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La nouvelle mouture de l’article 684 al. 2 CC mentionne désormais expressé-ment les immissions négatives dans le catalogue des atteintes interdites47. La protection jurisprudentielle de principe contre les immissions négatives exces-sives est donc légalement consacrée48.

Cette intégration des immissions négatives dans le catalogue des atteintes visées par l’article 684 CC a pour effet que le voisin touché par de telles immis-sions dispose en principe de tous les moyens de droit prévus à l’article 679 CC, soit notamment des actions en cessation du trouble et en réparation du dom-mage. Le nouvel article 679 al. 2 CC exclut toutefois la possibilité d’intenter de telles actions en raison d’immissions négatives excessives causées par la

43 ATF 5A_791/2008, consid. 3.3, publié in SJ 2010 I 61 ; ATF 129 III 161 consid. 2.6, JT 2003 I 226 ; 132 III 49 consid. 2.2, JT 2006 I 99. La portée expansive du droit public cantonal est aussi bien ré-elle en matière de plantations, cf. ECKENSTEIN, p. 116 et l’arrêt cité.

44 ATF 5A_791/2008, consid. 3.3 et les arrêts cités, not. ATF 129 III 161 consid. 2.6, JT 2003 I 226 ; 132 III 49 consid. 2.2, JT 2006 I 99. Cf. ég. ATF 5P.225/2006 ; 5A_648/2010, consid. 4 ; 5A_349/2011, consid. 4.4.2 (destiné à la publication) ; ECKENSTEIN, p. 117 s. ; SCHMID/HÜRLIMANN -KAUP, n. 949b.

45 TA GR, 5.5.2009 = PVG 2009, p. 166 = DC 2011, p. 30 n. 79 (confirmé in ATF 1C_364/2009). Cf.

ég. ECKENSTEIN, p. 118 s.

46 PIOTET, RNRF 2006, p. 17 ; PIOTET, p. 107.

47 Message, p. 5040 ; REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 32 ad art. 684 CC ; STEINAUER, II, n. 1809a.

48 Cf. ATF 5A_464/2010, consid. 4 ; 5A_415/2008, consid. 3.1, publié in RNRF 2010, p. 156 ss, 158 s.

et commenté par SCHMID, in DC 2009, p. 158.

sence49 d’une construction ou d’une installation voisine50 si, au moment où celle-ci a été érigée, toutes les dispositions régissant la construction ont été res-pectées51.

Le nouveau texte ne fait aucune distinction s’agissant des normes à respec-ter52. Toute action civile est donc, selon nous, exclue lorsque l’exploitation du fonds voisin est conforme aux dispositions spécifiques d’aménagement tant de droit public que de droit privé53. L’insécurité juridique créée par la jurispru-dence est ainsi levée54.

IV. Le propriétaire introuvable

La troisième nouveauté importante a trait au cas où la « personne inscrite au registre foncier en qualité de propriétaire doit agir personnellement ou, au moins, désigner un représentant, mais qu’elle ne [peut pas] être atteinte »55 : soit qu’il ne soit pas possible de formellement l’identifier56, soit que, nonobs-tant une telle identification, elle ne puisse être retrouvée57, soit encore,

49 ECKENSTEIN, p. 131, qui relève à juste titre que l’art. 679 al. 2 nCC ne s’applique qu’aux immissions négatives provenant de la seule existence de la construction voisine et non de son utilisation.

50 Sur la notion de construction et d’installation, cf. ECKENSTEIN, p. 129 ss ; REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 37 ad art. 679 CC.

51 Cf. REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 34 ss ad art. 679 CC. L’opinion d’ECKENSTEIN (p. 126), suivie par STEINAUER (II, n. 1917) et REY/STREBEL (n. 35 ad art. 679 CC), selon laquelle une action en pré-vention du trouble n’est pas exclue, dès lors notamment que la disposition ne vise que les construc-tions déjà érigées, apparaît contraire à la volonté du législateur. Ce dernier a en effet clairement opéré une pesée des intérêts entre la protection contre les immissions négatives et la conformité du projet aux règles de droit privé et public applicables. Partant, si l’installation est licite, elle doit pou-voir être construite. Cf. à cet égard, PIOTET, p. 108.

52 Cf. Message, p. 5039 : les termes « en particulier celles de droit public » utilisés par le Conseil fédé-ral montrent à notre sens clairement que les règles de droit civil cantonal sont aussi visées par l’art.

679 al. 2 nCC. Contra : ECKENSTEIN, pp. 127-128, qui considère que l’art. 679 al. 2 nCC ne vise que les règles de droit public. Dans le même sens apparemment : REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 39 ad art. 679 CC.

53 Cf. PIOTET, RNRF 2006, pp. 17-18 ; PIOTET, p. 108. Cf. ég.STEINAUER, II, n. 1917.

54 Dès lors, contrairement à ce que pourrait laisser croire un récent arrêt du Tribunal fédéral (ATF 5A_415/2008, consid. 3.1 i.f., publié in RNRF 2010, p. 159), le législateur n’a pas simplement repris la jurisprudence fédérale. Il en a, bien plutôt, corrigé les incohérences en traitant de manière uni-forme la protection contre les immissions négatives. Cf. ég. la critique de cet arrêt par PIOTET, in JT 2011 II 153.

55 Message, p. 5036.

56 « Par ex. parce que l’inscription au registre foncier est incomplète » (HÜRLIMANN-KAUP/STEINAUER, p.

10). Cf. ég. Message, p. 5037 ; REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 1 ad art. 666a CC ; SCHMID/HÜRLIMANN-KAUP, n. 870a ; STEINAUER, II, n. 1595c.

57 « Elle a émigré et on a perdu sa trace, ou elle est décédée et ses héritiers ne se sont jamais annon-cés au registre foncier » (HÜRLIMANN-KAUP/STEINAUER, p. 10). Cf. ég. Message, p. 5037 ; SCHMID/HÜRLIMANN-KAUP, n. 870a ; STEINAUER, II, n. 1595c.

s’agissant des personnes morales, qu’elle ne dispose plus des organes prescrits par la loi58.

De telles hypothèses sont désormais expressément visées par les nouveaux articles 666a et 666b CC59, qui donnent au juge du lieu de situation de l’immeuble60 la compétence d’ordonner directement les mesures nécessaires, notamment conservatoires61, ou de nommer un représentant du propriétaire introuvable et lui déléguer l’exécution des mesures considérées62. Selon le Message du Conseil fédéral, il peut s’agir notamment « d’introduire une pro-cédure de déclaration d’absence, de demander le consentement à la radiation d’une servitude ou encore de négocier la vente de l’immeuble et de déposer le produit réalisé sur un compte bloqué »63. Ces décisions relèvent de la juridic-tion gracieuse et sont soumises à la procédure sommaire ; le juge établit les faits d’office64.

Comme le souligne le Professeur Steinauer, cette nouvelle règle est une

« contribution à l’un des objectifs principaux de la révision : faire du registre foncier un système d’informations moderne et fiable »65.

Dans ce souci de clarté, le nouvel article 666a al. 4 CC précise en outre que les mesures ordonnées par le juge (y compris la nomination d’un représentant) n’interrompent pas la durée de la possession paisible et ininterrompue de trente ans permettant une prescription acquisitive extraordinaire au sens de l’article 662 CC66. Cette règle s’applique aussi aux mesures ordonnées selon l’article 666b CC67.

58 Cela concerne en particulier les entités radiées du registre du commerce. Ces dernières doivent être réinscrites pour acquérir la personnalité juridique. Cf. Message, p. 5038 ; REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 1 ss ad art. 666b CC ; SCHMID/HÜRLIMANN-KAUP, n. 870a ; STEINAUER, II, n. 1595g.

59 Ces dispositions sont le pendant de l’art. 823 CC, qui prévoit déjà la possibilité de nommer un repré-sentant (curateur) au créancier-gagiste introuvable. L’art. 823 CC a également été remanié dans le cadre de la révision pour donner au juge la possibilité d’ordonner lui-même les mesures nécessaires (cf. Message, p. 5050 ; STEINAUER, II, n. 1595a). expressé-ment habilité à disposer de l’immeuble, le représentant n’a que le pouvoir de prendre des mesures conservatoires, c’est-à-dire de procéder à des actes usuels d’administration » (Message, p. 5037).

64 Art. 248 let. e et 255 let. b CPC ; REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 2 ad art. 666a CC et n. 5 s.

Selon les articles 666a al. 3 ch. 1 et 666b nCC, un intérêt digne de protection suffit pour pouvoir requérir du juge les mesures idoines et notamment la no-mination d’un représentant du propriétaire introuvable. Disposent en tous les cas d’un tel intérêt : les titulaires de droits réels sur l’immeuble, les voisins, les acheteurs potentiels, ainsi que la collectivité publique68. La loi confère en outre expressément à l’office du registre foncier du lieu de situation de l’immeuble la qualité pour agir69.

S’il sollicite qu’un représentant soit nommé, le requérant doit indiquer les pouvoirs que le juge est invité à accorder. Ce dernier n’est toutefois pas lié par les conclusions du requérant et peut conférer d’autres pouvoirs au représen-tant en fonction du but de la représentation70. Le dépôt de la requête n’est en revanche pas conditionné par l’urgence de la situation, contrairement à ce qui prévaut à l’article 823 CC relatif au créancier-gagiste introuvable71.

Conformément à l’article 781a nCC, la nouvelle réglementation est appli-cable, par renvoi, aux servitudes personnelles (cessibles) pour le cas où l’ayant droit ne peut être retrouvé ou, s’agissant d’une personne morale, lorsque cette dernière ne dispose plus des organes prescrits72.

V. Les autres nouveautés

A. Immatriculation des droits distincts et permanents (art. 655