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Chapitre 2 - Etat de l’art sur les facteurs qui influencent les trajectoires de l’intention

2.2 Les facteurs scolaires et extrascolaires : des facteurs dont l’étude est bien amorcée et qui

2.2.2 Un changement de paradigme nécessaire en éducation à l’entrepreneuriat ?

2.2.2.2 Les plaidoiries pour une université entrepreneuriale, ses caractéristiques et ses

a. Vers une université entrepreneuriale ?

Schuman et al. (1987) ont montré que les universités offrant des programmes et formations à l’entrepreneuriat de haute qualité avaient un pourcentage d'entrepreneurs et créateurs de nouvelles entreprises plus élevé. Varela et Jimenez (2001) ont constaté que les élèves dont l’intention d’entreprendre et l’orientation vers une carrière entrepreneuriale sont plus élevées, dans la plupart des cas, viennent des universités qui avaient investi le plus dans l’accompagnement et la formation à l’entrepreneuriat.

D’autres études ont montré que l’éducation à l’entrepreneuriat devrait comprendre plus que le contenu du programme scolaire. Fayolle et Klandt (2006b) ont constaté que la présence de programmes de formation à l'entrepreneuriat et une image positive des entrepreneurs au sein de l'université sont des incitations pour les étudiants à choisir une carrière entrepreneuriale. Johannisson (1991) et Autio et al. (1997) soulignent l'impact de la formation sur la perception de l'entrepreneuriat des élèves, ainsi que l’impact des ressources et autres soutiens disponibles dans le milieu universitaire, pour influencer positivement sur les attitudes des élèves envers envisageant une carrière entrepreneuriale. Lüthje et Franke (2003) ont, quant à eux, discuté l’importance de certains facteurs contextuels dans l’environnement universitaire qui facilitent ou gênent l’adoption de comportements entrepreneuriaux par des étudiants. Selon Klofsten (2000), trois activités de base visant à stimuler l’entrepreneuriat devraient se trouver dans une université : (1) activités visant à créer et maintenir une culture entrepreneuriale sur l'ensemble de l'université, (2) cours en entrepreneuriat pour les étudiants et (3) programmes de formation spécifiques pour les étudiants qui souhaitent démarrer leur propre entreprise. Ces activités devraient travailler ensemble et s'enrichir mutuellement de façon bénéfique. Beaucoup d’auteurs s'accordent sur le fait qu’un changement radical est nécessaire dans le paradigme de l'éducation (Hynes, 1996; Fayolle et al., 2006; Kirby, 2007; Gibb, 2007).

Verzat (2009), a synthétisé plusieurs enquêtes comparatives et rencontres d’experts internationaux du monde académique et politique1 sur les bonnes pratiques d’éducation à l’entrepreneuriat. Ces études montrent « que les universités dont les étudiants participent le plus à des formations ou activités entrepreneuriales et produisent le plus de transferts (créations, brevets, licences et produits innovants) sont celles qui sont caractérisées par 6 dimensions principales formant un système cohérent : 1) une stratégie entrepreneuriale portée par la direction générale et traduite en objectifs concrets de formation à l’entrepreneuriat pour toutes les facultés et visant tous les étudiants, 2) des infrastructures spécifiques dédiées à l’entrepreneuriat et ouvertes à toutes les facultés : centres/maisons de l’entrepreneuriat, incubateurs, officines de transfert technologique, centre de recherche sur la formation à l’entrepreneuriat, chaires en entrepreneuriat, 3) un système de financement mixte incluant la génération de revenus par l’université elle-même à travers les activités de transfert (consultance, licences et brevets…) et des fondations dédiées, 4) des pratiques pédagogiques innovantes, actives, pluridisciplinaires et basées sur des enjeux réels, 5) des réseaux et des partenariats très développés avec l’environnement économique et les anciens élèves, et 6) un système formalisé d’évaluation des objectifs auprès de l’ensemble des parties prenantes et des systèmes de rémunération, d’incitation et de formation pour les personnels de l’université ».

L’université entrepreneuriale est donc une organisation dans laquelle les différents acteurs, les procédures et les infrastructures sont cohérentes autour d’un objectif partagé de développement des créations d’entreprises et de développement des compétences entrepreneuriales des étudiants. Lorsque le système est suffisamment cohérent, on peut supposer qu’il se forge une culture partagée par l’ensemble des acteurs, laquelle influe sur les choix de carrière des étudiants, et d’une manière générale sur les perceptions normatives concernant la désirabilité des comportements, attitudes et valeurs associées à l’entrepreneuriat, les profils convenables et l’accessibilité de ces carrières.

1Best Procedure Project, Entrepreneurship in Higher Education, especially within non-business studies, mars 2008 : conclusions de 33 experts du monde académique et politique, 28 pays européens représentés.

http://ec.europa.eu/enterprise/entrepreneurship/support_measures/training_education/entr_highed.pdf

International Survey on Collegiate Entrepreneurship 2006 : enquête de 3 chercheurs allemands sur les intentions, croyances et activités entrepreneuriales de 37 412 étudiants issus de 14 pays, dont 4 hors Europe. http://www.isce.ch/PDF/ISCE2006-ENG.pdf

Survey of Entrepreneurship in Higher Education in Europe, September 2008 : enquête de l’Union Européenne réalisée par un consortium de consultants danois et norvégiens conseillés par deux chercheurs experts du domaine, auprès de 459 institutions d’enseignement supérieur

b. Les effets de la culture de l’institution d’enseignement sur les croyances et comportements entrepreneuriaux.

Bujold et Gingras (2000) rapportent dans une revue exhaustive des théories du développement de carrière que celui-ci est le résultat de l'interaction de plusieurs facteurs dont les déterminants individuels et contextuels, incluant l'ensemble des expériences vécues dans différents environnements.

En entrepreneuriat, un certain nombre d’auteurs suggèrent que les étudiants entrepreneurs bénéficient davantage de l'environnement universitaire et de « l’orientation culturelle » que du contenu des cours (Gibb, 1987; Hyland et al., 2002; Klofsten, 2000; Raffo et al., 2000) mais ils n’explicitent pas comment et sur quelles variables se fait précisément cette influence et ils n’explique le processus de détermination.

De fait, il existe encore peu d’études fines sur le rôle de la culture de l’université vis-à-vis du choix de carrière entrepreneuriale ou des intentions d’entreprendre. Autio et al. (1997) a testé sur 1956 étudiants provenant de quatre universités dans quatre pays, l’effet de facteur d’environnement universitaire qui est mesuré par le degré auquel l’université est perçue comme favorable à l’entrepreneuriat. Ce facteur a un effet positif sur la conviction de la carrière entrepreneuriale, mais un effet légèrement négatif sur l’intention d’entreprendre, ce qui est, selon l’auteur, dû à l’opérationnalisation de l’échelle de l’intention. Johannisson (1991) et Wang et Verzat (2010), rejoignent ces auteurs ; tous considèrent que la présence des programmes d’éducation entrepreneuriale et une image positive des entrepreneurs à l’intérieur des campus universitaires sont deux facteurs importants pour orienter les élèves vers une carrière entrepreneuriale.

Le rôle des facteurs contextuels et environnementaux sur les carrières des étudiants est donc évoqué mais non démontré. De plus, la culture de l’université n’est pas le sujet de la recherche, si bien que les composantes précises de la culture, le processus d’influence et les variables sur lesquelles il agit au niveau des étudiants ne sont pas clarifiés.

Si l’on se réfère à la définition de la culture dans les théories de l’organisation, on peut poser que la culture d’une organisation est un ensemble d’idéologies, de philosophies de valeurs, de croyances, de règles de fonctionnement et de comportement partagées et transmises au sein de l’organisation (Kilman et al. 1985). Cette culture peut être forte et prégnante sur les comportements s’il existe une philosophie largement partagée et bien

comprise ainsi que des règles informelles et des attentes partagées. Elle est faible si elle n'est pas fortement soutenue ou enracinée dans les activités du groupe (Deal et Kennedy, 1982). Bien qu’il y ait peu d’études à notre connaissance sur les composantes des cultures d’organisation universitaire, on peut supposer qu’elles exercent une influence sur les perceptions de désirabilité de carrière, sur les profils convenables associés aux différentes carrières possibles, mais aussi sur les comportements requis des étudiants au sein de l’institution, Cette influence serait d’autant plus forte que la culture serait largement partagée.

En entrepreneuriat, quelques chercheurs avancés ont argumenté que la culture dominante de nombreuses institutions d'enseignement dans lesquelles l'entrepreneuriat est principalement enseigné est anti-entrepreneuriale. Kirby (2006) fait remarquer que de nombreuses universités ne sont pas équipées pour répondre aux besoins émergents d’éducation entrepreneuriale. En plus de ne pas posséder les valeurs et les comportements entrepreneuriaux requis, les personnels seraient souvent philosophiquement opposés à l'entreprenariat et ils n’auraient pas les techniques nécessaires pour y répondre ; de plus, il y a beaucoup de contraintes liées à l’emploi du temps bien chargé et imposées par les cours traditionnels et au nombre élevé d’étudiants.

Selon Gibb (2007) le défi culturel pour devenir plus entrepreneurial à l'université est double :

1) L’université devrait encourager les étudiants à reconnaître les valeurs de la vie entrepreneuriale (liberté, contrôle sur ce qui se passe, responsabilité, autonomie, faire face à un éventail plus large des tâches de gestion...) et à considérer l'entrepreneuriat comme un choix de carrière, en mettant l'accent sur les capacités des entreprises à fort potentiel de croissance ou à fort impact social ou économique (Gibb, 2005). Il est aussi nécessaire de doter les diplômés d’attitudes et de compétences qui leur permettent d’identifier des opportunités et de les amener à la création (Ray, 1997; Gibb, 2002b; Kirby, 2003 et 2007). Le développement d'attitudes entrepreneuriales et les intentions des élèves doivent être considérées comme un objectif essentiel par les établissements d'enseignement supérieur (Donckels, 1991; Gasse, 1985; Fayolle, 2000b).

2) Il convient de « créer l'empathie avec les manières entrepreneuriales de voir, de sentir, de faire, de penser et d'apprendre » (Gibb, 2002a). L’université devrait passer d'une organisation « savante » à une organisation « apprenante ». La culture organisationnelle des universités doit devenir plus innovante et proactive, et augmenter la tolérance vis-à-vis des

risques (Miller, 1983). Elle devrait être ouverte à l'apprentissage à partir de toutes les sources d’information et de toutes les manières. Elle devrait se concentrer moins sur le contenu et la structure des connaissances et bien plus sur la façon dont les cours sont enseignés et comment ils peuvent conduire à un développement personnel des étudiants.

La culture, y compris l’environnement universitaire, est considérée comme un facteur important pour orienter les élèves vers une carrière entrepreneuriale : lorsque la culture est perçue comme favorable à l’entrepreneuriat, les élèves vont s’orienter vers la création plus facilement. Toutefois, cet effet n’est pas encore démontré par des études. La définition des dimensions de culture universitaire et la proposition d’instruments pour la mesurer pourront avancer la compréhension de ce facteur.

Nous allons maintenant présenter un autre facteur, les activités associatives, dont l’effet est toujours en discussion.

2.2.2.3 Le rôle probable des activités extrascolaires, des enquêtes contradictoires