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1. La rente de superficie

a) Droit actuel

En droit actuel il est admis que la rente de superficie constitue une dette per-sonnelle du superficiaire ; sa constitution ou sa modification ultérieure re-quiert seulement la forme écrite47. La rente de superficie n’étant pas un élé-ment constitutif du droit, elle n’est donc pas soumise à l’exigence de la forme authentique (art. 11 CO et 779a CO). C’est ce que vient de rappeler le Tribunal fédéral dans un arrêt récent du 19 novembre 2010 (5A_251/2010), en accord avec la doctrine majoritaire48. Signalons ici une jurisprudence contraire du tri-bunal de commerce de Zurich qui, pour une autre affaire, prescrivait la forme authentique pour la constitution et la modification de la rente de superficie49.

Il faut relativiser néanmoins la portée de l’arrêt du Tribunal fédéral qui tient lui-même à rappeler que les clauses dites subjectivement essentielles res-tent, en tant que telles, soumises à la forme authentique. Dans cette affaire le caractère subjectivement essentiel n’a pas été démontré, ce que semble même regretter notre Haute Cour (considérant 6.3 in fine).

46 Message du Conseil fédéral, FF 2007 – 5045.

47 STEINAUER, Les droits réels, tome III, p. 107, no 2546.

48 STEINAUER, Les droits réels, tome III, p. 107, no 2546.

49 Arrêt du Tribunal de commerce de Zurich du 25 octobre 2002, RNRF 2005 p. 291 (p. 293).

En dehors de ces questions de forme, il est établi qu’en droit actuel la rente de superficie n’est pas une obligation « propter rem »50. Certes l’hypothèque prévue en garantie de son paiement donne des garanties réelles au propriétaire du fonds servant, mais elle ne fait pas du cessionnaire le nouveau débiteur de la rente, à moins qu’une reprise de dette n’ait été stipulée lors du transfert (art.

175 et 176 CO)51.

Cette situation ne manque pas de créer des difficultés, notamment en cas de réalisation forcée du droit de superficie, l’adjudicataire n’étant dès lors pas débiteur de la rente. Un rattachement propter rem à titre conventionnel n’est en l’état du droit pas envisageable, eu égard au principe des numerus clausus des droits réels52.

b) Nouveau droit

L’article 779a al. 2 nv est rédigé ainsi :

« La rente du droit de superficie et les éventuelles autres dispositions con-tractuelles doivent être passées en la forme authentique lorsqu’il est prévu de les annoter au Registre foncier. »53

Ainsi la nouvelle loi permet dorénavant d’annoter au Registre foncier l’obligation de payer la rente de superficie, à condition cependant que la rente (et ses modifications) soient stipulées en la forme authentique.

Relevons qu’à la lettre la loi n’impose pas la forme authentique pour toute constitution ou modification de rente (ce que le texte allemand de la nouvelle disposition fait ressortir plus clairement54), mais seulement aux rentes dont l’annotation est prévue par les parties. C’est ce que n’a pas manqué de relever le Tribunal fédéral en commentant cette disposition avant même son entrée en vigueur55. Il faut néanmoins respecter la forme authentique dans tous les cas où la rente constitue une clause subjectivement essentielle, ce qui semble bien être toujours le cas. En pratique la forme authentique s’imposera donc systé-matiquement56 .

50 FOËX, Une faille dans la protection du grevé p. 109.

51 STEINAUER, Les droits réels, tome III, p. 107, no 2546.

52 FOËX, Une faille dans la protection du grevé, p. 116 ; l’auteur défend l’idée d’une charge foncière pour pallier à l’absence de protection du propriétaire du fonds servant.

53 Message du Conseil fédéral, FF 2007 – 5045.

54 « Art. 779 a Abs. 2 : Sollen der Baurechtszins und allfällige weitere vertragliche Bestimmungen im Grundbuch vorgemerkt werden, so bedürfen sie zu ihrer Gültigkeit ebenfalls der öffentlichen Beur-kundung.».

55 ATF 5A_251/2010 du 19 novembre 2010, considérant 6.3.

56 MOOSER, Introduction au droit de superficie, p. 16.

L’article 779i prévoyant l’inscription d’une hypothèque légale au profit du superficiant est bien entendu maintenu dans la nouvelle loi.

2. Les autres dispositions contractuelles a) Droit actuel

On trouve dans les contrats de superficie trois catégories de dispositions con-tractuelles57 :

i) celles qui se rapportent au droit réel lui-même : définition de l’immeuble, désignation de son bénéficiaire et durée du droit (art. 779a et 779b CC).

ii) les dispositions qui sont susceptibles de déployer des effets réels : il peut s’agir des clauses relatives à l’indemnité lors du retour des constructions et au rétablissement de l’état des lieux (art. 779e CC), ou encore de clauses confir-mant ou modifiant le droit de préemption légal (art. 682 al. 2 et 681b al. 1er CC).

Rappelons que l’hypothèque légale prévue pour garantir le paiement de la rente de superficie (art. 779i CC) n’est qu’un moyen indirect permettant au propriétaire d’exiger de tout titulaire du droit de superficie le paiement de la rente, elle n’en fait pas une clause déployant des effets réels.

iii) d’autres engagements de nature personnelle, dont on peut citer quelques exemples en particulier s’agissant d’obligations du superficiaire :

- le délai pour construire le bâtiment, - l’affectation du bâtiment,

- l’entretien du bâtiment,

- le paiement de la rente de superficie,

- le paiement de taxes d’aménagement et d’exploitation, - l’amortissement des constructions,

- les restrictions à la cessibilité du droit,

- l’interdiction faite au superficiaire de faire concurrence.

57 MOOSER, Introduction au droit de superficie, p. 8 ss et FOËX, Cession du droit de superficie, p. 54 ss.

Une première lecture de l’actuel article 779b CC donne à penser que les dispositions contractuelles du droit de superficie déploient un effet réel. En réalité l’effet réel concerne uniquement « la situation, le volume et la destina-tion des construcdestina-tions » et par ailleurs « l’utilisadestina-tion des surfaces non bâties mises à contribution par l’exercice du droit »58. Cette disposition ne fait que rappeler le caractère réel du droit de superficie quant à l’objet du droit59. b) Nouvelle loi

La nouvelle loi élargit considérablement la possibilité de donner un effet réel aux dispositions de nature contractuelles. Elle précise en effet à l’article 779b al. 2 nv CC que :

« Si les parties en conviennent, d’autres dispositions contractuelles peuvent être annotées au Registre foncier. »

Cette disposition répond au besoin du propriétaire du fonds qui souhaite le maintien des clauses du contrat à l’encontre de tout titulaire du droit de su-perficie ; elle permet également au superficiaire qui cède son droit de se libérer des obligations stipulées dans le contrat initial (et dûment annotées), celles-ci étant reprises par le nouveau propriétaire60.

Le texte de la nouvelle disposition indique clairement que l’annotation prévue ne peut se borner à annoncer de façon générale que le contrat dans son intégralité (y compris ses modifications ultérieures) est opposable aux tiers61. L’inscription doit permettre de définir – certes largement - quels sont les types de clauses que les parties ont ainsi désignées, à l’instar de l’actuelle annotation prévue à l’article 779e CC applicable au retour des constructions. Pour per-mettre de faire le lien entre l’inscription et les clauses concernées, il paraît adé-quat de faire correspondre le texte de l’annotation avec tout ou partie des dif-férents chapitres du contrat (par exemple « construction, affectation et entre-tien du bâtiment »).

Une autre question est celle de savoir si c’est bien l’intégralité des clauses du contrat qui est susceptible de bénéficier de l’effet de l’annotation. Il s’agit selon le Message du Conseil fédéral de l’ensemble des obligations « que le su-perficiaire doit assumer pour exercer son droit »62 . Les clauses du contrat

58 STEINAUER, Développements récents, p. 16.

59 STEINAUER, Développements récents, p. 17.

60 Message du Conseil fédéral, FF 2007 – 5046.

61 Précisons qu’une annotation globale ne donnerait aucune information utile aux tiers consultant le registre foncier, n’ayant en principe pas accès aux pièces justificatives (nouvelle ordonnance sur le registre foncier, art. 28 ORF).

62 Message du Conseil fédéral, FF 2007 – 5045.

cernant l’extinction du droit et le rétablissement de l’état primitif sont aussi visées par l’art. 779b al. 2 nv CC63.

Dans la mesure où l’annotation se rattache au principe de l’annotation tel que défini limitativement à l’article 959 al. 1er CC, seules les clauses liées direc-tement au droit de superficie sont de prime abord concernées64. Relevons néanmoins à cet égard que le législateur a souhaité faciliter la reprise des obli-gations en étendant le cercle des clauses susceptibles de bénéficier d’un effet propter rem65, en se gardant d’en dire plus dans le texte légal. Le Tribunal fédé-ral a d’ores et déjà inclus dans les clauses susceptibles d’annotation selon le nouveau droit celles touchant les restrictions à la cessibilité du droit de super-ficie (ATF 135 III p. 103 / JdT 2009 I p. 201). Par ailleurs la distinction entre les différentes obligations des parties au contrat peut sembler artificielle, sachant que leur sort est souvent mêlé. Ainsi la rente de superficie augmente souvent selon l’avancement des travaux de construction, eux-mêmes étant en lien avec l’obligation de construire souscrite par le superficiaire ; la rente peut aussi va-rier selon que le superficiaire occupe lui-même les locaux ou les remet en loca-tion.

3. Droit transitoire

Les contrats actuels de droit de superficie déploieront les mêmes effets qu’à ce jour ; en l’absence d’annotation, ni la rente ni les autres obligations qu’ils con-tiennent ne bénéficieront d’effets réels (hormis bien entendu les clauses anno-tées selon l’actuel art. 779e CC).

On peut relever dans ce contexte que rien ne justifierait d’appliquer par analogie l’article 21 al. 2 du Titre final CC (opposabilité des clauses liées acces-soirement à des servitudes et qui apparaissent dans les pièces justificatives) aux contrats de superficie conclus avant l’entrée en vigueur du nouveau droit, même si ces clauses figurent dans un contrat passé en la forme authentique (en référence avec le nouvel article 779a al. 2 CC). En effet cette disposition du droit transitoire désigne limitativement les « obligations liées accessoirement à des servitudes », auxquelles on ne peut assimiler les différentes clauses d’un contrat de superficie. De plus, à défaut de volonté clairement exprimée, l’opposabilité porterait ainsi d’office sur l’intégralité du contrat de superficie, alors que le législateur a prévu une annotation spécifique pour certaines dis-positions contractuelles, selon le choix exprès et préalable des parties.

63 L’actuel article 779 e CC n’a donc plus de portée propre, il est supprimé par la nouvelle loi.

64 MOOSER, Introduction au droit de superficie, p. 9, qui exclut en particulier de l’annotation les clauses qui ne concernent que la liberté économique des parties.

65 FOËX, Cession du droit de superficie, p. 57.

En revanche rien n’interdit aux parties à un contrat conclu avant le 1er jan-vier 2012 de bénéficier des nouvelles possibilités d’annotation, en concluant à cet effet un avenant établi en la forme authentique.