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Pleinement au fait des principes directeurs approuvés par le Comité de l'environnement de l'OCDE545 , la Commission des Communautés européennes a explicitement utilisé le principe

SECTION 1.- LES PRINCIPES ENVISAGÉS COMME FONDEMENTS PRIVILÉGIÉS DES INSTRUMENTS ÉCONOMIQUES

A.- LA DISTINCTION ENTRE LES APPROCHES ÉCONOMIQUE ET JURIDIQUE DU PRINCIPE POLLUEUR-PAYEUR

99. Pleinement au fait des principes directeurs approuvés par le Comité de l'environnement de l'OCDE545 , la Commission des Communautés européennes a explicitement utilisé le principe

pollueur-payeur, pour la première fois, dans une communication sur un programme des Communautés européennes en matière d’environnement du 24 mars 1972546. Elle énonce, dans des termes presque identiques à ceux de l’OCDE, que « le principe à appliquer pour l'imputation des coûts des mesures de prévention et de lutte contre la pollution, principe qui favorise l'emploi rationnel des ressources limitées de l'environnement tout en évitant des distorsions dans le commerce et les investissements internationaux, est le principe dit "pollueur- payeur". Ce principe signifie que le pollueur devrait se voir imputer les dépenses relatives aux susdites mesures arrêtées par les pouvoirs publics pour que l'environnement soit dans un état acceptable. En d'autres termes, le coût de ces mesures devrait être répercuté dans le coût des biens et services qui sont à l'origine de la pollution du fait de leur production et/ou de leur consommation »547. Le principe pollueur-payeur sera par la suite rapidement intégré dans les différents programmes d’action des Communautés européennes en matière d’environnement. Dans une Déclaration du 22 novembre 1973 concernant un programme d’action des Communautés européennes en matière d’environnement548, le Conseil des Communautés européennes consacre au rang de « principes généraux d'une politique de l'environnement dans

543 JÉGOUZO Y., « L’évolution des instruments du droit de l’environnement »,préc., p. 31.

544 THUNIS X., « Le principe du pollueur-payeur : de l’imputation des coûts à la détermination des responsabilités », préc., pp. 171-172 ; V. également, dans le même sens : THUNIS X, DE SADELEER N., « Le principe du pollueur-payeur : idéal régulateur ou règle de droit positif ? », préc., pp. 3-15.

545 « L’Union Européenne joue comme le moteur de l’évolution. Elle va relayer les études et réflexions menées au sein de l’OCDE en légiférant, avec les prolongements que l’on connait dans le droit interne des États. Cela démontre, si besoin en était, la grande perméabilité de la Commission européenne aux thèses de l’OCDE » : MALJEAN-DUBOIS S., « Le recours à l’outil économique : un habit neuf pour les politiques environnementales ? », préc., p. 12.

546 Communication de la Commission au Conseil sur un programme des Communautés européennes en matière d’environnement, JOCE n° C 52 du 26 mai 1972, p. 1.

547Ibid., p. 19.

548 Déclaration du Conseil des Communautés européennes et des représentants des gouvernements des États membres réunis au sein du Conseil, du 22 novembre 1973, concernant un programme d'action des Communautés européennes en matière d'environnement, JOCE n° C 112 du 20 décembre 1973, p. 1.

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la Communauté » les principes dégagés quelques mois plus tôt par les ministres de l'environnement lors de leur réunion organisée à Bonn, le 31 octobre 1972.

Parmi ces principes figure notamment le principe selon lequel « les frais occasionnés par la prévention et la suppression des nuisances incombent, par principe, au pollueur »549. En vue d’établir une réglementation commune aux États membres de la Communauté, la définition, ainsi que les modalités d'application du « principe du "pollueur-payeur" » seront précisées par une communication de la Commission des Communautés européennes relative « à l'imputation des coûts et à l'intervention des pouvoirs publics en matière d'environnement »550, annexée à une recommandation du Conseil du 3 mars 1975551. Le pollueur est ainsi défini, dans un sens relativement large, comme « celui qui dégrade directement ou indirectement l'environnement ou crée des conditions aboutissant à sa dégradation »552. Le principe pollueur-payeur en droit communautaire va ainsi être appréhendé, dans un premier temps, et conformément à la définition de l’OCDE, comme un principe d’« imputation » aux pollueurs des coûts de la lutte contre la pollution, afin notamment d’éviter des distorsions de concurrence553.

100. Le principe pollueur-payeur sera par la suite consacré juridiquement en 1986 par l’article 25 de l’Acte unique européen, et inscrit à l’article 130 R du Traité instituant la Communauté économique européenne (Traité CEE). Il devient, à compter de cette date, un fondement de la politique de la Communauté économique européenne dans le domaine de l’environnement, au même titre que les principes de précaution et d’action préventive, ainsi que le principe de correction, par priorité à la source, des atteintes à l’environnement. Le principe

549Ibid., p. 6.

550 Communication de la Commission au Conseil relative à l'imputation des coûts et à l'intervention des pouvoirs publics en matière d'environnement, JOCE n° L 194 du 25 juillet 1975, p. 2.

551 Recommandation du Conseil, du 3 mars 1975, relative à l'imputation des coûts et à l'intervention des pouvoirs publics en matière d'environnement (75/436/Euratom, CECA, CEE), JOCE n° L 194 du 25 juillet 1975, p. 1

552 Communication de la Commission au Conseil relative à l'imputation des coûts et à l'intervention des pouvoirs publics en matière d'environnement, préc., p. 6.

553 « L'imputation aux pollueurs des coûts de la lutte contre la pollution qu'ils provoquent les incite à réduire cette dernière et à rechercher des produits ou des technologies moins polluants et permettra ainsi une utilisation plus rationnelle des ressources de l'environnement ; en outre, elle satisfait aux critères d'efficacité et d'équité. Afin d'éviter que des distorsions de concurrence n'affectent les échanges et la localisation des investissements, ce qui serait incompatible avec le bon fonctionnement du marché commun, il convient d'imputer les coûts liés à la protection de l'environnement contre la pollution selon les mêmes principes dans toute la Communauté […]. Dans ce but, tant les Communautés européennes au niveau communautaire que les États membres dans leurs législations nationales en matière de protection de l'environnement doivent appliquer le principe du "pollueur-payeur", suivant lequel les personnes physiques ou morales, de droit privé ou public, responsables d'une pollution doivent payer les frais des mesures nécessaires pour éviter cette pollution ou la réduire afin de respecter les normes et les mesures équivalentes permettant d'atteindre les objectifs de qualité ou, lorsque de tels objectifs n' existent pas, afin de respecter les normes et les mesures équivalentes fixées par les pouvoirs publics […] » (Ibid).

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pollueur payeur sera, par la suite, déplacé de l’article 130 R du Traité CEE à l’article 174 (ex-article 130 R) du Traité instituant la Communauté européenne (TCE)554, puis à l’article 191§2 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE)555.

Au fil de sa déclinaison en droit de l’Union européenne, la définition juridique du principe pollueur-payeur va néanmoins connaître une évolution au fil des programmes d'action successifs de la Commission européenne en matière d’environnement556. Cette définition va ainsi progressivement s’éloigner de la conception initiale de l’OCDE dans la mesure où ce principe va être rattaché à un nouveau régime de responsabilité communautaire en matière environnementale. Ce basculement est particulièrement manifeste dans le Livre vert de la Commission européenne sur la réparation des dommages causés à l'environnement557, suivi du Livre blanc de la Commission européenne sur la responsabilité environnementale558.

Le Livre vert relève, en effet, qu’« un régime de responsabilité civile pour les dommages causés à l'environnement dans la Communauté s'appuierait sur un principe fondamental et universel de droit civil, à savoir l'obligation de réparation qui incombe au responsable d'un dommage. Ce principe juridique est étroitement lié à deux principes qui constituent le fondement de la politique européenne de l'environnement depuis l'adoption de l'Acte unique, le principe de prévention et le principe du pollueur-payeur »559. Il ajoute que « la responsabilité civile met en jeu le principe du pollueur-payeur parce qu'elle permet de faire payer par l'auteur de la pollution le coût des dommages qui en résultent »560.

Le Livre blanc propose de définir la responsabilité environnementale « comme l'instrument par lequel celui qui occasionne une atteinte à l'environnement (le pollueur) est amené à payer pour remédier aux dommages qu'il a causés ». L’engagement de la responsabilité

554 « La politique de la Communauté dans le domaine de l'environnement vise un niveau de protection élevé, en tenant compte de la diversité des situations dans les différentes régions de la Communauté. Elle est fondée sur les principes de précaution et d'action préventive, sur le principe de la correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement et sur le principe du "pollueur-payeur" » : article 174 (ex-article 130R) du Traité instituant la Communauté européenne (TCE).

555 « La politique de l'environnement [...] est fondée [...] sur le principe du pollueur-payeur » : art. 191, § 2 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE).

556 DE SABRAN-PONTEVÈS E., Les transcriptions juridiques du principe pollueur-payeur, préc., p. 29 ; DE SABRAN-PONTEVÈS E., « Le principe pollueur-payeur en droit communautaire », préc., p. 50.

557 Livre vert de la Commission européenne sur la réparation des dommages causés à l'environnement, Communication du 14 mai 1993 [COM (93) 47 final].

558 Livre blanc de la Commission européenne sur la responsabilité environnementale, Communication du 9 février 2000 [COM(2000) 66 final].

559 Livre vert de la Commission européenne sur la réparation des dommages causés à l'environnement, Communication du 14 mai 1993, préc., p. 5.

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est alors conditionné par la réunion de trois critères cumulatifs, que sont l’identification d’un ou de plusieurs auteurs identifiables (le ou les pollueurs), d’un ou plusieurs dommages concrets et quantifiables, et enfin l’établissement d’un lien de causalité entre le(s) dommage(s) et le comportement de(s) auteur(s) identifié(s).

101. La consécration du principe pollueur-payeur comme un fondement de la responsabilité environnementale trouvera son expression la plus aboutie dans la directive du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale561, transposée en droit français par la loi n° 2008-757 du 1er août 2008 relative à la responsabilité environnementale562. La directive énonce, que « conformément au principe du "pollueur-payeur", un exploitant qui cause un dommage environnemental grave ou qui crée une menace imminente d'un tel dommage doit en principe supporter les coûts relatifs aux mesures de prévention ou de réparation nécessaires ».

Sous l’effet du rattachement du principe pollueur-payeur à ce nouveau régime de responsabilité communautaire en matière environnementale, ce principe va ainsi basculer d’un principe d’imputation des coûts des mesures de prévention et de lutte contre la pollution, à un principe d’imputation de responsabilité en matière environnementale. Ce faisant, l’appréhension juridique du principe pollueur-payeur va ainsi s’éloigner quelque peu de la conception initiale de ce principe tel de que développé par l’OCDE.

À cela, s’ajoute le fait que le droit va également appliquer ses propres définitions et qualifications aux termes de « pollueur » et de « pollution ». Là où, au sens large, le pollueur peut désigner un producteur de biens et services563, ou « un agent économique à la charge duquel a été mis le coût d'une mesure environnementale »564, celui-ci désigne, au sens juridique, l’auteur d’une pollution. L’obligation de compensation écologique n’étant pas systématiquement consécutive à une pollution ou à un dommage, le rattachement juridique des compensations écologiques paraît, à première vue, devoir être écarté. Interprété dans un sens moins strictement juridique, le principe pollueur-payeur nous semble en revanche pouvoir être envisagé comme un fondement privilégié des compensations écologiques.

561 Directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux, JOUE n° L 143 du 30 avril 2004, p. 56.

562 Loi n° 2008-757 du 1er août 2008 relative à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement, JO du 2 août 2008, p. 12361.

563 SILEM A., Lexique d’économie, préc., p. 669.

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B.- L’ABSENCE DE RATTACHEMENT LÉGISLATIF DES DISPOSITIFS DE

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