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La place de la gestion de la cohésion textuelle dans les processus rédactionnels rédactionnels

SYNTHESE des notions centrales du chapitre 2

3.3. La place de la gestion de la cohésion textuelle dans les processus rédactionnels rédactionnels

La production d’un message (écrit ou oral) est une activité complexe et cognitivement coûteuse (Dedeyan & al., 2006). En effet, elle nécessite la mise en œuvre simultanée de différents processus, de l’intention de communiquer à la formulation des mots et phrases prononcés ou écrits, mais également le contrôle du message (Bourdin & Fayol, 2000, 2002). Étudier la production des textes du point de vue du processus rédactionnel est important pour comprendre et analyser les opérations cognitives en jeu dans le cadre de la cohésion et de la cohérence textuelle. Ainsi, comme l’explique Beaudet (2001 : 1), dont les travaux en rédactologie s’intéressent à des textes d’adultes :

« L’enseignement de la rédaction exige l’adoption du postulat qu’un texte intelligible, compris par son destinataire, possède des qualités, des attributs qu’on peut décrire, en dehors des aptitudes cognitives des lecteurs. Dans cette perspective, la fabrique du sens et sa transmission réussie dans un texte sont redevables d’opérations langagières et discursives ».

D’un point de vue psycholinguistique, Heurley (2006), sur les travaux duquel nous nous appuyons pour cette synthèse, signale que la rédaction d’un texte est généralement conçue comme un processus social, stratégique, dirigé par des buts, soumis à de multiples contraintes, coûteux en ressources cognitives et attentionnelles et qui s’apparente à un processus de résolution de problème décomposable en sous-processus interagissant selon une certaine dynamique. Ainsi, l’acte d’écriture peut être analysé en trois opérations distinctes mais imbriquées les unes dans les autres : la planification, la mise en texte et la révision (Hayes & Flower, 1980). Ces trois composantes peuvent être récursives.

La planification (planning) est un processus cognitif qui détermine le but du texte et son plan-guide associé (Fayol, 1984) mais ne se réalise pas forcément par un passage à l’écrit, les opérations pouvant rester mentales. La planification est définie par Hayes & Flower (1981 : 209) de la manière suivante : « Planning is generating content, organizing it, and

111 setting up goals and procedures for writing 29 ». La planification s’effectue à deux niveaux. D’une part, au niveau de la macro-planification (ou planification rhétorique). Il s’agit de l’élaboration des idées en fonction du but recherché et du public visé. D’autre part, au niveau de la micro-planification qui vise l’organisation structurelle qui conduit à la forme finale du texte. Ainsi, la planification implique toutes les activités cognitives d’écriture nécessaires avant de rédiger un texte. Il est important de souligner ici, à l’instar de Hayes & Flower (1981), que la planification se fait tout au long de l’écriture et que le plan du discours peut ne pas être sous une forme verbale. Il peut se présenter sous la forme d’images mentales ou de schémas écrits.

La mise en texte (translating) est l’opération qui consiste à passer des idées à la forme conventionnelle de l’écriture. Hayes & Flower (1981 : 209) la définissent ainsi : « Translating is the act of expressing the content of Planning in written [language]30 ». À ce moment de l’écriture, le scripteur encode sous forme écrite ses représentations mentales. Plus précisément, la mise en texte est la traduction des matériaux activés en mémoire à long terme et organisés par le plan en une mise en forme textuelle acceptable (Fayol, 1984). Les opérations de mise en texte ont pour objet l’organisation d’une suite linéaire articulée de noyaux prédicatifs, en fonction des contraintes imposées par la planification (Fayol & Schneuwly, 1987). Cette opération ajoute de nouvelles contraintes cognitives et force souvent le scripteur à développer, clarifier et/ou réviser son propos. Pour cette raison, il peut exister de nombreux allers-retours entre les opérations de la planification et de la mise en texte.

La révision (reviewing)31 est précisément ce qui se passe lorsque le scripteur évalue son propos et décide d’en changer un élément dans la mise en texte ou la planification. Hayes & Flower (1981 : 209) la définissent ainsi :

« Reviewing is the act of evaluating either what has been written or what has been planned. When the evaluation of a text or a plan is negative, reviewing often (but not invariably) leads to revision32 ».

29 « Planifier c’est générer du contenu, l’organiser et mettre en place des objectifs et des procédures pour écrire » (notre traduction)

30 « Mettre en texte c’est l’action d’exprimer le contenu de la planification dans le langage écrit » (notre traduction)

31 Nous attirons l’attention ici sur un fait de traduction : reviewing a ici un sens de retour en arrière. S’il est traduit ici par révision, les auteurs ne mettent pas sur le même plan reviewing (retour en arrière) et revision (révision), comme nous pouvons le constater dans leur définition.

112 Le but de la révision est d’améliorer la qualité du texte (Fayol, 1984) en comparant le texte déjà écrit avec celui que le rédacteur prévoyait d’écrire lors de la planification (Favart & Olive, 2005). La révision peut donc intervenir à tout moment, que ce soit au cours du processus d’écriture, après une erreur par exemple ou à la fin d’une phrase, ou bien à la fin du texte entier. À ce titre, la révision du texte implique d’abord la détection de l’élément à corriger (ou l’évaluation du texte), puis l’identification de sa nature (syntaxique, pragmatique, organisationnelle, etc.), c’est-à-dire l’identification de son (ou ses) inadéquation(s) avec le but poursuivi, et enfin sa correction. La phase de révision est de ce fait très coûteuse en termes cognitifs (Dedeyan & al., 2006).

Notons tout de même ici que cette notion de révision ne recoupe pas les mêmes éléments en fonction des chercheurs. Certains voient dans la révision une modification effective apportée à un texte (Scardamalia & Bereiter, 1983). D’autres chercheurs décrivent la révision comme sous-processus ou composante du processus de l’écriture visant à améliorer le texte déjà écrit et pouvant aboutir ou non à des modifications effectives du texte (Hayes & Flower, 1980, Chesnet & Alamargot, 2005). D’autres chercheurs encore définissent la révision comme une composante du contrôle de la production écrite (Hayes, 1996 ; Roussey & Piolat, 2005), assurant ainsi les fonctions de vérification et d’amélioration du produit fini, la supervision des autres processus (planification des buts, programmation des traitements, etc.) et la suppléance de certains processus défaillants. Pour une revue de ces travaux, nous renvoyons à Heurley (2006).

Les trois processus de l’écriture ainsi décrits ne sont pas un enchaînement normé et devraient plutôt être vus comme des opérations à employer à la demande, en fonction de l’avancement du processus d’écriture (Hayes & Flower, 1981 ; Fayol & Schneuwly, 1987). En effet, si la planification, la mise en texte et la révision sont des processus qui se retrouvent chez tous les scripteurs, ils dépendent toutefois complètement de chacun : certains rédacteurs passent très rapidement à la phase de mise en texte, d’autres préfèrent être certains que leur planification est détaillée au maximum avant de commencer la rédaction.

Les processus rédactionnels exercent sur le système cognitif humain des demandes de traitement considérables (Kellog, 1987) et ne sont donc pas maîtrisés dès les débuts de l’écrit. 32« Revenir en arrière c’est le fait d’évaluer soit ce qui a été écrit soit ce qui a été planifié. Quand l’évaluation d’un texte ou d’un plan est négative, le retour en arrière mène souvent (mais pas systématiquement) à la révision » (notre traduction)

113 Favart & Olive (2005) rappellent que lorsque le scripteur commence à rédiger des textes, il met en place une stratégie adaptative qui lui permet de faire face aux demandes de traitement de la rédaction : c’est la stratégie du knowledge telling de Bereiter & Scardamalia (1987). Pour ces chercheurs (ibid. : 143) :

« knowledge telling model shows how text generation can take place under these circumstances [given a topic to write about and a familiar genre] without the need for an overall plan or goal, for an elaboration of problem constraints […], or for the problem-solving procedures characteristic of mature composing processes […] »33

En d’autres termes, le knowledge telling est une planification très locale, par cycles de récupération-production des contenus. Lorsque le scripteur devient expert, il organise les connaissances de manière plus globale, c’est le knowledge transforming. C’est seulement grâce à une fluidité croissante des processus au cours de l’acquisition (passage du modèle du knowledge telling au knowledge transforming) que des ressources peuvent être libérées pour les autres processus (Favart & Olive, 2005), et notamment ceux concernant la gestion de la cohésion textuelle.

Les processus rédactionnels sont donc des opérations complexes qui entrent en jeu lors de la production d’un texte. Le coût qu’ils engendrent dans le traitement cognitif chez l’apprenti scripteur entraîne une diminution des ressources disponibles pour la gestion de la cohérence et de la cohésion textuelle.

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