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Le droit disciplinaire matériel

Chapitre 1 : La notion de magistrat du siège

F. Le personnel de greffe

51. — Le personnel de greffe comprend l’ensemble des personnes – en principe des agents publics – chargées d’assurer la gestion administrative d’une autorité judiciaire. Il s’agit notamment des greffiers « non rédacteurs », des secrétaires et des apprentis.

52. — Les personnes composant le personnel de greffe sont des membres d’autorités judiciaires qui n’exercent pas d’activité juridictionnelle. Ils n’ont pas la qualité de magistrats du siège75. Ils sont généralement soumis aux réglementations générales sur le statut de la fonction publique – y compris le cas échéant le droit disciplinaire des fonctionnaires76.

IV. Le statut (parfois) spécifique des magistrats du parquet

(excursus)

53. — Les magistrats du parquet composent, aux côtés des magistrats du siège, les magistrats judiciaires77. On constate que les magistrats du parquet sont souvent soumis à un statut spécifique, notamment en matière de surveillance disciplinaire. En effet, comme évoqué ci-dessus, ceux-ci sont généralement placés sous la direction et le contrôle d’un chef hiérarchique (procureur général78)79, lequel est souvent lui-même placé sous l’autorité (d’un membre) du pouvoir exécutif, voire sous l’autorité du pouvoir législatif80. L’existence d’une hiérarchie interne au parquet, de même que, le cas échéant, l’existence d’un droit de regard du pouvoir exécutif ou législatif sur l’activité du parquet, distinguent encore largement, à travers le monde, les magistrats du parquet des magistrats du siège.

54. — En Suisse, les cantons ayant institué un conseil de la magistrature prévoient tous un régime de surveillance disciplinaire commun aux magistrats

75 Cf. p. ex. Cour constitutionnelle belge, arrêt n° 39/2004 du 17.03.2004, consid. B4.3.

76 DUBARLE (D ; anc.), p. 485.

77 Cf. p. ex. art. 409 al. 2 ch. 1 et 2 C.jud./B. A relever que dans le canton de Vaud, le Ministère public n’est apparemment pas considéré comme une autorité judiciaire (cf. MARTY, Rapport, p. 10).

78 Cf. p. ex. art. 9 ss LOAP.

79 Cf. déjà GUICHETEAU (F ; anc.), p. 182 : « la discipline du ministère public n’est point entourée de l’appareil des formes judiciaires ; elle s’exerce administrativement, concentrée tout entière aux mains des chefs hiérarchiques ».

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cantonaux du siège et du parquet81. Au niveau fédéral, le régime de surveillance applicable aux magistrats fédéraux du parquet, même s’il présente parfois des similitudes avec celui applicable aux magistrats fédéraux du siège (cf. p. ex. art. 40a al. 1 let. a et c LParl et art. 26 LOAP, compétence de l’Assemblée fédérale en matière de révocation des juges fédéraux, du procureur général et des procureurs généraux suppléants), reste largement distinct.

55. — Nous pensons en particulier au fait que l’autorité de surveillance du Ministère public de la Confédération, instituée par l’art. 23 LOAP et disposant d’un pouvoir de sanction – limité – en matière disciplinaire (art. 31 al. 2 LOAP)82, ne trouve pas son pendant en ce qui concerne les juges fédéraux. Nous pensons également au fait que les procureurs fédéraux, contrairement aux juges fédéraux, sont partiellement soumis au pouvoir hiérarchique interne des Procureurs fédéraux en chef et du Procureur général de la Confédération et de ses suppléants (cf. art. 13 LOAP, pouvoir du Procureur général de la Confédération et des Procureurs en chef d’édicter des directives et de donner des instructions aux procureurs qui leur sont subordonnés ; cf. ég. art. 20 al. 2 LOAP, compétence de nomination des « autres procureurs » attribuée au Procureur général).

56. — Le Tribunal administratif fédéral s’est récemment prononcé sur la question du rapport hiérarchique au sein du Ministère public de la Confédération. Il a indiqué que « [l]e procureur général de la Confédération

dirige le Ministère public […] et se trouve, vis-à-vis du personnel qu’il a nommé, dans une relation permanente de collaboration et de direction hiérarchique […] » et considéré à ce titre que « [c]’est […] en raison de ce

81 MARTY, Richterzeitung, N 7. Pour plus de détails et pour un aperçu de droit comparé, cf. TALLERI, passim. Cf. ég. la solution adoptée dans le canton de Vaud, qui prévoit l’application par analogie des règles de droit disciplinaire applicables aux magistrats du siège (art. 19 s. LMPu/VD) ; à noter que les « autres procureurs » suivent un régime particulier en tant qu’ils sont soumis au pouvoir disciplinaire du Conseil d’Etat (art. 20 al. 2 LMPu/VD) tandis que le procureur général est soumis à l’autorité du Tribunal neutre à l’instar des juges cantonaux (art. 20 al. 1 LMPu/VD, art. 31c al. 2 LOJV/VD ; sur le régime disciplinaire vaudois, cf. pour le surplus infra, Chap. 6, N 948-972).

82 Les sanctions disciplinaires prévues par l’art. 31 al. 2 LOAP sont l’avertissement, le blâme et la réduction de salaire (cf. ég. art. 16 de l’Ordonnance de l’Assemblée fédérale du 01.10.2010 concernant l’organisation et les tâches de l’autorité de surveillance du Ministère public de la Confédération [RS 173.712.24]). La révocation est de la compétence exclusive de l’Assemblée fédérale, conformément à l’art. 26 LOAP (cf. ég. art. 19 de l’Ordonnance de l’Assemblée fédérale concernant l’organisation et les tâches de l’autorité de surveillance du Ministère public de la Confédération, précitée : l’Autorité de surveillance du Ministère public de la Confédération adresse une proposition de révocation à la Commission judiciaire de l’Assemblée fédérale). Cf. ég. MARTY, Rapport, p. 10 s.

21 rapport permanent de collaboration que le procureur général peut, mieux que n’importe quelle autre autorité, constater d’éventuels dysfonctionnements dans l’activité de son personnel, apprécier l’opportunité de l’ouverture d’une procédure pénale, surveiller l’évolution ultérieure de la situation et prononcer d’éventuelles sanctions disciplinaires »83.

57. — D’une manière générale, on relève que la différence de statut entre les magistrats du siège et les magistrats du parquet provient principalement de la tradition judiciaire française. Sous l’Ancien Régime, les procureurs étaient délégués du pouvoir central et étaient désignés par l’expression « gens du Roy ». Ils étaient déclarés et considérés comme indépendants à l’égard de la magistrature assise84 et ne devaient rendre compte qu’au Roi et à son gouvernement, dont ils relevaient directement85. Par l’intermédiaire des procureurs, le Roi disposait de la faculté de surveiller et contrôler l’ensemble de l’activité de ses sujets, ce qui incluait la surveillance de l’activité des juges86. A l’occasion de la réorganisation judiciaire de 1790, les officiers du ministère public furent déclarés « agens du pouvoir exécutif près les tribunaux »87. En cette qualité, ils étaient chargés de faire observer dans les jugements à rendre les lois intéressant l’ordre général, de faire exécuter les jugements rendus et de veiller au maintien de la discipline dans chaque tribunal88.

58. — Les motifs présidant à une différenciation du régime statutaire applicable aux magistrats du siège et du parquet ne sont plus d’actualité. Les magistrats du parquet ne peuvent notamment plus être considérés comme des « délégués du pouvoir exécutif auprès de l’autorité judiciaire » ; ils devraient pouvoir bénéficier d’une indépendance organique et personnelle comparable à celle conférée aux magistrats du siège89. La différence de régime paraît ainsi,

83 Cf. ATAF 2013/28 du 26.03.2013, consid. 4.4.

84 GUICHETEAU (F ; anc.), p. 125, 183.

85 GUICHETEAU (F ; anc.), p. 129. Cf. ég. Réponse du Roi au Parlement de Grenoble, le 10.09.1777 (cité not. par CARRE [F ; anc.], p. 283 ; DENISART [F ; anc.], p. 290) : « [l]e parlement doit savoir qu’on ne peut mettre en mercuriale mes procureurs généraux sans une permission » (sur l’institution des mercuriales, cf. ég. infra, N 139 s.).

86 Cf. GUICHETEAU (F ; anc.), p. 128, qui se réfère à l’institution des mercuriales, prononcées par le Procureur général (sur l’institution des mercuriales, cf. ég. infra, N 139 s.). Voir encore, aujourd’hui, l’art. 409 al. 1 ch. 5 C.jud./B : « [l]es fonctions du ministère public près le tribunal disciplinaire sont exercées par le procureur du Roi près le tribunal de première instance au siège duquel le tribunal disciplinaire tient ses audiences ».

87 Loi des 16 et 24.08.1790 sur l’organisation judiciaire, Titre VIII, art. 1er.

88 GUICHETEAU (F ; anc.), p. 178.

89 En faveur de l’intégration, en droit ou en fait, des procureurs à l’institution judiciaire : p. ex. MARTY, Richterzeitung, N 7.

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aujourd’hui, résulter davantage d’un décalage évolutif que d’une réelle disparité statutaire90.

59. — Il résulte de ce qui précède que les magistrats judiciaires devraient être régis par un statut commun, à tout le moins en matière de surveillance disciplinaire. Selon nous, les différences statutaires pouvant prévaloir, dans un ordre juridique donné, entre les magistrats du siège et les magistrats du parquet ne sont généralement pas propres à justifier l’institution d’un régime disciplinaire distinct.

60. — Des adaptations et affinements sont (seraient) bien entendu nécessaires, sous les aspects matériel et formel, en cas de régime disciplinaire commun. A ce titre, il convient de relever que la réglementation des comportements, qui se rapporte au droit disciplinaire matériel, est depuis longtemps considérée comme étant largement commune aux magistrats du siège et du parquet91.

61. — Nous notons pour le surplus que la distinction structurelle et fonctionnelle du parquet et du siège, qui vise principalement à séparer les fonctions de poursuite et d’instruction et les fonctions de jugement afin d’éviter une concentration des pouvoirs de poursuite, d’instruction et de répression pénales en main des mêmes magistrats judiciaires92, et qui est également considérée comme étant de nature à protéger l’impartialité des magistrats du siège93, n’empêche en rien l’institution d’un tel statut commun.

62. — Cela étant, afin de ne pas compliquer inutilement la présentation d’une matière qui reste très éparse et dont les jalons théoriques manquent parfois cruellement, nous avons choisi de limiter notre étude à l’examen du régime disciplinaire des magistrats du siège. Une grande partie des développements proposés dans la présente étude pourra toutefois s’appliquer, mutatis mutandis, aux magistrats du parquet.

90 En ce sens déjà : RICOL (F ; anc.), p. 129 s., 135.

91 GUICHETEAU (F ; anc.), p. 129. Pour une étude en droit américain, cf. GREEN/ZACHARIAS

(USA), p. 381 ss.

92 Cf. toutefois la possibilité pour le ministère public de prononcer des ordonnances pénales conformément aux art. 352 ss CPP. Sur la question du statut attribué au ministère public en fonction du stade auquel se trouve la procédure pénale, cf. ATF 138 IV 142, consid. 2.2.

Chapitre 2 : La responsabilité des magistrats du