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GRILLE D'EVALUATION AVEC INDICATION DE MARQUES INADEQUATES ET ADEQUATES DE COHERENCE

Synthèse des notions centrales du chapitre 3

GRILLE D'EVALUATION AVEC INDICATION DE MARQUES INADEQUATES ET ADEQUATES DE COHERENCE

MARQUES CRITERES MARQUES INADEQUATES ADEQUATES META-REGLE DE REPETITION/CONTINUITE Reprise nominale répétition

utilisation d'un synonyme

utilisation d'un générique

utilisation d'une périphrase

utilisation d'un déterminant

Reprise pronominale

référent absent/lien avec le référent

référent ambigu genre et nombre META-REGLE DE PROGRESSION/ORGANISATION Progression de l'information redondance ellipse/trop d'implicite

rythme trop lent

Organisation de l'information

organisateur textuel

découpage en paragraphes

regroupement des idées

META-REGLE DE NON-CONTRADICTION énonciation changement de narrateur paroles rapportées Temps temps du récit

temps des verbes

Sens

147 META-REGLE DE RELATION

lien entre énoncé et contexte

Figure 3 : Grille d’évaluation avec indication de marques inadéquates et adéquates de cohérence, tirée de Carbonneau & Préfontaine (2005)

Comme le font remarquer les auteures, cette grille a le mérite de comptabiliser à la fois les marques qui nuisent à la cohérence mais aussi celles qui y contribuent. C’est pour cette raison que les critères d’analyse se trouvent au centre de la grille, laissant la partie de gauche pour inscrire les éléments inadéquats du texte d’élève, c’est-à-dire les éléments qui font obstacle à la cohérence et la partie de droite pour les éléments adéquats, c’est-à-dire ceux qui y contribuent.

Pour utiliser cette grille, les chercheuses proposent de procéder par étapes. Dans un premier temps, les éléments qui nuisent à la cohérence textuelle et ceux qui y concourent sont identifiés dans le texte de l’élève, numérotées, et le numéro est inscrit directement sur la copie de l’élève, comme ci-après.

Figure 4 : extrait d’un texte d’élève avec l’annotation des écarts à la cohérence, tiré de Carbonneau et Préfontaine (2005)

148 Les numéros sont relevés et inscrits dans la grille, dans la case correspondante. En d’autres termes, les marques de cohérence jugées adéquates sont inscrites dans le tableau, dans la colonne à droite des critères d’analyse, par le biais du numéro qui leur a été attribué. Il en va de même avec les marques de cohérence jugées inadéquates, inscrites par leur numéro dans la colonne de gauche, comme dans la figure 3 ci-après.

GRILLE D'EVALUATION AVEC INDICATION DE MARQUES INADEQUATES ET ADEQUATES DE COHERENCE

MARQUES CRITERES MARQUES INADEQUATES ADEQUATES

META-REGLE DE REPETITION/CONTINUITE

Reprise nominale 6 9

répétition

utilisation d'un synonyme

utilisation d'un générique

utilisation d'une périphrase

utilisation d'un déterminant

Reprise pronominale

référent absent/lien avec le référent 4

référent ambigu genre et nombre META-REGLE DE PROGRESSION/ORGANISATION Progression de l'information redondance 7 2 ellipse/trop d'implicite

rythme trop lent

Organisation de l'information

5 organisateur textuel 1 3

découpage en paragraphes

149 META-REGLE DE NON-CONTRADICTION énonciation changement de narrateur paroles rapportées Temps 10 temps du récit

8 temps des verbes

Sens

sens des mots, des expressions, etc.

META-REGLE DE RELATION

lien entre énoncé et contexte

Note : les chiffres inscrits sur la grille d’évaluation renvoient à ceux inscrits dans l’extrait de texte d’élève (figure 4)

Figure 5 : Grille d’évaluation avec indication de marques inadéquates et adéquates de cohérence, tirée de Carbonneau et Préfontaine (2005)

Par l’utilisation de cette grille, l’élève peut voir d’un seul coup d’œil non seulement les marques de cohérence inadéquates mais également celles qui sont appropriées. C’est un instrument qui permet d’évaluer de manière relativement objective et précise les marques de la cohérence des textes d’élèves. Dans un souci d’efficacité, il semble indispensable toutefois que : « […] cette grille soit conforme aux contenus enseignés, afin que les élèves soient évalués en fonction de leurs connaissances réelles… et qu’ils puissent comprendre le contenu de la grille d’évaluation utilisée par les enseignants. » (Ibid. : 81).

Les différents critères d’analyse de la cohérence textuelle élaborés par la recherche font apparaître le recours au jugement de cohérence des enseignants sur les productions de leurs élèves. Or, à l’instar de la cohérence textuelle elle-même, le jugement de cohérence reste difficile à définir.

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4.2.2. Les enseignants et le jugement de cohérence

Pour tenter d’expliquer les éléments dont relèvent le jugement de cohérence des enseignants, Rondelli (2008) est partie du constat qu’il existe des degrés de formalisation variables à la base de leurs définitions de la cohérence. Ces définitions relèvent soit des définitions théoriques de la recherche en linguistique, soit des conceptions plus ou moins explicites des enseignants, définitions « non théorisées ou incomplètement théorisées » (Rondelli, 2010a : 55). La chercheuse soulève notamment deux questions pour explorer les représentations de la notion de cohérence textuelle des enseignants.

La première interrogation porte sur les critères sur lesquels les professeurs des écoles s’appuient pour juger la cohérence d’un texte d’élève. Pour répondre à cette question, Rondelli (2008 ; 2010a) a comparé les définitions savantes et les représentations « proto-théoriques » des enseignants. Dans ces travaux, elle propose à des élèves de cycle 3 d’écrire la suite d’un texte narratif (325 textes). Ces textes sont ensuite évalués par des enseignants, qui ont pour seule consigne « La suite écrite par l’élève est-elle réussie ou non ? Vous pouvez annoter le texte. ». Les annotations et les commentaires sont étudiés. Il ressort de ces travaux plusieurs facteurs qui influencent le jugement de cohérence des enseignants. En premier lieu, les enseignants jugent la cohérence d’un texte d’abord en fonction des indicateurs linguistiques de l’emploi des temps et de référenciation. L’emploi des temps est jugé réussi si l’articulation entre passé simple et imparfait est homogène, « ce qui provoque une mise en relief clairement identifiable » (Rondelli, 2010a : 65). Les anaphores qui participent à la cohérence du texte, selon les enseignants, sont celles où l’accessibilité référentielle est claire, c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’ambiguïté référentielle. À titre d’exemple, Rondelli (2010a) cite l’extrait de texte d’élève suivant, qui présente un cas d’ambiguïté bien connu (cf. chapitre 3, section 3.2.) :

(118) Jarod prit un bâton et tapait sur le requin. Mais celui-ci cassa le bâton.

Dans cet extrait, plusieurs enseignants ont sanctionné l’emploi du pronom celui-ci dans la deuxième phrase, arguant que le référent du pronom n’est pas clair : est-ce Jarod ou le requin ? En effet, l’ambiguïté tient au fait que les deux référents potentiels sont deux noms au masculin singulier, il n’y a donc pas de moyens grammaticaux de choisir la bonne source. En outre, le verbe casser peut être employé aussi bien pour un référent humain comme Jarod que non humain comme le requin.

151 Un autre facteur entrant en jeu dans le jugement de cohérence des enseignants est celui de la cohérence sémantique. Comme l’explique Rondelli (2010a : 70) : « le lecteur construit une signification dans une dynamique fondée sur une sélection thématique qu’il réalise à partir des scénarios intertextuels qu’il connait ». Les mots et leurs entours choisis par les élèves ont un rôle de marqueur de topic et ouvrent un ou des monde(s). Pour qu’un texte soit jugé cohérent, il faut que le(s) monde(s) construit(s) par les mots clés saillants soi(en)t en adéquation avec le monde du texte-amorce et le monde réel.

La deuxième interrogation que relève Rondelli porte sur les accords ou les écarts entre les critères mobilisés par les enseignants et les descriptions linguistiques. D’après les travaux de la chercheuse (Rondelli, 2010a ; 2010b), il semblerait que les enseignants ont une vision plutôt restrictive des liages sémantiques (cohésion verbale) et référentiels (anaphores). En effet, en ce qui concerne la cohésion verbale, les enseignants ont tendance à demander à l’élève une reprise systématique des temps du texte amorce, car toute alternance temporelle est interprétée comme une rupture. En ce sens, ils rejoignent la définition de Combettes (1995) pour qui le critère d’homogénéité énonciative est déterminant pour juger de la bonne cohésion (verbale) d’un texte. En ce qui concerne les anaphores, la majorité des enseignants détectent les ambiguïtés référentielles et sanctionnent les marques de la référence. Pour eux, la cohésion nominale est un élément important car elle établit un lien étroit entre un référent et sa reprise. Pour autant, il semblerait que les enseignants tiennent compte uniquement du cotexte immédiat et de gauche pour résoudre la référence, faisant ainsi preuve d’une conception « antécédentiste » (Apothéloz, 1995, cité par Rondelli, 2010a : 74 ; cf. chapitre 2 de notre recherche). Cette conception met ainsi de côté la question de l’environnement discursif dans l’interprétation des anaphores. En effet, la recherche du référent est, pour la majorité d’entre eux, strictement locale et grammaticale, s’appuyant sur des critères de proximité textuelle et de continuité linguistique au niveau du genre et du nombre.

Un autre point sur lequel les définitions des enseignants et celles de la linguistique sont divergentes concerne les effets de monde. En effet, chaque discours ouvre un univers (ou monde) fictionnel ou non, dans lequel prennent place les faits relatés40 (Charolles, 1997). Dans les travaux de Rondelli par exemple, le texte amorce que les élèves doivent compléter ouvre un monde spécifique dans lequel prennent place un certain décor et des personnages, en l’occurrence un radeau sur la mer et des nageurs. Les enseignants sont partagés quant à

40 Pour plus de détail sur cette question, nous renvoyons à toute la littérature concernant les cadres/univers de discours et les questions d’ancrage discursif.

152 l’évaluation de cet aspect de la cohérence. Pour certains, le(s) monde(s) construit(s) doi(ven)t rendre cohérente l’histoire en vue de sa résolution et de ce fait être en adéquation avec le monde ouvert par le texte amorce. En d’autres termes, ces enseignants sanctionneraient une suite de texte dans laquelle l’élève aurait ouvert un univers comprenant la lune et des astronautes par exemple, n’ayant a priori aucun rapport avec le radeau en mer et les nageurs du texte amorce. Le critère de l’intelligibilité est ainsi mis en avant, privilégiant une certaine homogénéité thématique et un respect du vraisemblable qui « s’appui[e] sur le savoir humain acquis ou considéré comme « vrai » dans le cadre de leur [les enseignants] propre encyclopédie » (Rondelli, 2010a : 75). Pour d’autres enseignants en revanche, la réception esthétique est aussi importante : le texte de l’élève peut s’affranchir du genre prédéfini par le texte amorce et interagir avec d’autres genres.

À travers ces travaux, il apparaît clairement que les enseignants s’appuient sur des critères linguistiques pour juger de la cohérence d’un texte. Cependant, ces critères sont incomplets au vu des définitions savantes de la cohérence, et parfois même, montrent des variations inter-individuelles en fonction des évaluateurs.

Toutefois, on ne peut reprocher aux enseignants, néophytes en linguistique, d’être incomplets là où les spécialistes eux-mêmes ne s’accordent pas sur les définitions de cohérence et de cohésion. En effet, nous avons montré, dans le premier chapitre de cette thèse, que ces notions restent complexes à définir. Rondelli (2008 : 583) conclut ainsi que :

« le jugement de cohérence, loin de se concentrer sur la liste des éléments morphosyntaxiques déclinés dans les programmes, s’appuie sur des aspects sémantiques et des procédures psychologiques que les enseignants mettent en œuvre de façon implicite ».

Il est donc difficile de mettre en œuvre des critères précis et relativement objectifs pour juger de la cohérence d’un texte.

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