article 732 nv CC se trouve au début du chapitre consacré aux servitudes foncières ; néanmoins c’est désormais à toutes les catégories de servitude (y compris les servitudes personnelles) que se rapporte l’exigence de la forme authentique.

Ainsi :

- s’agissant de l’usufruit, l’article 746 al 2 CC requiert pour le contrat constitutif la forme authentique (par un renvoi à l’article 657 CC), - le droit d’habitation suit les règles applicables aux usufruits (art. 776

al. 3 CC),

13 Communiqué de presse du Parlement du 12 septembre 2008.

14 Session d’automne du Conseil des Etats, 22 septembre 2009, Bulletin officiel, p. 935 et suivantes.

15 Article 17 du règlement sur les émoluments des notaires.

16 Article 2 alinéa 1er du règlement sur les émoluments des notaires.

- la nouvelle loi a expressément préconisé la forme authentique pour toute constitution de droit de superficie (art. 779a al. 1er nv CC),

- la doctrine applique au droit de source les règles applicables aux servi-tudes foncières,17

- les servitudes personnelles irrégulières sont soumises aux mêmes exi-gences de forme que les servitudes foncières, ainsi que le prévoit déjà l’art. 781 al. 3 CC.

b) Selon le titre d’acquisition

La nouvelle ordonnance sur le registre foncier apporte une restriction inatten-due quant à l’exigence de la forme authentique (art. 70 al. 2) : dans la mesure où le titre d’acquisition est la loi (servitude légale) la forme écrite est suffisante.

Cette référence au caractère légal doit ressortir de la pièce justificative (juge-ment ou contrat conclu en application de la loi, par exemple dans le cadre d’un accord transactionnel). Ainsi le contrat constitutif d’une servitude de passage nécessaire de l’article 694 al 1er CC pourrait être établi en la forme écrite.

Cette disposition de l’ordonnance apportera sans doute une certaine con-fusion, notamment pour l’office du registre foncier qui devra être en mesure de vérifier dans les faits si le caractère légal de la servitude invoqué dans le contrat constitutif est bien-fondé ou non (dans le cadre de l’examen de la forme du contrat, cf. art. 83 al. 2 lettre g ORF).

B. Plan