• Aucun résultat trouvé

L’unification du droit disciplinaire des magistrats du siège

Le droit disciplinaire matériel

Chapitre 3 : Le (concept de) droit disciplinaire des magistrats du siège magistrats du siège

B. L’unification du droit disciplinaire des magistrats du siège

1. « Vers un droit commun disciplinaire ? » (aperçu)

231. — La jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral en matière de surveillance disciplinaire d’une profession ou d’une fonction donnée peut s’appliquer, mutatis mutandis, à d’autres professions ou fonctions soumises à une surveillance disciplinaire. Par ailleurs, comme on l’a vu358, la Cour européenne des droits de l’homme, au niveau supranational, modèle le droit disciplinaire de manière significative par le biais du contrôle jurisprudentiel qu’elle opère sous l’angle des garanties conventionnelles. On assiste ainsi à une certaine uniformisation du droit disciplinaire, en particulier sous l’angle procédural359, par l’effet de l’intervention des tribunaux (supérieurs) mettant en œuvre les textes conventionnels et constitutionnels.

232. — Se pose dès lors la question de la possibilité d’une unification du droit disciplinaire. Les réflexions relatives à la reconnaissance et à la conceptualisation d’un droit commun disciplinaire ont ainsi notamment été (re)mises au goût du jour en France lors d’un Colloque intitulé « Vers un droit commun disciplinaire » organisé en 2005 par le Centre de recherches critiques sur le droit (CERCRID) de l’Université Jean Monnet de Saint-Etienne. Les travaux de ce colloque ont donné lieu à une publication d’importance en

356 En ce sens ég. : DELPEREE (B), RTDH, p. 347 s.

357 TF 1C_638/2012 du 14.01.2014, consid. 9.2 i.f. et les réf. ; cf. ég. TF 1P.652/2003 du 08.02.2005, consid. 6.1 ; 2P.270/2000 du 13.01.2001, consid. 3c/bb ; en ce sens ég. : WALDMANN, p. 121.

358 Cf. supra, N 229.

359 Cf. ég. LE BARS (F), p. 326, qui considère que l’on ne se dirige pas vers un droit commun disciplinaire procédural, mais vers un droit commun procédural (tout court).

79

2007360. On constate néanmoins, à la lecture des contributions dudit recueil, que les auteurs n’ont apparemment pas pu parvenir à une conclusion claire et indiscutable sur la nécessité et le caractère réalisable de la modélisation d’un droit commun disciplinaire.

233. — Il n’apparaît en tout état de cause pas contestable que nonobstant la

convergence en loi de certains principes et garanties applicables en matière

disciplinaire, les règles disciplinaires doivent pouvoir varier suffisamment d’un domaine d’application à l’autre afin de permettre une application adaptée361. Les spécificités362 liées à la fonction de magistrat du siège devraient ainsi, en tout état de cause, être prises en compte (réservées) dans la définition d’un droit disciplinaire unifié363.

2. Vers une unification du droit disciplinaire des magistrats du siège en Suisse ? (aperçu et renvois)

234. — Les considérations proposées ci-dessus nous conduisent à nous interroger sur la possibilité et l’opportunité d’une unification du droit disciplinaire des magistrats du siège en Suisse. Une telle unification pourrait concerner le droit disciplinaire matériel (concept de droit disciplinaire, infractions disciplinaires et sanctions disciplinaires), mais également le droit disciplinaire formel (autorités disciplinaires et procédure disciplinaire) des magistrats du siège, ce tant au niveau fédéral que cantonal.

235. — On pourrait ainsi imaginer une loi fédérale sur la surveillance disciplinaire des magistrats du siège qui comprendrait un système unifié d’infractions et de sanctions (droit disciplinaire matériel). Une telle loi fédérale s’appliquerait en premier lieu aux magistrats cantonaux du siège. En effet, rien ne justifie selon nous de laisser la prérogative de la (non-)réglementation des infractions disciplinaires et des sanctions disciplinaires aux cantons. Elle ne porterait toutefois pas atteinte à la compétence des cantons de nommer ou élire les magistrats cantonaux du siège. Une telle loi fédérale devrait le cas échéant également s’appliquer aux magistrats fédéraux du siège, ceux-ci ne nécessitant

360 Vers un droit commun disciplinaire ?, in : Ancel Pascal/Moret-Bailly Joël (éd.), Saint-Etienne 2007 (F).

361 En ce sens : LE BARS (F), p. 325 s.

362 Cf. not. supra, Chap. 2, N 97-115, passim.

363 En ce sens déjà : GUICHETEAU (F ; anc.), p. 85 ss, qui relevait la diversité des régimes disciplinaires au sein déjà de la magistrature. Comp. KERBAOL (F), p. 382 ss.

80

pas à notre sens un régime de surveillance distinct de celui réservé aux magistrats cantonaux du siège.

236. — Quant aux autorités disciplinaires et à la procédure disciplinaire (droit disciplinaire formel), celles-ci connaissent déjà une certaine uniformisation par le droit supérieur364. Il serait toutefois possible d’aller plus loin dans cette démarche, en particulier par l’instauration d’une procédure disciplinaire unifiée au niveau fédéral365 et/ou par l’institution d’autorités intercantonales chargées, en vertu de concordats intercantonaux366, de l’exercice de la surveillance disciplinaire des magistrats du siège. Dans cette perspective, l’organisation judiciaire serait en tout état de cause réglée au niveau fédéral concernant les magistrats du siège fédéraux ; elle resterait probablement – largement – du ressort des cantons concernant les magistrats du siège cantonaux367.

237. — On peut tracer un parallèle avec la situation qui a prévalu à l’époque de l’adoption de la Loi fédérale du 23 juin 2000 sur la libre circulation des avocats (ci-après : la « LLCA »). En effet, la LLCA a notamment pour objet l’unification du droit disciplinaire matériel et, partiellement, celle du droit disciplinaire formel (cf. art. 1, 12 ss, 34 LLCA). La LLCA énumère de manière exhaustive – il n’y a dès lors plus de place pour des dispositions de droit cantonal en la matière – les règles professionnelles368 auxquelles sont soumis les avocats ainsi que les sanctions attachées à la violation de ces règles369. Le Conseil fédéral, dans son Message, avait précisé que « [p]ar souci de

transparence, il se justifie de ne plus laisser coexister 26 réglementations cantonales différentes – plus dans la forme que dans le fonds [sic] d’ailleurs –, mais de les remplacer par une réglementation claire qui se limite à l’essentiel

[en définissant au niveau fédéral les règles professionnelles relatives à la profession d’avocat] »370.

364 Cf. supra, N 227-230 ; cf. ég. infra, Chap. 6, N 717-758, passim.

365 Ce qui n’empêcherait pas des renvois à d’autres lois procédurales, telle la Loi fédérale du 20.12.1968 sur la procédure administrative (PA). A noter que si l’unification des procédures administratives (cantonales) est un sujet discuté de longue date, not. en doctrine, aucun projet d’unification n’est toutefois prévu à l’heure actuelle (cf. p. ex. MOOR/POLTIER, p. 247 ss).

366 Cf. art. 48 Cst. féd. ; art. 191b Cst. féd., qui prévoit que les cantons peuvent instituer des autorités judiciaires communes. Sur cette question, cf. infra, Chap. 6, N 1137-1154.

367 La procédure administrative – y compris l’organisation judiciaire – est largement unifiée au niveau fédéral (cf. art. 1 à 4 PA), mais reste, au niveau cantonal, de la compétence des cantons. Comp. art. 122 al. 1 et 123 al. 1 Cst. féd., qui consacrent l’unification au niveau fédéral des procédures civile et pénale ; art. 122 al. 2 et 123 al. 2 Cst. féd., qui prévoient que l’organisation judiciaire en matière de droit civil et de droit pénal reste du ressort des cantons.

368 Sur cette notion, cf. infra, Chap. 4, N 347-350.

369 MCF-LLCA, p. 5355, 5368. Cf. ég. TF 2A.448/2003 du 03.08.2004, consid. 3.

81 238. — Nous reviendrons ponctuellement sur la question de l’unification du droit disciplinaire des magistrats du siège dans le cadre des différents chapitres formant la suite de notre travail.