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L’impact du statut informationnel sur le choix des formes linguistiques : l’accessibilité des référents l’accessibilité des référents

Les marques de cohésion à l’écrit : études linguistiques, psycholinguistiques et didactiques

CHAPITRE 1 : Recherches linguistiques sur les notions de cohérence et de cohésion de cohésion

1.2. Le statut informationnel

1.2.2. L’impact du statut informationnel sur le choix des formes linguistiques : l’accessibilité des référents l’accessibilité des référents

Pour introduire et maintenir une information/un référent, l’encodeur du message utilise des outils linguistiques et cohésifs. Selon le statut informationnel du référent, celui-ci est encodé sous différentes formes et distribué différemment dans la phrase : le statut informationnel est donc en lien avec les formes linguistiques choisies, comme le rappelle Mazur-Palandre (2009).

Dans cette optique, Prince (1981), et à sa suite Gundel & al. (1993, 2000) avec la hiérarchie du donné, proposent une tentative de classification des référents en fonction des divers degrés de connaissance partagée (ou statuts cognitifs chez Gundel & al.). À cette fin, les référents sont classés du moins connu au plus connu, sur une échelle de familiarité (givenness hierarchy) que nous illustrons ici par les exemples de Combettes (1992) :

- Référents entièrement nouveaux (brand-new) : ils se trouvent au degré le plus bas de l’échelle, c’est-à-dire qu’ils ont la familiarité la plus faible. Ils sont désignés par des SN indéfinis, définis ou des noms propres suivis de détermination relativement complexes. Les référents entièrement nouveaux peuvent être rattachés au contexte/ancrés (par l’intermédiaire d’un modifieur), comme dans (13) où la phrase entre crochet présente la personne du vice-roi d’Almeida et la phrase qui suit présente Albuquerque comme le successeur d’Almeida :

(13) [… le vice-roi, Francisco d’Almeida…] Le successeur d’Almeida, Albuquerque, est plus ambitieux.

33 Les référents entièrement nouveaux peuvent aussi ne pas être rattachés au contexte / non ancrés (leur existence est ignorée du décodeur) comme dans (14) avec le SN indéfini un tunisien qui parlait l’espagnol :

(14) Grâce à un tunisien qui parlait l’espagnol, Gama entre en relation avec le Zamorin, souverain de l’endroit.

- Référents inférables : il s’agit des référents qui peuvent être inférés à partir de connaissances conceptuelles, comme dans (15) où l’on sait que lorsqu’il est question d’un navire, il y a forcément des marins :

(15) […] quatre navires quittent le Tage le 8 juillet 1497. Le recrutement des marins a été difficile.

ou bien à partir de connaissances discursives comme dans (16) où l’on comprend que certains renvoie aux marins de la phrase précédente :

(16) Le recrutement des marins a été difficile. Certains ne croyaient-ils pas à l’existence de puissants aimants qui attiraient les navires ?

Les référents inférables sont souvent désignés par des SN définis ou des noms propres.

- Référents évoqués dans la situation : ils sont présents dans la conscience des locuteurs car déjà explicitement mentionnés dans le texte (17) ou présents dans la situation énonciative (18) (évidence perceptive) :

(17) Certains pensaient que […]. Or ces idées vont se modifier… (18) Tu as lu ce livre ? (accompagné d’un geste ostensif)

Ce sont généralement des SN définis, des SN démonstratifs et des pronoms.

Pour résumer les différents degrés de l’échelle de familiarité de Prince, nous reprenons le schéma ci-dessous, emprunté à Gundel & al. (2000) et traduit par eux.

34 Figure 1 : Schéma de la Givenness Hierachy, échelle de familiarité (Prince, 1981, repris et traduit en français par

Gundel & al., 2000)

L’échelle de familiarité ainsi décrite met en évidence le fait que les expressions linguistiques utilisées pour représenter un référent marquent son degré d’accessibilité (Givon, 1983 ; Ariel, 1988). Ariel (2001 : 29) résume sa théorie de l’accessibilité de la manière suivante :

« Accessibility theory […] describes how human language, specifically, the referential system, is responsive to facts about human memory, where memory nodes are not equally activated at any given time. Some are highly activated, others are only mildly activated (…).4 »

Dans un discours, le locuteur/scripteur adapte le choix des expressions référentielles à l’accessibilité supposée des référents visés. Cette accessibilité est déterminée en fonction de la quantité d’information fournie par l’expression, selon le principe de pertinence (Sperber & Wilson, 1989). Ainsi, moins accessible sera un référent, plus grand sera le contenu descriptif de l’expression choisie pour le désigner : « […] the lower the accessibility marker, the more lexical information it normally incorporates.5 » (Ariel, 1988 : 82). Et inversement, plus un référent sera accessible, moins grand sera le contenu descriptif nécessaire pour son identification. De cette manière, les pronoms marquent une accessibilité forte (contenu descriptif faible), comme dans (20), alors que les SN définis ou les noms propres marquent une accessibilité plus faible (contenu descriptif fort), comme dans (19) :

(19) Jean est entré dans le magasin.

4 « La théorie de l’accessibilité […] décrit comment le langage humain, de manière plus spécifique, le système référentiel, est réactif aux faits concernant la mémoire humaine, où les nœuds mémoriels ne sont pas activés de manière égale au même moment. Certains sont hautement activés, d’autres sont seulement moyennement activés (…). » (notre traduction)

35 (20) Il est entré dans le magasin.

Si l’on veut être plus précis, il faut remarquer qu’Ariel (1988) propose dans sa théorie trois degrés d’accessibilité : low accessibility, mid accessibility, high accessibility et subdivise encore chacun en fonction des expressions linguistiques. Un des reproches fait à la théorie de l’accessibilité d’Ariel concerne sa trop grande flexibilité : « un marqueur référentiel peut, en fait, servir pour des référents d’accessibilités différentes » (Kleiber, 1990 : 250) (pour une critique de ce modèle et ceux qui ont à voir avec le statut cognitif des référents, voir Kleiber, 1990, 2001 ; Apothéloz, 1995a ; De Mulder, 2000 ; Cornish, 2014). Pour autant, ce modèle a le mérite de montrer que le locuteur/scripteur ne peut choisir la bonne expression référentielle sans prendre en compte le degré de connaissance partagée par l’interlocuteur/lecteur car « (…] s’il veut que son interlocuteur comprenne de qui ou de quoi il s’agit il a tout intérêt à utiliser une expression qui permette de trouver ou de retrouver le référent visé » (Kleiber, 1990 : 249).

Ainsi, le statut informationnel des référents (connu/donné ou nouveau) entre en jeu non seulement dans le choix des expressions référentielles, nous venons de le voir, mais il est aussi facteur de cohérence d’un texte. Par le changement de statut de l’information, c’est-à-dire le passage de l’information nouvelle à l’information ancienne (et vice-versa), il y a progression de l’énoncé et l’apport sémantique est constamment renouvelé. Cette progression, appelée progression thématique, contribue donc à la bonne compréhension d’un énoncé.

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