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La place du droit disciplinaire des magistrats du siège dans l’ordre juridique l’ordre juridique

Le droit disciplinaire matériel

Chapitre 3 : Le (concept de) droit disciplinaire des magistrats du siège magistrats du siège

B. La place du droit disciplinaire des magistrats du siège dans l’ordre juridique l’ordre juridique

1. Un droit administratif à caractère pénal

165. — Suivant l’approche décrite ci-dessus, le droit disciplinaire des magistrats du siège peut être considéré comme présentant un caractère répressif, tout en restant formellement rattaché au droit administratif. Comme nous le verrons, cette solution, qui peut être acceptée à tout le moins à titre de pis-aller, commande toutefois certains aménagements, tant au niveau matériel que procédural.

166. — Il conviendra par exemple d’examiner si le caractère de certaines sanctions disciplinaires impose éventuellement d’appliquer, dans les procédures concernées, les garanties matérielles et procédurales du droit pénal267. Nous aurons dès lors l’occasion de revenir, directement ou indirectement, sur la question de la nature juridique du droit disciplinaire des magistrats du siège.

264 Cf. ég. DUGUIT (F ; anc.), p. 470.

265 Comp. LONDERS (B), p. 1, qui, en 2005, émettait le constat d’un glissement de la protection de la cohésion du corps vers « un exercice de la fonction socialement justifié » depuis les dix dernières années.

266 Comp. KERBAOL (F), p. 379 ss, 393, 453 s., qui insiste – de manière erronée selon nous – sur le caractère et la finalité internes au corps de la discipline des magistrats judiciaires ; WALDMANN, p. 97, qui indique que le droit disciplinaire vise davantage le maintien de l’ordre au sein du groupe que le maintien d’un ordre social et la protection des intérêts de la communauté ; LAURIE (F), p. 148, qui indique en substance que le droit disciplinaire n’est pas le droit pénal, que la répression disciplinaire conserve un caractère interne et que les intérêts en présence ne sont pas ceux de la société tout entière. Cf. ég. MCF-DPA, FF 1971 I p. 1017 ss, p. 1023 s., qui indique que les infractions au droit (pénal) administratif sont également condamnables du point de vue de la morale individuelle et sociale.

267 Cf. ég. RUBI-CAVAGNA (F), p. 230, qui relève que l’interprétation des principes du droit pénal en droit disciplinaire n’est pas homogène, ce qui conduit à la présence de garanties amoindries.

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2. L’application du droit pénal administratif (aperçu)

167. — Le droit pénal administratif peut être défini comme étant l’ensemble des règles régissant l’instruction et la répression, par des autorités administratives – juridictionnelles ou non –, d’infractions pénales définies généralement dans des lois ou ordonnances administratives268.

168. — Il nous paraît indiqué d’apporter un éclairage sur la question de l’appartenance du droit disciplinaire des magistrats du siège au droit pénal administratif. En effet, comme on l’a vu, le droit disciplinaire des magistrats du siège se manifeste généralement dans un cadre organique administratif269. Or, si l’on admettait que le droit disciplinaire des magistrats du siège forme un droit de nature pénale, alors ce droit pourrait entrer dans le champ du droit pénal administratif270. Selon cette optique, l’instruction et la répression disciplinaires incomberaient le cas échéant (formellement) à des autorités administratives – juridictionnelles ou non – qui, matériellement, applique(raie)nt des règles – matérielles et procédurales – de droit pénal. L’admission d’une appartenance du droit disciplinaire des magistrats du siège au droit pénal administratif ne serait toutefois pas sans poser de (nouveaux) problèmes.

169. — Au niveau fédéral, la surveillance disciplinaire des magistrats du siège ne fait pas l’objet d’une réglementation spécifique. Des règles sur le droit pénal administratif existent, qui ne sont pas forcément adaptées à cette matière. La loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif (DPA) s’applique lorsqu’une autorité administrative fédérale est chargée de poursuivre et de juger des infractions (art. 1 DPA). Conformément à l’art. 2 DPA, les dispositions générales du Code pénal suisse (CP) seraient applicables le cas échéant aux actes réprimés par la législation administrative fédérale, à moins que la loi fédérale sur le droit pénal administratif, ou une loi administrative spéciale qui primerait sur la loi fédérale sur le droit pénal administratif, n’en dispose autrement. Le Titre troisième de la loi précitée (art. 19-103 DPA) règle la « procédure pénale administrative ».

268 Cf. MCF-DPA, FF 1971 I p. 1017 ss, p. 1028.

269 Cf. MOOR/POLTIER, p. 156.

270 Cf. déjà RICOL (F ; anc.), p. 162, qui, loin d’exclure toute distinction entre le droit disciplinaire et le droit pénal, dégageait néanmoins une tendance : « le droit disciplinaire, tout en ne se confondant pas avec le droit pénal, présente cependant les mêmes caractères. Considérons donc le droit disciplinaire pour ce qu’il est : pour un droit pénal administratif de formation récente et encore incomplète, et que l’évolution créatrice emporte vers une plus grande perfection ». Cf. ég. RICOL (F ; anc.), p. 12.

61 170. — Au niveau cantonal, la surveillance disciplinaire des magistrats du siège est parfois réglementée de manière spécifique. Le cas échéant, les règles matérielles et procédurales applicables ne sont pas considérées comme du droit pénal administratif, mais comme du droit administratif ; elles renvoient généralement aux dispositions cantonales sur la procédure administrative271, voire à la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA) à titre de droit supplétif. Si l’on devait considérer que les dispositions cantonales sur le droit disciplinaire appartiennent (ou devraient appartenir) au droit pénal administratif272, alors ces dispositions devraient renvoyer, à titre de droit supplétif, aux dispositions générales de la loi fédérale sur le droit pénal administratif (DPA) et/ou à la partie générale du Code pénal273, et, le cas échéant, aux dispositions du Code de procédure pénale (CPP)274.

171. — Comme indiqué ci-dessus275, le fait de reconnaître un caractère répressif au droit disciplinaire des magistrats du siège ne signifie pas encore que celui-ci doit être considéré comme appartenant au droit pénal ; par extension, cela ne signifie également pas que les règles matérielles et formelles du droit pénal administratif doivent lui être appliquées. Nous avons choisi de laisser ouverte la question de la nature juridique du droit disciplinaire des magistrats judiciaires ; cela comprend également la question d’un rattachement éventuel de cette matière au droit pénal administratif. Il nous paraît davantage utile, en l’état actuel, de nous concentrer sur les conditions minimales du droit disciplinaire des magistrats du siège. Nous relevons pour le surplus (i) que le droit disciplinaire des magistrats du siège ne s’exprime pas forcément dans un cadre organique administratif et (ii) que les règles spéciales aménagées en matière disciplinaire seraient le cas échéant considérées comme prenant le pas sur les règles générales du droit pénal administratif, de sorte que la portée de la question de l’application du droit pénal administratif au droit disciplinaire des magistrats du siège devrait en tout état de cause être relativisée.

271 P. ex. art. 104 al. 3 LJ/FR et art. 23 RCM/FR ; art. 19 al. 7 LOJ/GE ; art. 69b al. 6 LOJ/JU ; art. 74 LMSA/NE ; art. 88 LOG/TI.

272 Si l’on allait jusqu’à retenir que le droit disciplinaire des magistrats du siège appartient au droit pénal – ce que nous ne soutenons pas (cf. supra, N 158) –, cela impliquerait que les cantons n’auraient pour ainsi dire pas de compétence de légiférer en la matière (cf. art. 335 CP a contrario).

273 Cf. MCF-DPA, FF 1971 I p. 1017 ss, p. 1028.

274 Comp. art. 82 DPA.

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IV. Les garanties conventionnelles et constitutionnelles

applicables

A. Remarques préalables

172. — Les garanties conventionnelles applicables aux contentieux disciplinaires relatifs aux magistrats du siège découlent de plusieurs textes conventionnels. Nous limiterons notre examen, à ce titre, aux (principales) garanties résultant du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 (Pacte ONU II) et de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH) (ci-après, B.). Les deux textes précités produisent des effets directs en Suisse276 et/ou font partie de l’ordre public international277.

173. — Les garanties constitutionnelles applicables en cette matière résultent de la Constitution fédérale du 18 avril 1999 (ci-après : la « Constitution fédérale ») et des 26 constitutions cantonales. Nous limiterons notre examen, à cet égard, aux (principales) garanties découlant de la Constitution fédérale (ci-après, C.). Ces garanties s’appliquent à l’ensemble des magistrats du siège exerçant leurs fonctions en Suisse, que ceux-ci appartiennent à la magistrature judiciaire fédérale ou cantonale.

B. Le Pacte ONU II et la Convention européenne des droits de