• Aucun résultat trouvé

3.2.1) Effets de la physiologie maternelle sur l'hypothalamus

La revue de la littérature faite par Dearden et Ozanne est très complète, et outre l'obésité maternelle induite, plusieurs aspects de la physiologie maternelle y sont explorés, sur différents modèles (Dearden et Ozanne 2015).

Le diabète maternel induit par l'alimentation ou par traitement chimique (streptozotocine) a des effets néfastes au cours de la gestation ainsi qu'au cours de la lactation. Une mauvaise programmation et une désorganisation des systèmes de neurones oréxigéniques et anoréxigéniques sont observées avec des défauts de connections entre différents noyaux hypothalamiques (en particulier du NA vers les autres noyaux) (Tableau 4). De plus, l'expression de différents gènes est altérée dans l'hypothalamus, en particuliers les gènes de neuropeptides impliqués dans la régulation alimentaire (AgRP, NPY, α-MSH, norepinephrine, dopamine) (Tableau 4). Chez le poulet, une hyperglycémie transitoire au cours de la gestation peut à elle seule diminuer la sensibilité neuronale au glucose et modifier l'expression de transporteurs du glucose (Tableau 4) (Tzschentke et al. 2015). Ceci peut conduire à des défauts de réponse à l’hyperglycémie par exemple.

L’hyperleptinémie constatée chez les mères obèses peut entraîner une résistance à la leptine chez la descendance. Une injection de leptine à ces descendants après le sevrage échoue à faire réduire la consommation alimentaire, ce qui révèle une altération dans le contrôle du comportement alimentaire, induit par l’obésité maternelle (Kirk et al. 2009). Cette hyperphagie est associée à une diminution du nombre de connections AgRP du NA vers le PVN.

Le rôle des neurones AgRP a été étudié en détail par Denis et al., en utilisant différents modèles d’ablation de ces neurones. Ainsi, lorsque l’activité des neurones AgRP est altérée, le comportement alimentaire est en partie assuré par des réponses liées aux circuits de réponse émotionnelle au stress. Les comportements alimentaires sont alors modulés par l’appétence alimentaire et la signalisation de la dopamine (Denis et al. 2015). Suite à ces modifications neuroanatomiques, les comportements alimentaires pourraient être graduellement contrôlés par l’hédonisme alimentaire et le circuit de la récompense, avec la participation des signaux orosensoriels qui informent du potentiel hédonique de la nourriture (Figure 40) (Denis et al. 2015).

Figure 40. Contrôle de la prise alimentaire par les neurons AgRP

En condition normale, l’action des neurones AgRP régule la prise alimentaire via leur action oréxigénique, lié statut métabolique de l’organisme. En l’absence de ces neurones, la prise alimentaire est contrôlée par les signaux émotionnels, olfactifs et visuels, activant le circuit de la récompense (ATV, Nacc, Striatum), ce qui favorise les comportements alimentaires hédoniques.

NA – noyau arqué ; Nacc – noyau accumbens ; NPV – noyau paraventriculaire ; AHL – aire hypothalamique latérale ; ATV – aire tegmentaire ventrale ; NTS – noyau du tractus solitaire

82

La physiologie maternelle a donc un impact important dans la mise en place des circuits hypothalamiques de la régulation alimentaire, au niveau de la sensibilité aux nutriments mais aussi dans les comportements alimentaires.

3.2.2) Impact de la nutrition hyperlipidique maternelle sur l'hypothalamus

La nutrition maternelle hyperlipidique impacte non seulement la santé de la mère, mais peut aussi agir sur les fonctions cérébrales de la descendance, en particulier les systèmes neuroendocriniens (E. L. Sullivan et al. 2015; Contu et Hawkes 2017). Un lien entre excès de lipides, inflammation, modification des circuits hypothalamiques et altérations métaboliques ayant été mis en évidence, plusieurs modèles animaux ont été mis en place pour étudier l'impact d'un régime hyperlipidique maternel sur le développement et les fonctions hypothalamiques, du fait de leur importance dans le contrôle de la prise alimentaire. Les modèles de rongeurs sont néanmoins les plus répandus.

Différentes fenêtres d'application du régime ont été étudiées du stade préconceptionnel au stade post-sevrage. Elles mettent en évidence des modifications de la dynamique et de l’architecture cellulaire, des modifications neurochimiques et géniques dès le stade fœtal avec des répercussions comportementales à différents âges et sont résumées dans le Tableau 4.

Au cours de la gestation, le HFD maternel stimule la prolifération cellulaire, modifie la neurogenèse et augmente la migration neuronale vers certains noyaux hypothalamiques tendant à favoriser un phénotype orexigénique (Chang et al. 2008). Ceci est associé au stade néo-natal à une modification d'expression de gènes impliqués dans la maturation des cellules souches neuronales (Chang et al. 2008; Yu et al. 2014). Le nombre de neurones est impacté par le HFD maternel, et on assiste aussi à une diminution des connections intra-hypothalamiques en cas d'obésité maternelle induite, en particulier les projections depuis le NA. Ces effets sont visibles chez la souris dès la gestation tardive où des mécanismes de signalisation sont perturbés (Sanders et al. 2014), mais aussi à l’âge adulte, où ces réductions de projections sont retrouvées (Vogt et al. 2014). Certains effets persistent dans la période juvénile comme montré chez les macaques (Elinor L. Sullivan et al. 2017). Chez la souris, une augmentation de la prolifération des astrocytes, cellules régulatrices des apports énergétiques au neurones, est observée dans le NA (D. W. Kim et al. 2016). Enfin, des atteintes mitochondriales ont été récemment mises en évidence, chez le rat, par ultrastructure et analyse de l’expression de gènes dans l’hypothalamus suite à un régime HFD (Cardenas-Perez et al. 2018).

83

Au niveau moléculaire, l'impact hypothalamique du régime HFD maternel a été étudié chez la descendance en cours de gestation et jusqu'à l'âge adulte. Plusieurs expérimentations ont démontré une modification de l'expression de gènes liés au contrôle de la prise alimentaire, en particulier ceux de neuropeptides orexigéniques (NPY, AgRP) et anorexigéniques (POMC, α-MSH, CART). Leur expression est modifiée à l'état basal, mais aussi en réponse à un challenge lipidique ou glucidique (Tableau 4) (H. Chen, Simar, et Morris 2014; Page et al. 2009)). Il est aussi rapporté une modification d'expression de gènes du métabolisme glucidique (LepR, mTOR, GLUT1) ou de la signalisation associée à cette régulation (diminution de la phosphorylation de STAT3) (Tableau 4) (Franco et al. 2012; Férézou-Viala et al. 2007). Enfin, une dérégulation de la signalisation via les endocannabinoides a été récemment associée à la programmation métabolique de la descendance (Dias-Rocha et al. 2018).

De manière intéressante, l'obésité maternelle (hyperlipidique ou "junk food") entraîne une modification du comportement alimentaire chez la descendance. Il s'agit principalement d'une augmentation de la préférence alimentaire pour les aliments gras et/ou sucrés, associés à une augmentation de la fréquence et de la durée de consommation alimentaire (Tableau 4). Ces modifications du comportement sont associées à une dérégulation du système de récompense, qui se traduit par une augmentation des niveaux de sérotonine et de dopamine dans l'hypothalamus (Tableau 4) (Wright et al. 2011; Denis et al. 2015). Elles sont aussi démontrées au niveau mésolimbique, le noyau accumbens présentant une altération de l'activation de ces systèmes en réponse à divers stimuli, dont la nourriture (Tableau 4).

Enfin, les systèmes de détection et d'activation neuronale par les nutriments sont impactés par le régime hyperlipidique maternel, mais aussi par une hyperalimentation néonatale. Cela peut passer par un défaut de détection des nutriments (post-sevrage) ou un switch d'activation à inhibition en réponse à un stimulus et un défaut de décharge neuronal (âge adulte) (Tableau 4). Les travaux de Peleg-Raibstein et al. ont mis en évidence une hyperphagie en cas de présentation de nourriture à fort potentiel appétant, tel qu’un régime HFD ou une eau sucrée, ainsi qu’une augmentation des comportements d’abus de substance telle que l’alcool ou la cocaïne (D Peleg-Raibstein et al. 2016). Les niveaux de dopamine sont réduits chez les descendants exposés au régime HFD maternel, tandis que le nombre de récepteurs à la dopamine est augmenté. Cela peut indiquer une désensibilisation dans le rétrocontrôle du circuit de la récompense qui favorise les comportements d’abus ou hédoniques.

Figure 41. Rôle de l’obésité et du régime maternel dans l’augmentation du risque de troubles

neuro-psychiatriques chez la descendance

L’obésité maternelle, associée au régime WSD, induit des altérations du développement cérébral. En période post-natale, les altérations du comportement maternel (type « high-licking grooming » ou « low-licking grooming ») peuvent perturber le développement cérébral des descendants. Ensemble, ces facteurs participent à déréguler la signalisation mélanocortine-dopamine-sérotonine, participant à la dérégulation de l’appétit et à l’altération des comportements sociaux.

84

Chez le primate non humain, un régime HFD maternel entraîne une diminution d’expression et de production d’AgRP au 3ème trimestre et augmente l’expression des récepteurs à POMC et MC4 dans le NA, ce qui peut expliquer les changements de régulation de l’appétit observés pendant la période post-natale. De manière intéressante, l’exposition gestationnelle et post-natale à un régime HFD entraîne de plus une diminution des connexions AgRP du NPV (Grayson et al. 2010) persistant dans la période juvénile (Elinor L. Sullivan et al. 2017). L’ensemble des informations recueillies dans des modèles de primates non humain démontre que l’hyperalimentation maternelle au cours de la gestation et de la période périnatale est un acteur majeur de troubles neurologiques et métaboliques pouvant conduire au syndrome métabolique à l’âge adulte (Figure 41) (Friedman 2018).

3.3) Effet de l’environnement maternel sur le développement de la sphère