• Aucun résultat trouvé

La première concrétisation légale de la jurisprudence du Tribunal fédéral con-cerne l’hypothèse bien connue où un propriétaire provoque temporairement, notamment par des travaux de construction, des nuisances (poussière, bruit et trépidations), qui causent un dommage à ses voisins3.

De telles immissions, en elles-mêmes excessives au sens de l’article 684 CC, peuvent apparaître inévitables, en ce sens qu’elles ne peuvent être réduites ni par le mode de construction ni par son exécution4, ou que « [leur] interdiction serait hors de proportion avec l’intérêt qu’en retirerait le voisin »5.

Dans ces hypothèses, le Tribunal fédéral a jugé que les immissions étaient licites6 et que le voisin n’était pas admis à s’opposer aux travaux. Le proprié-taire à l’origine des nuisances inévitables doit toutefois, à certaines conditions, équitablement indemniser son voisin pour le dommage causé7.

Cette jurisprudence dite des « travaux nécessaires »8, très éloignée du texte légal9, résulte d’un comblement d’une lacune de l’article 679 CC10.

Le Tribunal fédéral a en effet considéré que cette disposition ne couvrait pas l’hypothèse dans laquelle un propriétaire est contraint « d’“abuser” tem-porairement de son droit de propriété pour pouvoir en faire usage »11. Il a ainsi comblé cette lacune (art. 1 al. 2 CC), en posant la règle selon laquelle le voisin lésé ne peut agir en cessation de trouble, mais doit se contenter d’une indemni-té12.

3 HÜRLIMANN-KAUP/STEINAUER, p. 10 ; STEINAUER, II, n. 1818, 1922b et 1931 s. Il suffit que les nuisances portent atteinte au voisin ; point n’est besoin qu’elles créent un dommage au sens technique du terme (diminution involontaire du patrimoine) : cf. FOËX, p. 491 et les références citées.

4 ECKENSTEIN, pp. 43 ss, 47 ; REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 10 ad art. 679a CC ; WERRO/ZUFFEREY, p. 72 s.

5 STEINAUER, II, n. 1818 et 1931. Cf. ég. ECKENSTEIN, p. 46.

6 ECKENSTEIN, p. 46. En réalité, le Tribunal fédéral n’a pas créé un cas supplémentaire de responsabili-té pour fait licite, mais a procédé à une réduction responsabili-téléologique de l’art. 679 CC en en restreignant sa portée lorsque l’immission excessive est inévitable : cf. FOËX, p. 489 ; ECKENSTEIN, p. 85 ss.

7 PIOTET, p. 109 et les arrêts cités ; SCHMID/HÜRLIMANN-KAUP, n. 961 ;STEINAUER, II, n. 1818 et les ar-rêts cités ; WERRO/ZUFFEREY, p. 69.

8 ATF 83 II 375, JT 1958 I 348 (rés.) ; ATF 91 II 100, JT 1965 I 590 ; SJ 1987, p. 145 ss ; ATF 114 II 230, JT 1989 I 144 ; ATF 5C.117/2005, publié in RNRF 2007, p. 203 ss et in SJ 2006 I 237.

9 PIOTET, RNRF 2006, p. 18. ; PIOTET, p. 109.

10 ECKENSTEIN, p. 53 s. ; REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 2 ad art. 679a CC ;WERRO/ZUFFEREY, p. 76.

11 WERRO/ZUFFEREY, p. 69.

12 WERRO/ZUFFEREY, p. 69 s.

Le Tribunal fédéral a toutefois ajouté qu’une telle indemnité n’était due que si le voisin a été touché de manière notable ou appréciable13, en ce sens qu’il doit avoir subi un dommage important (« eine beträchtliche Schädigung »)14.

Savoir si le dommage est important se juge à l’aune de la gravité des im-missions subies15. Selon la jurisprudence, les nuisances liées habituellement aux travaux de construction ne peuvent donner lieu à indemnisation. C’est ainsi que « les inconvénients passagers “liés à la simple édification ou réfection d’un bâtiment” ne donnent pas droit à indemnité »16. En d’autres termes, ce n’est que si les travaux, de par la durée et l’intensité des immissions qu’ils provoquent, touchent les voisins de manière grave et sensible qu’il se justifie de les indemniser17. Si ce seuil est atteint, le voisin a droit à une indemnité équitable que le juge fixera selon son pouvoir d’appréciation (art. 52 al. 2 CO)18.

Il résulte de la jurisprudence du Tribunal fédéral que le voisin lésé par des immissions excessives inévitables n’est restreint à une indemnité équitable qu’en cas de pertes strictement économiques19. En revanche, conformément à l’avis de la doctrine majoritaire, si l’immission excessive menace l’intégrité corporelle du voisin, ce dernier dispose des mêmes moyens de droit qu’en pré-sence d’immissions excessives évitables : il peut agir non seulement en dom-mages-intérêts, mais aussi en cessation ou en prévention du trouble20.

B. Le nouvel article 679a CC

Cette jurisprudence des « travaux nécessaires », sans être reprise telle quelle, trouve désormais une assise dans la loi à l’article 679a nCC21.

Sa codification, souhaitée depuis longtemps par la doctrine, était nécessaire et répond légitimement à un « souci de lisibilité du système légal »22. Le cons-tructeur est désormais garanti, de par la loi, qu’il ne s’exposera en principe pas aux actions défensives du voisin en cas d’immissions excessives inévitables

13 FOËX, p. 489.

14 ECKENSTEIN, p. 49 ; REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 13 ad art. 679 CC et n. 2 ad art. 679a CC ; WERRO/ZUFFEREY, pp. 70 et 76.

15 ECKENSTEIN, p. 49 ; WERRO/ZUFFEREY, p. 76.

16 WERRO/ZUFFEREY, p. 76.

17 ECKENSTEIN, p. 49 ; WERRO/ZUFFEREY, p. 76.

18 ECKENSTEIN, p. 50 ss ; WERRO/ZUFFEREY, p. 76.

19 ECKENSTEIN, P.51 S. ;WERRO/ZUFFEREY, P.80.

20 ECKENSTEIN, p. 51 ; STEINAUER, II, n. 1818 ; WERRO/ZUFFEREY, pp. 74 et 80.

21 Cf. ECKENSTEIN, p. 91 ; HÜRLIMANN-KAUP/STEINAUER, p. 10 ; STEINAUER, II, n. 1818 et 1931 s.

22 PIOTET, RNRF 2006, p. 18. Cf. ég. FOËX, p. 497 ss ; PIOTET, p. 109.

résultant de travaux de construction, seule l’action en réparation du dommage étant dans ce cas envisageable23.

A la lecture du texte de ce nouvel article 679a CC, on constate que le légis-lateur n’a pas renoncé à la double exigence d’une immission excessive (tempo-raire et inévitable) et d’un dommage en résultant24. En revanche, la condition jurisprudentielle d’un dommage important ou notable n’a pas été reprise dans le nouveau texte25. Contrairement à ce que pourrait laisser croire le Message du Conseil fédéral26, il s’ensuit que le dommage doit dorénavant n’être appré-cié qu’à l’aune de l’article 684 CC27, conformément aux vœux exprimés par la doctrine28. En d’autres termes, il suffit que l’immission inévitable touche le voisin de manière excessive pour que le propriétaire soit tenu à réparation29.

De même, il résulte du texte clair de l’article 679a nCC30 et des travaux préparatoires31 que l’indemnisation n’est plus réduite à une indemnité équi-table, mais couvre la perte entière subie par le voisin32. Elle doit donc être fixée conformément aux règles ordinaires applicables en matière de responsabilité civile33, étant pour le surplus rappelé que l’article 679 CC fonde une responsa-bilité objective34.

23 ECKENSTEIN, p. 91 ; REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 1 et 3 s. ad art. 679a CC ; STEINAUER, II, n. 1931.

24 Cf. ECKENSTEIN, p. 99. Sur les conditions (cumulatives) d’application de l’art. 679a CC, cf.

REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 5 ss ad art. 679a CC ; STEINAUER, II, n. 1931a.

25 Elle était en effet clairement contraire au système : cf. PIOTET, p. 110.

26 Affirmer simplement que l’art. 679a CC « reprend la jurisprudence du Tribunal fédéral » (Message, p. 5039) apparaît trop catégorique, dès lors que le législateur a manifestement voulu corriger cer-tains aspects contestables de cette jurisprudence (condition du dommage important et indemnité seulement équitable).

27 ECKENSTEIN, p. 100.

28 Cf., par ex., FOËX, p. 489 ;WERRO/ZUFFEREY, p. 78.

29 ECKENSTEIN, p. 100. La distinction entre dommages purement économiques et atteintes aux droits de la personnalité demeure : l’art. 679a nCC ne s’applique qu’en cas de dommages purement écono-miques ; en cas d’atteintes à la personnalité, le voisin dispose de tous les moyens de droit prévus à l’art. 679 CC (cf. ECKENSTEIN, p. 99).

30 L’art. 679a nCC parle de « dommages-intérêts ».

31 Cf. Rapport explicatif relatif à l’avant-projet, p. 22 s.

32 PIOTET, RNRF 2006, p. 19 ; PIOTET, p. 110.

33 ECKENSTEIN, p. 91. Elle couvrira dès lors, ainsi que la doctrine le souhaitait, « la perte entière et être déterminée selon les règles ordinaires de la fixation de l’indemnité en fonction du dommage subi » (WERRO/ZUFFEREY, pp. 71 et 78).

34 STEINAUER, II, n. 1929.

III. Les immissions négatives

A. Rappel des principes

La deuxième nouveauté importante de la révision concerne la protection contre les immissions négatives (privation d’air, de soleil, de lumière ou de vue)35.

Depuis un arrêt de principe rendu le 18 mai 200036, les articles 679 et 684 CC protègent, en tant que règles minimales, le propriétaire voisin à l’encontre tant des immissions positives que des immissions négatives37. La privation d’air, de soleil, de lumière ou de vue causée par la présence d’une construction ou de plantations sur un fonds voisin peut ainsi être constitutive d’un excès du droit de propriété au sens de l’article 684 CC et légitimer le propriétaire lésé à agir en cessation ou en prévention du trouble ainsi qu’en réparation du dom-mage (art. 679 CC)38. La jurisprudence n’admet toutefois l’excès que de ma-nière restrictive39.

Les articles 679 et 684 CC ne sont, en effet, que d’application subsidiaire. Ils ne garantissent, pour l’ensemble de la Suisse, qu’une protection minimale, la-quelle est circonscrite par le droit civil cantonal édicté notamment sur la base des articles 686 et 688 CC40. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel qu’il est envi-sageable d’agir selon l’article 679 CC, soit « lorsque le droit [civil] cantonal ne peut trouver application, malgré l’inobservation des distances prescrites »41, voire, dans certaines circonstances très particulières, même lorsque lesdites distances ont été respectées42.

35 Sur la notion d’immissions négatives, cf. PIOTET, p. 106.

36 ATF 126 III 452, JT 2001 I 542. Cf. ég. ATF 5A_415/2008, consid. 3.1 publié in RNRF 2010, p. 156.

37 ATF 5P.225/2006, consid. 2.2 ; ECKENSTEIN, pp. 107 et 113 ;STEINAUER, II, n. 1809a. Avant cet arrêt de principe, « la jurisprudence du Tribunal fédéral n’appliquait l’art. 684 CC qu’aux immissions néga-tives consécunéga-tives à des travaux de construction empêchant l’accès à un fonds » (STEINAUER, II, loc.

cit. et la jurisprudence citée). Les autres cas d’immissions négatives étaient « régis exclusivement par les règles (de droit cantonal) sur les distances à respecter pour construire ou pour planter (art.

686 et 688) » (STEINAUER, II, loc. cit.).

38 STEINAUER, II, n. 1809a.

39 Cf. les exemples mentionnés à l’ATF 5A_464/2010, consid. 4.2 : arbres d’une hauteur d’environ vingt-cinq mètres projetant une ombre importante en début d’après-midi, pendant les périodes de printemps et d’automne ; vue particulièrement belle fortement entravée ou essentielle à l’exploitation du fonds (ATF 5A_415/2008 publié in RNRF 2010, p. 156). Cf. ég. PFÄFFLI/BYLAND, RSJ 2011, p. 227.

40 ATF 5A_464/2010, consid. 4.1 et la jurisprudence citée ; ECKENSTEIN, p. 113 ; SCHMID/HÜRLIMANN -KAUP, n. 949b ; STEINAUER, II, n. 1811 et les références citées. La jurisprudence fédérale ne vise ex-pressément que le cas des plantations (art. 688 CC). Elle doit toutefois également valoir pour les constructions (art. 686 CC) : cf. ECKENSTEIN, p. 116 ;STEINAUER, II, n. 1811a.

41 ATF 5A_464/2010, consid. 4.1. Cf. ég. ECKENSTEIN, p. 114.

42 ATF 5A_415/2008 publié in RNRF 2010, p. 156, critiqué par PIOTET, in JT 2011 II 153 ; ECKENSTEIN, p. 114 s. ; PIOTET, RNRF 2006, p. 17.

Qu’en est-il toutefois lorsque le droit fédéral entre en collision avec les normes de droit public cantonal, qui s’appliquent actuellement presque exclu-sivement en matière de constructions43 ?

Dans le souci d’harmoniser les deux ordres juridiques, le Tribunal fédéral a jugé que lorsqu’un projet de construction respecte les normes de droit public cantonal sur les distances entre les constructions, il n’y avait en principe pas d’immissions excessives au sens de l’article 684 CC44. A l’inverse, si le droit public cantonal des constructions ne contient aucune disposition idoine, garan-tissant notamment un ensoleillement et une lumière minimales, il est possible de faire valoir devant le juge civil les droits découlant des articles 679 et 684 CC45.

On le voit, en fonction du droit cantonal concerné, privé ou public, la même protection reçoit un traitement différent. La jurisprudence a ainsi créé une insécurité juridique, qui justifiait une intervention du législateur dans ce domaine « abandonné aux aléas de la casuistique jurisprudentielle et aux con-troverses de la doctrine »46.

B. Nouveautés introduites par la révision

La nouvelle mouture de l’article 684 al. 2 CC mentionne désormais expressé-ment les immissions négatives dans le catalogue des atteintes interdites47. La protection jurisprudentielle de principe contre les immissions négatives exces-sives est donc légalement consacrée48.

Cette intégration des immissions négatives dans le catalogue des atteintes visées par l’article 684 CC a pour effet que le voisin touché par de telles immis-sions dispose en principe de tous les moyens de droit prévus à l’article 679 CC, soit notamment des actions en cessation du trouble et en réparation du dom-mage. Le nouvel article 679 al. 2 CC exclut toutefois la possibilité d’intenter de telles actions en raison d’immissions négatives excessives causées par la

43 ATF 5A_791/2008, consid. 3.3, publié in SJ 2010 I 61 ; ATF 129 III 161 consid. 2.6, JT 2003 I 226 ; 132 III 49 consid. 2.2, JT 2006 I 99. La portée expansive du droit public cantonal est aussi bien ré-elle en matière de plantations, cf. ECKENSTEIN, p. 116 et l’arrêt cité.

44 ATF 5A_791/2008, consid. 3.3 et les arrêts cités, not. ATF 129 III 161 consid. 2.6, JT 2003 I 226 ; 132 III 49 consid. 2.2, JT 2006 I 99. Cf. ég. ATF 5P.225/2006 ; 5A_648/2010, consid. 4 ; 5A_349/2011, consid. 4.4.2 (destiné à la publication) ; ECKENSTEIN, p. 117 s. ; SCHMID/HÜRLIMANN -KAUP, n. 949b.

45 TA GR, 5.5.2009 = PVG 2009, p. 166 = DC 2011, p. 30 n. 79 (confirmé in ATF 1C_364/2009). Cf.

ég. ECKENSTEIN, p. 118 s.

46 PIOTET, RNRF 2006, p. 17 ; PIOTET, p. 107.

47 Message, p. 5040 ; REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 32 ad art. 684 CC ; STEINAUER, II, n. 1809a.

48 Cf. ATF 5A_464/2010, consid. 4 ; 5A_415/2008, consid. 3.1, publié in RNRF 2010, p. 156 ss, 158 s.

et commenté par SCHMID, in DC 2009, p. 158.

sence49 d’une construction ou d’une installation voisine50 si, au moment où celle-ci a été érigée, toutes les dispositions régissant la construction ont été res-pectées51.

Le nouveau texte ne fait aucune distinction s’agissant des normes à respec-ter52. Toute action civile est donc, selon nous, exclue lorsque l’exploitation du fonds voisin est conforme aux dispositions spécifiques d’aménagement tant de droit public que de droit privé53. L’insécurité juridique créée par la jurispru-dence est ainsi levée54.

IV. Le propriétaire introuvable

La troisième nouveauté importante a trait au cas où la « personne inscrite au registre foncier en qualité de propriétaire doit agir personnellement ou, au moins, désigner un représentant, mais qu’elle ne [peut pas] être atteinte »55 : soit qu’il ne soit pas possible de formellement l’identifier56, soit que, nonobs-tant une telle identification, elle ne puisse être retrouvée57, soit encore,

49 ECKENSTEIN, p. 131, qui relève à juste titre que l’art. 679 al. 2 nCC ne s’applique qu’aux immissions négatives provenant de la seule existence de la construction voisine et non de son utilisation.

50 Sur la notion de construction et d’installation, cf. ECKENSTEIN, p. 129 ss ; REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 37 ad art. 679 CC.

51 Cf. REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 34 ss ad art. 679 CC. L’opinion d’ECKENSTEIN (p. 126), suivie par STEINAUER (II, n. 1917) et REY/STREBEL (n. 35 ad art. 679 CC), selon laquelle une action en pré-vention du trouble n’est pas exclue, dès lors notamment que la disposition ne vise que les construc-tions déjà érigées, apparaît contraire à la volonté du législateur. Ce dernier a en effet clairement opéré une pesée des intérêts entre la protection contre les immissions négatives et la conformité du projet aux règles de droit privé et public applicables. Partant, si l’installation est licite, elle doit pou-voir être construite. Cf. à cet égard, PIOTET, p. 108.

52 Cf. Message, p. 5039 : les termes « en particulier celles de droit public » utilisés par le Conseil fédé-ral montrent à notre sens clairement que les règles de droit civil cantonal sont aussi visées par l’art.

679 al. 2 nCC. Contra : ECKENSTEIN, pp. 127-128, qui considère que l’art. 679 al. 2 nCC ne vise que les règles de droit public. Dans le même sens apparemment : REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 39 ad art. 679 CC.

53 Cf. PIOTET, RNRF 2006, pp. 17-18 ; PIOTET, p. 108. Cf. ég.STEINAUER, II, n. 1917.

54 Dès lors, contrairement à ce que pourrait laisser croire un récent arrêt du Tribunal fédéral (ATF 5A_415/2008, consid. 3.1 i.f., publié in RNRF 2010, p. 159), le législateur n’a pas simplement repris la jurisprudence fédérale. Il en a, bien plutôt, corrigé les incohérences en traitant de manière uni-forme la protection contre les immissions négatives. Cf. ég. la critique de cet arrêt par PIOTET, in JT 2011 II 153.

55 Message, p. 5036.

56 « Par ex. parce que l’inscription au registre foncier est incomplète » (HÜRLIMANN-KAUP/STEINAUER, p.

10). Cf. ég. Message, p. 5037 ; REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 1 ad art. 666a CC ; SCHMID/HÜRLIMANN-KAUP, n. 870a ; STEINAUER, II, n. 1595c.

57 « Elle a émigré et on a perdu sa trace, ou elle est décédée et ses héritiers ne se sont jamais annon-cés au registre foncier » (HÜRLIMANN-KAUP/STEINAUER, p. 10). Cf. ég. Message, p. 5037 ; SCHMID/HÜRLIMANN-KAUP, n. 870a ; STEINAUER, II, n. 1595c.

s’agissant des personnes morales, qu’elle ne dispose plus des organes prescrits par la loi58.

De telles hypothèses sont désormais expressément visées par les nouveaux articles 666a et 666b CC59, qui donnent au juge du lieu de situation de l’immeuble60 la compétence d’ordonner directement les mesures nécessaires, notamment conservatoires61, ou de nommer un représentant du propriétaire introuvable et lui déléguer l’exécution des mesures considérées62. Selon le Message du Conseil fédéral, il peut s’agir notamment « d’introduire une pro-cédure de déclaration d’absence, de demander le consentement à la radiation d’une servitude ou encore de négocier la vente de l’immeuble et de déposer le produit réalisé sur un compte bloqué »63. Ces décisions relèvent de la juridic-tion gracieuse et sont soumises à la procédure sommaire ; le juge établit les faits d’office64.

Comme le souligne le Professeur Steinauer, cette nouvelle règle est une

« contribution à l’un des objectifs principaux de la révision : faire du registre foncier un système d’informations moderne et fiable »65.

Dans ce souci de clarté, le nouvel article 666a al. 4 CC précise en outre que les mesures ordonnées par le juge (y compris la nomination d’un représentant) n’interrompent pas la durée de la possession paisible et ininterrompue de trente ans permettant une prescription acquisitive extraordinaire au sens de l’article 662 CC66. Cette règle s’applique aussi aux mesures ordonnées selon l’article 666b CC67.

58 Cela concerne en particulier les entités radiées du registre du commerce. Ces dernières doivent être réinscrites pour acquérir la personnalité juridique. Cf. Message, p. 5038 ; REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 1 ss ad art. 666b CC ; SCHMID/HÜRLIMANN-KAUP, n. 870a ; STEINAUER, II, n. 1595g.

59 Ces dispositions sont le pendant de l’art. 823 CC, qui prévoit déjà la possibilité de nommer un repré-sentant (curateur) au créancier-gagiste introuvable. L’art. 823 CC a également été remanié dans le cadre de la révision pour donner au juge la possibilité d’ordonner lui-même les mesures nécessaires (cf. Message, p. 5050 ; STEINAUER, II, n. 1595a). expressé-ment habilité à disposer de l’immeuble, le représentant n’a que le pouvoir de prendre des mesures conservatoires, c’est-à-dire de procéder à des actes usuels d’administration » (Message, p. 5037).

64 Art. 248 let. e et 255 let. b CPC ; REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 2 ad art. 666a CC et n. 5 s.

Selon les articles 666a al. 3 ch. 1 et 666b nCC, un intérêt digne de protection suffit pour pouvoir requérir du juge les mesures idoines et notamment la no-mination d’un représentant du propriétaire introuvable. Disposent en tous les cas d’un tel intérêt : les titulaires de droits réels sur l’immeuble, les voisins, les acheteurs potentiels, ainsi que la collectivité publique68. La loi confère en outre expressément à l’office du registre foncier du lieu de situation de l’immeuble la qualité pour agir69.

S’il sollicite qu’un représentant soit nommé, le requérant doit indiquer les pouvoirs que le juge est invité à accorder. Ce dernier n’est toutefois pas lié par les conclusions du requérant et peut conférer d’autres pouvoirs au représen-tant en fonction du but de la représentation70. Le dépôt de la requête n’est en revanche pas conditionné par l’urgence de la situation, contrairement à ce qui prévaut à l’article 823 CC relatif au créancier-gagiste introuvable71.

Conformément à l’article 781a nCC, la nouvelle réglementation est appli-cable, par renvoi, aux servitudes personnelles (cessibles) pour le cas où l’ayant droit ne peut être retrouvé ou, s’agissant d’une personne morale, lorsque cette dernière ne dispose plus des organes prescrits72.

V. Les autres nouveautés

A. Immatriculation des droits distincts et permanents (art. 655 al. 3 nCC)

Le nouvel article 655 al. 3 CC fait passer dans la loi la réglementation qui était prévue à l’article 7 al. 2 de l’ordonnance sur le registre foncier du 22 février 191073, lequel définissait le caractère distinct et permanent d’un droit74. L’immatriculation des droits distincts et permanents est désormais réglemen-tée à l’article 22 nORF.

68 Message, p. 5037 s. ; REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 9 ad art. 666a CC et n. 7 s. ad art. 666b CC ; STEINAUER, II, n. 1595d.

69 Message, p. 5038 ; REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 9 ad art. 666a CC et n. 7 ad art. 666b CC ; STEINAUER, II, n. 1595d.

70 Cf. Message, p. 5037 ; STEINAUER, II, n. 1595e ; REY/STREBEL, Commentaire bâlois, n. 12 ad art. 666b CC.

71 Message, p. 5037 ; STEINAUER, II, n. 1595d.

72 Message, p. 5046 ; PETITPIERRE, Commentaire bâlois, n. 1 ad art. 781a CC.

73 Ci-après : « aORF ». L’aORF a été entièrement refondue. La nouvelle ORF du 23 septembre 2011 (« nORF », RS 211.432.1) est entrée en vigueur le 1er janvier 2012 en même temps que la révision du CC du 11 décembre 2009.

74 SCHMID/HÜRLIMANN-KAUP, n. 809a et 1329 ; STEINAUER, II, n. 1509a.

En passant dans la loi, la rédaction de l’article 7 al. 2 aORF a été quelque peu simplifiée. Son contenu matériel a toutefois été repris sans changement75.

C’est ainsi que la nouvelle disposition prévoit qu’« une servitude sur un immeuble peut être immatriculée comme droit distinct et permanent aux con-ditions suivantes : (1) elle n’est établie ni en faveur d’un fonds dominant ni exclusivement en faveur d’une personne déterminée ; (2) elle est établie pour 30 ans au moins ou pour une durée indéterminée ».

Les servitudes concernées sont principalement celles visées par l’article 655

Les servitudes concernées sont principalement celles visées par l’article 655