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LA NATURE JURIDIQUE DU « PAIEMENT » DANS LE CADRE DES DISPOSITIFS DE PAIEMENTS POUR SERVICES ENVIRONNEMENTAUX

SECTION 2.- LE « PAIEMENT », CONTREPARTIE À LA RÉALISATION D’UNE PRESTATION DE SERVICE ENVIRONNEMENTAL

A.- LA NATURE JURIDIQUE DU « PAIEMENT » DANS LE CADRE DES DISPOSITIFS DE PAIEMENTS POUR SERVICES ENVIRONNEMENTAUX

182. S’il apparaît pertinent de retenir une définition extensive du terme de « paiement » dans le cadre des dispositifs de paiements pour services environnementaux (1), ce choix n’a pas,

865 V. supra. §. n° 22.

866 COMITÉ POUR L’ÉCONOMIE VERTE, Avis portant sur le développement des paiements pour services environnementaux (PSE), préc., p. 2.

867 LANGLAIS A., « Les paiements pour services environnementaux, une nouvelle forme d'équité environnementale pour les agriculteurs ? », préc., p. 19.

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pour autant, pour conséquence d’inclure les mesures agro-environnementales et climatiques du second pilier de la politique agricole commune dans cette catégorie (2).

1.- L’intérêt d’une définition juridique extensive du concept de « paiement »

183. Si les paiements pour services environnementaux semblent reposer sur l’existence d’un « paiement », la littérature consacrée à ces dispositifs s’appuie en réalité sur une grande diversité de termes : « paiement » ; « rémunération »868 ; « aide »869 ; « achat »870 ; « contrepartie » ; « transfert de ressources » 871 ; « subvention »872 ; etc. De manière générale, les paiements pour services environnementaux sont associés à l’idée selon laquelle le prestataire bénéficie d’une contrepartie monétaire, condition de son engagement à réaliser un service environnemental. La question de la nature du « paiement » ou de la « contrepartie » se révèle essentielle, dans la mesure où celle-ci est souvent utilisée par la doctrine comme un critère permettant de fonder la distinction entre les paiements pour services environnementaux et d’autres dispositifs, notamment les mesures agro-environnementales de la PAC. Ce constat nous invite dès lors à déterminer de quelle manière le droit appréhender le terme de « paiement » et s’il ne serait en réalité pas plus pertinent de parler de « contrepartie ».

184. Au sens commun, le paiement désigne « l’action de payer »873. Celui-ci se traduit donc le plus souvent par la remise d’une somme d’argent. En économie, le paiement désigne également l’« action de payer, c’est-à-dire de mettre une personne ou une organisation en possession de ce qui lui est dû. Le paiement consiste le plus souvent à verser une somme d’argent, mais il peut aussi prendre la forme d’un travail, d’un service rendu ou de la remise d’un bien »874. À la lumière de cette définition, il est intéressant de relever que le paiement ne se limite pas nécessairement à une rémunération monétaire, mais peut également être effectué en nature. D’un point de vue juridique, le paiement ne désigne pas l’action de payer, mais

868 KARSENTY A., « Paiements pour services environnementaux et développement : Coupler incitation à la conservation et investissement », préc., p. 1 ; LANGLAIS A., « Les paiements pour services environnementaux comme nouveau contrat environnemental ? », préc., p. 212.

869 AZNAR O. et al., « Mesures agro-environnementales et paiements pour services environnementaux », préc., p. 209.

870 WUNDER S., « Payments for Environnemental Services: Some Nuts and Bolts », préc., p. 3.

871 MURADIAN R. and al., « Reconciling theory and practice: An alternative conceptual framework for understanding payments for environmental services », préc., p. 1205.

872 LAMOTTE H., « Rapport général », préc., p. 38 ;

873 Le Nouveau Petit Robert, préc., p. 1567.

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constitue le mode le plus courant d’extinction d’une obligation. Selon l’article 1342 du Code civil, « le paiement est l'exécution volontaire de la prestation due. Il doit être fait sitôt que la dette devient exigible. Il libère le débiteur à l'égard du créancier et éteint la dette, sauf lorsque la loi ou le contrat prévoit une subrogation dans les droits du créancier ».

Par conséquent, le « paiement » n’est pas limité, d’un point de vue juridique, au versement d’une somme d’argent, dans la mesure où celui-ci peut notamment intervenir en nature. Il est intéressant de noter que la littérature consacrée aux paiements pour services environnementaux adopte également, de manière assez fréquente, le terme de « rémunération ». Cette dernière se définit d’un point de vue juridique comme un « terme générique désignant toute prestation, en argent ou même en nature, fournie en contrepartie d’un travail ou d’une activité »875. Appliqué aux paiements pour services environnementaux, nous privilégierons le terme de « paiement », dans la mesure où celui-ci a un sens plus large que le terme de rémunération, qui constitue une forme de paiement parmi d’autres. Enfin, le terme de « paiement » permet d’envisager d’autres formes de contreparties que strictement monétaires. Dans la mesure où nous sommes en présence d’une offre et/ou d’une demande de prestation dont la contrepartie est conditionnée par la réalisation effective de ce service ou l’obtention d’un résultat préalablement convenu entre les parties, les sommes perçues par le prestataire constituent le prix d'une prestation de service et non une aide. Les contreparties versées dans le cadre d’un paiement pour service environnemental semblent ainsi exclure, par nature, la qualification d’aide ou de subvention. Cela n’exclut pas que de telles aides ou subventions soient accordées pour récompenser des externalités positives non intentionnellement produites, mais implique que celles-ci relèvent d’une logique distincte des paiements pour services environnementaux. Il est dès lors surprenant de constater que l’expérimentation de « paiements pour services environnementaux », menée par les agences de l’eau, organise la rémunération de « services environnementaux » existants876. Bien que les sommes versées soient conditionnées à l’obtention d’un résultat, celles-ci sont qualifiées de « subventions », et non de rémunération en contrepartie de la réalisation de prestations de service877.

875 CORNU G., Vocabulaire juridique, préc., p. 885.

876 Entretien réalisé le 20 août 2020 auprès de Mme Nathalie Marty, préc.

877 Considérant 23 de la Décision de la Commission européenne, Aide d’État/France SA.55052 (2019/N) « Valorisation des services environnementaux en incitation à la performance environnementale des exploitations », 18 févr. 2020, C(2020) 991 final.

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185. Au regard des précisions terminologiques qui précèdent, il apparaît selon nous peu pertinent de limiter le paiement pour service environnemental au versement d’une somme d’argent, dans la mesure où d’autres types de contreparties, en nature ou éventuellement fiscales, pourraient également être envisagées. Plusieurs auteurs invitent d’ailleurs à sortir d’une vision strictement monétaire des paiements pour services environnementaux878. Écarter de telles possibilités en se limitant au seul versement d’une rémunération monétaire contribuerait à réduire considérablement les perspectives d’application de ce dispositif. De son propre aveu, la FAO opte ainsi pour une « définition des paiements pour services environnementaux bien plus large que celle donnée par certains professionnels, circonscrite aux paiements volontaires directement versés par les utilisateurs aux prestataires »879. Elle énonce que les contreparties à la réalisation d’un paiement pour service environnemental peuvent consister en une « rétribution monétaire » ou « une autre forme de paiement »880.

Il est vrai que le droit a généré de nombreux outils pour influencer les comportements des individus. Parmi eux, l’outil fiscal s’impose comme un instrument privilégié, à l’image des nombreuses perspectives offertes par le Code général des impôts881. L’outil fiscal comme contrepartie demeure cependant très peu développé dans la littérature consacrée aux paiements pour services environnementaux. La loi « Biodiversité » permet pourtant la mise en place d’un système incitatif intéressant sur les propriétés non bâties. Celui-ci exonère en effet de la taxe foncière à hauteur de 50% les propriétés non bâties situées dans certaines zones humides en contrepartie d’un engagement de gestion sur une durée de cinq ans882. Cet engagement peut porter, à titre d’exemple, sur le non-retournement des parcelles ou la préservation de l’avifaune. Cette exonération fiscale est portée à 100 % pour les propriétés non bâties situées dans des zones naturelles protégées dont les propriétaires s’engagent notamment à respecter les chartes et documents de gestion de ces espaces pendant cinq ans883. Au regard des avantages qu’ils confèrent, il apparaît également possible d’envisager le recours à des labels ou certifications884. Nous proposons, par conséquent, de définir le « paiement pour service environnemental »

878 BODART A., « Des paiements pour services écosystémiques "non monétaires", un instrument adapté à la mise en œuvre de la directive-cadre sur l’eau ? » in LANGLAIS A. (dir.), L’agriculture et les paiements pour services environnementaux. Quels questionnements juridiques ?, PUR, 2019, p. 371.

879 FAO, La situation mondiale de l’alimentation et de l’agriculture 2007. Payer les agriculteurs pour les services environnementaux, préc., p. 26.

880Ibid.

881 Art. 1395 et s. du CGI.

882 Art. 1395 B bis I du CGI.

883 Art. 1395 B bis II du CGI.

884 BODART A., « Des paiements pour services écosystémiques "non monétaires", un instrument adapté à la mise en œuvre de la directive-cadre sur l’eau ? » préc., p. 371.

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comme un dispositif par lequel un prestataire est incité à s’engager par contrat, en dehors de toute obligation réglementaire, à restaurer, préserver ou améliorer la qualité et la diversité des écosystèmes en contrepartie d’un paiement ou d’un avantage de toute nature. Ainsi envisagée, la définition des paiements pour services environnementaux nous invite à déterminer si les mesures agro-environnementales de la PAC, souvent qualifiés de paiements pour services environnementaux, peuvent intégrer – ou non – cette catégorie.

2.- Les mesures agro-environnementales et climatiques de la politique agricole commune, une forme particulière de paiement pour service environnemental

186. La question de savoir si les mesures agro-environnementales (et climatiques) du second pilier de la PAC constituent des paiements pour services environnementaux est une interrogation très récurrente dans la littérature consacrée aux PSE. Pour les uns, ces mesures sont assimilées à des dispositifs de paiements pour services environnementaux885. Ainsi, selon le Livre vert de la Commission des Communautés européennes sur les instruments fondés sur le marché en faveur de l'environnement, les mesures agro-environnementales de la politique agricole commune constituent des « paiements pour des services environnementaux (PSE) »886. Il est également intéresser d’observer que les « exemples de rémunérations pour la mise en œuvre de mesures compensatoires sur les terres agricoles » proposés par le rapport rendu dans le cadre de la commission d’enquête du Sénat sur la réalité des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité, organisés sous la forme de grilles, ressemblent à s’y méprendre aux montants forfaitaires à l’hectare des mesures agro-environnentales inscrits dans les Programmes de développement rural régionaux (PDRR) de la programmation 2014-2020887.

885 V. notamment, à titre d’exemple : CGDD, Conservation et utilisation durable de la biodiversité : analyse des outils économiques, Rapport de la Commission des comptes et de l’économie de l’environnement, Ministère de l'écologie, nov. 2010, p. 138 ; ETRILLARD C., « Paiements pour services environnementaux : nouveaux instruments de politique publique environnementale », préc., §. n° 8 ; DELGOULET D., DUVAL L., LEPLAY S., Mesures agro-environnementales et paiements pour services environnementaux : regards croisés sur deux instruments, préc., p. 1 ; CHARLES-LE BIHAN D., « Les paiements pour services environnementaux dans la politique agricole commune : quelle dimension territoriale ? », in LANGLAIS A. (dir.), L’agriculture et les paiements pour services environnementaux. Quels questionnements juridiques ?, PUR, 2019, p. 248 ; CARDWELL M., « L’expérience des "droits à produire" et de leur patrimonialité comme source de réflexion pour les paiements pour services environnementaux », in LANGLAIS A. (dir.), L’agriculture et les paiements pour services environnementaux. Quels questionnements juridiques ?, PUR, 2019, p. 266.

886 Commission des Communautés européennes, Livre vert sur les instruments fondés sur le marché en faveur de l'environnement et des objectifs politiques connexes, préc., p. 16.

887 V. annexe : Exemples de rémunération pour la mise en œuvre de mesures compensatoires sur des terres agricoles.

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Pour d’autres, les mesures agro-environnementales et climatiques de la PAC relèvent d’une logique distincte des paiements pour services environnementaux, en conséquence de quoi cette qualification doit être écartée. Carole Hermon et Isabelle Doussan refusent ainsi de considérer les paiements agroenvironnementaux comme la rémunération d’un service au regard du risque d’aléa important dans la réalisation de l’opération, du manque d’additionnalité par rapport à la réglementation applicable, ainsi que des modalités de calcul de ces paiements888.

187. Les mesures agro-environnementales et climatique de la PAC sont caractérisées en effet par une grande indétermination sur la nature juridique des rémunérations versées : sont-elles des paiements, des aides ou bien encore des subventions ? Privilégiant dans un premier temps le terme « aide »889, le droit européen relatif au second pilier de la PAC se réfère plus récemment aux termes de « paiements »890 ou encore de « montant compensatoire »891. En droit interne, il est intéressant de relever que le Code rural et de la pêche maritime opère une distinction entre, d’une part, les « paiements » agroenvironnementaux et climatiques et les « paiements » au titre de Natura 2000 et de la directive-cadre sur l'eau et, d’autre part, les « aides » en faveur de l'agriculture biologique892. D’un point de vue juridique, les aides – nous parlerons également de subventions – peuvent être définies comme des sommes allouées, sous conditions, mais sans contrepartie, en général par les pouvoirs publics, en faveur d’une œuvre, d’une institution ou d’une entreprise digne d’intérêt et d’encouragement893. Bien que les aides prennent la forme du versement d’une somme d’argent, elles ne constituent pas des paiements dans la mesure où, consenties unilatéralement, elles n’éteignent aucune obligation. Cette distinction se confirme à la lecture du document-cadre national relatif à la programmation 2014-2020, selon lequel la mesure M11 Agriculture biologique « vise à accompagner les agriculteurs pour adopter les pratiques et méthodes de l'agriculture biologique ou à maintenir de telles

DANTEC R., Rapport sur la réalité des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité engagées sur des grands projets d’infrastructures, intégrant les mesures d’anticipation, les études préalables, les conditions de réalisation et leur suivi, préc., p. 93.

888 HERMON C., DOUSSAN I., Production agricole et droit de l'environnement, préc., pp. 280-281.

889 Règlement (C.E.E.) n° 2078-92 du Conseil du 30 juin 1992, préc.

890 Règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil du 20 septembre 2005 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), préc. ; règlement (UE) n° 1305/2013 du 17 décembre 2013, préc.

891 COUR DES COMPTES EUROPÉENNE, Rapport spécial n° 3/2005 relatif au développement rural : la vérification des dépenses agroenvironnementales accompagné des réponses de la Commission, JOUE n° C 279 du 11 nov. 2005, p. 1.

892 Art. D. 341-7 du C. rur.

893 V. notamment en ce sens : CORNU G., Vocabulaire juridique, préc., p. 988 ; LOPÈS P., « Subvention ou contrat de prestation de services ? », Juris associations, 1995, n° 121, p. 21.

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pratiques »894, tandis que la mesure M10 Agroenvironnement - climat « rémunère des engagements, qui vont au de-là des pratiques rendues obligatoires par la réglementation »895. Par conséquent, les sommes allouées dans le cadre des MAEC du second pilier de la PAC semblent s’assimiler, non pas à des aides, mais à des paiements en contrepartie de la réalisation d’une prestation. Ce faisant, les MAEC ne paraissent pas si éloignés dans leur principe et leurs modalités de fonctionnement des paiements pour services environnementaux.

188. Depuis leur origine, les mesures agro-environnementales du second pilier de PAC « indemnisent les bénéficiaires pour une partie ou la totalité des coûts supplémentaires et des pertes de revenus résultant des engagements pris »896. Selon Alexandras Langlais, si ces mesures impliquent bien un paiement, celui-ci serait cependant « déconnecté de la réalité de l’action ou du service rendu en faveur de l’environnement. En effet, l’aide octroyée, si elle implique un apport monétaire, est de l’ordre du soutien, de la compensation, de l’appui, de l’assistance. Il s’agit donc d’une indemnisation de la perte financière associée aux engagements pris et non d’un paiement en considération de la valeur du service environnemental rendu »897. Dans le même sens, Isabelle Doussan et Carole Hermon évoquent des « paiements hors-service » en soulignant que « les modalités actuelles de calcul des paiements agro-environnementaux ne permettent pas de les considérer comme la rémunération d’un service »898. Plus encore, Claire Etrillard considère que « l’approche retenue pour le calcul des paiements est celle de la compensation des surcoûts et non une véritable rémunération d’un service »899. Enfin, le rapport le rapport rendu en 2016 à l’initiative du ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt sur les paiements pour services environnementaux énonce que l’« hypothèse sous-jacente de l’étude est que les MAE proposent des montants en deçà du consentement à recevoir des agriculteurs pour modifier leurs pratiques et qu’il manque une partie incitative qui permettrait de faire basculer le système actuel de dédommagement vers un système de rémunération pour fourniture de service

894 Document cadre national pour la programmation 2014 – 2020, version 9.1 du 3 juin 2020, p. 866.

895Ibid., p. 126.

896 Art. 28 § 6 du règlement (UE) n° 1305/2013 du 17 décembre 2013, préc.

897 LANGLAIS A., « Introduction », préc., p. 29 ; V. également en ce sens : LANGLAIS A., « Les paiements pour services environnementaux comme réponse pertinente en faveur d’une agriculture durable ? » in DEMEESTER M.-L., MERCIER V. (dir.), L’agriculture durable. Essai d’élaboration d’un cadre normatif, Bruxelles, Bruylant, 2016, p. 404 ; DOUSSAN I., Activité agricole et droit de l’environnement, l’impossible conciliation ?, L'Harmattan, 2002, p. 304.

898 HERMON C., DOUSSAN I., Production agricole et droit de l'environnement, préc., p. 281.

899 ETRILLARD C., « Contrats et écosystèmes agricoles. Des mesures agroenvironnementales aux paiements pour services environnementaux », préc., p. 298.

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environnemental »900. Selon ces auteurs, les modalités de calcul et/ou le montant des sommes versées en contrepartie de la réalisation d’une mesure agro-environnementale auraient ainsi pour conséquence de changer la nature de la relation juridique qui lie les cocontractants. Or, comme le souligne l’économiste Alain Karsenty, certains paiements pour services environnementaux peuvent se contenter de compenser uniquement les coûts d’opportunité, sans pour autant que le montant de la contrepartie n’ait d’incidence sur cette qualification901.

Si les articles L. 410-1 et suivants du Code de commerce prohibent les offres de prix ou pratiques de prix de vente de biens, produits et services abusivement bas, aucune disposition juridique n’impose de méthode ou de seuil dans la détermination du prix de ces derniers. Même si les sommes accordées ne couvrent que les coûts supplémentaires et les pertes de revenus résultant des engagements pris, celles-ci n’en constituent donc pas moins le paiement d’une prestation de service dont l’objet a été préalablement déterminé par les parties. Ce constat confirme ainsi pleinement l’analyse de Laurence Boy, selon laquelle « le montant des participations financières [des aides agri-environnementales] est subordonné à des engagements précis, ce qui prouve bien le caractère synallagmatique des engagements des parties. Ce caractère est renforcé par le "suivi" des contrats. En effet, tous les contrats dont nous avons eu connaissance mettent l'accent sur le fait que toute inexécution des obligations souscrites par l'agriculteur donnera lieu au non-versement des "aides". Il y a là incontestablement la preuve que nous ne sommes plus en présence d'une aide au sens traditionnel du terme mais d'une rémunération d'un service qui, à défaut d'être satisfait, ne saurait être rémunéré »902. De même, dans une décision du 10 septembre 2015, la Cour d’appel de Pau a pu envisager le « contrat de mesures agro-environnementales (MAE) » comme un « dispositif prévu pour intégrer les préoccupations environnementales à la politique agricole commune (PAC) visant à encourager les agriculteurs à protéger et à valoriser l’environnement en les rémunérant pour la prestation de services environnementaux »903.

Bien que cet arrêt tende à confirmer un rapprochement entre paiements pour services environnementaux et mesures agroenvironnementales du second pilier de la PAC, ces dernières ne peuvent néanmoins pas s’apparenter à des PSE pour des raisons non pas matérielles, mais

900 DUVAL L. et al, Paiements pour services environnementaux et méthodes d’évaluation économique. Enseignements pour les mesures agro-environnementales de la politique agricole commune. Étude réalisée pour le ministère en charge de l’agriculture. Rapport final, préc., p. 8.

901 KARSENTY A., « Les paiements pour services environnementaux dans les pays en développement : compenser ou récompenser ? », préc., p. 97 et s.

902 BOY L., « Contrat agri-environnemental : aide ou rémunération ? », Économie rurale, vol. 260, n° 1, 2000, p. 57.

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conceptuelles. En dépit de la proximité entre ces deux dispositifs, l’existence des paiements pour services environnementaux semble se justifier par une volonté de s’extraire des contraintes du cadre juridique de la politique agricole commune pour privilégier des relations contractuelles de droit commun904. Par conséquent, assimiler les MAEC à des PSE contreviendrait quelque peu à la logique de flexibilité qui caractérise ces derniers.

B.- LA LÉGITIMITÉ D’UNE CONTREPARTIE À LA RÉALISATION DE PRESTATIONS

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