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L’origine et le développement de la déontologie des magistrats du siège (aperçu) du siège (aperçu)

Le droit disciplinaire matériel

Chapitre 4 : Les infractions disciplinaires

C. L’approche déontologique

2. L’origine et le développement de la déontologie des magistrats du siège (aperçu) du siège (aperçu)

a. L’origine américaine

252. — L’idée de la création d’un code de conduite applicable au pouvoir judiciaire a vraisemblablement émergé aux Etats-Unis au début du XXe siècle. Le premier code réunissant des règles déontologiques applicables aux magistrats du siège, dénommé Canons of Judicial Ethics, a été adopté par l’American Bar Association en 1924391.

253. — En 1990, la même association a adopté l’ABA Model Code of Judicial

Conduct, qui contient des standards de conduite réunis en quatre Canons,

lesquels sont déclinés et détaillés en différentes Rules. L’ABA Model Code of

Judicial Conduct a, depuis, été révisé à cinq reprises ; la dernière version de

celui-ci, l’ABA Model Code of Judicial Conduct 2010, date du 10 août 2010392. 254. — Le préambule de l’ABA Model Code of Judicial Conduct 2010 prévoit que « [t]he Code is intended […] to provide guidance and assist judges in

388 Loi n° 94-100, modifiée par la loi n° 2007-287 du 05.03.2007.

389 Cf. ég. supra, Chap. 3, N 159-162 ; Comp. p. ex. MARKUS (F), p. 21 et passim, qui distingue entre « un code de déontologie entré dans le droit positif et un code qui attend d’y entrer », sans toutefois tirer une telle conséquence de cette distinction.

390 Cf. ég. infra, N 310-317, 360-365 et 369-370 concernant la question de l’admissibilité du renvoi des normes disciplinaires aux règles déontologiques.

391 DI FEDERICO (I), Judicial Accountability, p. 93.

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maintaining the highest standards of judicial and personal conduct […] »393. La portée l’ABA Model Code of Judicial Conduct dépasse toutefois l’aspect déontologique de la régulation du comportement des magistrats du siège. En effet, celui-ci se veut destiné à servir de base à la surveillance et à la répression disciplinaire par le biais des autorités disciplinaires compétentes : « [t]he Code

is intended […] to provide a basis for regulating their conduct through disciplinary agencies »394.

255. — Les travaux réalisés aux Etats-Unis en matière de réglementation du comportement des magistrats du siège ont sensiblement influencé les réflexions sur la déontologie des magistrats judiciaires en Europe. Le Conseil consultatif de juges européens (CCJE)395, dans son avis du 19 novembre 2002, a ainsi indiqué qu’« [e]n ce qui concerne les juges, depuis peu l’on peut observer le

développement des codes éthiques, inspirés des Etats-Unis […] »396.

b. Le développement mondial (i) Les textes nationaux

256. — Le Conseil consultatif de juges européens (CCJE), dans son avis du 19 novembre 2002, a observé que « [l]e plus ancien [code de déontologie en Europe] est le “code éthique” italien adopté le 7 mai 1994 par l’Association

des magistrats italiens […] » et que « [d’]autres pays, tels que l’Estonie, la Lituanie, l’Ukraine, la [Moldavie], la Slovénie, la République tchèque et la Slovaquie ont un "code d’éthique judiciaire" ou des "principes de conduite" adoptés par des assemblées représentatives de [magistrats du siège] […] »397. 257. — La liste des pays connaissant des règles déontologiques applicables aux magistrats du siège est longue, et ne cesse d’augmenter. A titre d’exemple398, nous citerons : (i) en Italie, le codice etico adopté par l’Associazione nazionale

393 ABA MCJC 2010, préambule, par. 3.

394 ABA MCJC 2010, préambule, par. 3 ; cf. ég. Scope, par. 2 et 6 et Rules 2.14, 2.15, 2.16. Cf. ég. DI FEDERICO (I), Judicial Accountability, p. 93 s.

395 Concernant le Conseil consultatif de juges européens (CCJE), cf. supra, n. 44.

396 CCJE, Avis n° 3, par. 41. Cf. ég. DI FEDERICO (I), Judicial Accountability, p. 93.

397 CCJE, Avis n° 3, par. 42 s. Pour un site Internet réunissant différents codes déontologiques rédigés ou traduits en anglais, cf. p. ex. [www.courtethics.org] [consulté le 26.08.2015].

398 Pour le surplus, nous renvoyons le lecteur aux nombreux sites Internet dédiés à cette matière (cf. p. ex. [http://www.deontologie-judiciaire.umontreal.ca/index.html] [consulté le 24.07.2015]). Cf. ég. la liste des codes et instruments nationaux cités dans la note explicative aux Principes de Bangalore (sur ces principes, cf. infra, N 259 s.).

89 magistrati399 ; (ii) en France, le Recueil des obligations déontologiques des

magistrats publié en 2010 par le Conseil supérieur de la magistrature400 ; (iii) au Canada, les Principes de déontologie judiciaire adoptés par le Conseil canadien de la magistrature401.

258. — En Suisse, les magistrats du siège de deux tribunaux se sont dotés il y a quelques années de règles déontologiques : (i) les juges du Tribunal cantonal de Bâle-Campagne ont adopté un Verhaltenskodex en 2004402 ; (ii) les juges du Tribunal administratif fédéral se sont munis d’une Charte éthique en 2010403. Par ailleurs, l’Association suisse des Magistrats de l’ordre judiciaire (ASM) a récemment créé une commission d’éthique, laquelle a débuté ses travaux le 1er septembre 2014. Cette commission vise notamment à « promouvoir la

discussion concernant l’éthique professionnelle des juges et [à] susciter un débat transparent sur les principes éthiques relatifs à la charge judiciaire »404.

(ii) Les textes internationaux

259. — On constate également l’apparition de modélisations déontologiques au niveau international. Les Principes de Bangalore sur la déontologie judiciaire, adoptés par le Groupe judiciaire sur le renforcement de l’intégrité de la justice

399 Version révisée le 13.11.2010 ; consultable à l’adresse [http://www.associazionemagistrati. it/codice-etico] [consulté le 24.07.2015].

400 Consultable à l’adresse [http://www.conseil-superieur-magistrature.fr/files/recueil_des_ obligations_deontologiques_des_magistrats_FR.pdf] [consulté le 24.07.2015]. Cf. ég. supra, N 251 ; infra, N 365. Cf. pour le surplus JOLY-HURARD (F), p. 183 ss.

401 Adoptés en 1998 ; consultables à l’adresse [http://www.cjc-ccm.gc.ca/cmslib/general/news_ pub_judicialconduct_Principles_fr.pdf] [consulté le 24.07.2015].

402 Pour des développements, cf. HUG, p. 11 ss ; RASELLI, Vertreter der politischen Parteien, ch. II.5.4. Cf. ég., dans le canton de Zoug, l’art. 2 al. 1 let. k de la Geschäftsordnung des Kantonsgerichts du 06.09.2012 (RS/ZG 161.111), qui dispose que le plenum du Tribunal cantonal zougois a not. pour tâche : « Erlass eines Verhaltenskodex für die Mitglieder und Ersatzmitglieder sowie Wahl und Abberufung von zwei Kodexverantwortlichen ».

403 Pour une présentation de ce document, cf. CHABLAIS.

404 ASSOCIATION SUISSE DES MAGISTRATS DE L’ORDRE JUDICIAIRE (ASM), Règlement de la commission d’éthique adopté par le Comité de l’association le 19.02.2014, consultable à l’adresse [http://www.svr-asm.ch/jcm/images/pdf/ethik_regl_fr.pdf] [consulté le 24.07.2015]. Nous renvoyons pour le surplus, concernant la Commission d’éthique de l’Association suisse des Magistrats de l’ordre judiciaire (ASM), à STADELMANN, Ethik-Kommission ; TRENKEL/ZUFFEREY FRANCIOLLI.

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à La Haye les 25 et 26 novembre 2002405 et repris par le Conseil économique et social des Nations Unies dans sa résolution du 27 juillet 2006406, constituent un pas essentiel dans le développement de la déontologie judiciaire. Ces principes, à vocation universelle, identifient six « valeurs fondamentales » de la justice : (i) indépendance, (ii) impartialité, (iii) intégrité, (iv) probité, (v) égalité, (vi) compétence et diligence407.

260. — Le projet de principes, établi à Bangalore (Inde) en 2001408, avait été fortement critiqué sur la scène internationale, en particulier en raison du fait que le projet s’appuyait à l’époque sur les travaux de représentants provenant uniquement de pays issus de la tradition de common law et que les principes déontologiques qu’il contenait étaient empreints d’une conception disciplinaire de la réglementation des comportements409. Dans leur version finale, lesdits Principes – à l’adoption desquels ont également participé des représentants des systèmes de droit civil – ne contiennent plus aucune référence directe à la responsabilité disciplinaire des magistrats judiciaires410. Il est uniquement exprimé dans le Préambule, de manière par ailleurs assez peu explicite, que « [l]es Principes […] ont pour but d’établir des normes de déontologie pour les [magistrats du siège]. Ils ont été conçus pour orienter les [magistrats du siège]

et fournir à l’appareil judiciaire un cadre permettant de réglementer la déontologie judiciaire. Ils ont également pour but d’aider les membres du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif ainsi que les avocats et le public en général à mieux comprendre et soutenir l’appareil judiciaire. Ces principes présupposent que les [magistrats du siège] sont responsables de leur conduite envers les institutions compétentes établies pour faire respecter les normes judiciaires, institutions elles-mêmes indépendantes et impartiales, et ont été établis pour compléter les règles légales et déontologiques existantes auxquelles les [magistrats du siège] sont soumis, et non pour s’y substituer ». 261. — Nous pouvons encore citer, parmi les textes déontologiques à vocation internationale : (i) les IBA Minimum Standards of Judicial Independence

405 Les Principes de Bangalore, de même que plusieurs documents dont un commentaire, sont consultables sur le site Internet du Groupe pour l’intégrité judiciaire (Judicial Integrity Group, JIG) : [http://judicialintegritygroup.org] [consulté le 24.07.2015].

406 CONSEIL ECONOMIQUE ET SOCIAL DES NATIONS UNIES (ECOSOC), Resolution 2006/23 du 27.07.2006, E/RES/2006/23 : Strengthening Basic Principles of Judicial Conduct, consultable sur le site [http://www.unhcr.org] [consulté le 24.07.2015].

407 Cf. pour le surplus DI FEDERICO (I), Judicial Accountability, p. 96.

408 CONSEIL ECONOMIQUE ET SOCIAL DES NATIONS UNIES (ECOSOC), E/CN.4/2003/65 (31.01.2003), annexe, consultable sur le site [http://www.unhchr.ch] [consulté le 24.07.2015].

409 Cf. p. ex. EPINEUSE (F), p. 24 s.

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adoptés à Delhi en 1982 par l’International Bar Association (IBA)411 ; (ii) le

Beijing Statement of Principles of the Independence of the Judiciary in the LAWASIA [Law Association for Asia and the Pacific] Region du 19 août 1995 ;

(iii) la Charte européenne sur le statut des juges édictée les 8-10 juillet 1998 sous l’égide du Conseil de l’Europe412 ; (iv) le Statut Universel du Juge adopté le 17 novembre 1999 par l’Union Internationale des Magistrats ; (v) le Code d’éthique judiciaire adopté le 9 mars 2005 par la Cour pénale internationale ; (vi) la Résolution sur l’éthique judiciaire adoptée le 23 juin 2008 par la Cour plénière de la Cour européenne des droits de l’homme ; (vii) le rapport intitulé « Déontologie des juges – Principes, Valeurs et Qualités » adopté le 4 juin 2010 par le Réseau européen des Conseils de justice ; (viii) le Código

iberoamericano de ética judicial adopté en juin 2006 par la Cumbre Judicial

Iberoamericana, puis révisé le 2 avril 2014.

262. — Il convient par ailleurs de mentionner les travaux de la Commission de Venise413.