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1.3.1) Stéatose hépatique non alcoolique

L’obésité et ses comorbidités sont associées à des pathologies du foie telles que la NAFLD et la stéatohépatite non alcoolique (non-alcoholic steatohepatitis, NASH). La stéatose hépatique se caractérise par une accumulation excessive de TG et d’AG dans les hépatocytes. En absence d’intervention, la NAFLD peut progresser en NASH, caractérisée par une inflammation et par la destruction des hépatocytes, ce qui peut entraîner le développement de fibrose. La fibrose peut évoluer et entraîner une cirrhose puis un hépatocarcinome. Les NAFLD et NASH sont des maladies potentiellement mortelles dont la prévalence a doublé au cours des vingt dernières années (World Gastroenterology Organisation 2012; Milić, Lulić, et Štimac 2014).

1.3.2) Etiologie de la stéatose hépatique

La stéatose hépatique est une maladie multifactorielle : l’âge, l’obésité, le syndrome métabolique, la sédentarité sont des facteurs de risque. La cause principale de cette maladie

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est un dérèglement du métabolisme glucidique et lipidique hépatique. La résistance à l’insuline, l’action des cytokines et du stress oxydant sont des éléments clés de la pathogenèse (World Gastroenterology Organisation 2012).

Différents mécanismes peuvent expliquer l’accumulation de lipides dans le foie (Milić, Lulić, et Štimac 2014) :

- augmentation de l’absorption des lipides alimentaire ou des AG relargués dans la circulation sanguine après lipolyse dans le TAB ;

- augmentation de la lipogenèse de novo dans le foie ; - diminution de la β-oxydation des AG ;

- diminution de la sécrétion de TG produits par le foie.

Les avancées dans les techniques de chimie analytique permettent d’évaluer l’impact de la NAFLD au niveau du métabolome. Des souris développant spontanément une NAFLD présentent une augmentation des TG, diglycérides, AG, céramides et AG oxydés hépatiques. Ce schéma est aussi présent dans le sérum de ces souris et concorde avec le métabolome du sérum de patients humains atteints de NAFLD (Alonso et al. 2017). Un régime HFD enrichi en cholestérol et acide cholique (présent dans la bile) suffit au développement d’une NAFLD/NASH, sans obésité. Les souris soumises à ce régime présentent une augmentation du cholestérol et des acides biliaires hépatiques mais aussi une altération des profils d’acides gras libres (ou FFA pour free fatty acids en anglais), DG et TG, de phospholipides membranaires ainsi que de métabolites impliqués dans le métabolisme du glucose ou du TCA (Tu et al. 2017). Une NAFLD causée par un régime HFD ou accompagnée de diabète par traitement à la streptozocine et une NASH causée par un régime déficient en méthionine et choline ont été expérimentées chez la souris. Leur métabolome hépatique présente des altérations dans plusieurs voies métaboliques liées aux lipides, aux AA ou à l’autophagie (X.-L. Liu et al. 2017).

1.3.3) Mécanismes épigénétiques impliqués dans la stéatose hépatique

Comme nous l’avons vu précédemment, les mécanismes épigénétiques sont impliqués dans la régulation du métabolisme énergétique. Par conséquent, ils peuvent également contribuer à la pathogenèse de la NAFLD. La méthylation de l’ADN au niveau de gènes du métabolisme 1C (MATD2, AHCY et MAT1A) est modifiée en contexte de stéatose hépatique et

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peut être impliquée dans la mise en place et la progression de la pathologie (Jooho Lee et al. 2017; Eslam, Valenti, et Romeo 2018). La biodisponibilité des donneurs de méthyle tels que la méthionine, la choline ou le folate, peut influer directement sur la bioconversion de la SAM. Cela entraîne une dérégulation du métabolisme de la choline, aboutissant à une accumulation de TG dans le foie (Chew et al. 2011). En contexte de NAFLD chez l’humain, l’ADN au niveau de gènes du métabolisme à un carbone est hyperméthylé et l’expression de ces gènes est réduite. De plus, une hypométhylation est constatée au niveau de gènes de réparation tissulaire, associée à une surexpression de ces derniers (Murphy et al. 2013). Pgc-1α (ou Ppargc-Pgc-1α pour PPAR (pour peroxisome proliferator-activated receptors ou récepteurs activés par les proliférateurs de peroxysomes) gamma coactivator-1α) est un gène majeur de la régulation du métabolisme hépatique dont le promoteur est hyperméthylé chez la souris et l’être humain. De plus le niveau de méthylation de ce gène est associé à l’insulinémie à jeun chez l’être humain (Sookoian et Pirola 2013; Pruis et al. 2014).

Les modifications post-traductionnelles des histones sont aussi impliquées dans les mécanismes de la stéatose hépatique. In vitro, l’exposition d’hépatocytes à des lipides induit une stéatose associée à une surexpression des lysines déméthylases Kdm3b, Kdm5b et Kdm5c. Leurs cibles, H3K4 et H3K9, voient leur profil en triméthylation augmenter ou diminuer au niveau de promoteurs de 16 gènes du catabolisme lipidique (Jun et al. 2012). Chez la souris C57BL/6J, la susceptibilité à développer une NASH est associée à l’hypométhylation de H4K20me3, à une diminution de l’expression de Dnmt1 et Prdm2 (aussi connue en tant que Riz1, la protéine PRDM2 est une lysine méthyltransférase) et à une augmentation de l’expression de Dnmt3a (Pogribny et al. 2009).

L’acétylation des histones, contrôlée par la balance entre KATs et HDACs ou SIRTs, est aussi impliquée dans la stéatose hépatique. La surexpression de la lysine acétyltransférase Kat3b (p300) augmente le niveau de H3K9ac dans la région promotrice du gène codant pour la L-pk. Cela favorise le développement de la stéatose hépatique, de l’insulino-résistance et de l’intolérance au glucose, associé à une surexpression de gènes impliqués dans la lipogenèse et la glucogenèse (Bricambert et al. 2010). Chez la souris, Hdac3 agit dans le foie selon un rythme circadien et régule l’expression de gènes de l’homéostasie lipidique. Une alimentation hypercalorique ou un manque de sommeil entraîne la perturbation de ce rythme, ce qui peut entraîner le développement d’une stéatose hépatique, une résistance à l’insuline et une obésité (Mazzoccoli 2014; Feng et al. 2011). L’acétylation des histones et de protéines non-histones accroit le profil d’expression de gènes lipolytiques, induisant ainsi le développement de NAFLD (Tian et al. 2013). Les Sirts et leur cofacteur, le NAD+, contrôlent des réactions de

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désacétylation ciblant des histones et des protéines non-histones. Ces dernières sont associées aux réponses adaptatives au stress métabolique par leur régulation de l’homéostasie lipidique et de la sécrétion d’insuline (Joo Lee, Friso, et Choi 2014). De plus, la diminution de l’expression de Sirt1 favorise l’évolution de la NAFLD et de la résistance à l’insuline qui y est associée (Jooho Lee et al. 2017). L’alimentation permet l’apport de donneurs de groupements méthyles et acétyles et module ainsi la biodisponibilité de ces composés. La supplémentation alimentaire en donneurs de méthyle, permet de stopper la progression de la NAFLD chez la souris (Dahlhoff et al. 2014). Nous pouvons donc imaginer un effet similaire concernant les donneurs d’acétyle étant donné leur faculté d’atténuation de la fibrose hépatique (Takemura et al. 2018).

De plus en plus de données obtenues sur des modèles animaux ou chez l’être humain suggèrent l’implication de mécanismes épigénétiques dans la déclaration et l’évolution de la stéatose hépatique. Elles suggèrent la participation de l’alimentation et des rythmes circadiens ainsi que l’implication de mécanismes épigénétiques dans l’étiologie de la NAFLD (Jooho Lee et al. 2017; Eslam, Valenti, et Romeo 2018).

Le foie est donc un organe essentiel à la régulation du métabolisme lipidique et glucidique ainsi que de la balance énergétique. Un déséquilibre dans ces processus de régulation peut entraîner le développement d’une obésité ainsi qu’une NAFLD potentiellement évolutive vers la cirrhose puis l’hépatocarcinome. Le bon fonctionnement de cet organe est donc essentiel à la santé et aux fonctions de l’organisme dans son ensemble. Des perturbations au cours du développement hépatique pourraient donc favoriser l’apparition de dysfonctionnements pendant les périodes post-natales ainsi qu’à l’âge adulte et ainsi favoriser l’installation d’une obésité et des comorbidités qui lui sont associées.

2) Développement et fonctions hépatiques in utero

Le foie est un organe central de la régulation métabolique, l’insuffisance hépatique constitue donc un problème de santé majeur. Comprendre comment cet organe complexe se développe durant l’embryogenèse peut permettre une meilleure compréhension des évènements et mécanismes pouvant mener à des défauts de fonctionnement à l’âge adulte. Le processus d’organogenèse hépatique est étudié notamment chez la souris et l’être humain.

A. Représentation en vue sagittale de la portion céphalique de l’embryon de souris à E8.25 faisant apparaître l’endoderme hépatique (EH, en vert) primitif. La convergence du mésoderme cardiaque et du septum transversum (ST, en mauve) est requise à la spécification hépatique. B. À E8.75, les cellules endothéliales (CE, en orange) entourent l’EH, ce qui initie un processus de bourgeonnement dans le ST. Les CE contribuent à la spécification hépatique. C. À E9, l’EH se pseudostratifie. D. À E10, les cellules endodermiques hépatiques (hépatoblastes) prolifèrent et migrent dans le ST pour former le bourgeon hépatique. Les CE sont aussi nécessaires à la formation du bourgeon. Les cellules progénitrices hématopoïétiques commencent à migrer pour établir l’hématopoïèse hépatique fœtale. Figure 20. Etapes aboutissant à la formation du bourgeon hépatique

Adapté de Gordillo et al., 2015

Souris (jours) Humain (jours)

Endoderme 7.5 < 23

Diverticulum hépatique :

spécification des hépatoblastes 8.5 - 9.0 23 - 26

Bourgeon hépatique : migration et

prolifération des hépatoblastes 9.5 26 - 32

Excroissance du bourgeon hépatique : prolifération des hépatoblastes et expansion des

sinusoides

9.5 - 14.5 31 - 56

Différentiation en hépatocytes et

cholangiocytes 13.5 (initiation) - 18.5 (arrêt) 56/58 (initiation) - ≈ 210 (arrêt)

Durée de la gestation 18-19 266-280

Tableau 3. Développement hépatique chez la souris et l’humain

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