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Les marques de cohésion à l’écrit : études linguistiques, psycholinguistiques et didactiques

CHAPITRE 1 : Recherches linguistiques sur les notions de cohérence et de cohésion de cohésion

1.4. La continuité référentielle

1.4.2. Quelles formes linguistiques pour aider à construire la référence ?

1.4.2.2. Les déterminants des syntagmes nominaux

Les syntagmes nominaux (ou SN) sont sans doute les premières formes utilisées pour référer à une entité, qu’elle soit humaine, non humaine, animée ou non. Les noms peuvent être massifs (ils dénotent une entité non bornée, non dénombrable comme l’eau par exemple, ou le sable), ou comptables (ils dénotent une entité qui peut être bornée, dénombrable). Par ailleurs, un SN peut être générique, auquel cas il regroupe une classe entière d’individus ou d’objets, comme dans (51), ou bien spécifique (52), auquel cas il marque la référence à une entité unique (les exemples sont empruntés à Charolles, 2002) :

(51) Les chats sont très malins. (52) Le chat a miaulé toute la nuit.

Si le nom fournit une indication sur la nature du référent, il ne faut pas oublier qu’il est généralement inséparable de son déterminant, dont le rôle est de coder des procédures

52 interprétatives subtiles (Charolles, 2002), dépendant de la classe grammaticale à laquelle il appartient : déterminants indéfini, défini, démonstratif. Le déterminant indéfini permet de fixer le référent et non de le désigner (comme c’est le cas des déterminants définis et démonstratifs), à l’aide de diverses opérations (instanciation d’une classe extensionnelle correspondant au descripteur nominal utilisé, extraction d’un ressortissant quelconque, attribution de propriété distinctive à l’aide de la prédication verbale, Charolles, 2002). Ainsi, l’énoncé entier participe à l’établissement de la référence et pas uniquement le seul SN indéfini.

Les SN indéfinis

Les SN indéfinis sont des expressions référentielles composées d’un déterminant indéfini un/une suivi d’un nom commun. Les expressions nominales indéfinies sont employées lorsque le locuteur introduit pour la première fois l’objet du discours, ou un nouveau référent (brand new, Prince, 1981). Comme le montre Charolles (2002 : 144), cela est possible car les SN indéfinis « ne sollicitent aucune préconception de l’entité visée et ne font appel à aucune connivence intellectuelle autre que celle relativement triviale, consistant à exploiter les ressources dénotationnelles des N et des prédicats ». Autrement dit, les SN indéfinis sont autonomes référentiellement parlant car ils ne demandent pas à ce que l’interlocuteur sache déjà de quoi il va être question dans l’énoncé.

Les SN définis

Les SN définis sont des expressions référentielles composées d’un déterminant défini le/la/les suivi d’un nom commun. Comme ce type de SN véhicule des informations sur les entités qu’il sert à désigner, on parle de description. Notons que le terme de description est valable aussi pour les autres types de SN : descriptions démonstratives, etc. Ces descriptions peuvent être complètes : le SN défini comporte des adjoints qui spécifient l’entité dont il est question (53), ou incomplètes (54). La différence entre les deux tient à leur autonomie référentielle : les descriptions définies complètes ne codent qu’une seule entité ou un seul groupe d’entités et permettent ainsi de les identifier indépendamment de toute information sur le contexte où elles sont employées (Charolles, 2002 ; les exemples suivants lui sont empruntés).

53 (53) L’auteur de Notre Dame de Paris est mort depuis bien longtemps.

(54) L’auteur est mort depuis bien longtemps.

Tout acte de référence accompli au moyen d’une expression définie « implique le repérage d’un ensemble d’objets à l’intérieur duquel le référent peut être identifié non ambigument » (Apothéloz, 1995a). Cette identification est rendue possible grâce à une description complète. Dans le cadre d’une description incomplète, l’identification se fait à l’aide du contexte restreint (appelé aussi ensemble partagé, Hawkins, 1978), ensemble relationnel (Galmiche, 1986), domaine d’interprétation (Corblin, 1987c) ou circonstance d’évaluation (Kleiber, 1992) et grâce notamment aux indices de saillance (cf. ce chapitre, 1.2). Lorsqu’il s’agit d’un SN défini incomplet, il doit y avoir dans le contexte un article indéfini avec lequel l’article défini entretient une relation anaphorique, comme l’explique Van de Velde (1997 : 84) : « tout article défini est appuyé sur un article indéfini avec lequel il entretient une relation anaphorique ». En effet, pour que l’interlocuteur réussisse à identifier sans problème le référent de la description définie incomplète, il faut préalablement attirer son attention sur une entité qui n’est pas encore focale dans son esprit (Charolles, 2002) : c’est justement ce que permet le déterminant indéfini, comme nous le verrons plus avant dans cette section.

Ainsi, le SN défini est en lien avec la représentation mentale que se font les participants lors d’un échange et c’est une forme qui « indique au destinataire que le référent appartient à un ensemble délimitable d’objets et que, pour identifier cet objet, il faut conjointement localiser cet ensemble et, dans cet ensemble, identifier le référent visé. L’identification proprement dite se fait sur la base des informations apportées par le constituant lexical de l’expression » (Hawkins, 1977a, cité par Charolles, 2002). Le déterminant défini sert donc à référer à un objet singulier (55), à une classe d’objets (56) ou à un objet « massif » (57), comme le montrent les exemples suivants, empruntés à Charolles (2002) :

(55) Elle attrapa le ruban bleu.

(56) La vaisselle n’est plus l’apanage des listes de mariage. (57) L’eau est bonne.

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Les SN démonstratifs

Les SN démonstratifs sont des expressions référentielles composées d’un déterminant démonstratif ce/cet/cette/ces suivi d’un nom commun. Ce sont des expressions déictiques ou anaphoriques qui nécessitent le recours à la situation d’énonciation pour être interprétées (Charolles, 2002). En effet, le démonstratif dirige l’attention sur une entité identifiable car immédiatement perceptible dans la situation d’énonciation (geste ostensif à l’oral par exemple) ou venant d’être évoquée dans le discours au moyen d’expressions linguistiques à l’écrit (contrainte d’unification ou matching constraint d’Hawkins, 1978), comme dans l’exemple suivant tiré de Charolles (2002) :

(58) A qui est ce parapluie ?

Les démonstratifs exploitent donc en premier lieu les caractéristiques du contexte matériel dans lequel ils sont employés. À l’inverse des SN définis qui identifient leur objet essentiellement en vertu de la relation lexicale qu’ils entretiennent avec le nom tête du SN (Corblin, 1987c, les qualifie alors d’identifieur), les SN démonstratifs peuvent être qualifiés de reclassifieur (Corblin, 1987c) car ils repèrent un objet en fonction de sa position de proximité (Charolles, 2002). Selon Marandin (1986 : 77), cette proximité induit la présence d’un antécédent avec lequel ils pourraient être mis en relation car « l’interprétation anaphorique d’un SN démonstratif […] requiert l’occurrence effective dans le contexte gauche d’un terme avec lequel [il peut] être mis en relation […] ».

En outre, De Mulder (1997), cité par Charolles (2002 : 120), explique que « contrairement au défini qui appréhende le référent comme unique du fait de la relation qu’il doit entretenir avec un des participants de la scène, le démonstratif implique une rupture avec cette scène ». De cette manière, le démonstratif situe le référent dans le focus d’attention de l’interlocuteur alors qu’il ne l’était pas auparavant, présentant ainsi l’entité comme étant nouvelle, ou la présentant d’un point de vue différent, comme l’explique Charolles (2002 : 121) : « le SN démonstratif installe le référent dans le focus d’attention des destinataires comme une entité nouvelle ou, en tout cas, en faisant abstraction de la représentation que les destinataires peuvent ou pourraient en avoir dans les circonstances où intervient l’échange ».

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